J’ai demandé la permission de me lever et je suis allée m’asseoir sur le tapis, avec Narcissa, pas loin de l’arbre de Noël. Il est bien décoré : tout en noir, il y a des guirlandes vertes et argent, des petits serpents phosphorescents qui gigotent, des chauves-souris argentées et de vraies araignées ensorcelées, condamnées à ne pas bouger de leurs branches. C’est amusant de voir comme elles se tortillent dans tous les sens, prisonnières de leur propre toile. C’est vraiment drôle comme elles se démènent ces petites bestioles. C’est dommage qu’elles ne crient pas. J’aurais voulu les entendre couiner, mais aucune des grandes personnes n’a voulu jeter le sort pour les doter de la parole. Dommage. Je voudrais jouer à arracher les ailes des fées que Père a attachées au sapin. Mais je n’ai pas le droit d’approcher de trop près. Ils ont peur que j’aille déballer les cadeaux en cachette.
J’espère que ce ne sera pas encore une poupée ! Les poupées, j’en ai marre, c’est pas drôle, ça ne vit pas. Quand j’arrache leurs yeux ou quand j’enfonce des aiguilles dans leur ventre, elles ne disent rien, elles ne crient pas, elles ne font même pas de grimaces. J’ai déjà demandé à Cissy, ma petite sœur, de crier à leur place, pour faire semblant. Elle le fait un petit peu, pour me faire plaisir, mais pas longtemps, et puis elle s’en va.
Ça y est ! Andromeda a demandé la permission de quitter la table, on va pouvoir jouer. Depuis qu’elle va à Poudlard, ma grande sœur n’est plus pareille. Elle ne veut plus jouer avec moi, comme avant. Elle ne veut même pas me prêter sa baguette. Elle dit que je ferais des bêtises avec ça et que ce serait elle qui serait punie à ma place. Dire que je dois encore attendre un an, avant d’en avoir une. C’est pas drôle.
Et puis aller à Poudlard, c’est pas franchement la joie. Il faut prendre le même train que ces saletés de Sang de Bourbe. Beurk ! Avant, les sorciers pouvaient y aller comme ils voulaient : par la cheminée, en balai, sur un abraxan, un sombral, ou même un dragon. Mais il y a un cerveau ramolli au Ministère qui a obligé tout le monde à prendre le même train. Tout ça, à cause de ces sales Moldus qui pouvaient nous voir. On n’a qu’à les tuer tous, on sera bien plus tranquilles ! Non mais c’est vrai, enfin !
Andromeda s’est assise près de nous.
— À quoi est-ce qu’on joue? que je demande.
— À quoi tu veux qu’on joue ? qu’elle répond.
— Si tu jetais un sort aux fées et que...
— Oh toi, avec tes sorts aux fées ! qu’elle me dit avec un air que je l’ennuie. Non ! Je ne jette pas de sorts aux fées, elles vont crier, ça fait mal aux oreilles et puis Tante Walburga ne sera pas contente et c’est elle qui va crier. Il y a quand même des sorts beaucoup plus amusants que d’embêter les fées, non ?
— Quoi ? que je lui demande.
— Ben, ... je ne sais pas... faire voler des choses à travers la pièce.
— Pff ! ... C’est pas drôle !
Du coup, Andromeda se lève, elle prend sa baguette et elle jette des sorts. Elle soulève des vases et elle les promène dans l’air, un peu partout. Je ne vois pas ce que ça a de rigolo. Kreattur en fait autant. Alors, je me lève aussi et j’essaie de lui chiper sa baguette. Andromeda n’est pas beaucoup plus grande que moi, mais elle ne se laisse pas faire. Je saute, je la pousse, mais elle s’en sort toujours. Et cette bécasse de Narcissa la regarde avec des yeux de bovin. Qu’elle a l’air bête ! Et elle se gondole, en plus, cette oie ! Non, mais regardez-moi cette face de nigaude !
J’envoie un coup de pied à ma chère grande sœur chérie. Et, elle, elle me tire les cheveux. Seulement voilà, elle n’a plus tenu sa baguette et le vase est tombé ! C’est bien fait ! C’est bien fait ! C’est vraiment drôle. Je sautille, je rigole. Mais Tante Walburga, elle n’est pas contente. Elle se lève, les poings sur les hanches.
— Le beau vase de Tante Hester ! Petites sottes ! Ecervelées !
— Répare-moi ça tout de suite ! que Père, il lui crie. Et fais tes excuses à ta tante !
