La mâchoire de la petite Rose, tout juste âgée de six ans, se décrocha. A ses cotés, Albus avala son chocolat de travers, et ce fut Freddie qui lui tapota le dos afin d'éviter qu'il ne s'étouffe, chose fort dommage en un soir de Noël.
- T'es qu'un menteur ! cria Lily d'une voix fluette. Le père Noël, ça existe, sinon y'aurait pas de cadeaux !
- C'est les parents qui offrent, idiote !
Les enfants étaient réunis dans le salon du Terrier, leurs visages éclairés par les lumières vacillantes des bougies, et par les guirlandes magiques qui changeaient de couleur. Le sapin se tenait dans un coin, grande masse un peu chancelante, et en face de lui, le feu dans la cheminée crépitait. On entendait les rires des adultes dans la cuisine, ainsi que des bruits de couverts.
- N'écoutez pas James, intervint Teddy. Il est juste énervé car il n'a pas été sage cette année, et le Père Noël sera moins généreux avec lui !
- Non, le Père Noël n'existe pas ! C'est mon copain Luke qui me l'a dit ! Le Père Noël, c'est pour les bébés, et puis de toute manière, vous verrez quand vous serez à Poud... Aaaargh !
James chuta lourdement de l'accoudoir du canapé sur lequel il était perché suite à un très joli tir de coussin de la part de Roxanne, déclenchant les rires de l'assemblée et les gémissements de James, et attirant les adultes.
- Qu'est ce qui se passe ici ? s'exclama la tante Audrey.
Avec moult détails, James raconta comment Roxanne l'avait sauvagement attaqué, et comment aucun de ses cousins n'avait levé un petit doigt pour le secourir de cette furie de Weasley. Pour finir, Roxanne fut punie par sa mère, et les plus petits – Molly, Lucy, Dominique, Lily, Hugo et Louis – furent envoyés au lit. Les survivants au tri – Victoire, Louis, Teddy, Roxanne, Freddie, Rose, Albus et James – furent très honorés de pouvoir passer cette veille de Noël comme les grands. Cependant, Albus semblait préoccupé et ne participait pas à la conversation pourtant passionnante qui portait sur le dernier numéro du Moldu Fou. Rose tira sur la manche de son cousin et se pencha vers lui pour que personne d'autre n'entende.
- Qu'est ce qu'il y a, Albus ?
Albus se mordit la lèvre et remonta ses petites lunettes carrées sur son nez, ce qui lui donnait un air particulièrement sérieux.
- Tu penses que James a raison, Rosie ? Que le Père Noël n'existe pas ?
- Bien sûr que non ! James ne raconte que des bêtises ! Freddie dit tout le temps que ce n'est qu'un... Qu'un...Qu'un idiot ! Et puis, c'est mon papa qui m'a dit que le Père Noël existait, et les papas, ils ont toujours raison. Ce n’est pas des bons papas sinon.
- Mais quand même... James est plus grand. Il sait plus de choses que nous.
Rose considéra cette possibilité avec attention. Il est vrai que James était plus âgé. Mais en même temps, les adultes disent sans arrêt que l'on ne doit pas mentir. Alors, eux, ne doivent pas mentir en retour. Donc, ils disent la vérité. Donc, James ment.
- James ne dit que des bêtises. Regarde ! Si on demande à un autre plus grand, il nous dira que le Père Noël existe bien.
Fière de cette affirmation, Rose se traîna vers Victoire en se râpant les genoux sur le vieux tapis. Cette dernière se chamaillait gentiment avec Louis.
- Victoire, Victoire ! Le Père Noël existe bien, hein ?
Victoire échangea un regard en souriant avec Teddy, assis à ses cotés.
- Evidemment qu'il existe, Rosie !
Rose n'aimait pas ce sourire et ce ton « C'est louche !» comme dirait le père de Rose. Elle échangea un regard avec Albus, et ce dernier hocha la tête d'un air inspiré. Lui aussi trouvait ça étrange. D'un accord mutuel silencieux, les deux enfants se levèrent et allèrent se cacher derrière le canapé où étaient assis Mamie Molly et Papy Arthur.
