- Hein ? En 1900 combien ? demanda-t-elle, effarée.
- En 1975. Autrement dit, nos parents ont notre âge, crut bon de préciser Harry.
Sarah enregistra la nouvelle sans savoir comment réagir. Elle avait fait une grossière erreur. Mais... Pourquoi Harry le lui annonçait-il ?
- D'accord, admit-elle. Je me suis complètement trompée, à vingt ans près. Et toi ? Qu'est-ce que tu fais-là ?
Harry haussa un sourcil. Avait-elle dit une bêtise ? Comment te dire, Sarah... Se tromper à vingt ans près, c'est pas rien, tu dis ça comme si ça t'arrivait tous les jours, ça surprend. Et puis, s'il n'y avait que ça...
- C'est à toi que je devrais poser cette question ; pourquoi on est ici ? Après tout c'est toi qui nous as amenés là !
- Oh... Tu veux dire que je suis capable de voyager avec quelqu'un ?
Bravo, encore une fois, tu fais preuve de perspicacité. Harry hocha la tête et Sarah se mordit la lèvre inférieure. Là, elle avait fait une sacrée bêtise. C'était sûrement la présence d'Harry qui avait chamboulé tout ses repères et qui avait changé la destination qu'elle s'était fixée. Si elle avait complètement raté son coup une première fois, comment pouvait-elle lui promettre de le ramener à leur époque ? Sarah se rendit alors compte de la personne qu'elle venait d'embarquer. Harry Potter. Le survivant et tout le blabla. Autrement dit, si elle ne le ramenait pas, le monde magique courrait à sa perte parce que, d'après les rumeurs, il était le seul à pouvoir vaincre Vous-Savez-Qui. A pouvoir stopper la guerre. Or, depuis un peu plus d'un an, ils avaient eu la preuve que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était bel et bien de retour. Sarah sentit la panique l'envahir. Allait-on l'accuser d'aide à la montée en puissance du Seigneur des Ténèbres ? A cause d'une vulgaire amourette qui n'allait même pas pouvoir se terminer traditionnellement, puisque Sarah avait disparu de l'époque de Théo ? Et Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom pensait qu'elle avait tenté de protéger Harry et la tuait ? Ou au contraire lui proposait de rejoindre ses rangs ? Sarah, un peu paranoïaque et le cerveau plein de possibilités tordues et terribles, tenta de se calmer. Elle déglutit avec difficulté et se rappela d'un détail.
- Tu as dit que Dumbledore nous attendait ?
- Oui. Quand on nous a trouvé, on nous a emmenés ici, et Dumbledore m'a dit que lorsque tu serais réveillée, il faudrait trouver une solution à ce petit problème.
"Petit problème". Harry n'a pas l'air de percevoir la gravité de la chose. D'un autre côté, Dumbledore est la seule personne qui puisse leur venir en aide. Enfin, techniquement, c'est à Sarah de trouver une solution mais l'avis d'un homme plus sage est sans doute rassurant.
- Tu as parlé à Dumbledore ? demanda Sarah, stupéfaite et admirative.
Oui, pour elle, Dumbledore, c'est comme si vous rencontriez... Je sais pas moi, Barack Obama. Non, c'est même encore en-dessus, vous n'imaginez même pas la joie qu'elle éprouve à l'idée de parler à Dumby.
Harry hocha la tête, un peu étonné par cette question.
- Et il a tout de suite compris d'où on venait ?
- Mouais. Il a compris à ma tête quand j'ai appris qu'on était en 1975 surtout.
Sarah sourit et se leva. Elle se sentait épuisée, comme si elle était passée sous un rouleau compresseur, puis avait été soumis à tous les sortilèges de torture et de fatigue imaginables, mais comme Harry et Dumbledore l'attendaient depuis deux jours, elle ne pouvait pas vraiment se permettre de se dire fatiguée. Elle suivit Harry dans les couloirs de Poudlard et se rendit compte que tout le monde chuchotait à leur passage. Elle jeta un coup d’œil à la petite robe blanche qu'elle portait et à ses pieds nus et grimaça. Elle aurait peut-être dû prendre le temps de se rhabiller et d'enfiler des chaussures.
