Les boules argentées, les minuscules dorées, les multicolores, l’imposante étoile argentée qui couronnait le haut du sapin, les petits anges malicieux et leurs ailes délicatement dorés, la couronne de l’avent, les interminables guirlandes… Daphné effleura du bout des doigts le vieux carton, respira cette odeur de renfermé qu’il transportait avec lui. Cette senteur particulière qui lui rappelait qu’il était temps de parer la maison de son habit de Noël. Elle avait beaucoup de mal à masquer son excitation. Son père descendit le dernier carton du grenier et lui tendit pour qu’elle puisse l’amener dans le salon avec les autres. L’après-midi il était revenu avec un énorme sapin à l’équilibre incertain, il avait dû l’ensorceler pour que ce dernier ne s’affale sur la table basse. Daphné s’installa en tailleur devant la cheminée et commença à déballer avec délicatesse toutes les décorations.
-Pourquoi ta sœur n’est-elle pas là ? s’inquiéta son père.
Cette absence ne lui ressemblait pas. Elle aurait dû sautiller, courir dans tous les sens, grimper sur le buffet pour tenter d’accrocher l’étoile en haut du sapin, déclarer que leur sapin était vraiment le plus beau de la terre entière. Tout comme Daphné, Astéria adorait beaucoup la période précédent Noël. Bien évidemment comme tous les enfants elle adorait déballer ses cadeaux, s’extasier devant le dernier jouet qu’elle venait de recevoir, s’étonner de la perspicacité du père Noël qui voyait toujours juste. Mais ce qu’elle adorait tout autant c’était tous les préparatifs dont la décoration de la maison et de l’arbre de Noël.
-Je ne sais pas, quand elle est rentrée tout à l’heure, elle est directement montée à l’étage ! répondit Daphné tout en déballant un ours polaire.
-Je te laisse continuer sans moi, ma chérie, ajouta son père en se levant. Je vais voir si ta sœur va bien.
Elle l’entendit se diriger vers les escaliers. Elle continua à déballer les étoiles, les bonhommes de neige, les lutins en silence. Une petite voix plaintive s’échappa du carton, c’était les boules de Noël animées qui se plaignaient « bah alors c’est pas trop tôt, on commençait à étouffer nous là dedans ». Daphné rigola, c’était ces préférées, elles avaient toujours un petit commentaire à faire sur le temps, la décoration, les tenues vestimentaires…
Une fois que les cartons furent complètement vidés elle s’installa dans le fauteuil le plus proche de la cheminée, et reprit la lecture de son livre, en attendant patiemment que son père redescende avec sa petite sœur. Plongée dans sa lecture elle ne l’entendit pas revenir et sursauta lorsqu’elle sentit une main sur son épaule.
-Désolé je ne voulais pas te faire peur ! s’excusa son père en lui tapotant légèrement l’épaule. Astéria ne se sent pas bien, je lui ai monté une tasse de chocolat chaud, je crois qu’elle a pris froid en jouant dehors !
Daphné regarda avec tristesse les décorations étalées près du sapin. Elle qui se faisait une joie de pouvoir les installer aujourd’hui. Mais si Astéria n’était pas là ce ne serait pas vraiment pareil.
-On décorera le sapin demain alors, ce ne serait pas gentil de le faire sans elle, murmura-t-elle.
Son père déposa un baiser sur ses cheveux, il savait parfaitement que sa fille était déçue de ne pas pouvoir décorer le sapin ce soir.
-C’est gentil à toi de penser à ta petite sœur ! Et toi monsieur le sapin, ça ne te gêne pas de passer la nuit tout nu dans notre salon ?
Daphné rigola en entendant la remarque de son père, qui se réjouit d’avoir redonné le sourire à sa fille ainée.
-Tu parles aux sapins toi maintenant ? sourit Daphné.
-A priori ça ne semble pas très convaincant.
Ils se mirent à rire tous les deux.
