Participation au concours Always ! de Julia Erwelin avec le couple Neville/Luna.
Bonne lecture !
Un grand merci à littleblackheart pour ses corrections !
— Oui ?
La voix est tremblante, hésitante. Personne ne vient jamais le voir à l'atelier. Ni professeurs, ni élèves, ils le savent tous : c'est son endroit à lui. Son sanctuaire.
— Qui est-ce ? demande t-il alors.
— C'est moi.
C'est elle. Il pensait ne jamais la revoir. Elle s'était envolée, sans un mot, juste un simple au revoir. Un « c'est moi » ne justifie pas des années d'absence. Mais peut-être croit-elle que le monde s'arrête de tourner lorsqu'elle n'est plus là ?
Ce n'est pas le cas. Il s'en était bien vite rendu compte. Il avait fini par admettre qu'il fallait avancer, lorsqu'il lui sembla clair qu'elle ne reviendrait plus.
On ne peut pas rester passif. A attendre l'impossible. Il faut bouger, même sans conviction, même sans envie, il faut donner un sens à sa vie.
Aussi, sans l'enchanter, son poste de professeur de Botanique l'occupe, l'empêche de trop penser. La douleur s'estompe peu à peu. Lentement, car malgré les jours et les semaines, malgré les mois et les années, la blessure est toujours là, bien présente. Il a fini par croire qu'elle ne s'en irait plus. Qu'elle serait son fardeau, et en même temps, la dernière chose qu'il lui resterait d'elle.
Il n'a même pas trouvé la force de lui en vouloir. Elle a fait ça avec tant de naturel et de simplicité, tant d'innocence et d'insouciance, qu'il est impossible qu'elle ait pu penser une seconde que son départ le blesserait autant.
Ils ont été plus qu'amis, Neville en est sûr. Mais ensuite ? Luna a une perception si étrange des relations avec les autres, sans doute ne s'est-elle pas rendue compte du mal qu'elle lui a causé. Quant à la raison de son départ, elle demeure si obscure que Neville a fini par la considérer comme un infime facteur de plus dans son besoin d'évasion. Il a toujours su qu'elle finirait par s'en aller, par s'envoler, elle est comme ça, Luna. Elle a besoin de réponses. A des questions insolubles...
Mais, malgré tous ses espoirs, toutes ses lamentations, il n'a jamais vraiment réfléchi à ce qu'il ferait si elle réapparaissait. Il a fini par écarter cette hypothèse. Par s'interdire d'y croire.
Et maintenant, là voilà qui se tient, sourire aux lèvres, et chevelure dorée, à la porte de son atelier, comme si de rien n'était. Il se sent bête, plongé dans ses réflexions, il en a oublié sa présence.
— Euh... Entre, dit-il.
Elle s'avance. Timidement. On a beau s'appeler Luna, se retrouver face à quelqu'un qu'on a pas vu depuis dix ans, ça déstabilise.
Elle n'est plus qu'à un mètre de lui, à présent. Neville sent son pouls s'accélérer. Il ne sait pas vraiment quoi dire. Ni quoi faire. Avant même qu'il ne se soit penché davantage sur la question, elle se jette dans ses bras. Il a oublié à quel point elle pouvait être imprévisible. A quel point ça lui manque. Alors, il décide de placer tout son amour dans cette étreinte, toute sa colère sourde, toute sa douleur. Il respire le parfum de ses cheveux, s'en imprègne. Pour ne plus jamais l'oublier. A cet instant, il réalise combien ces années sans elle ont été creuses, sans vie, des années fades. Des années oubliées, désormais. Elle est là. C'est tout ce qui compte.
Il lui fait signe de s'asseoir à la petite table métallique. Il ne s'est jamais senti aussi coupable du désordre ambiant.
— Tu... tu veux du thé ? s'enquit-il en se dirigeant vers la théière.
Car Neville boit du thé. A longueur de journée, même. Ça l'apaise. Une façon comme une autre de noyer son désespoir.
— Oh oui, bonne idée.
— Quel parfum ? demande t-il, plus pour faire la conversation qu'autre chose.