C'est bien d'y penser après coup...
Ils arrivèrent bientôt devant une gargouille. Harry prononça distinctement "Bombabouse". Sarah crut d'abord que Harry se moquait d'elle, mais la gargouille les laissa passer. Bombabouse ? C'était ça, le mot de passe pour entre dans le bureau du directeur ? Elle retint un fou-rire quand ils se retrouvèrent devant de grandes portes imposantes et intimidantes. Elles s'ouvrirent assez rapidement et Sarah écarquilla les yeux en découvrant le bureau du fameux Dumbledore. Des tas d'objets dont l'utilité ne lui venait pas à l'esprit reposaient un peu partout dans la pièce. Plusieurs tableaux représentant d'anciens directeurs étaient accrochés au mur et la plupart de leurs occupants dormaient. Dumbledore était assis, souriant, sur une chaise qui faisait assez penser à un trône.
- Harry, Sarah, je vous attendais. J'espère que vous vous sentez mieux, mademoiselle ?
- Oui, merci, bafouilla Sarah.
Dumbledore eut un sourire satisfait.
- J'ai eu la version de Harry, qui ne sait pas grand-chose de la raison pour laquelle vous êtes dans ce qui représente votre passé.
- Hum... C'est de ma faute, professeur, expliqua Sarah. Je... Je suis une Shadow, et les membres de ma famille ont cette particularité de voyager dans le temps. Je ne sais pas vraiment maîtriser ce pouvoir, et jusqu'à tout à l'heure, je ne pensais pas pouvoir amener quelqu'un avec moi.
Elle offrit un sourire désolé à Harry, qui ne lui accorda pas un regard. En revanche, Dumbledore la dévisagea et elle eut l'impression de passer au rayon X sous ses yeux d'un bleu vif. Comme si Dumbledore, d'un simple regard, devinait le fond de ses pensées. Et elle espérait que ce n'était pas le cas, parce que s'il apprenait que tout ça venait d'une affaire de cœur, il serait assez surpris et sûrement pas ravi. Tu m'étonnes...
- Sarah, avez-vous demandé l'autorisation à l'infirmière avant de vous rendre ici ?
- Euh, non, avoua-t-elle en jetant un coup d’œil paniqué à Harry.
Celui-ci, loin de sembler s'inquiéter de son sort, eut un sourire malsain. Eh oui, petite vengeance. Dumbledore sembla songeur et ne dit rien, perdu dans ses pensées pendant quelques secondes. Ce silence gênait affreusement Sarah, qui ne savait plus où se mettre. Eh oui cocotte, on réfléchit avant d'agir d'habitude.
- Bien. Je pense que vous n'êtes pas capable de faire un nouveau voyage dans le temps. En revanche, je ne sais pas combien de temps il vous faudra avant d'assurer une bonne maîtrise de votre pouvoir et un rétablissement complet. Je dirais plusieurs mois.
Sarah avala sa salive avec difficulté alors que le visage d'Harry passait du blanc très pâle au rouge très vif en passant par le violet.
- Dans tous les cas, il va falloir changer vos identités respectives et faire en sorte de ne pas vous faire remarquer pendant tout le temps où vous resterez ici. Il ne faut absolument pas qu'aucun élève ne connaisse son futur. Vous n'avez pas le droit de révéler quoique ce soit à qui que ce soit, c'est bien clair ?
Sarah hocha rapidement la tête, alors que Harry paraissait songeur et acquiesça avec plus de réticence.
- Nous allons tout de même mettre dans la confidence vos parents. Ils n'ont pas à savoir que vous êtes leur enfant mais devront vous faire passer pour des membres de leur famille. Revenez à dix-huit heures ce soir, ils seront dans mon bureau. Harry, sachant que vous ressemblez davantage à votre père, nous ne préviendrons que lui. Pour vous Sarah, je convoquerais plutôt votre mère. Des questions ?
