- Regula m’énerve. Une vraie chouineuse. Tu l’as vue pleurer sur le quai tout à l’heure ? Elle m’en veut parce que je l’abandonne pour aller à Poudlard mais laisse-moi te dire que je suis bien content d’en être débarrassé. Tu ne connais pas ta chance d’être fille unique, Jane !
À ce prénom, je sursaute. Je devais m’être assoupie car les paroles de Sirius ne me parvenaient que comme un bruit de fond, un monologue lointain qui me berçait plus qu’autre chose. Et avant même que je le décide, je sens ma bouche se mettre en action pour répondre machinalement :
- Si tu le dis.
Ma propre voix m’étonne. Elle est assez aigüe. D’ailleurs, je mets plusieurs minutes à réaliser ce qui se passe autour de moi, à comprendre où nous nous trouvons. Le Poudlard Express. Je cligne des yeux et regarde mon reflet dans la vitre du wagon.
Regard vert inquisiteur.
Longs cheveux noirs.
Tout semble normal et, pourtant, une drôle de sensation me perturbe, je me sens oppressée. Comme une impression de déjà-vu, ou de quelque chose qui cloche sans arriver à en saisir la source…
- Ah, ce que j’ai hâte d’y être ! Je me demande si le Choixpeau nous enverra à Serpentard, continue Sirius.
- Serpentard ? s’exclame une voix moqueuse.
Je tourne mon regard vers les deux garçons qui nous font face. Je ne me souvenais même pas que la banquette était occupée. Celui qui a dit ça a des cheveux roux en épi et des yeux marron cerclés de lunettes. Son voisin aux cheveux gras s’apprête à ajouter quelque chose mais Sirius le devance :
- T’as un problème ?
- Quel sorcier normal voudrait aller à Serpentard ? Pas toi j’espère, Severus ? s’enquiert le rouquin en se tournant vers son compagnon.
Il a un ton tellement péremptoire que je n’ai qu’une envie, qu’il arrête de parler ! Ce n’est pas possible de se sentir à ce point supérieur, jamais personne ne l’a remis à sa place ou quoi ? Je vois d’ailleurs que le dénommé Severus hésite sur la réponse à donner - sans doute n’a-t-il pas envie de se mettre son nouvel ami à dos :
- Ma mère y était… mais ça ne veut rien dire… Où voudrais-tu aller toi, Lilo ?
- À Gryffondor, bien sûr ! C’est la meilleure maison, celle où les sorciers les plus courageux sont passés. Elle est faite pour moi ! assure-t-il en passant une main dans sa tignasse comme pour se décoiffer un peu plus.
Alors que mon estomac se crispe bizarrement à la vue de ce geste - ridicule -, Sirius ne peut retenir un ricanement.
- Tu as quelque chose contre ça ? demande ledit Lilo d’un ton hostile.
- Bien sûr que non, Monsieur Courageux, réplique Sirius en affichant un sourire en coin et en remettant ses cheveux en arrière comme pour mieux le singer.
- Si tu n’es même pas capable de te débarrasser d’une petite sœur pleurnicharde, ça m’étonnerait que tu aies ta place à Serpentard, lui rétorque Severus. Prépare-toi plutôt à rejoindre les Poufsouffle.
- Ah ! Ah ! Bien envoyé ! rigole son ami Lilo tout en repassant machinalement une main dans ses cheveux.
Décidément, c’est un tic chez lui, c’est pas possible ! Ce Lilo m’insupporte de plus en plus. Il est à la fois… désagréablement familier et familièrement désagréable. Pour qui se prend-il à se croire tellement plus courageux que les autres ? Que Sirius ? Et son copain ne vaut pas mieux. Ils ne savent rien de lui, de sa vie, des idées absurdes de sa famille qu’il a vaillamment endurées jusqu’à aujourd’hui. Sirius mérite amplement cette délivrance que lui offre Poudlard et si l’option camarades idiots pouvait être décochée, ça ne serait pas de refus ! Il est hors de question que des abrutis pareils gâchent la rentrée qu’on a tellement attendue. Aussi, je décide d’intervenir, un regard dédaigneux vers ces deux frimeurs à l’appui :
- Tu viens, Sirius, on sort ?