- Elle mentait ! chuchota Albus en remontant ses lunettes sur son nez, une manie chez lui.
- Il faut qu'on enquête ! affirma Rose. Comme Oncle Harry dans son métier. On va trouver les preuves, les indices et tout ça, et ensuite on saura la vérité. On va être les Aurors de Noël !
Albus sembla hésiter. Il jeta un coup d'oeil autour de lui, et se pencha à quelques centimètres du visage de Rose.
- Mais... On va devoir faire ça quand les grands seront couchés, et donc, on va devoir désobéir...
- Mais non ! répondit Rose. Parce que les Aurors, quand ils enquêtent, ils ont le droit. Alors nous, on a le droit. On va faire ça en secret. Ca marche ?
Rose tendit la main à Albus, comme pour sceller un accord secret. Albus remonta ses lunettes sur son nez et tapa dans la main de sa cousine. Que l'enquête commence !
Avec mille précautions, Rose poussa la porte de la chambre. Elle grinça un peu et la petite fille grimaça. Dans la pièce, il y avait un grand lit où dormaient tante Ginny et oncle Harry, et au sol, il y avait trois matelas serré. Rose enjamba Lily pour arriver auprès d'Albus qu'elle secoua doucement en priant Merlin que les adultes ne se réveillent pas. Ce dernier se redressa en se frottant les yeux d'une main et en tâtonnant pour attraper ses lunettes de l'autre.
- Déjà ? marmonna t-il
Sans répondre, Rose lui prit la main et ils ressortirent de la pièce lentement. Ne prenant pas le risque de faire grincer de nouveau la porte, ils se contentèrent de la rabattre au maximum.
- J'ai oublié mes chaussons, gémit Albus. J'ai froid aux pieds !
- Arrête de faire le bébé ! On dirait Molly ! On est des grands maintenant ! On est des enquêteurs ! On se comporte comme des enquêteurs ! Et les enquêteurs, ils portent pas de chaussons. La preuve : mon papa, il en n'a pas !
Fière de cette démonstration qu'elle trouvait tout à fait remarquable, Rose entreprit de descendre les escaliers doucement, suivie de près par Albus. La lune dessinait des ombres inquiétantes sur les marches et seul le bruit de la pendule dans le salon troublait le silence du Terrier. C'était assez inquiétant, étant donné que les deux enfants ne connaissaient le Terrier que joyeux, animé et éclairé. Dans la nuit, on aurait presque dit une autre maison.. En prenant son courage à demain, Rose continua sa descente vers le salon. Seules les guirlandes fournissaient un peu de lumière en illuminant de temps en temps la pièce d'éclairs rouges ou verts.
Soudain, un bruit retentit en bas. Les deux enfants sursautèrent et Albus attrapa le bras de Rose.
- On remonte ! souffla t-il.
- Non ! Ça vient de la cuisine, c'est peut-être le Père Noël qui a un petit creux !
- Ou alors, c'est un monstre !
Soudain un peu hésitante, Rose ferma les yeux, pesant le pour ou le contre. Elle était effrayée, mais elle voulait prouver à James qu'il avait tord. Et puis, les enquêteurs n'ont pas peur !
- Non, ce n’est pas un monstre. Les monstres ne sortent pas le jour de Noël. C'est... C'est leur jour de repos.
- T'es sûre ?
- Sûre ! C'est Roxanne qui me l'a dit !
Un peu rasséréné, Albus continua de descendre et atteignit même le salon avant Rose. Il n'y avait personne dans le salon, mais une faible lumière provenait de sous la porte de la cuisine. On pouvait entendre des bruits de vaisselle.
- On y va ensemble, fit Albus en tentant de maîtriser le tremblement de sa voix.
- Ensemble, répéta Rose.
Albus attrapa soudain un livre épais qui traînait sur le canapé, abandonné là par Mamie Molly. En réponse au regard interrogateur de sa cousine, il forma sur ses lèvres les mots « juste au cas où ». Les deux enfants poussèrent de leurs quatre mains la porte de la cuisine.
- Qu'est ce que vous faites ici ? s'exclama soudain une voix stridente.