Andromeda s’excuse et puis elle jette un sort pour réparer le vase. Bon, ben, ce n’était pas la peine de se mettre en colère, alors, puisqu’on peut le réparer comme ça, avec un sortilège. Ça me donne une idée de jeu : on pourrait casser, réparer, casser, réparer. Réparer de travers que tout serait à l’envers. C’est bête qu’Andromeda n’y ait pas pensé.
— Les deux petites, à la nurserie ! que Mère crie. Si vous pensez que je n’ai pas vu votre petit jeu, vous vous trompez. Surtout toi, Bellatrix.
— Oui, Mère, que je réponds en baissant les yeux.
Au fond, je suis bien contente. On va pouvoir faire ce qu’on veut sans qu’on nous voie et ça, c’est sensationnel ! Donc, Cissy et moi, on part à la nurserie. C’est une pièce où on peut jouer et faire tout ce qu’on veut, tant qu’on ne se fait pas prendre et que personne ne le sait. Mais Cissy, elle ne moucharde jamais. Elle a intérêt, sinon, je lui ferais des crasses.
— On joue à la poupée ? qu’elle me demande.
Narcissa, elle est encore petite, elle a huit ans. On l’appelle Cissy, à la maison. Moi j’ai dix ans et l’an prochain, je rentre à Poudlard, j’aurai ma baguette magique à moi et j’irai à Serpentard. Et je verrai enfin à quoi ça ressemble, parce que tout le monde me raconte des calembredaines. Oncle Alphard dit que les rideaux sont en peau de serpents, mais Mère dit que ce n’est pas vrai, mais que les lits sont en os de dragon. Et quand je vois comment Andromeda, elle rit, quand ils disent ça, je parie que ça doit être des bêtes lits normaux. J’aimerais vraiment savoir à quoi ça ressemble.
Bon, je vais quand même un peu jouer, à la poupée avec Narcissa, pour en être quitte. Mais ce n’est pas tellement amusant. Je m’ennuie très vite. J’ai envie d’aller voir par la fenêtre ce qui se passe dehors. Il fait noir, la lune brille dans le ciel. C’est chouette, moi, j’ai envie de sortir. J’ai juste besoin d’un manteau. C’est simple : je le veux très fort et il arrive tout seul. Ce qui m’embête, c’est que Narcissa veut venir avec moi. Tant pis. On ira à deux, il faudra bien que je l’emmène. Pour sortir, on n’ira pas par la porte. Les grandes personnes pourraient nous entendre. Sortir par la fenêtre, ce n’est pas difficile quand on est sorcière. On a juste besoin d’une corde ou bien quelque chose qui ressemble à une corde et qu’on peut allonger, par exemple.
J’ai juste allongé la cordelière qui tient les rideaux. Et je l’ai épaissi aussi pour qu’elle soit plus solide. Après, on a attaché la corde au pied du lit et on est descendu par la fenêtre et puis on a marché. C’est amusant de marcher dans le noir, dans la neige. La lune n’est plus vraiment pleine, mais on y voit quand même assez clair pour avancer. Et on va loin de maison, j’ai un peu peur, mais je ne le montre pas. Et puis c’est gai de faire des choses qu’on ne peut pas. On arrive dans une rue avec des petites maisons. Des tanières de Moldus, ces sales animaux. Ce chancre de la société, comme dit Tante Walburga. Des créatures qui ne devraient même pas avoir le droit d’exister. Il y a de la lumière dans ce trou à rats. On regarde par le carreau.
— Tu as vu, Cissy ? que je lui dis. C’est plein de Moldus.
— Ils font quoi ? qu’elle demande.
— Ben, ils font une fête de Noël, mais en minable.
— Tu as vu, Bella, comme il est hideux leur sapin ? qu’elle dit en riant. Ils n’ont même pas de fées ! Et ces boules de toutes les couleurs ! Beurk ! Quel mauvais goût. C’est répugnant comme une face de crapaud.
— Même des Pitiponks seraient plus jolis.
— Qu’est-ce qu’ils ont mis pour faire de la lumière ? Oh ! Des bougies !
— Regarde-moi ça, comme ça fume, que je lui dis.
— Ça doit empester, là-dedans.
— Normal ! Ce sont des Moldus, donc des cochons. Et les cochons, on les enfume. Tiens, ça me donne une idée !
— Laquelle, d’idée ? qu’elle me demande.
— Et si on brûlait leur maison ?