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Après le dîner lorsqu’elle poussa la porte de sa chambre, elle aperçut Astéria courir et s’enfouir sous ses couvertures.
-Astéria qu’est-ce que tu fabriquais près de la fenêtre, je croyais que tu ne te sentais pas bien ? demanda Daphné.
-Laisse moi tranquille, répondit une petite voix.
Daphné ne comprenait pas du tout la réaction de sa jeune sœur, elle qui d’habitude se faisait une joie de préparer Noël. Pourquoi faisait-elle semblant d’être malade ? Elle s’installa sur le lit de sa sœur et caressa ses longs cheveux bruns qui dépassaient. Voyant que sa sœur ne daignait pas répondre et continuait à faire semblant de dormir, elle regagna son lit et reprit la lecture de son livre.
-D’façon c’est toujours comme ça avec toi ! s’écria la fillette, tu t’en moques de moi, depuis que tu sais lire, il n’y en a que pour tes maudits livres ! Tu veux même plus jouer avec moi !
Il était vrai que dernièrement elle avait relégué ses poupées dans un coin de la chambre, et passait beaucoup plus de temps plongée dans ses livres qu’à jouer avec Astéria comme ce fut le cas auparavant. Daphné reposa son livre près de son oreiller, et se tourna vers sa sœur qui ne la regardait toujours pas.
-Il fallait me le dire que tu voulais que je joue avec toi, expliqua-t-elle. Si tu ne me dis rien je ne peux pas deviner moi. Et puis tu peux tout me dire tu sais, je suis ta sœur.
-Parce que toi tu me dis tout peut-être ! s’énerva Astéria en se redressant d’un seul coup sur son lit, telle une furie.
Daphné sursauta, elle ne reconnaissait plus sa petite sœur, elle qui d’ordinaire était si calme, pourquoi réagissait-elle ainsi ? Pourquoi avait-elle le sentiment qu’elle lui en voulait ? Avait-elle mal agi ? Eu une parole déplacée ? Elle avait beau se creuser la tête elle ne voyait vraiment pas quelle maladresse elle aurait pu commettre.
-J’comprends pas pourquoi tu t’en prends à moi comme ça ? questionna Daphné.
-Pourquoi tu ne m’as pas dit que le Père Noël n’existait pas, pleura Astéria.
-Je…mais parce que… bégaya-t-elle.
Daphné se leva et partit s’installer devant la fenêtre, elle ne savait pas quoi répondre à sa petite sœur. Elle s’était toujours dit que ses parents lui diraient en temps voulu, comme il l’avait déjà fait pour elle auparavant. Daphné se posait beaucoup de questions concernant le père Noël et en faisait part à ses parents, ils avaient fini par lui expliquer la vérité. Elle avait tout de même continué à y croire à sa façon, elle trouvait que c’était une belle histoire, qu’il faisait en quelque sorte partie de cette magie qui entourait Noël, même s’il n’existait réellement que dans les esprits des jeunes enfants.
Ca devait être cette petite peste de Keira, leur voisine, qui avait dû vendre la mèche à Astéria, étant donné qu’elles avaient passé leur après-midi à jouer ensemble dans le jardin. Daphné n’aimait pas trop lorsque sa sœur passait trop de temps avec cette petite effrontée, elle avait une mauvaise influence sur elle. Et puis même si elle avait du mal à l’avouer, elle était un peu jalouse que Keira lui pique sa sœur de la sorte.
Elle comprenait désormais pourquoi Astéria faisait la tête depuis qu’elle était rentrée. Elle redescendit dans la cuisine pour expliquer la situation à ses parents.
Mr et Mrs Greengrass lui parlèrent longuement. Au début Astéria ne semblait pas totalement convaincue par les explications de ses parents, elle continua à faire la tête pendant les jours suivants. M. Greengrass avait expliqué à Daphné que cette réaction était normale, que la déception finirait par lui passer, mais que ça prendrait un peu de temps. Daphné espéra de tout son cœur que ça lui passe le plus rapidement possible car sa petite sœur lui manquait.