Cette histoire se situe dans la lignée de ma fiction principale Requiem pour l'Innocence.
Aujourd'hui, notre directeur est revenu. Les traits marqués, les yeux éteints. Personne ne l'a interrogé. Personne n'ose. Ce serait rendre plus réelle encore cette disparition. Ce serait rendre plus réelle encore la menace qui plane dehors. Assis à la table des professeurs, le directeur ne parle pas. Il fixe simplement le plafond nuageux d'un air concentré, le visage fermé. Cela ne lui ressemble pas.
« Viens Lily, me dit Mary, en me tirant de mon observation. On avait dit qu'on irait à la bibliothèque faire notre devoir de sortilèges. »
J'acquiesce et la suis. La bibliothèque est presque vide. Mme Pince est en train de ranger une pile de livres qui flottent derrière elle. Nous nous asseyons à une table non loin de la porte d'entrée et allons fouiner dans les rayons afin de dénicher quelques volumes utiles à notre recherche. Nous venons juste de trouver les livres qui nous intéressent que Beth, notre amie de Serdaigle nous rejoint un peu essoufflée.
« Tu es en retard, je lui fais remarquer.
- Je sais, mais je voulais rester jusqu'à la fin du repas.
- Pourquoi ? S'étonne Mary.
- La nouvelle...
Mary et moi échangeons un regard.
- Quoi ? Quelle nouvelle ?
- La nouvelle élève. A Serdaigle. Dit Beth surprise que nous n'ayons rien remarqué.
- Quand est-elle arrivée ? Je ne l'ai pas vue !
- Je ne savais pas qu'on acceptait des élèves en cours d'année... soulève Mary perplexe.
- Oui, c'est pour ça qu'on croit que...
Beth s'arrête de parler et me donne un coup de coude avant de souffler en me désignant la porte d'entrée de la bibliothèque.
- C'est elle.
Mary et moi nous retournons dans un mouvement peu discret.
La nouvelle est entrée. Elle a l'air plutôt misérable. Ses cheveux bonds pendent devant son visage et nous cachent ses yeux. Elle est très blanche, sans qu'on puisse dire si c'est sa carnation naturelle ou si elle est malade.
Beth nous pousse vers notre table et sort ses affaires, tandis que nous continuons à observer l'élève avec intérêt.
- Elle s'appelle Ludivine Deschavelles, murmure-telle. Elle est aussi en troisième année. C'est tout ce qu'on a pu lui arracher au cours du repas. Mais il y en a qui croient que c'est la fille du directeur.
- C'est peut-être pour ça qu'elle est ici, fais-je remarquer.
Beth acquiesce.
- Oui. Ça signifie qu'elle aurait perdu sa mère et que le professeur Dumbledore l'a amenée ici pour la protéger. Et comme il est le directeur...
- Personne ne peut rien dire au fait qu'une élève intègre les rangs de Poudlard en plein milieu d'année, finit Mary.
La fille est partie dans la rubrique ésotérisme. Je me demande bien ce qu'elle peut fabriquer à la bibliothèque alors qu'elle n'a pas encore commencé les cours. Une vraie Serdaigle. Quoi que...
- Elle a été répartie ?
- Je suppose, répond Beth en haussant les épaules.
- Mais vous avez discutez un peu ? J'insiste.
- Qu'est-ce que tu veux qu'on ait parlé avec elle ! Elle est laconique et a à peine levé le nez de son bouquin à table.
- Vous auriez dû essayer de lier conversation. Ce n'est pas très gentil, fait remarquer Mary. Elle doit être triste.
- Ecoute, se défend Beth, une fille qui ouvre à peine la bouche quand tu lui adresses la parole et qui préfère se plonger dans les mystères de la nécromancie, ça n'inspire pas spécialement la sympathie.
- La nécromancie ?
- Oui, répond Beth en inscrivant soigneusement son nom en haut de son parchemin. En tout cas c'était le sujet de son bouquin.
Je me lève brusquement et sans écouter les chuchotements furieux de mes deux amies, me dirige vers la nouvelle.
- Bonjour !
