Il avait réussi à me faire oublier sa débilité profonde. Vraiment ! Mais James Potter ne changera jamais ! J’ai presque envie de monter en haut de la tour d’astronomie et, sous les éclairs et la tempête, hurler : « Jamais ! » suivi d’un rire sardonique. C’est dire à quel point je suis désespérée.
Non, mais l’autre jour, il m’a encore fait une de ses farces ô combien intelligentes. Tandis qu’il était assis devant le lac noir et fourrait sa langue baveuse dans la grande bouche d’Annabelle Wilson – grand bien leur en fasse – avec passion, j’accompagnais Fred chez Hagrid. Il devait lui apporter une lettre de la part de son père. Enfin, le plus important n’est pas là. On marchait en discutant de tout et de rien et, évidemment, Fred voulait aller saluer son cousin. Parce qu’ils ne se voient pas assez dans le dortoir des Gryffondor… Je le soupçonne de tenter d’arranger un coup entre James et moi…
Après relecture de cette dernière ligne et avoir frappé ma tête contre le portant de mon lit, je me dis que c’est tout à fait IMPOSSIBLE. Bref.
Ils ont discuté, Wilson qui n’avait plus d’endroit où mettre sa langue chuchotait des trucs à l’oreille de James en la mordillant. REPUGNANT, si vous voulez mon avis. Enfin bon, quand Fred s’est éloigné de lui, James a enfin remarqué ma présence. J’ai eu le droit aux remarques habituelles que je ne citerai même pas. Il suffit de lire les pages précédentes de ce journal.
Vu que je l’ignorais superbement, il m’a poussée dans l’eau. Oui, comme ça. Il s’est levé, s’est avancé vers moi et m’a poussée. Je peux vous dire au moins une chose : c’est qu’en novembre, l’eau du lac est glacée. Mais du genre TRES glacée ! Et le pire, c’est qu’il me voyait paniquer, me faire avaler par le fond à cause de ma cape imbibée, et qu’il ne faisait rien ! Bon, je ne parle pas de Wilson et de leurs petits copains.
J’ai eu l’air vraiment ridicule en y repensant. Parce que là où j’étais, j’avais pieds. Mais je ne sais pas nager, alors j’ai une excuse valable… enfin je suppose. Mais tout de même !
Heureusement, Fred est venu m’aider à me relever. Je me sentais un peu mal pour lui parce qu’il était trempé jusqu’à la taille. Mais au pire, il m’a sauvé la vie.
Finalement, on est parti sous les ricanements débiles de Wilson et le regard fier de James. Heureusement, Hagrid avait fait du thé. Et enroulée dans une de ses couvertures, j’ai pu ne pas attraper froid. Fred m’ayant déconseillé de goûter à ses gâteaux, je me suis contentée de la boisson chaude.
Quittant la salle commune des Serpentard, Edwige soupira. Il ne la laisserait donc jamais tranquille. Même la nuit, il la hantait. James était un odieux personnage. Cette nuit-là, elle n’avait pas réussi à trouver le sommeil. Alors, elle s’était en quelque sorte vengée en écrivant du mal de James. C’était idiot. Idiot et puéril. Mais qu’est-ce que ça faisait du bien !
Du coup, sa besogne finie, et ne se sentant qu’à peine soulagée, elle avait décidé d’aller faire un tour dehors. Recouverte d’un pull beaucoup trop large pour elle et marqué d’un grand F violet, Edwige s’aventura à l’extérieur du château. Frigorifiée par le froid et le vent violent de la fin d’automne, elle marcha à vive allure, serrant sa baguette contre elle. Sans faire attention où elle allait, la jeune Serpentard psalmodiait des insultes envers cette tête de cochon qu’était James.
Pourquoi fallait-il qu’elle soit sa victime ? Il y avait tellement d’autres élèves. D’autres filles, à Serpentard, au physique presque similaire au sien. Honnêtement, elle était d’un banal tel que jamais il n’aurait dû la remarquer. Alors pourquoi ? Pourquoi tant de haine, d’humiliation et d’obsession ?