De toute façon, il n'a que du thé vert.
— Au goji, répond-elle pourtant.
Neville a une fâcheuse tendance à oublier que lorsque l'on pose une question, les gens se voient obligés d'y répondre. Il ouvre de grands yeux ignorants. Tout bon botaniste qu'il soit, il doit bien admettre qu'il ne voit pas du tout ce que le goji peut être.
— C'est une baie rouge, explique t-elle alors. C'est délicieux dans du thé. J'en ai gouté, une fois, en Chine.
Il hoche la tête. Il n'a pas de goji.
— J'en ai pas. Du thé vert, ça te va ?
Elle ne répond pas, plongée dans la contemplation de chaque recoin de l'atelier. Où des centaines de plantes s'amoncellent dans une pagaille effarante que Neville a pourtant fini par trouver familière, presque rassurante.
Il hausse les épaules. Et ne réitère pas sa question. Il lui sert du thé vert, et s'assoit en face d'elle.
— Alors, qu'as-tu fait pendant toutes ces années ?
— Je cherchais.
Toujours aussi explicite.
— Et que cherchais-tu ?
— Rien, répond-elle. Je cherchais, c'est tout. Je n'ai rien trouvé.
Décidément, elle n'a pas changé. Ses phrases n'ont toujours aucun sens, sont toujours aussi mystérieuses.
— Et toi ? dit-elle, changeant de sujet. Professeur de Botanique : ça doit être amusant...
Il ne qualifierait son métier d'« amusant ». Supporter des gamins braillards toute la journée finit par perdre son intérêt. Aussi gentils qu'ils soient. Mais c'est vrai que cela lui permet d'avoir son propre atelier, ce qui est en fait, l'un des rares -pour ne pas dire le seul - points positifs.
— Oui, il y a pire, je suppose.
Elle hoche la tête et le silence s'installe. Il le voyait venir, et n'a pas su l'arrêter. Maintenant, il s'immisce entre eux dans un vide pesant. A cet instant, il donnerait n'importe quoi pour qu'un pot se casse.
Luna se lève alors, et se dirige vers une plante luxuriante qui grimpe sur la totalité du mur de gauche. De magnifiques fleurs s'y agrippent. D'une couleur chatoyante : un orangé flamboyant. Luna se penche vers elles, pour respirer leur parfum, et Neville en profite pour la rejoindre.
— Qu'est-ce que c'est, comme fleur ?
Il sourit.
— Des capucines.
— C'est joli comme nom, dit-elle.
Elle est à quelques centimètres de lui, maintenant. Si belle malgré les dix années qui se sont écoulées. Le temps ne semble pas avoir laissé d'empreintes sur sa peau pâle et douce. Cette fois-ci, il ne résiste pas. C'est lui qui s'approche pour la serrer dans ses bras. Elle répond à son étreinte, et enroule ses bras autour de son torse. Il sourit de bonheur. Elle lève la tête et plonge ses yeux les siens.
— Tu m'as manqué, tu sais.
Cette phrase, il en a rêvé. Elle lui donne des ailes. Il se penche vers elle, et dépose un baiser sur ses lèvres. Il y met toute sa douleur, et tout son bonheur de la savoir de nouveau près de lui. Des sentiments contradictoires, que lui-même ne parvient pas à distinguer. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est heureux, enfin heureux. Après tant d'années.
« Neville ! Hé, Neville ! Les gamins t'attendent, dépêche-toi » lance la voix de sa collègue à travers la lourde porte.
Dans un effort surhumain, il parvient à relever la tête. Autour de lui, l'atelier est vide. Aucune trace de Luna. Seules des larmes sèches sur ses joues. Il s'est encore endormi sur son établi. Ça lui arrive de plus en plus souvent, ces temps-ci, de se plonger dans ses rêves pour échapper à la réalité. Ses yeux fatigués balayent la pièce.
Une tasse de thé refroidi traîne devant lui.
« Neville !
— J'arrive... »
Niark, oui je suis sadique ;) J'espère que ça vous a plu. Je vous invite chaleureusement à me laisser vos impressions dans le cadre juste en dessous ^^
Bisous à tous.