Harry et Sarah secouèrent négativement la tête, assez surpris.
- Bon, et bien à ce soir, dit Dumbledore en retrouvant son sourire.
- Euh, en fait, j'ai une question, dit timidement Sarah.
Évidemment, elle se débrouille toujours pour se faire honte toute seule celle-là.
- Si quelqu'un nous demande comment on s'appelle, on répond quoi ?
- Je ne sais pas moi, inventez, répondit Dumbledore avec un sourire confiant.
Sarah hocha la tête et Harry et prirent congé. A peine eurent-ils descendu un étage qu'une bande de quatre garçons les approcha. Vous aussi vous avez deviné de qui il s'agissait ? Harry se figea instantanément et Sarah n'eut pas besoin qu'il lui explique pourquoi, sa ressemblance avec l'un d'eux étant frappante.
- Eh, c'est vous qu'on a retrouvés dans les escaliers l'autre jour ? demanda un des garçons en se plantant devant eux.
Sarah se racla la gorge et, se rendant compte qu'Harry ne répondait pas, elle prit la parole.
- Oui, c'est nous, assura-t-elle.
- Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ? Et pourquoi t'as pas de chaussures ? demanda-t-il à nouveau, un drôle de sourire apparaissant sur son visage.
Sarah sentit le rouge lui monter aux joues et ouvrit la bouche sans savoir quoi répondre.
- C'est bon, on va pas vous manger. C'est quoi vos noms ?
- Je suis Sarah Sh... Krum et voilà mon ami Harry, déclara Sarah en évitant d'inventer un nom pour Harry. Et vous ?
- Je suis Sirius. Lui c'est Remus, voici Peter, et James.
Le James en question observait Harry en fronçant les sourcils. Harry dut comprendre qu'il y avait urgence et prit Sarah par le bras.
- On devrait y aller.
- Oui, chuchota-t-elle. A bientôt les garçons !
Harry l'entraîna par le bras en courant presque. Sarah se remémora l'histoire du survivant et se rappela qu'il n'avait lui non plus pas connu ses parents. Elle voulu lui parler mais il la coupa.
- C'est facile de dire à Dumbledore qu'on ne dira rien sur le futur de personne quand on sait qu'ils vont bientôt mourir ! grogna-t-il. Pourquoi tu nous as amenés ici ?!
Sarah s'aperçut qu'il avait les larmes aux yeux et que sa question était purement rhétorique. Elle lui adressa un sourire contrit qu'il ignora. Il paraissait vraiment très énervé contre elle. D'un autre côté, c'est compréhensible Sarah, c'est pas comme si tu venais de lui faire rencontrer son père à son âge et qu'il sait qui lui reste quatre ans à vivre. Comment ça je raconte toute l'intrigue des livres ? Pô du tout, c'est dit quasiment à la deuxième ligne du tome 1 !
- Je te comprends tu sais. Je vais rencontrer ma mère pour la première fois tout à l'heure, expliqua-t-elle. Je sais seulement qu'elle est tombée enceinte durant sa dernière année, et donc mon mystérieux père dont je ne sais rien et elle vont peut-être commencer à se tourner autour dès maintenant. J'essaierai de lui faire cracher le morceau.
- Mais si c'est l'année prochaine, elle ne l'aime peut-être pas encore, supposa un Harry qui paraissait moins la haïr tout à coup.
- Oui, sauf qu'elle le sait très bien. Si elle m'a abandonnée, c'est pour s'amuser avec le temps ; elle doit donc avoir trente ans mais joue encore les écolières. Ni le passé ni le futur n'a de secret pour elle. Crois-moi c'est un peu compliqué, si je t'expliquais comment elle jongle avec les dates... elle est plus douée que moi. Peut-être qu'elle pourra m'aider à maîtriser mon pouvoir et on sera bientôt chez nous, tenta-t-elle pour rassurer Harry.