Sans qu’Edwige ne s’en rende compte, ses pas l’avaient menée jusqu’à l’orée de la Forêt Interdite. Elle regarda une dernière fois derrière elle puis s’enfonça entre les arbres crochus, là où le fond n’était que noirceur. Mais elle s’en fichait. Ce qui était sombre, les endroits terrifiants, elle s’y sentait bien. Et puis, les accromentules et autres monstres ne l’effrayaient pas. Au contraire, ils ne digéreraient sûrement pas son mauvais caractère et son aspect peu charnu. Au pire des cas, Edwige finirait sa vie tristement, engloutie par un de ces montres à huit pattes.
Trottinant avec insouciance, la jeune sorcière vérifia tout de même que ce n’était pas la pleine lune. Elle se serait sentie très mal face à un loup-garou. Au bout de quelques minutes, elle s’arracha de la masse broussailleuse des arbres pour arriver sur une petite clairière. Au centre de celle-ci, un grand étang mangeait presque toute la zone praticable. Prudemment, Edwige se pencha et constata avec horreur que l’étendue d’eau était profonde. Bien trop pour elle. Alors, sans se défaire de sa mauvaise humeur, elle recula prudemment pour s’asseoir sur un rocher recouvert de mousse.
- James Potter est un parfait idiot ! cria-t-elle alors dans le vent. C’est le plus idiot des idiots ! LE ROI DES IDIOTS !
D’un bond, elle se releva et commença à gesticuler dans tous les sens. Elle cracha toute sa rancœur au vent, se soulageant petit à petit de ses maux.
- C’est un sorcier raté à l’égo surdimensionné ! Il se prend pour le roi de Poudlard mais n’est rien qu’un… qu’un petit bébé lion insignifiant ! C’est un imbécile sans cervelle qui s’amuse à ridiculiser les autres. Il ne sait rien faire à part se la jouer ! Je… JE LE HAIS !
Elle se tut un instant, comme choquée par ses propres parles.
- Je… Je le hais. Je le hais. Je le…
Ça ne servait plus à rien. Edwige restait choquée par la fausseté de ces mots sortant de sa bouche. C’était comme si cette phrase était le plus mauvais des mensonges jamais prononcés. Rageuse, elle shoota dans un caillou qui vint rouler jusqu’au fond de l’étang.
- Pourquoi Merlin ? s’écria-t-elle à nouveau. Pourquoi je n’arrive pas à détester cet idiot ? J’ai dû être extrêmement mauvaise dans une autre vie pour mériter ça ! Et je…
Un sentiment horrible envahit alors la jeune sorcière, la coupant dans son monologue pitoyable. Un froid plus glacial encore que celui de la nuit vint peu à peu envelopper la jeune femme jusqu’à ce que plus aucune source chaleureuse ne lui parvint. Même son corps sembla s’être refroidi au point que ses joues avaient perdu leur rougeur habituelle. Edwige agrippa le pull de Fred au niveau de son cœur. Affolée, elle tentait de sentir ses battements. En vain.
Elle n’avait encore jamais vécu ça. A la limite de l’horreur et de la terreur, Edwige était pétrifiée. Avec inquiétude et appréhension, la Serpentard se tourna lentement pour regarder ce qui se trouvait derrière elle. Dans un bruit d’une respiration grave et lente, un spectre noir comme la nuit flottait. Un détraqueur. Horrifiée, Edwige sortit sa baguette et recula. La menace tendit ses longs doigts crochus vers elle, comme pour la saisir.
La jeune sorcière paniquait. Elle n’avait jamais combattu de détraqueur. Mais le plus inquiétant était qu’elle en rencontre un, juste ici. Il n’y avait pas d’explication logique. Aucune. Elle n’était pas loin de Poudlard, le dernier endroit où elle en rencontrerait. Ils avaient été exilés quelques années auparavant, n’ayant même plus la tâche de surveiller Azkaban.