Rose sursauta et fit un bond en arrière. Albus lui, poussa un cri qu'il étouffa en plaquant ses deux mains sur sa bouche. Pourtant, il n'y avait pas de quoi avoir peur. Ce n'était que Roxanne, un verre de lait à la main et un cookie dans la bouche.
- Et toi, qu'est ce que tu fais ici ? s'exclama Rose.
- J'ai huit ans, moi ! Je suis grande ! répliqua Roxanne.
- Tu piques dans le frigo ! fit Albus.
- Non, ce n’est même pas vrai !
Rose et Albus échangèrent un regard.
- Tu as les preuves dans la main et dans la bouche ! affirma Albus en remontant ses lunettes sur son nez.
- Je ne pique pas. J'emprunte.
- C'est une excuse toute pourrie, Roxy ! lança Rose.
Roxanne parut un peu vexée mais elle ne dit rien. Elle se contenta de jeter un coup d'oeil vers le salon, comme s'il y avait quelqu'un derrière Rose et Albus. Ces derniers se retournèrent d'un seul mouvement, mais ils ne virent que le sapin. Quand ils reportèrent leur regard sur Roxanne, elle avait un air parfaitement innocent.
- Et vous, qu'est ce que vous faites ici ?
- On enquête ! lança Albus. On veut savoir si le Père Noël existe !
- Et donc.... Vous allez restez là toute la nuit pour surveiller ?
- C'est ça ! fit Rose avec fierté.
Roxanne fit la moue.
- Le Père Noël ne passera pas, si vous êtes là. Les enfants doivent dormir.
- T'es là, toi, dit Albus en hochant la tête.
- Oui, mais moi, ce n’est pas pareil. Allez donc au lit !
- Non ! On veut savoir si James ment ou pas !
- James ment !
- On veut savoir !
- Il ment !
- On veut savoir !
- Il me...
Les trois enfants se turent en entendant l'escalier craquer lourdement sur le poids de quelqu'un.
- C'est le père Noël ! souffla Albus en écarquillant les yeux comme une chouette.
- Cachons nous ! lança Rose en attrapant Roxanne par la main pour l'entraîner sous la table.
Le salon s'illumina, et Rose constata avec horreur qu'ils avaient laissé la lumière de la cuisine allumée et que le verre de lait à moitié plein de Roxanne était toujours posé sur le plan de travail. Ils étaient descendus pour chercher des preuves de l'existence du Père Noël, et voilà que c'était eux qui laissaient des preuves derrière eux. Rose se frappa le front avec le plat de la main. Son papa ou oncle Harry n'auraient jamais fait cette erreur !
De grandes jambes dans un pantalon noir entrèrent dans le champ de vision des enfants. Ils ne pouvaient pas voir le reste de la personne, mais selon Rose c'était un homme. A coté d'elle, Albus était crispé et Roxanne avait les yeux fermés. La lumière de la cuisine s’éteignit et la porte se referma. Les jambes étaient parties et les trois enfants poussèrent un soupir de soulagement.
- C'était le Père Noël ? demanda Albus.
Dans le noir, Rose ne pouvait voir ses cousins, et elle se sentit soudain très mal à l'aise. On entendait toujours des pas dans le salon.
- Je n’aime pas le noir, fit Roxanne, la voix tremblante.
Rose non plus, mais elle ne le dirait pas. Son père lui disait toujours qu'elle était une petite fille courageuse, alors Rose ne voulait pas montrer sa peur. Et puis, un enquêteur ne montrait pas sa peur.
- Peut-être... Peut-être qu'on peut regarder par la serrure ? murmura Albus.
- Bonne idée ! répondit Rose.
Avec précaution, elle colla son œil à la serrure. Elle ne voyait pas grand chose, juste un adulte de dos. Malgré les guirlandes, elle ne voyait pas s'il était en rouge. En tout cas, il n'avait pas de bonnet de Père Noël.
- Laisse-moi voir ! s'exclama Roxanne en la poussant.
- C'était le Père Noël ? interrogea Albus avec fébrilité.
- Je ne sais pas, répondit Rose en se mordant la lèvre. Je n'ai pas bien vu.
