I wanna be with you
I wanna feel your love
I wanna lay beside you
I cannot hide this even though I try
La lumière n’est plus. Eteinte comme mon âme. En bas, les discussions ont repris de plus belle, ne tournant qu’autour du récent évènement. Ton frère pense à une vengeance, ton père tient ta mère dans ses bras. Et moi, moi c’est toi que j’aimerais enlacer. Dans cette petite chambre aux couleurs rouge et or de Gryffondor, dans ce lit où nous avons tant de fois fait l’amour. J’aimerais pouvoir m’allonger à tes côtés, enserrer ta taille et poser ma joue sur ton épaule brûlante. Ta fièvre me ferait rougir et tu me lancerais une pique cinglante. Mais ça ne sera plus possible, Roxanne. Plus jamais. Parce que tu m’as laissé.
Ça ne devait être qu’une mission de reconnaissance. Rester là-bas une petite heure, assis sur la terrasse d’un café. On devait simplement regarder les patrouilles des hommes en noir faire leur relève. Rien de risqué, rien de dangereux. Et tout se serait bien passé s’il n’y avait pas eu cette petite sorcière. Pourquoi Roxanne ? Pourquoi ? Tu aurais dû suivre les ordres. Tu aurais dû faire profil bas, comme on nous l’a appris. Mais cette petite, elle était tellement toi. Tu t’es vue à travers ses yeux sombres et ses cheveux crépus. Et ces hommes impitoyables et d’un racisme sans égal t’on toujours rebutée. Plus que quiconque. Si ça n’avait pas été elle, c’en aurait été une autre.
Oui, tout aurait dû se dérouler autrement. Tout. Je me sens comme poignardé. Ma vie me semble d’un coup si fade que je n’ai plus le goût de rien. La nourriture est amère, les sons agressifs. J’ai constamment froid et les rayons du soleil semblent m’éviter avec une obstination parfaite. Je dépéris. Je ne suis plus qu’une grande carcasse qui se traîne sans but à travers une foule qui m’ignore. Mais c’est parce qu’elle ne sait pas le mal qui m’habite, la solitude qui me ronge. Je vais devenir fou, Roxanne. Fou. Comme je l’étais avant, de toi.
Time escapes me
Trembling hands touch skin
It makes this harder
And the tears stream down my face
Dos à la porte, je fais quelques pas pour m’asseoir sur ton lit. J’empoigne les draps et fais glisser le tissu entre mes doigts. Sur le mur, au-dessus de ton oreiller, des dizaines de photographies s’animent avec désinvolture Alors que tu ne bouges sûrement plus, elles te refont vivre encore et encore. J’ai envie de les arracher, de les brûler, mais je n’ai même pas la force d’esquisser le moindre geste. Au milieu d’elles, quelques-unes nous montrent. Des sourires heureux. Avant que nous ne soyons ensemble. Après aussi. C’est fou comme le bonheur est éphémère. Merlin peut reprendre ce qu’il donne à tout moment. Merlin ou peu importe le nom de celui qui t’a dérobée à moi.
Sur ta table de chevet gît un gros livre. Encore une de tes lectures que je trouvais inintéressantes. J’aurais peut-être dû me passionner pour elles. Peut-être. Dans un soupir, je fais voler les pages, les faisant défiler de droite à gauche dans une vitesse folle. Aussi rapide que notre histoire. Soudain, une photo tombe. Ton marque page, sûrement. Je le ramasse et nous observe. Toi et moi, dans mon large lit. C’était James qui avait pris cette photographie. Tu l’avais tant maudit que je me demande encore comment il peut être encore en vie. Ça avait été une nuit parfaite. Ensemble, seuls au monde. Ma main caressant ta peau nue. Tu étais sublime avec tes fossettes adorables et ton corps magnifique. Je me souviens t’avoir longtemps embrassée puis, doucement, être descendu pour pouvoir jouir pleinement de tes seins ronds et de ton ventre plat. A cause de cette guerre, nous avions si vite quitté l’enfance ! Trop de risques, trop de responsabilités. En si peu de temps tu étais devenue une femme. Bien trop vite, d’ailleurs.
If we could only turn back time
You know I'll be
Your life, your voice your reason to be
My love, my heart
Is breathing for this
Moments in time
I'll find the words to say
Before you leave me today
Il n’y a même pas trois jours, je tenais ta main. Si fragile dans la mienne, rugueuse et maladroite. Je te revois quitter notre table sur la terrasse du petit café. Un sourire collé à tes lèvres pour m’indiquer que tout va bien. Mais tes sourcils froncés démentissent cela, indiquant tout le contraire. A une vingtaine de mètres, deux hommes en noir ont arrêté une petite fille. Ses souliers sont usés et sa robe déchirée. Elle n’a plus que les vestiges d’une natte en guise de coiffure et ses joues sont sèches. Elle est seule, seule au monde. J’ai cru au départ qu’elle avait été abandonnée mais il n’en était rien. Sur sa petite épaule frêle, la Marque se dessine dans une encre aussi sombre que le cœur de celui qui la lui a imposée.