Resserrant sa poigne autour de sa baguette, Edwige tenta de trouver un souvenir heureux. Pas dans sa famille. Ni même son entrée à Poudlard. Encore moins son premier vol. Et elle n’avait pas d’amis. Si, un ! Sans s’en rendre compte, elle défila dans sa tête tous les moments qu’elle avait partagés avec son meilleur ami. Y pensant le plus fort possible, elle fit face à l’horreur même et hurla « Spero Patronum ! ». Un minuscule filament argenté sortit de sa baguette et percuta le détraqueur. Sous le choc, celui-ci recula légèrement mais dès que la lueur disparut, il se jeta à la poursuite de la jeune humaine.
Celle-ci, horrifiée de se voir incapable de se défendre, courut à vive allure jusqu’au centre de la clairière. Peu à peu, elle s’enfonça dans l’étang aussi vite qu’elle put. Mais, alors que l’eau lui arrivait jusqu’aux hanches, la créature la rattrapa. Elle ouvrit grand sa gueule et tout se figea. Edwige semblait s’être mise à flotter légèrement. Sa tête révulsée en arrière, elle ne pensait plus. Elle n’y arrivait pas. Seules des images plus horribles les unes que les autres défilaient devant ses yeux. Elle allait mourir, elle en était sûre. Le détraqueur lui volait son âme. Et bientôt, elle ne serait plus qu’une coquille vide.
La jeune sorcière voulut réagir, se défendre. Mais alors qu’elle allait tenter de se mouvoir, un souvenir qu’elle avait depuis longtemps refoulé lui parvint. Devant elle, tout était en flamme. Le pire moment de toute sa vie. Pourquoi revenait-il maintenant ? Pour lui faire regretter de toujours avoir été détachée et insensible ?
« Théodore ! » criait une femme en toussant. « Théodore, où êtes-vous ? Ne me laissez pas. Je vous en prie ! »
Les yeux de la petite quittèrent le haut des escaliers où se trouvait sa mère pour voler vers son père. Elle lui demanda pourquoi il n’allait pas chercher sa maman, mais celui-ci se contenta de l’enrouler dans une couverture et de la prendre dans ses bras. A toute vitesse, il parcourut le salon, évitant le plafond qui s’effondrait. D’un coup de pied, Théodore Nott fit virevolter la porte d’entrée, puis il s’y engouffra. Dehors, les pompiers de hâtaient déjà pour éteindre le feu. Théodore Nott posa sa fille dans l’herbe puis se redressa, déterminé à retourner chercher sa femme. Enfin, c’est ce qu’Edwige avait cru, de ses yeux d’enfants. Retenu par un policier, il se contenta de regarder sa maison s’écrouler, impuissant.
Tandis que sa vie semblait lui échapper, Edwige laissa couler une seule et unique larme. Elle entendit alors quelqu’un crier son nom, puis sombra dans le noir le plus profond.
Edwige reprit connaissance au bout de ce qui lui sembla une éternité. Elle avait la langue pâteuse et les paupières si lourdes qu’ouvrir les yeux semblait lui demander autant d’effort que de soulever un Troll endormi. Cependant, elle fut obligée de le faire car quelqu’un la secouait dans tous les sens.
- Allez Nott ! Réveille-toi, bordel ! Nott !
Une claque.
- Me fais pas ça, ok ?
Une seconde.
- Nott ! NOTT !
- Si tu me gifles encore une fois, je te jure que tu es mort, James Sirius Potter, grommela la jeune fille en articulant le plus possible.
Celui-ci la lâcha un instant pour la regarder de ses yeux brillants. Si elle ne le connaissait pas, Edwige aurait pu croire qu’il avait pleuré. Soudain, la prenant de court, James l’enserra de ses bras et posa sa tête sur le sommet de son crâne. Comme si elle n’était qu’une petite fille, il la serra encore plus fort et la berça doucement.
- Euh… Tu as pris un coup sur la tête, Potter ? argua Edwige en le repoussant. Ou alors, je suis tombée dans un univers parallèle.
