Rose regardait le parc depuis la fenêtre de sa chambre. Rose regardait le parc depuis de la tour de Gryffondor. Rose regardait le bonheur qu’elle n’avait plus.
Cela faisait bien longtemps qu’un sourire n’avait orné le visage de Rose. Bien longtemps qu’elle n’avait pas éclaté de rire. Son dernier rire remontait à l’hiver dernier, lorsqu’elle était en cinquième année. Il neigeait dehors. Elle jouait avec ses amis. Et surtout, elle jouait avec Scorpius. Scorpius, le garçon qu’elle l’aimait. Scorpius, le garçon qui l’aimait. Rose et Scorpius, les deux élèves de Poudlard qui n’auraient jamais dû finir ensemble et qui étaient finalement tombés amoureux l’un de l’autre, au grand désespoir de leur père respectif. Heureusement, grâce à la tolérance de leur mère, ils étaient finalement sortis ensemble, au grand jour. Après le scandale du début de leur relation, ils étaient vite devenus l’un des couples les plus populaires de l’école. Le plus beau, peut-être. Le plus heureux, certainement. Mais ce n’était plus le cas maintenant.
Et dehors, des couples s’embrassaient sous le faible soleil d’hiver.
Rose secoua la tête. Scorpius ne l’embrasserait jamais plus. Scorpius ne la tiendrait plus jamais dans ses bras. Scorpius ne viendra plus lui dire bonjour le sourire aux lèvres. Parce que l’hiver dernier, sous toute cette neige, sous quelques éclats de soleil, alors que dans la joie et la bonne humeur tout Poudlard se mélangeait pour jouer, alors que tout Poudlard s’unissait dans un même mouvement de bonheur et d’amitié, Scorpius était tombé. Scorpius s’était effondré par terre. Et Rose avait ri. Son dernier rire. Elle avait cru qu’il faisait semblant. Elle s’apprêtait à le rejoindre et à se coucher à ses côtés. Mais Lily avait crié. Lily qui était à côté de Scorpius lorsqu’il était tombé. Lily qui vit qu’il ne respirait plus. Lily qui appela à l’aide. Mais quand l’infirmière et le directeur en personne eurent tout tenté pour ranimer Scorpius, ils se tournèrent douloureusement vers Rose. Son amoureux ne se lèverait jamais plus.
Et dehors, des amis se relevaient après s’être allongés par terre.
Rose sentit une larme couler le long de sa joue. Scorpius n’était plus là. Scorpius était parti, parti plus loin comme le lui avait dit Sir Nicholas lorsqu’elle lui avait demandé en pleurant s’il reviendrait sous la forme d’un fantôme. Mais même sous la forme d’un spectre Scorpius ne revint pas. La dernière fois qu’elle vit son visage, c’était à son enterrement, avant qu’il ne disparaisse sous terre. Après, elle s’était dirigé vers les parents de Scorpius. Leur avait présenté ses condoléances. Puis s’était évanoui. Durant plusieurs jours, elle était restée alitée avec une forte fièvre. Elle délirait. Elle voyait Scorpius, et puis elle ne le voyait plus. Puis le temps était passé. Au fil des semaines, le visage de Scorpius s’effaçait de son esprit malgré tous ses efforts pour le retenir. Tous les moments passés avec Scorpius n’étaient plus que des souvenirs douloureux d’un amour perdu.
Et dehors, les élèves se créaient des souvenirs heureux.
Rose se mit à pleurer à chaudes larmes. Elle était seule dans son dortoir, mais pas seulement. Elle était seule dans sa vie. Elle était seule dans son cœur, dans sa tête, elle était seule physiquement. Et ça faisait mal, d’être aussi seule. Ca faisait mal, d’être aussi perdu, de sentir cette immense déchirure au niveau du cœur, de n’avoir plus rien qui en vaille la peine. De n’avoir plus d’objectif autre le matin en se levant que celui de tenir, de ne pas craquer, d’afficher un visage impassible dans la journée. Et le soir, comme tous les autres soirs, elle n’avait qu’à se rendre en haut de la tour d’astronomie pleurer son amour perdu. Elle aurait même pu sauter, ç’aurait été tellement simple. Mais Rose savait ce qu’était la douleur des proches maintenant. Et elle ne se sentait pas le droit d’infliger cette douleur à ses proches, à ses amis, à sa famille. Elle savait combien c’était douloureux.
Et dehors, les élèves n’avaient d’autre préoccupation que celle de s’amuser.
Rose sécha ses larmes d’un revers de main. Elle devait être forte. Elle voulait être forte. Elle aurait voulu tourner la page, refaire sa vie, sortir de nouveau, recommencer à sourire, à rire, à être heureuse. Elle aurait voulu retrouver l’amour, même si ça n’aurait jamais pu être pareil qu’avec Scorpius. Elle aurait voulu plein de choses, Rose, mais elle n’y arrivait pas. Ça ne venait pas. Scorpius était mort il y a plus d’un an maintenant, et elle n’avait toujours pas réussi à sourire. Oh bien sûr, elle souriait. Elle savait faire semblant, elle avait appris au fil des mois. Mais un vrai sourire, ça elle ne savait plus faire. Et elle avait peur de ne plus jamais savoir le faire. Parce que Rose n’était pas de ces filles qui font les intéressantes avec leurs larmes. Elle voulait sincèrement redevenir une jeune fille agréable et souriante. Elle voulait sincèrement redevenir heureuse.
Et dehors, des amis poussaient des cris de joie entre deux parties de jeu.
Rose était redevenue calme. Même les larmes n’arrivaient plus à la soulager désormais. Elle savait que son chagrin était au-dessus des larmes, mais elle était assez contente lorsqu’elle pleurait. Parce que ça prouvait qu’elle était encore vivante. Parce que ça prouvait qu’elle ressentait encore des émotions, qu’elle n’était pas qu’un fantôme qui avait pris la place de Rose Weasley, cette fille si souriante et si joyeuse. Mais aussi parce que ça prouvait que malgré tout, les choses évoluent. Après la mort de Scorpius, elle ne pouvait même pas pleurer. D’autant qu’on avait jamais trop su ce qu’il avait eu. Des problèmes de cœur apparemment. Mais ne pas savoir avait laissé Rose dans un flou insupportable, comme si ça l’empêchait de tourner la page. Lorsqu’elle avait pleuré pour la première fois, des mois plus tard, sa mère lui avait dit qu’elle était sur le chemin de la guérison.
Et dehors, des couples contemplaient émerveillés le ciel qui devenait blanc.
Rose se redressa un peu. Elle n’aimait pas le blanc. Elle n’aimait plus le blanc. Cette couleur, témoin de son dernier rire et de sa première perte, témoin de la mort de cette jeune fille qu’elle était autrefois, témoin de la Mort avec un grand M, cette couleur elle ne pouvait tout simplement plus la voir. Tout ce qui était blanc lui rappelait le mal, la douleur, le désespoir. Elle revoyait la neige, dans laquelle était tombé pour ne plus se relever celui qu’elle aimait. Elle revoyait les murs de l’hôpital, où un psychomage avait tenté de la faire parler. D’un autre côté, elle ne savait que penser. Petite, elle adorait la neige. Elle adorait y courir, se jeter dedans. Et sa mère pensait que lorsqu’elle reverrait la neige, elle ferait enfin le deuil de Scorpius. Parce qu’elle se rendrait compte de tout le chemin parcouru en un an. Et peut-être avait-elle raison. Alors Rose regarda encore une fois par la fenêtre, encore une fois dehors.
Et dehors, il neige.