Juste une petite fic pour toi, Jeanne.
Disclaimer : Tout HP à JKR.
C'est moi, Lily. Tu te souviens ? « Gentille Lily, douce Lily, adorable Lily. » Tous ces compliments qu'on m'avait déjà tant répétés ; venant de toi ils semblaient alors tout neufs, comme une fringue qui nous sied à merveille, de celle qu'on trouve dans une petite friperie, entre deux pulls affreux. En portant tes pulls, mon cœur se gonflait de bonheur et de fierté à la fois. Je laissais échapper un gloussement nerveux. Comme revenue à l'orée de mes quinze ans.
J'ai hésité, tu sais. Hésité à t'écrire cette lettre. Hésité sur la façon de la commencer. « Chère Dorcas » ? Seulement... te chéris-je encore ? et surtout, cette question qui tourne en boucle dans ma tête depuis des semaines, des mois... Me chéris-tu encore ?
Mlle Meadowes, c'eût été ridicule. Alors j'ai opté pour Dorcas, tout simplement. Ce nom dont j'ai appris à atténuer les cassures, ce nom que j'ai pu caresser tant de fois de mes lèvres durant ces quelques mois où il n'y avait plus que nous. Il n'y avait pas même James, et toi, qui n'avait personne, j'étais heureuse, heureuse d'être celle sur qui tu pourrais compter désormais, te reposer, alléger ce poids qui pèse sur tes épaules.
Car l'amitié demande tout et donne tout, n'est-ce pas ? Quelle différence avec l'amour, vraiment...
Et regarde-nous, à présent. Regarde-nous, aujourd'hui, Dorcas. Deux étrangères. Les autres pensent que rien n'a changé, mais je sais ce qu'il en est. Je sais que tu n'ouvres plus tes yeux brûlants de bonheur vers moi ni ne lance ton sourire qu'on entendrait presque s'exclamer lorsqu'il m'était destiné. Non, je ne vois plus rien, n'entends plus rien de toi. J'ai l'impression de vivre sous l'eau, ou d'être devenue sourde. J'ai de l'eau dans les oreilles, de l'eau dans la poitrine, de l'eau dans les yeux, et je bois la tasse.
Je bois la tasse, comme celle que tu m'offrais autrefois. Un thé, avec une cuillère de miel.
Tu adorais ça. Je l'ai su, comme j'ai fini par savoir beaucoup de choses durant ces deux semaines de mission. Toutes les deux à pister des supposés Mangemorts pour le compte de l'Ordre. C'était le camping jour et nuit, c'était le froid, c'était la frustration, c'était les frayeurs et les sursauts devant la moindre brindille qui se brise sous nos pas. C'était la peur de l'échec et c'était l'envie de nos proches. Mais c'était également toi, Dorcas.
Toi qui te confiais à moi, de plus en plus. Tes problèmes familiaux, ceux qui avaient tant troublé ton enfance, je les sentais peser sur mon cœur, et j'avais l'impression que le tien devenait par la même occasion plus léger. Au fur et à mesure, j'ai fini par te parler de moi. Je ne sais pas quand j'ai atteint ce point de non-retour, ce moment où nous ne pourrions plus jamais faire marche arrière, du moins le pensais-je. Peut-être lorsque je me suis mise à te parler de Pétunia.
Ma moldue de sœur.
Toi, tu as un frère, que tu chéris plus que tout au monde, mais que ta mère t'empêche de voir.
Et lorsque tu as terminé dans mes bras, en pleurs ce soir-là, je sus. Je crus. Tes promesses, paroles d'espoir en ce monde déjà si noir, je les ai attrapées, ligotées, avalées, je ne voulais pas les perdre. J'en aurais fait des copies à l'aide de ma baguette si c'eût seulement été possible.
Tu m'en as donné l'occasion. Lorsque ta première lettre arriva chez moi, après cette mission. Te souviens-tu, Dorcas ? Te souviens-tu de tes promesses, de tes aveux ? Sais-tu que si je garde tes parchemins en lieu sûr, c'est dans mon cœur qu'ils sont le mieux gardés ?