James se recula encore plus, passant une main nerveuse sur sa nuque. Tentant de rassembler ses esprits, Edwige secoua sa tête lentement. Elle venait d’échapper à la mort. Son cerveau ne voulait pas fonctionner et en réalité, elle tremblait de tout son être. Trempée jusqu’aux os, elle essora ses longs cheveux et ôta son pull, non sans jeter un regard meurtrier au Gryffondor.
- Tu m’as frappée ! l’accusa-t-elle en claquant des dents.
Le sorcier accusa le coup et lui jeta un regard sombre.
- Et je t’ai sauvé la vie, par la même occasion.
Il se releva, sans lui proposer son aide. Derrière les arbres, deux silhouettes l’attendaient. D’un signe discret, il leur répondit de partir devant. C’est ce qu’elles firent.
- ‘Scuse-moi, grommela la Serpentard en se relevant. Et merci.
- Y’a pas de quoi. Tiens.
Il lui tendit son pull qu’il venait de ramasser. Il traînait à côté de son écharpe et ses chaussures, enlevées précipitamment avant de plonger pour secourir la jeune femme. Frissonnant, il ignora le froid et les gouttes d’eau qui perlaient de la pointe de ses cheveux. Edwige hésita un instant mais le prit en l’enfila sans rien dire. Il était identique à celui qui était à présent imbibé d’eau. A l’exception, en réalité, de la lettre J brodée en rouge qui avait remplacé le F de Fred. Continuant dans sa lancée, James lui tendit l’écharpe.
- Euh… Tu veux vraiment que je porte ça ? rechigna Edwige dans un geste de dégout.
- Quoi encore ? soupira le sorcier.
- Elle est rouge .
- Et… ?
Edwige lui lança un regard las. Comment un idiot pareil avait-il fait pour lui sauver la vie ? Vraiment. Soupirant, elle fit quelques pas, ramassant son pull trempé au passage et alla s’assoir plus loin. A son grand étonnement, James la suivit et vint s’installer à ses côtés. La jeune fille lui jeta un regard mauvais avant de rétorquer :
- Et j’ai une réputation à tenir.
- Ah vraiment ? fit James amusé. Bon, eh bien… tant pis pour toi.
Il fit mine de l’enrouler autour de son coup mais Edwige l’arrêta.
- C’est bon, je la veux bien.
James sourit à nouveau et enroula véritablement un bout de l’écharpe autour de son coup. Puis, jetant un regard amusé à Edwige, il lui tendit l’autre bout.
- J’ai froid, moi aussi, se justifia-t-il simplement.
Levant les yeux au ciel, la Serpentard se rapprocha de lui le plus près possible et se para de l’écharpe. Imperceptiblement, Edwige rougit. Jamais elle n’avait été aussi intime avec un garçon. Et jamais elle ne se serait doutée qu’elle le serait avec James Potter.
- Attends… Comment as-tu su où je me trouvais ? s’exclama alors Edwige en se décalant légèrement. Et puis… si c’est toi qui m’a vraiment sauvée… tu as du faire un véritable Patronus ! Montre-le-moi pour que j’y croie !
James toussa légèrement.
- Pourquoi tu ne peux pas te contenter de me remercier ?
- Parce que ça te ferait trop plaisir ?
Ils rirent doucement, pour la première fois de leur vie, complices.
- En réalité, ça te ferait trop plaisir que je t’explique aussi, reprit James. Donc l’un devra céder devant l’autre.
Edwige eut un moment d’absence, tentant de comprendre la phrase de son ennemi. Elle avait si mal à la tête, et pourtant, elle se sentait comme hors de son corps. C’était une sensation des plus désagréables.
- Si tu veux que je te réponde, Nott, il va falloir que tu m’éclaires sur quelques-unes de mes questions.
- D’accord, fit simplement Edwige en serrant l’écharpe autour de son coup. Mais je commence.
James voulut la contredire mais il savait qu’il n’obtiendrait rien. Il acquiesça donc, attendant la première question qu’il connaissait déjà.
