Bonjour !
Ce recueil est sur les joueurs de Quidditch, hommes ou femmes, peu importe. Il ne concerne donc pas Ginny exclusivement (comme pourrait le laisser sous-entendre la bannière). Il y aura en tout 52 textes, en réponses à la communauté LJ 52 saveurs (chaque texte correspondra à un prompt, ou thème, de la première liste). Je les écris au fur et à mesure de mon inspiration.
Chaque texte contiendra au moins une petite part de Quidditch et devrait se concentrer sur un joueur/une joueuse en particulier. J'espère que vous apprécierez ! N'oubliez pas de laisser vos impressions ;)
(rating -12 par précaution)
Et on débute avec la biographie de Marcus Flint, en réponse au prompt "L'odeur des hôpitaux en hiver". Une idée dans ce texte vient d'une fic de Jukava dont je vous parlerai plus bas pour ne pas vous spoiler. Bonne lecture !
Petit, Marcus causait bien du souci à ses parents. Il traînait partout où il ne fallait pas, dans la boue, sous les tables, dans les trous à rat, et quand il revenait avec ses robes toutes déchirées, dont les fils pendaient aux ourlets du poignet, tachées par la terre souvent, par d'autres choses dont on ne voulait pas connaître la nature parfois, glacées par le froid après avoir trempé dans une flaque d'eau... Lorsqu'il revenait avec ses robes fichues, on s'estimait heureux.
C'est qu'il ne les aimait pas, ces habits guindés, serrés, ampoulés. Ils entravaient ses mouvements et, avouons-le, il y a plus pratique qu'une robe brodée pour escalader un muret ou des barbelés. Car les Flint habitaient dans une grande maison du Yorkshire, un peu à l'écart d'un village Moldu. Il était formellement interdit à Marcus de s'y rendre, aussi s'était-il fait un plaisir de déroger à la règle. Son enfance lui avait appris à mentir et à courir rapidement. Des fois, il repensait à sa pauvre gouvernante, Rosa, une femme un peu ronde dont le chignon se défaisait constamment à force de le poursuivre toute la journée.
Ainsi désespérait-on d'en faire un petit lord. Regarde le fils Malfoy, disait-on, si jeune et déjà si bien élevé ! Marcus répliquait que ce n'était qu'un fils à maman papa et qu'une pichenette sur le nez le ferait pleurnicher en se roulant par terre. Et lorsqu'on lui faisait remarquer qu'Adrian Pucey, lui, savait se tenir, il reniflait d'un air dédaigneux et crachait par terre – il aimait beaucoup faire ça, Rosa manquait de s'évanouir à chaque fois – : Pucey n'était qu'un abruti. Pas malin pour une noise, toujours à lui sourire de haut, tout ça parce qu'il le dépassait d'une petite tête – la sienne n'était vraiment pas bien grosse. Ah ! Il verrait quand il grandirait. Il était bien parti pour faire un mètre quatre-vingts.
La première fois qu'on emmena Marcus à Ste Mangouste, c'était par la faute d'un bonbon trouvé dans le bureau de papa, qui avait fait enfler ses mains et ses pieds démesurément sans qu'on puisse leur faire retrouver leur taille initiale. Entre temps, « la penderie » comme on l'appelait, la pièce où on entassait tous les vêtements de la famille Flint dont on ne se servait jamais, s'était transformée en infirmerie. Avec pour patient exclusif le petit Flint. On avait abandonné l'idée de l'assagir et les foulures et les dents cassées étaient devenues quotidiennes. Rosa avait développé des dons d'infirmière, aussi, lorsque Marcus avait eu son petit problèmes d'enflures, il était aussitôt allé trouver sa gouvernante.
En vain. Elle avait dû l'emmener à l'hôpital pour sorciers d'Angleterre, avouerait-elle piteusement à Mr et Mrs Flint. Mais ce fut à Mr Flint de se sentir honteux lorsqu'on leur expliqua ce qui avait provoqué l'état de leur fils. Il était resté évasif sur la nature du bonbon, jusqu'à ce que le Médicomage déclare d'un ton neutre : « Médicament pour faire gonfler un pénis d'homme, à ne pas donner à un enfant de moins de huit ans sous peine d'effets secondaires. » Marcus, alors que le Médicomage lui faisait avaler une potion, avait dévié le regard vers son père. Il avait déjà les chicots qui poussaient de travers à l'époque – non sans lien avec ses trop nombreuses chutes –, et son sourire avait eu quelque chose de terriblement glaçant. Mrs Flint, quant à elle, n'avait pas souffert une telle humiliation et était sortie de la pièce.
Daphné Greengrass l'envoya une seconde fois à Ste Mangouste – Je ne suis pas une salope, connard ! - et, après qu'il y fut retourné une troisième fois pour cause de serpent venimeux – Je t'avais dit que ce n'était pas une bonne idée de l'emmener à l'animalerie magique ! - et qu'il dut y rester pendant deux longs mois, il se dit qu'il devrait peut-être se calmer.