« C'est bête à dire, mais à présent, je ne pourrais plus imaginer ma vie sans toi. »
J'ai pleuré en lisant cela. Mouillé mes yeux serait plus justes. Mon bonheur était au-delà des larmes. Je n'avais jamais eu de grande amie, d'incroyable amie, de superbe amie. Tu m'offrais l'amitié profonde sur un plateau, tu m'offrais ton cœur, je t'ai fourré le mien dans les mains. Prends.
Et prends-en soin.
J'aurais peut-être dû te le préciser. Que ce n'était pas un cadeau ordinaire, pas un vêtement vintage, et que tu ne pouvais te permettre de trop le serrer, de le balancer, de l'égratigner. De le jeter.
J'aurais dû te le dire, alors peut-être, tout cela ne serait pas arrivé.
Mais elle, si. Elle est arrivée. Marlene.
Avant, tu me parlais d'une fille à Poudlard. Amy. C'était la fille. La fille dont tu rêvais, la fille qui te faisait planer. Et sitôt que Marlene est survenue, je n'en entendis plus parler. Ni d'Amy, ni de toi.
Je ne partageais même plus un secret d'importance qu'elle ne connût pas.
Alors je t'ai envoyé des lettres. Tes réponses mettaient deux fois plus de temps à me parvenir. Quand elles venaient.
Alors j'ai relu tes lettres. Elles mouillaient deux fois plus mes yeux que la première fois. Et le parchemin avec.
Ces lettres ont un peu le même état que mon cœur, à présent : humides et froissées.
Te souviens-tu, Dorcas, de ces moments où tu coinçais ma tête sous ton bras, tout contre toi ; sans ménagement, tu me disais qu'on allait s'en sortir, qu'il ne restait plus que cinq jours dans cette galère... Quatre jours... Trois jours... Si j'avais su que ce décompte concernait également notre amitié, je t'aurais sûrement demandé de compter plus lentement. Ou de compter à l'envers.
Il y a une boîte, dans mon placard, qui contient tous tes petits présents. Un parfum, un bracelet bohème que James adore, une broche Phénix, et des lettres, des tas de lettres... En un mois, on a le temps de s'envoyer de grandes déclarations d'amour, je l'ai compris. On a le temps de s'attacher, n'est-ce pas ?
Un mois qui passe, puis une correspondance qui s'étire, n'a plus de sens, des sourires qui s'estompent, des rencontres qui se raréfient...
Alors je relis tes lettres. Des fois.
Et à présent, Dorcas, dis-moi : que dois-je faire ? Et réponds-moi, surtout : reviendras-tu, si j'attends encore ? Reviendras-tu, si je ne perds pas foi ?
« Gentille Lily, douce Lily, adorable Lily. »
Aujourd'hui, la douce Lily en a assez d'attendre. Assez de sourire gentiment, assez d'essayer de comprendre.
Alors, je n'ai plus qu'à aller raccrocher ta lettre, comme on épingle un vieux manteau sur un cintre.
Un manteau qu'on aimait bien, qui nous protégeait l'hiver.
Mais qui, malheureusement, s'est fait trop lourd.
On dit que l'amour passion n'est destinée qu'à durer trois ans, pas plus.
Qu'en est-il de l'amitié passion, cette amitié si fugace et irréelle qu'elle s'efface sans qu'on ne puisse rien faire ?
Qu'en est-il de nous, Dorcas ?
Reviens. Souris-moi. Reviens. Ris. Prends-moi dans tes bras. Dis-moi que James a de la chance. Dis-moi que je suis une battante. Dis-moi que c'est bientôt fini cette galère. Compte. Ecoute, cale-toi sur mes nombres. Dix, neuf... Regarde, à zéro tu réapparais. Cinq... Quatre... A zéro... A zéro, tu tiendras tes promesses. Deux... Un...
A zéro...
Zéro.
Tu réapparais, Dorcas. C'est maintenant ; tu es censée réapparaître. Tu n'as pas bien lu le scénario ? Tu sais, celui qu'on imaginait les soirs mordants, serrées l'une contre l'autre... Et mon cœur, tu as su le lire, mon cœur ? mes dernières lettres, celles qui restent sans réponse, les as-tu lues ?
Alors reviens.
Reviens.
Lily »