- Comment m’as-tu trouvée ?
Le sorcier soupira, cherchant avec habilité ses mots.
- J’ai une… carte, expliqua-t-il. Elle me montre qui est où dans tout Poudlard. Et vu que je savais que des détraqueurs seraient ici cette nuit, j’ai surveillé tous les recoins du château et…
- Tu m’as espionnée et suivie ? s’insurgea Edwige. Vraiment, Potter ? Tu te crois tout permis, c’est ça ?
- Mais non ! reprit-il en élevant la voix. Arrête de penser que tu es le centre du monde, Nott.
Edwige haussa les épaules. Elle n’allait pas le vexer où l’énerver. Sinon, elle n’aurait pas toutes les réponses à ses questions. Pour une fois qu’ils pouvaient discuter sans se crier dessus, il valait mieux en profiter. Et pour la première fois de sa vie, la jeune fille admettait que James n’était pas si débile que ça.
- A moi ! s’exclama le sauveur. Tu ne sais pas nager ?
- Plutôt directe, comme question, marmonna-t-elle.
- Pourquoi tourner autour du pot pendant trois heures ? rit-il. J’ai d’autres choses à faire.
La Serpentard piqua un fard et lui répondit :
- Eh bien, tu vas pouvoir te moquer de moi, Potter. Non, je ne sais pas nager.
- C’est bien ce qu’il me semblait… Je suis désolé.
- Désolé ?
Edwige arqua un sourcil, septique. Potter qui s’excusait ? A elle, qui plus est ? Elle devait rêver, ou son cerveau devait encore être embrumé.
- Ouais, t’as bien entendu. Me le fais pas répéter. Pour t’avoir poussée, ajouta-t-il plus bas. Mais pourquoi tu as couru dans l’étang alors ? Ce n’est pas logique. Pas logique du tout.
- JE ne suis pas logique, sourit la jeune fille. Bref, à mon tour. Comment savais-tu que des détraqueurs se trouveraient ici ?
Il ne répondit pas de suite, et Edwige en profita pour tousser légèrement et enfouir son visage dans l’écharpe. James Potter regrettait de l’avoir poussée. Il s’était même excusé. La Serpentard était perdue. Plus que jamais auparavant.
- Avec Roxanne et Olivier, on…
- Olivier… ? Olivier Thomas ?
- Qui d’autre ? soupira James. Et arrête de me couper, s’il-te-plaît.
- D’accord.
- Bien. Donc… euh… Ah oui ! Avec Roxanne et Olivier, on est sur une nouvelle affaire cette année, expliqua-t-il.
Edwige, les yeux brillants, ne put s’empêcher de lui couper une nouvelle fois la parole.
- Comme l’affaire des tableaux, ou celle du Troll des montagnes ?
James lui lança un regard noir et d’un coup elle prit un air coupable. Mais elle releva la tête aussitôt, le regard aussi sombre que James. Pourquoi devrait-elle se sentir coupable de l’avoir coupé ? Aux dernières nouvelles, ils n’étaient pas amis, et elle ne l’appréciait pas spécialement. Alors, pourquoi se sentait-elle ainsi ?
- Je ne savais pas que tu suivais mes glorieux exploits, plaisanta-t-il.
- Tes chevilles, Potter.
- Ouais. Bon… Je ne peux pas trop t’en parler de toute façon. Mais en gros, quelqu’un en a envoyé – des détraqueurs – pour essayer de… Enfin. Non, je ne peux vraiment pas t’en parler. Désolé.
Frustrée, Edwige bougonna.
- J’ai le droit à une autre question, alors ?
- Que si tu réponds à la mienne, en premier.
Elle allait se faire avoir. Encore. Mais tant pis, sa dernière demande était bien trop importante. D’un signe discret de la tête, elle l’invita à la poser.
- Pourquoi tu me détestes ?
Cette question la déstabilisa. Honnêtement, elle n’y avait jamais réfléchi. Et en même temps, elle ne le détestait pas. Alors, comment répondre à cette question piège ?