On était peut-être trop impliqués, Roxanne. On se prenait pour des héros, pendant pouvoir sauver tout le monde. Mais au final, Roxanne, au final, nous ne sommes rien. On tente d’exister, pour nous même, pour les autres. Mais c’est trop dur. C’est un fardeau bien trop lourd à porter. Et ta décision ne l’a pas été que pour toi. C’est un fardeau pour moi, aussi. Pour Alisha, la petite que tu as sauvée. Car même s’ils ne le font pas exprès, ta famille la rejette.
Throw the key
Don't wanna be reminded
Don't wanna be seen
Don't wanna be without you
My judgement is clouded
Like tonight's sky
Une larme m’échappe et j’embrasse tendrement ton visage sur la photo. Je te la prends. Mais je pense que tu t’en fiches. A quoi bon ? Lentement, je me lève et quitte la pièce. Mes pas sont lourds et pourtant silencieux. Derrière moi, je laisse un lieu si vide que même le plus aride des déserts me semblerait plus accueillant. Doucement, sinistrement, la porte se referme. Jamais je ne la rouvrirai. Jamais.
Je suis perdu, Roxanne. Je ne veux pas redescendre subir les regards des autres. Ils pensent que c’est ma faute. Ils disent que c’est ma faute. Ils SAVENT que c’est ma faute. Pourquoi n’ai-je rien fait ? J’aurais simplement dû te prendre la main, te forcer à te rassoir. Mais comme d’habitude, je n’ai rien fait. D’un pas rapide, tu t’es dirigée vers eux, le soleil cognant dans ton dos comme les regards curieux des badauds. Tu t’es penchée vers la petite fille et l’a aidée à se relever. Un des hommes t’a ordonné de la laisser mais tu as fait ta sourde oreille, te contentant de sourire à Alisha lui demandant si tout allait bien et l’officier, vexé par ton désintérêt extrême t’a empoigné par l’épaule. Tu t’es débattue, révélant ta Marque. Il y a eu un blanc et l’un des hommes en noir a pointé son arme sur toi. Je me suis levé d’un bond, prêt à intervenir mais ton regard m’en a dissuadé. Comme toujours, lorsque tu me disais de ne rien faire, je m’exécutais. Mais pour une fois, une seule et unique fois, j’aurais dû ne pas t’écouter.
Car sous mes yeux, l’homme t’a rouée de coup. De ses grosse bottes noires poussiéreuses, il a martelé ton ventre, blessé ton visage. Et toi, étendue au sol, tu braquais tes yeux vers les miens. Aucune larme ne venait ternir ta dignité. Aucune. Qui de nous deux souffrait le plus, Roxanne ? Qui ? Bientôt, ton corps n’était que sang et meurtrissures. Je n’avais pas l’arme. C’était toi. Alors pourquoi ne pas t’en servir ? Pourquoi ne pas te défendre ? Pourquoi m’imposer ça ? Au bout d’un moment, l’homme en eut sûrement marre de n’obtenir de toi qu’un silence résolu. Alors, pointant son arme sur toi, il regarda son coéquipier. Tu le savais, Roxanne. Tu savais que tout allait se finir à ce moment précis. Dans un dernier sourire, tu as dit m’aimer. Mais si tu m’avais vraiment aimé, si tu l’avais vraiment fait, tu serais resté avec moi.
Et puis l’homme a tiré.
Voice is numb
Try to scream out my lungs
It makes this hard girl
And the tears stream down my face
J’eus envie de crier. Mais rien ne sortit de ma gorge à part un sinistre couinement. J’avais envie de m’élancer vers eux, de mourir avec toi. Mais je n’ai pas pu. Non, je n’ai pas pu faire cette sottise. Alors après qu’ils eurent poussé au loin Alisha, dans l’intention de la tuer plus tard, et qu’ils eurent allumé deux cigarettes, je me levai précipitamment. Courant le plus vite que mes jambes me le permettaient, je les contournai et attrapa la main de la petite fille. Ils n’eurent pas le temps de nous tirer dessus. Ils ne prirent même pas la peine de nous rattraper. Et je te laissai là, Roxanne, étendue au sol avec ces hommes. Lorsque je suis revenu, quelques heures plus tard, tu avais disparue, tout comme eux. Plus aucune trace de sang ne souillait le sol. C’était comme si rien ne s’était passé.
If we could only turn back time
Tu as sacrifié ta vie pour Alisha, et c’est pour ça que je promets de la protéger au péril de la mienne. Car elle est un peu toi, Roxanne. Sur ce point, tu avais entièrement raison. Mais j’aurais aimé que tout se passe autrement. J’ai même voulu remonter le temps, pouvoir changer le cours des choses. Mais c’est strictement interdit. Et je ne peux pas m’opposer à cette règle. Je suis insignifiant, Roxanne. Je ne suis rien. Alors pardonne-moi, mon amour, car jusqu’à ce que mon devoir soit fini ici, nous serons séparés.
Mais je te promets qu’un jour, un jour, nous nous reverrons. Parce que je t’aime, Roxanne.
Parce que je t’aime.