Pour s'occuper, il avait compté les flocons de neige qui tombaient par la fenêtre, mais à chaque fois il s'embrouillait dans les nombres et finissait par repartir de zéro. Si bien que dix flocons étaient tombés sur Londres durant sa convalescence.
Dix flocons, et presque autant de voisins de chambre. Ils ne restaient jamais bien longtemps. Marcus essayait d'engager la conversation – Comment tu t'es retrouvé avec une oreille sur les fesses ? - mais on lui répondait rarement. Ou juste pour lui dire de la fermer. De toute façon, Marcus aimait pas les gens de l'hôpital. Ils sentaient soit la blessure infectée, soit le mélange de médocs dégueus. Un hôpital, ça pue.
L'infirmerie de Poudlard, au moins, c'était plus doux. Enfin, si on occultait l'infirmière. Ah, cette satanée Mrs Pomfresh ! Elle avait fini par le connaître. Lorsqu'on l'amenait sur son territoire, elle lui jetait un regard que Marcus traduisait par Tu te fiches de moi, là ? suivi de Va crever sur le palier, je veux pas te voir. Mais au bout d'un moment, elle ne se plaignit même plus de le voir arriver défiguré par un camarade – camarade qui occupait le lit voisin au sien, fallait pas rêver non plus – ou le bras tordu par une chute de balai.
Le Quidditch, ça fait mal. Ses parents lui avaient toujours interdit de pratiquer ce sport petit, arguant qu'il leur occasionnait bien assez de problèmes comme ça. Marcus s'était vengé en intégrant l'équipe de Serpentard, mais ils n'avaient pas protesté beaucoup : non seulement ils pourraient avoir quelque chose de bien à raconter sur lui pour une fois, mais en plus ce ne serait pas à eux de le soigner en cas de pépin. Marcus avait le sentiment que les pleurs de Rosa lorsqu'il était parti pour Poudlard n'étaient pas dus à la déchirure occasionnée par son éloignement. Dommage, il avait fini par l'apprécier.
Les hôpitaux, les infirmeries, Marcus avait fini par s'y faire. Et même à être un peu plus patient. Le temps semblait bien long lorsqu'on passait ses journées allongé sur un lit à contempler le plafond. Ce qu'il ne savait pas, c'était qu'il le paraissait encore plus lorsqu'on occupait la chaise près du lit.
Lorsque sa mère fut emmenée d'urgence à Ste Mangouste par la faute d'une maladie sorcière, Marcus ne comprit pas bien. C'était sa place qu'on venait de prendre, ça le chamboulait. Le Rhume du Doxy qu'ils disaient ; une maladie à contracter petit ou elle reviendrait décuplée une fois adulte. Peu à peu, l'évidence se fraya un chemin dans son esprit. Sa mère fut internée en novembre 1993, elle en ressortit au mois de mars suivant... Direction le cimetière.
Marcus avait passé sa septième année à son chevet, à lui dire ce qu'il faisait de ses journées – au bout d'un moment, il n'eut plus grand chose à raconter, étant donné qu'il passait plus de temps à l'hôpital qu'en cours. Elle l'appelait son petit canard, comme quand il était petit, et Marcus se disait que c'était parce qu'il n'avait jamais été très beau, et elle lui disait Raconte-moi, mon petit canard, raconte-moi, ce que tu fais à Poudlard. A la fin, il inventait, disait qu'il était tombé dans une faille temporelle et qu'il avait trouvé un remède à sa maladie. Elle disait que c'était très bien, très bien...
Pendant un long moment, Marcus fut écœuré des hôpitaux : rien que l'odeur d'une potion revigorante lui soulevait le cœur, et la vision d'un lit blanc le faisait papillonner des paupières. Mrs Pomfresh ne le vit pas de toute sa septième année, lorsqu'il la repiqua. Il se mit à bosser au début, il plancha, remarqua qu'il ne comprenait rien à rien, à part peut-être en sortilèges, où il était pas trop mauvais. C'était pas faute d'être intelligent, mais comment rattraper six années de vide scolaire ? Après Poudlard, il tenta joueur de Quidditch. Il n'avait pas arrêté, au contraire, ça le défoulait. De toute façon, il n'était pas fait pour les études. Il faisait juste attention à ne plus se blesser. Il se disait que c'était pour ça qu'ils gagnaient pas la Coupe, et puis aussi parce que les autres étaient rien que des minables. Trop faiblards pour bien jouer, trop crétins pour tricher.
Il fut pris un temps comme remplaçant dans une équipe qui participait même pas à la Coupe de Quidditch Nationale¹, jusqu'à ce qu'il croise Adrian Pucey, un soir, dans un bar. Celui-ci le pistonna pour un poste au Ministère, au département de la Coopération magique internationale. Il n'avait pas perdu son sourire hautain depuis qu'il était gamin, et il le dépassait toujours d'une tête. Mais d'une petite tête.
Après cela, Marcus Flint rencontra Irina. Une jolie sang-pur ukrainienne, avec un large sourire qui découvrait ses gencives. Ils s'étaient mariés, son père à lui était venu à la fête, ainsi que tous ses cousins qu'il ne voyait jamais mais qu'il fallait bien inviter parce que ça se faisait ; elle invita sa famille au grand complet dont Marcus ne retint personne excepté l'arrière grand-père qui criait A poil la mariée ! en ukrainien tout au long de la cérémonie.