Il approuve d’un hochement de tête et m’emboîte le pas alors que le binoclard enchaîne :
- Ooooh ! Sérieux… si on ne peut même plus rire sans vexer les petites natures, elle n’est pas marrante ta petite amie.
À cette appellation, je sens mes joues chauffer mais je garde la tête haute et le regard fixé droit devant moi. Plus que quelques pas et Sirius et moi serons dans le couloir, à la recherche d’un nouveau compartiment occupé par des élèves plus intelligents.
- À bientôt, Sérieux ! rigole l’imbécile aux cheveux gras.
La porte coulisse et je me retourne vers Sirius pour commenter ce qui vient de se passer :
- Ce Lilo, quel crétin ! J’espère qu’on ne sera pas dans la même maison que lui.
- Ni avec son copain. Ils font la paire dans le genre comiques de service ratés.
- Au moins, je suis sûre que je n’aurai pas à les supporter dans mon dortoir, moi, dis-je pour taquiner mon ami.
- Oh ! Ne m’en parle pas ! Je crois que je préférerais encore dormir sous une tente dans le parc plutôt que dans la même pièce qu’eux si jamais j’avais cette malchance.
Je me retourne de trois quart vers lui pour lever les yeux au ciel.
- Mais bien sûr ! Dormir à la belle étoile… le problème, c’est qu’avec tout ce que j’ai appris sur les créatures magiques qui peuplent la forêt interdite, j’aurais peur qu’on te retrouve en charpie le…
- Attent…
- … lendem… aïe !
- Trop tard !
Sirius grimace et me demande si ça va. Je suis un peu sonnée mais rien de grave alors je hoche la tête en signe s’assentiment. Apparemment, je suis rentrée dans un garçon qui sortait un peu trop rapidement de son compartiment. Il en est tout gêné et semble avoir oublié ce qu’il avait l’intention de faire parce qu’il nous invite à s’installer avec lui dans le wagon qu’il occupe avec un autre garçon et il n’arrête pas de s’excuser. Bon, au moins, ces deux-là ont l’air sympa.
Je ne sais pas si je fais une drôle de tête ou quoi mais Sirius se joint à lui pour un concert d’inquiétudes.
- Hey ! C’est bon les gars, il n’y a pas mort d’homme ! On s’est juste cognés et je ne suis pas en sucre.
- Bon, maintenant que tu réagis, je veux bien le croire, rétorque un Sirius visiblement soulagé. Je sais que tu n’es pas comme Regula à pleurer pour un rien, mais quand tu ne dis rien, Jane, c’est qu’il y a un problème.
Je lève les yeux au ciel. Parfois, Sirius se conduit vraiment trop comme un grand frère avec moi. Mais bon, je dois reconnaître que si ça m’exaspère qu’il veille ainsi sur moi, ça me fait aussi plaisir dans le fond.
Puisque tout le monde conclut que je ne vais ni fondre en larmes ni m’évanouir, on en vient enfin à faire les présentations. Le gars que j’ai percuté s’appelle Remus et l’autre Peter. Ils se sont rencontrés aujourd’hui et bien qu’ils aient été élevés dans des familles sorcières, ils ne connaissent personne qui rentre à Poudlard cette année. Je réalise alors quelle chance j’ai d’avoir Sirius. Ça doit être assez terrifiant de débarquer tout seul dans une nouvelle école, loin des siens - et ça doit expliquer qu’ils soient assez timides.
Le soir tombe alors qu’on papote de tout et de rien. Sirius semble ravi de se faire des amis et j’en suis heureuse pour lui. Il me jette de temps en temps des regards en coin suspicieux mais j’essaye de le rassurer d’un sourire. Je ne sais pas ce que j’ai. Peut-être est-ce la rentrée qui me noue un peu l’estomac, le trac de la Répartition… En tout cas, je suis moins loquace que d’ordinaire et je me surprends régulièrement à me regarder dans la vitre du wagon… comme si je cherchais des réponses… à comprendre quelque chose…
Avant même que je m’en aperçoive, nous sommes tous les quatre dans une barque qui nous mène droit vers Poudlard. C’est une voix forte qui me fait dresser les cheveux sur la nuque qui me sort de mes pensées. Lilo. Décidemment, on va vraiment devoir le supporter celui-là. Il est dans le bateau juste derrière nous et, manque de chance, il vient de nous repérer :
- Eh ! Regarde, Severus ! C’est Sérieux et sa petite amie. Alors les amoureux, elle se passe comme vous voulez cette balade au clair de lune ? rigole-t-il.