Roxanne se laissa tomber sur le sol dans un bruit sourd. Rose ne voyait pas son visage, mais quand Roxanne ne parlait pas, c'est qu'il y avait un souci.
- Ca ne va pas, Roxy ? demanda Albus.
- Si. Si... C'est le Père Noël... souffla Roxanne.
Le coeur de Rose fit un bond. Elle savait que James avait tord ! Elle savait que le Père Noël existait ! Elle serra Albus dans ses bras. Les enfants restèrent dans le noir longtemps, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun bruit.
Puis, délicatement, ils pénétrèrent dans le salon, en regardant tout autour d'eux. On aurait pu croire que la pièce n'avait pas changé s'il n'y avait pas un énorme tas de cadeaux au pied du sapin. Enrubannés de toutes les couleurs, ils miroitaient sous les guirlandes lumineuses. Rose en caressa un qui portait son nom inscrit d'une écriture fine et appliquée. A coté d'elle, Albus tâtait un paquet tout petit mais très allongé. Roxanne, elle, restait un peu en retrait, les mains tremblantes.
- Tu es sûre que ça va, Roxy ? redemanda Albus.
- Sûre, affirma cette dernière en souriant un peu. Allez, au lit. Il ne faut pas que l'on sache que nous avons vu les cadeaux avant tout le monde. Je vais rester un peu, j'ai... soif.
Rose jeta un dernier regard aux cadeaux et suivit Albus vers l'escalier, le cœur battant. Elle avait prouvé que le Père Noël existait bien ! James pouvait bien se taire ! Toute guillerette, elle ne fit pas attention et percuta de plein fouet Albus qui s'était arrêté sur la cinquième marche.
- Ecoute, chuchota celui-ci.
Rose tendit l'oreille. C'était Roxanne qui chuchotait. Et il y avait une autre personne avec elle. Roxanne parlait-elle avec le Père Noël ? La petite fille regarda son cousin qui avait le visage éclairé alternativement par du rouge et du vert. Il semblait très concentré sur la voix de leur cousine.
- … avait raison ?
- Ne le répète à personne, Roxy. Tu es une grande maintenant, tu es dans le secret. C'est un honneur tu sais, ma chérie !
- Je me disais bien que le Père Noël ne pouvait pas être roux...
Roux ? Pourquoi le Père Noël serait roux ?
En entendant des pas s'approcher de l'escalier, Rose et Albus se précipitèrent vers le haut. Sans même saluer sa cousine, Albus entra dans la chambre où dormaient ses parents. Rose, elle, continua de monter pour rejoindre son lit, un étage au dessus. Elle tenta de mettre l'ordre dans ses pensées comme une bonne enquêtrice. Comme son papa.
Au fur et à mesure de la nuit, elle comprit. Le secret. Elle et Albus avait découvert le plus gros secret du monde.
Le père Noël n'existait pas.
Elle était un peu déçue qu'on lui ait menti, mais elle était surtout excitée par leurs talents d'enquêteurs à elle et à Albus. Ils avaient découvert le secret de Noël ! Sans qu'on leur dise, comme on l'avait fait pour Roxanne ou James. Décidemment, elle et son cousin faisaient de très bons Aurors de Noël ! Aussi bon que son papa et Oncle Harry !
Tout en s'endormant, Rose songea que sa nouvelle mission était de protéger ce secret pour que les petits ne l'apprennent pas. Car elle était une grande maintenant ! Elle connaissait les choses de la vie désormais. Et contrairement à James, elle se comporterait comme une adulte. Elle ferait comme si il existait, le Père Noël.
Mais il restait quand même une petite question... Si ce n 'était pas le Père Noël en bas, qui était la personne rousse qui s'était occupée de déposer les cadeaux ? Oncle George ? Oncle Charlie ? Oncle Bill ? Oncle Percy ? Papy Arthur ? C'était un nouveau mystère à élucider.
Rose se promit que les Aurors de Noël reviendraient l'année prochaine pour élucider un nouveau secret de Noël. En plus, elle serait encore plus grande : elle aurait sept ans !