— Oh oui ! qu’elle répond Cissy, ça, c’est une bonne idée. Mais comment est-ce qu’on va faire ? On n’a pas de baguette magique ?
— Pas besoin ! On fait comme pour les manteaux : on le veut très fort toutes les deux. Et tu vas voir, toute la maison va prendre feu.
— Ces sales Moldus vont tous rôtir comme des cochons qu’ils sont !
— On les mettra pendre au plafond comme des jambons !
— Beurk ! Tu es dégoûtante, Bella. Tu mangerais du Moldu, toi ? Je n’en donnerais même pas une tranche à un elfe de maison.
— Tu as raison, Cissy, on en nourrira les hippogriffes ou les serpents ! que je lui dis. Oui, on va engraisser les serpents avec du rôti de Moldus. Youpie !
Narcissa est très contente de mon idée. Elle trépigne. Moi, je me retiens. J’attends de voir la suite. Nous deux, Narcissa et moi, on regarde très fort le sapin avec ses stupides bougies minables. Les flammes grandissent petit à petit. Une branche fume puis elle s’enflamme. Youpie ! On a réussi ! Le sapin a pris feu, la-la-lè-reu et les Moldus n’ont rien vu, na na na. Je sau-te de joie, tralala ! Ah ! Les Moldus commencent à crier. Sensass ! La maman hurle, la petite fille pleure, c’est épatant ! Génial, ils toussent, ils s’enfument, ils s’étranglent. Comme je m’amuse, je n’ai jamais rien vu de si drôle ! Et le papa s’affole, il court dans tous les sens, il ne sait plus quoi faire. Je suis impatiente de sentir l’odeur de chair brûlée. Je suis morte de rire, j’ai mal au ventre et aux joues, tellement je m’amuse.
AÏE ! Qui m’a tiré l’oreille et que je n’ai pas entendu venir ? Enfer et bavacrapaud ! C’est Oncle Orion. Il nous a retrouvées.
— Que faites-vous là, toutes les deux ? qu’il dit.
Il n’a pas l’air content, l’Oncle Orion
— Mais Oncle Orion, on regardait juste la maison des Moldus qui brûlait, qu’elle dit Narcissa.
— Qui vous a permis de sortir, comme ça, en pleine nuit ? Allez, on rentre ! qu’il crie mon oncle.
Il nous prend toutes les deux contre lui et il transplane à la maison. Je n’aime pas ça, j’ai mal au cœur. Narcissa remet tout son souper. J’essaie de me retenir, parce que l’odeur, ça me donne envie de faire pareil. Mère n’est pas contente du tout. Une si jolie robe noire aux ferrets d’argent et puis il y a du vomi partout. Je pince mon nez. Tante Walburga me donne un verre d’eau avec des gouttes dedans, pour faire passer tout ça. Heureusement que Kreattur vient vite tout nettoyer. Et puis Andromeda est trop contente de pouvoir sortir sa baguette et de jeter des Tergeo sur les vêtements de Narcissa.
Père est furieux et paf ! paf ! Je me prends deux gifles en pleine figure. De toute façon, ça m’est égal, voilà ! Tant que les Moldus meurent brûlés vifs, ça vaut bien deux claques.
— La première, c’est pour être sortie sans permission en entraînant ta sœur! qu’il crie. Et la deuxième, c’est pour avoir fait des bêtises un jour où mon ami Rosier est en congé et ne peut pas nous couvrir au Ministère.
Ça m’est égal ! Ça m’est parfaitement égal ! Je m’en fiche ! Cela m’indiffère au dernier point ! La maison des Moldus a pris feu et le reste, ça n’a pas d’importance. Voilà ! Je n’ai plus envie de rendre. Les gifles m’ont remis l’estomac à l’endroit. De toute façon, la maison des Moldus a brûlé et eux avec, comme des cochons qu’ils sont. Ça, c’est un vrai cadeau de Noël.
Le lendemain matin, c’est Noël. Kreattur nous fait lever, il prépare nos vêtements, nos jolies robes noires et argent avec des passements verts. On a oublié les mauvais souvenirs du jour d’avant. Quand j’arrive au salon, je vais dire bonjour à mes parents, à Grand-Père et Grand-Mère et à mes oncle et tante. En passant, je regarde bébé Sirius qui dort dans son berceau et je profite que ma tête est cachée par les rideaux pour lui tirer la langue. Tante Walburga lit le journal, elle n’a rien vu.