- Bonjour, me répond la fille en levant vaguement le regard avant de le reporter sur les pages du livre ouvert devant elle.
- Je m'appelle Lily Evans. Je suis en troisième année comme toi, mais à Gryffondor.
- Je m'appelle Ludivine Deschavelles.
Même sa voix paraît misérable.
- Tu es nouvelle, je suppose que tu ne dois connaître personne... Si tu venais t'asseoir à notre table ?
Elle secoue la tête.
- Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée. Dit-elle dans un murmure.
- Mais si ! Dis-je en essayant de mettre un peu d'entrain dans ma voix. Tu ne peux pas rester dans ton coin. Je vois que tu étudies déjà. Le choixpeau ne s'est apparemment pas trompé! J'ajoute pour tenter de plaisanter.
Mais je ne la fais même pas sourire.
- Qu'est-ce que tu lis ?
Elle ne me répond pas, et son regard devient un peu farouche, avant de reporter son attention vers ses pages.
Bien. Finalement, Beth a peut-être raison. Cette fille est un mur. Découragée, je m'apprête à partir lorsque la voix du directeur me salue. Je ne l'avais pas vu entrer, mais Beth et Mary depuis leur table nous dévorent des yeux.
- Bonjour Miss Evans.
- Bonjour Monsieur le directeur.
- Ludivine, dit le professeur Dumbledore en se tournant vers la nouvelle. Mme Pince m'a dit t'avoir aperçue avec des livres sur la nécromancie. Est-ce vrai ?
- Oui.
Je m'éloigne un peu, histoire de ne pas avoir trop l'air de m’immiscer dans leur conversation.
- Tu sais que c'est dangereux de s'intéresser à cette matière, continue le directeur d'une voix grave. Particulièrement dans ton état.
Ludivine ne répond pas. Le professeur repousse d'un geste ferme la main qui retenait le livre et le ferme dans un bruit sourd. Son regard et le mien se posent sur le titre. « Parler avec les morts, le langage de l'au-delà »
- Tu te fais du mal, Ludivine, murmure le professeur Dumbledore.
- Ça m'est égal.
- Tu n'obtiendras rien par ce biais là.
- Tu m'as toujours dis que Grand-mère Erlésie parlait à son mari qui était mort.
- Grand-mère Erlésie était une illuminée mais elle maîtrisait la magie essentielle dans une compréhension jamais atteinte depuis. Ni Madeleine, ni Camille n'ont...
- Tu ne comprends pas ! S'exclame Ludivine en se dressant devant son père.
- Qu'est-ce que je ne comprends pas ? Demande calmement le directeur.
- Maman savait. J'en suis sure. J'étais juste trop jeune pour apprendre. Et maintenant que je pourrais comprendre... C'est trop tard. Elle ne m'apprendra plus rien. Elle m'a abandonnée alors que je ne sais rien.
- Elle ne t'a pas abandonnée, Ludivine.
- Elle savait ! Elle savait qu'elle allait mourir. Gronde-t-elle. Ne me dis pas tu ne l'as pas compris. Et elle ne nous a rien dit.
- Comment aurait-elle pu nous le dire? remarque tristement le professeur.
Je me sens mal à l'aise. C'est comme si j'assistais à quelque chose de trop intime mais qui me donnerais envie de pleurer.
- Elle aurait dû me transmettre ce qu'elle savait, répond Ludivine d'une voix brisée.
- Elle n'en a pas eu le temps.
- Alors elle aurait dû me dire comment apprendre. Elle aurait dû me dire qu'est-ce que je dois savoir. Je suis la dernière des Deschavelles. Et je ne sais rien.
Ludivine se rassoit sur sa chaise et je vois des larmes glisser sur ses joues.
- Je ne sais pas pourquoi elle est partie. Je ne sais pas où elle est partie. Je veux savoir.
- Tu ne pourras pas. Personne n'a jamais pu. Certains ont perdu leur âme dans cette quête. Suis les traces de la magie essentielle, pas celle de la nécromancie. C'est grâce à elle que tu te rapprocheras de ta mère. C'est cette voie qu'elle voudrait te voir suivre. C'est ainsi que tu trouveras la vraie connaissance.