Sirius veut répliquer mais je le retiens par la manche pour l’empêcher de se retourner.
- Laisse tomber, Sirius. Il n’en vaut pas la peine. Mieux vaut ignorer les abrutis dans son genre.
- C’est bien un truc de fille, ça ! grince-t-il des dents en se renfrognant.
Je le vois serrer les poings mais je décide de ne pas en tenir compte. J’ai raison, il s’en rendra bien compte.
- Alors, Princesse Sérieuse, tu préfères ignorer le petit peuple ? Tu l’as bien dressé en tout cas ton copain. On dirait un gentil toutou tenu en laisse…
Bon, là, j’avoue, si Remus et Peter ne nous avaient pas retenus tous les deux, on aurait pu avoir des ennuis. Ils ont eu le bon réflexe de s’extasier sur la composition de nos baguettes quand on les a brandies alors que le garde-chasse de Poudlard commençait à regarder dans notre direction.
- Tout va bien là-bas ? demande-t-il en fronçant les sourcils. Rangez-moi ces baguettes, vous aurez tout le temps de vous les montrer au château.
Comme j’ai finalement failli ne pas tenir compte de mon propre conseil, Sirius a l’air amusé et s’apprête à me le faire remarquer pour me narguer mais je lui interdis d’essayer. C’est idiot, je sais, mais je suis vexée. Dans d’autres circonstances, je suis persuadée que j’en aurais rigolé avec lui mais, aujourd’hui, je ne dois pas être dans mon état normal. Et ça me vexe d’autant plus de ne pas profiter de notre complicité.
Ah ! Ce que je peux détester ce Lilo et ce Severus !
C’est l’humeur un peu grincheuse que j’accoste et que je suis le groupe jusque dans une salle où l’on doit patienter avant la Répartition. Tout semble aller très vite et alors que je suis censée découvrir ces murs pour la première fois, je ne m’étonne de rien… comme si… comme si j’étais déjà venue. Est-ce que c’est parce que Poudlard est d’ores et déjà ma nouvelle maison ? Je me sens déjà chez moi ? J’ai pourtant toujours cette drôle d’impression au fond de moi. Comme si on m’observait… Par chance, j’ai un ami en or. Sirius arrive à me distraire de mon état brumeux par quelques traits d’esprit et nous voilà déjà dans la Grande Salle, prêts à être répartis.
Ma gorge se serre à mesure que les élèves sont appelés.
Le tour de Sirius ne tarde pas et le Choixpeau a à peine effleuré sa tête qu’il crie Gryffondor.
Puis vient le tour de ce Lilo Evans tellement horripilant. À mon grand désarroi, il rejoint le banc de Sirius où ce dernier le snobe allègrement.
À leur tour, Remus puis Peter sont envoyés dans la maison rouge et or.
Je retiens ma respiration. J’ai un mauvais pressentiment. Je ne peux pas me retrouver toute seule, n’est-ce pas ? Ou, pire, avec ce Severus qui n’a toujours pas été appelé.
Mon nom retentit dans la salle et je sens mes jambes se mettre en mouvement malgré moi. Tel un automate je m’assois sur le tabouret. J’ai envie de fuir mais je suis comme prisonnier de ce corps. Je cherche les gars du regard pour être rassuré. Sirius lève les deux pouces dans ma direction ce qui m’apaise un peu. Allez, il n’y a aucune raison que je ne le rejoigne pas. Je sens le poids du Choixpeau qui se pose sur ces longs cheveux noirs qui me semblent soudain étrangers. Qu’est-ce que… ? Et alors que j’entends le nom de l’illustre Rowena résonner, je sursaute violemment.
Il fait sombre. Je suis allongé dans mon lit et mon cœur bat la chamade. Alors que je me remémore la raison de cet affolement, je porte instinctivement mes mains à ma tête. Cheveux courts en désordre. Je laisse mes mains glisser le long de mon visage… frôler ma pomme d’Adam… filer droit sur mon torse et… non, c’est bon, aucun doute !
Je soupire de soulagement.