- Je… hésita-t-elle. Je ne te déteste pas vraiment.
Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme.
- Mais ! Ton arrogance m’agace fortement. Et je ne supporte pas tes accès de débilité qui te poussent à me persécuter. La vraie question devrait être pourquoi TOI, tu me détestes.
- C’est ta dernière question ? s’enquit-il le cœur battant à la chamade.
- Non.
James se calma aussitôt et la regarda, sérieux.
- Ma dernière question est une demande en fait. J’aimerais voir le Patronus qui m’a sauvé la vie.
Surpris et presque paniqué, James se leva.
- Tu ne peux pas. Viens, maintenant, tu dois rentrer au château.
- Potter…
- Viens !
Il lui tendit la main et, à sa plus grande surprise, elle s’en saisit pour se relever.
- Je n’ai pas besoin de toi, fit-elle platement. Va rejoindre tes petits copains pour jouer les héros.
Elle lui rendit son écharpe et s’en alla d’une marche décidée. Mais vite, elle fut rattrapée par James qui cachait un sourire narquois.
- Je vais quand même venir avec toi.
- Pourquoi donc ?
- Parce que tu vas dans la mauvaise direction.
Une nouvelle fois, Edwige rougit. Elle s’arrêta et fixa obstinément ses pieds. Son sens de l’orientation avait toujours été déplorable. Mais elle ne pensait pas qu’il la mettrait dans l’embarras devant Potter, alors qu’elle essayait une fois de plus de faire la forte tête.
- Viens, fit simplement James en la prenant par le bras. Ne restons pas ici.
Edwige le suivit, se laissant tirer. Ils firent demi-tour et traversèrent la clairière en silence. D’un coup, la forêt l’effraya. Lorsqu’ils y pénétrèrent, la jeune fille avait l’impression que derrière chaque arbre, un détraqueur se cachait, prêt à les attaquer. Instinctivement, elle se rapprocha de James et attrapa le bas de son T-shirt. En silence, ils s’enfoncèrent au cœur de la Forêt Interdite, en direction du château.
Mais au bout de quelques minutes, d’autres respirations glaciales se firent entendre derrière eux. Edwige s’arrêta d’un coup, terrifiée. James se tourna vers elle, étonné.
- En… Encore ? demanda-t-elle d’une voix faible.
- Plus que je ne le pensais. Cours !
Il attrapa sa main et l’entraîna dans sa course. Légèrement sous le choc, Edwige tentait tant bien que mal de le suivre mais elle ne cessait de trébucher. Pourquoi fallait-il que ça lui arrive à elle ? Comment avait-elle offensé Merlin pour qu’il la punisse ainsi ?
Au fur et à mesure qu’ils avançaient, les détraqueurs gagnaient du terrain. Bientôt, ils seraient sur eux et c’en serait fini.
- Ma baguette, haleta Edwige dans un dernier espoir.
- Je l’ai, souffla James en sautant au-dessus d’une branche. Et je la garde.
Il s’arrêta alors, et força la jeune sorcière à le regarder dans les yeux.
- Cours tout droit, je vais les retenir. Tu lèves les jambes, tu suis la lumière et surtout, tu ne préviens personne. Compris ?
Elle hocha la tête affirmativement. Edwige allait s’enfuir mais quelque chose la retint. De la culpabilité peut-être. Ou de la gratitude. Tout ce qu’elle savait, c’est que, comme une lâche elle allait s’enfuir, et James allait affronter les créatures seul. Elle allait l’abandonner. Et c’était un sentiment qu’elle avait connu une seule fois auparavant. Le jour de l’incendie.
- Je… tenta-t-elle les larmes aux yeux.
Mais James lui coupa la parole sans même prendre le temps de la regarder.
- Va-t’en, Edwige, dit-il en prononçant pour la première fois son prénom. Va-t’en, s’il-te-plaît.