L'infirmière arriva alors, rouge de colère :
- Dumbledore m'a expliqué qu'il fallait vous préparer à une épreuve physique très dure et le plus rapidement possible ?!
(Au passage, nous remarquons la crédulité de l'infirmière. Elle ne comprend pas quel genre d'épreuve physique ils s'apprêtent à faire).
- ... Que vous étiez allés dans son bureau ! Depuis quand vous ai-je autorisés à fuir l'infirmerie ? Vraiment ! Et puis vous ne pourrez rien faire de très physique avant un mois ou deux, ajouta-t-elle. Je suis navrée, vous n'êtes pas en état. Surtout vous mademoiselle. Un marathon vous aurait moins affaiblie, vous feriez mieux de dormir. Vous resterez à l'infirmerie au moins une semaine et serez dispensée de quelques cours. Quant à vous, dit-elle en désignant Harry, j'espère que vous m'apporterez moins de victime que votre cousin ! Si vous avez du sang Potter dans les veines, je vais bientôt être débordée ! Alors je vous le rappelle, tous les sortilèges du monde qui nuisent à vos camarades vous rapporteront des heures de colle ! Déjà qu'avec ce James et ses amis j'avais du mal ! Comment je vais m'en sortir à présent ?! Ils m'envoient tous les jours quelqu'un avec des dents de dix centimètres ou des pustules sur tout le visage suite à un maléfices... Et puis après ils viennent pour se faire soigner ! Je vous jure !
L'infirmière continua à s'égosiller et à leur postillonner dessus encore quelques minutes avant de les laisser. Sarah et Harry soupirèrent de soulagement, un peu effrayés par un tel flot de paroles. Mais n'oubliez pas que la réaction de l'infirmière est compréhensible ; elle pense avoir un nouveau maraudeur sur les bras. A vrai dire, Harry n'avait enregistré que les deux mois minimum avant que Sarah ne puisse à nouveau voyager dans le temps. Sans compter les semaines, peut-être les mois qu'elle mettrait à s'entraîner pour arriver à bon port... Il se laissa tomber sur le lit à la droite de Sarah, qui semblait vidée et bien pâle, et, alors qu'il attendait les dix-huit heures, il songea à tout ce qu'il pourrait dire à ses parents sans trop en révéler. Les moments qu'il pourrait partager avec eux. Une boule se forma dans son ventre et il se rappela du visage de son père qu'il avait croisé peu de temps auparavant dans un couloir, s'imaginant les traits de sa mère. Et Sirius ! Merlin, Sirius qu'il venait de perdre quelques mois plus tôt et qui ressuscitait sous ses yeux.
A côté de lui, beaucoup moins honorable, Sarah luttait contre le sommeil et pensait aussi à Sirius, le garçon qu'ils avaient croisé. Il semblait sympathique et avait un sourire tout à fait charmant. Et ce nom lui disait quelque chose. Elle s'endormit en rêvant qu'il la poussait depuis la tour d'astronomie, ce qui la refroidit à son sujet. Quand elle se réveilla, le cœur battant, persuadée d'avoir été assassinée par Sirius, elle se rappela où elle avait entendu ce nom. Des journaux, des affiches qui demandaient "avez-vous déjà vu ce sorcier ?" en montrant l'image de Sirius Black, le traître qui avait tué ses amis, le bras droit de Lord Voldemort qui s'était échappé d'Askaban. Elle sentit son sang se glacer, regarda Harry qui s'était endormi, et se promit de tuer ce Black avant qu'il ne tue lui-même. Pour Harry. Pour le monde entier...
Elle eut enfin un réflexe intelligent en se tournant vers l'horloge murale, qui indiquait six heures et quart. Elle poussa un cri, se précipita pour secouer Harry, le prit par la main et courut en direction du bureau d'Albus Dumbledore, après avoir pris soin d'enfiler des chaussures.
Une petite review? :)