— Bonjour Tante Walburga !
— Bonjour ma Bella.
— Il y a de bonnes nouvelles dans votre journal, ma tante ?
—... Mm, ... la masure d’une famille de Moldus a brûlé cette nuit, à quelques pâtés de maisons d’ici, qu’elle dit, d’un air satisfait.
— Et ils sont morts ? que je lui demande, pleine d’espoir.
— Non, ils ont survécus. Ces rats ont réussi à s’en sortir.
— Oh ! C’est pas drôle ! C’est pas drôle ! que je crie en tapant du pied.
— Ne parle pas négligé, Bella, qu’elle dit, Tante Walburga. Ce n’est pas drôle. Enfin, si ça peut te consoler, leur chien est mort brûlé vif.
— Bien fait pour lui. Ça lui apprendra, à servir des Moldus.
— Et ils sont tous à l’hôpital avec des graves brûlures.
— Ça, c’est une bonne nouvelle, que je lui dis.
Oncle Alphard se racle la gorge. Par Hécate, ce qu’il peut être exaspérant, par moment.
— Voyons, Bella ! Ce n’est pas très gentil, ce que tu viens de dire là.
— Gentil ?! qu’elle dit Tante Walburga. Mais enfin, Alphard ! Qu’est-ce qui te prend ? Tu ne vas tout de même pas la blâmer de ne pas aimer les Moldus ?
— De là à se réjouir de leur malheur, il y a un pas que je ne franchirais pas, Walburga.
— Toi et tes scrupules ridicules, qu’elle dit ma tante. Un jour, ça te perdra.
— Allons, c’est Noël, vous n’allez pas vous disputer, qu’il a dit Père. Le repas est prêt, tout le monde est là, nous pouvons passer à table.
— Et les cadeaux, Père ? que je lui demande.
— Tout à l’heure, Bellatrix ! Tout à l’heure ! Le jus de citrouille va refroidir.
Je parie que c’est parce qu’on est partie en cachette qu’on n’a pas le droit d’aller chercher nos cadeaux tout de suite. Du coup, Andromeda n’en a pas le droit non plus. Mais ça a l’air de ne lui faire grand-chose. C’est une grande, maintenant, Andromeda.
Comme tous les Noëls, Kreattur nous a préparé plein de bonnes choses. Mais moi, je n’ai jamais très faim, j’ai vite fini et il faut que j’attende avant de sortir de table. C’est interminable ! C’est difficile de rester assise sans bouger. Mais comme dit Tante Walburga : il faut tenir son rang. Enfin, on peut se lever. On retourne au salon, et on peut déballer ses cadeaux, chacun à son tour.
Cissy passe en premier, parce que c’est la plus jeune. Mais Mère n’attend pas qu’elle ait déballé son paquet pour me donner le mien. Chic ! on peut les ouvrir toutes les deux en même temps. Formidable ! Je suis contente ! Je suis contente ! Je suis contente : ce n’est pas une poupée ! C’est un crâne ! Et pas n’importe quel crâne: c’est un crâne enchanté. Il suffit de prononcer l’une ou l’autre formule et zoup ! il ouvre la mâchoire, claque des dents, avance tout seul, toutes des choses très amusantes. Et en plus, il est phosphorescent, on le voit dans le noir.
Et ce n’est pas tout, il y a d’autres paquets : un livre avec des sorts élémentaires, des recettes de potion et de belles histoires sur les Sangs-Purs. Et puis j’ai aussi une petite boîte en marqueterie, avec les armes des Black, on dirait un écrin à bijoux, ou presque. Et qu’est-ce qu’il y a dedans ? Un ser-pent ! Youpie ! Chic alors ! Pas un vrai, un en bois, avec toutes ses articulations, on dirait qu’il vit tellement qu’il est bien fait. Et il bouge tout seul aussi, il obéit à ma voix : ouvre la gueule, tire la langue, rampe, attaque ! C’est super formidable, c’est tout ce que je voulais. Et puis il y a encore une autre boîte avec trois petites araignées en peluches, noires, velues, avec huit gros yeux. Et c’est comme pour le serpent : elles sont ensorcelées. Youpie ! Je suis contente ! Je suis contente ! Je suis contente !
C’est le plus beau Noël de ma vie ! Je vais vraiment pouvoir m’amuser avec tous ces cadeaux. J’espère que Père me donnera la permission d’aller jouer avec ma panoplie, ce soir, à faire peur aux sales petits Moldus.