Je suis bien moi… en entier.
James Potter.
Pas cette Jane dans le corps de laquelle je me suis retrouvé. Ni ce Lilo tête-à-claques qui n’arrêtait pas de se passer une main dans… Saisi d’un doute, j’arrête le geste que je suis en train d’effectuer sans l’avoir prémédité. Qu’est-ce que ma main fait dans mes cheveux ?
Coupable, je la ramène en vitesse sous les draps pour que Lily ne me prenne pas en flagrant délit.
Attendez… Lily ?!
Je me tourne brusquement sur le côté et m’aperçoit qu’elle y est allongée.
Lily. Ma femme.
Je n’en reviens toujours pas.
Je dois sourire comme un idiot à ce moment précis mais je m’en fiche pas mal. Je réalise à quel point j’ai de la chance parce que, mine de rien, ce cauchemar vient de me faire réaliser à quel point j’étais insupportable à l’époque. Bon, cela dit, Lily ne manquait pas de caractère non plus avec cette voix haut perchée et sa manie de prendre la mouche pour des broutilles.
Mon sourire s’élargit.
C’est qu’elle m’étriperait si elle entendait ce que je viens de penser.
Ah… ce que je peux l’aimer !
Apaisé, je lui dépose un baiser affectueux sur la tempe et ne parvient même pas à le regretter alors qu’elle se réveille à cause de moi. J’aime trop voir ses grands yeux verts s’ouvrir pour moi et m’interroger. Je prends quand même un air penaud pour me faire pardonner, je ne voudrais pas qu’elle commence la journée de mauvaise humeur.
- Désolé, je ne voulais pas te réveiller, j’ai juste fait un mauvais rêve.
- Sérieux ? Il est temps de grandir pauvre chéri, me répond-elle d’un ton cynique en ébouriffant mes cheveux alors que ma mâchoire se décroche.
- Lily ?! je demande d’une voix étranglée.
Mais elle semble être déjà retombée dans les bras de Morphée.
Qu’est-ce qui lui a pris ? Où est passée ma tendre petite femme qui m’aurait d’ordinaire consolé d’un baiser ?
Les hormones, sûrement !
Ou je suis encore en plein songe…
En tout cas, il est vraiment temps que le bébé arrive. Je savais bien qu’on aurait dû demander le sexe de notre enfant au lieu de s’interroger, ça me travaille trop cette histoire… Passe encore d’imaginer la tête qu’il pourra avoir, s’il héritera de ses yeux ou des miens, de ma tignasse ou de sa chevelure, de mon humour in(com)parable ou de son charmant caractère… mais rêver encore de Rogue la nuit, non merci !
Voici ma participation au concours Harry Potter, Potter Harry et vice versa organisé par Saule et dont les règles sont :
« Le but de ce concours est d'écrire une fic en inversant le sexe des personnages.
Vous pouvez choisir de modifier un seul ou plusieurs si ce n'est tout les personnages, c'est au choix (…)
Pour cela il faudra leur donner un nouveau nom proche du leur quitte à en inventer (...)
Dans votre fic, il devra y avoir une véritable trame, j'entends par là qu'il devra y avoir une chute digne de ce nom, on écrit pas juste pour écrire, on écrit pour raconter!^^
-Vous pourrez utiliser toutes les époques (…)
-Tous les ratings sont autorisés
-Ce peut être un OS ou une fic longue (…)
-Votre fic devra commencer par un dialogue court ou non, et la première phrase doit être déclarative
-Une longueur de minimum 1700 mots. »
James, Lily... Jo... pardon ^^'
Pour tout vous avouer, au début, je ne pensais pas participer au concours de Saule mais j’avais cette idée de fic qui traînait depuis plusieurs années maintenant qui ressemblait à son thème (plutôt qu’un échange de sexe, c’était un échange de comportement avec Lily qui se conduisait comme James et ce réveil surprise… le titre prévu était « Un caractère de rêve ») Et puis Saule peinait à trouver des participants alors j’ai essayé de mélanger les deux idées et ça donne ce délire. A toutes fins utiles, je précise que je l’ai fini en étant enrhumée (oui, j’essaye de faire passer cet OVNI pour une conséquence d’une probable fièvre… et je n’ai pas honte ^^ *part en courant*)