Il était parti s'installer en Ukraine. Ils avaient eu deux fils et une fille, Edouard, Dorofeï et Anastassia. Là-bas, on accouchait dans des hôpitaux. Il y était un peu allé à reculons, mais ça l'avait réconcilié, légèrement, avec l'endroit. Les draps y étaient bruns.
Ses enfants, c'était des sages. Il n'y avait que sa fille pour aimer le Quidditch, mais sans s'y donner corps et âme, sans prendre trop de risques. Marcus se disait que ce n'était pas plus mal, qu'il s'était cassé assez de membres pour eux trois.
Lorsqu'il tomba de son balai au cours d'un partie avec Anastassia, manquant de se briser la colonne vertébrale, il fit ses adieux au Quidditch.
Peu à peu, il sombra dans l'apathie hébétée de la vieillesse. Son corps lui répondit de moins en moins. Son énergie avait disparu, drainée par des os grinçants et des cheveux blancs. Il avait vécu longtemps. Un peu plus de cent ans, il avait arrêté de s'en occuper à partir de là. C'était comme les flocons, il perdait le compte.
1... 2... 3...
Allongé sur son lit, couverture relevée jusqu'à son menton, Marcus fixait la fenêtre. Il recommençait tout juste à neiger. Il pouvait encore suivre le mouvement lent des minuscules boules blanches flottant jusque terre. Certaines s'écrasaient contre la vitre, aussitôt désagrégées au contact du carreau. Un flocon devint goutte, hésita, coula. Irina entra. Il tourna la tête vers elle. Elle lui souriait, toujours le même sourire, pas vraiment forcé, plutôt automatique. Il ne bougeait pas d'un iota au fil des jours. Les sourires joyeux et sincères, ils avaient été bouffés par le temps.
Le temps est vorace, il ne laisse rien derrière lui. C'est ce qu'il pensait des fois, avec amertume. Et il se souvenait pourquoi il n'aimait pas penser.
« Je t'ai apporté tes potions. »
Elle posa les flacons sur la table de chevet. Il s'était déjà détourné.
1... 2... 3...
« Le médicomage arrive tout à l'heure. »
Elle le fixait, il savait qu'elle attendait une réponse.
9... 10... 11...
Il grogna. Imagina les épaules d'Irina s'affaisser. Des bruits de chaussons qui glissent sur le sol, puis la porte qui se ferme.
La neige tourbillonnait au dehors à présent, trop rapidement pour ses yeux fatigués.
40... 46... 47... 48... 60...
Les médicomages disaient que c'était un effet psychologique, s'il ne pouvait plus se lever. Foutaises. C'était bien des charlatans ces soigneurs ukrainiens. Il voulait bouger, il détestait rester en tête à tête avec lui-même, toute la journée et toute la nuit, sans rien pour lui changer les idées. Oh, il y avait bien la famille qui se relayait à son chevet. Femme, enfants, cousins par alliance dont il n'avait jamais cru bon de retenir l'identité. Mais ils l'embêtaient encore plus que lui-même et ses idées aigries. Il n'aimait pas leurs regards, qui signifiaient clairement que le petit père Flint, il en avait plus pour longtemps.
Des fois, il songeait qu'il aimerait bien terminer ses vieux jours à Ste Mangouste. C'était déjà plus marrant, là-bas, les gens avaient une trompette à la place du nez ou rebondissaient sur leurs fesses comme des ballons.
500... 600...
Mais au moins, ici, les draps n'étaient pas blancs immaculés, jouaient pas aux salauds innocents, et ça ne sentait ni la blessure infectée ni les médocs dégueus. Et il y avait pas de Mrs Pomfresh toute sèche. Juste des charlatans ukrainiens qui chantaient la mariée dénudée. Ah non, c'était le grand oncle, ça... Ou le grand-père, ils étaient tous si nombreux dans sa famille...
1200... 1800... 2000...
Il confondait le ciel gris avec la tempête de neige qui faisait rage au dehors. C'était quelque chose d'étrange que d'être au chaud à l'intérieur quand par-delà les murs les températures chutaient vertigineusement. Il voulut bouger. Peut-être qu'il aurait assez de forces pour prendre ses potions par lui-même. Les flacons débouchés commençaient à exhaler leurs terribles odeurs, envahissaient la pièce, imprégnaient la tapisserie, les draps. Il commanda à son bras de se lever, à son cou de se tourner. En vain.
Combien déjà ?
Ses yeux papillonnèrent. Dans un dernier soupir, Marcus Flint ferma les yeux.
[1] Je suppose ici qu'il y a d'autres équipes de Quidditch que celles que l'on connaît, des petites équipes de régions ou de villes, qui gagnent de l'argent mais sans participer à la grande Coupe et sans être très connues.
L'idée du redoublement de Marcus parce que sa mère était malade vient de la fic Antagonistes de Jukava. Courez la lire si ce n'est déjà fait !
Bientôt le prochain texte, plus gai. Une petite review ?