Sans attendre, elle courut comme elle put dans la direction qu’il avait indiquée. Au bout de quelques pas, elle se retourna une dernière fois pour le regarder. James faisait à présent face à deux détraqueurs. Attirant leur attention, il partit en courant dans la direction opposée. Les Gryffondor n’étaient pas courageux. Non, ils étaient fous.
Devant elle, les arbres défilaient, plus identiques que jamais. Elle savait qu’elle allait se perdre et qu’au lieu de se lamenter elle devrait faire demi-tour et retourner vers le Gryffondor. Mais elle n’avait pas d’arme, c’était James qui avait sa baguette. Et elle n’avait pas le courage. Oui, elle ne se sentait pas assez forte pour y retourner. Tandis que James se sacrifiait pour lui sauver la vie, elle s’enfuyait, lamentablement.
Soudain, Edwige trébucha et tomba du talus qu’elle avait gravi. Mettant ses mains en avant pour amortir le choc, elle s’écrasa sur des rochers. La douleur ne fut pas fulgurante. Non, au début, tout semblait s’être ralentit et les ombres flottaient autour d’elle. Et ce fut après quelques secondes de flottement qu’elle sentit la pierre qui lui lacérait la cuisse gauche. Se laissant tomber sur le côté, elle se replia en position fœtale tentant de refouler ses larmes et l’insupportable douleur. Puis, elle ouvrit les yeux, l’un après l’autre, et tenta de se redresser. Le long de sa jambe, son sang, rouge sombre dans la nuit, ruisselait en abondance. Une entaille de dix centimètres ou vingt, peut-être, lui barrait le haut de la cuisse.
C’était immonde. Immonde et affreusement douloureux. Tant pis, se mit-elle à penser, qu’ils viennent. Edwige n’était pas spécialement de nature douillette. Mais elle n’avait pas un esprit aussi combatif que Fred ou James.
Mais alors qu’elle commençait à fondre en larmes, une lueur scinda la masse sombre des arbres pour arriver jusqu’à elle. Une chouette lapone, lumineuse comme la lune, vint se poser à ses côtés. Un Patronus. Celui de James , ne put s’empêcher de penser la jeune femme. D’un coup, elle rougit. Elle aurait préféré croire que la cause n’était autre que la douleur et le sang, mais la réalité était tout autre. Elle entendait James répéter sans cesse « Salut, la Chouette ! ».
Je t’ai dit de courir, idiote. fit alors une voix grave. Alors cours, la Chouette !
- Ne me traite pas d’idiote, idiot ! rugit Edwige dans le vide.
Puis elle soupira. Prenant le pull de Fred, elle l’enroula autour de sa blessure, non sans serrer les dents pour éviter de hurler. La chouette la regarda faire, imperturbable. Elle attendait sagement qu’elle soit debout, prêt à repartir.
- Tu es gentille, TOI, sourit la Serpentard au Patronus. Tu m’attends, et je suppose que tu vas m’aider à retrouver mon chemin.
Dans un effort qui lui sembla insurmontable, Edwige se redressa.
- Dommage que tu n’apportes pas le courrier. C’est cool d’apporter le courrier, non ? Ah ! Désolée, vu que tu en apportes pas… tu ne… tu ne le sais pas.
La jeune femme se tut, découvrant avec horreur qu’elle perdait la tête. Elle tenta de poser sa jambe gauche au sol et grogna. Elle devait de toute façon rentrer d’elle-même jusqu’au château. Elle n’avait pas le choix. Elle fit un signe au Patronus et, comme par magie – et c’était le cas de le dire – celle-ci s’envola dans la direction de l’infirmerie.
Le lendemain, lorsqu’Edwige ouvrit les yeux, la pendule de l’infirmerie affichait quatre heures. De l’après-midi. A son chevet, Fred la regardait d’un air à la fois sceptique et à la fois contrarié.
- ‘Jour, fit-elle en tentant de se redresser.
- Bonjour ? répéta Fred incrédule. Tu quittes ton dortoir, vas dans la Forêt Interdite, échappes à des détraqueurs, te blesses à la jambe, et toi… toi tu me dis ‘’Bonjour’’ ! Edwige Nott, je crois qu’on va devoir s’expliquer !
- Oui, m’man, marmonna-t-elle. Tant que tu parles moins fort.
Edwige lui lança un sourire fier et finit par réussir à s’asseoir dans son lit. Elle ôta la couverture et regarda avec fascination la longue cicatrice rose qui parcourait sa cuisse. Certes, l’infirmière faisait des miracles, mais pas au point d’effacer les coupures et autres blessures externes. Mais il y avait au moins une chose qu’elle pouvait lui accorder – enfin deux, même –, c’était qu’elle ne se vidait plus de son sang et qu’elle n’avait plus mal.
- Mais ce qui me perturbe le plus… continua Fred. Ce qui me perturbe le plus…
- Oui ? l’encouragea-t-elle en buvant une gorgée d’eau.
- Ce qui me perturbe le plus, c’est le pull que tu portes.
Il désigna le pull tricoté qui arborait un grand J.
- Pourquoi tu portes le pull de mon cousin ?
Béat, Fred fixait sa meilleure amie d’un œil vide. Edwige sourit puis fit mine d’être surprise. Elle avait promis à James. Elle lui avait promis de garder son secret. Et c’était le minimum qu’elle pouvait faire pour le remercier de lui avoir sauvé la vie.
- Ton cousin ? répéta-t-elle bêtement. Je croyais que c’était celui de Johanna, ma camarade de chambre. Ne me dis pas que…
Elle mit ses deux mains devant sa bouche, mimant la surprise à la perfection.
- Tu penses que James trompe Wilson avec elle ?
Son jeu sembla marcher car Fred commença à élaborer des théories farfelues sur la vie sentimentale de son cousin. Edwige, l’écoutant d’une oreille distraite, but une seconde gorgée d’eau puis reposa le verre sur sa table de chevet. Là, se trouvait un petit paquet à son nom. Curieuse, elle s’en saisit et l’ouvrit. A l’intérieur, se trouvait sa baguette qu’elle se dépêcha de ranger avant que Fred ne la remarque. Elle prit le parchemin qui l’accompagnait et le déplia.
Salut la Chouette !
Désolé de te décevoir mais je suis encore en vie. Tu n’arriveras pas à te débarrasser de moi ! Tu es vraiment quelqu’un de maladroit, j’ai entendu dire que tu t’étais blessée. Mais bravo. Je veux dire, tu as réussi à t’échapper. Tu es peut-être plus courageuse et moins maladroite que je ne le pensais.
Sinon, je voudrais répondre à ta question. Non, je ne te déteste pas. Et oui, tu as raison, je suis un idiot. Mais que veux-tu ! C’est dans ma nature. Tu m’as fait vraiment peur cette nuit, Edwige. Promets-moi de ne plus recommencer. Si tu veux faire une balade nocturne, je me ferai un plaisir de t’y accompagner. Alors, en attendant, fais ton maximum pour rester en vie.
Sur ce, je réfléchis déjà à un nouveau moyen de t’exaspérer, t’embêter et te faire perdre la tête. (Au sens figuré du terme, évidemment. Je ne veux pas te tuer.)
Merci d’avoir passé sous silence mon rôle dans cette histoire, James.
PS : Garde mon pull, ça évitera de nous mettre dans une situation compromettante. Et puis, j’en ai une dizaine d’autres semblables.
Edwige sourit doucement puis se battit contre Fred qui voulait à tout prix lui arracher la lettre des mains pour la lire.
James avait préféré passer sous silence son acte d’héroïsme, ratant ainsi une occasion d’être le centre de l’école.
Il l’avait sauvée, écoutée, taquinée.
Il lui avait parlé d’égal à égale, sans insultes ni cris.
Il avait un Patronus en forme de chouette.
Oui, finalement, peut-être qu’il n’était pas si bête.
Et peut-être qu’Edwige aimait bien James Sirius Potter.