14 août 1971
La femme retira son tablier et le déposa sur le dossier de la chaise la plus proche. S’accoudant sur la table de la cuisine, elle s’accorda un moment de répit. Elle était épuisée.
Elle s’approcha, ensuite, de la fenêtre entrouverte, et l’observa. Son fils.
Ce n’était pas facile, ça, elle s’en rendait compte jour après jour. Ça n’allait jamais être facile. Mais jamais, Mrs Lupin n’allait abandonner. C’était son unique fils. Elle n’en voulait pas d’autre. Protéger celui-ci était déjà bien assez compliqué.
Le jeune garçon était allongé sur la pelouse fraichement tondue du jardin. Ses doigts fins jouaient avec des brins d’herbe coupée. Il en adorait le parfum, si frais, si reconnaissable. Avec, il pouvait sentir la nature, et s’évader un peu de chez lui. Non pas que sa famille ou que son entourage le dérangeaient particulièrement, mais il se sentait parfois étouffé, à l’étroit.
Ici, dans le jardin, c’était différent. Il s’y sentait particulièrement bien. L’été avait amené avec lui le doux grésillement des criquets, le froissement sec de l’herbe brûlée, la lourdeur de l’atmosphère. Cette année, il avait même fait inhabituellement chaud. Les habitants du quartier restaient cloîtrés chez, et n’osaient plus sortir.
« Est-ce qu’ils auraient peur de finir carbonisés par le soleil ? se demandait parfois Remus.
Lui supportait parfaitement la chaleur. Il pouvait rester des heures dehors, dans la fournaise d’août. Ce n’était pas pour autant que les rayons du soleil redonnaient un peu de couleur à sa peau pâle, à son plus grand regret. Il aurait préféré ne pas avoir ce teint maladif.
De toute façon, que pouvait-il y faire ? Il était malade. Et épuisé, à l’instar de sa mère.
Il se demandait comment il allait pouvoir tenir, à Poudlard. Ici, il était choyé, protégé. Lorsqu’il sera là-bas, il devra se battre seul, et en discrétion.
A deux semaines de la rentrée, les questions assaillaient Remus encore plus qu’avant. Dumbledore avait-il fait le bon choix ? Les élèves ne risquaient-ils pas de le rejeter, sachant inconsciemment la vérité ? Ce serait fini pour lui, et ses parents auraient de terribles ennuis.
C’était toujours les mêmes interrogations, qui se bousculaient depuis des années dans sa tête, sans qu’il ne trouve jamais de réponse.
« Le 1er septembre, je serais fixé » Il ne pouvait rien faire de plus qu’attendre, de toute façon.
Le garçon ferma les yeux, et laissa le vent chaud passer entre ses cheveux blond cendré. Au loin, un oiseau chantait une douce mélodie. Il semblait accompagné par le froissement des feuilles du grand chêne, au pied duquel Remus était étendu. Ce dernier sourit. Quand on ferme les yeux, les sons du quotidien paraissent toujours plus beaux. Il trouvait ça étonnant.
Il entendit les petits pas rapprochés de sa mère, avant même qu’elle ne sorte de la maison.
-Mon chéri ? Tu viens ? Il ne faut pas que l’on soit en retard, souviens-toi !
Il soupira. Cette fois-ci, il ne pouvait plus reculer. Le Chemin de Traverse était, en quelque sorte, un dernier barrage à passer. Un barrage, pour aller à Poudlard.
Essoufflé, Remus posa les trois énormes sacs qu’il tenait sur les pavés durs. Il s’était positionné à l’endroit prévu, juste à l’angle de la boutique du fabriquant de baguettes magique, Ollivander’s. Sa mère était allée acheter son matériel de Potions chez l’Apothicaire, et ils avaient fixé ce point de rendez-vous pour se retrouver facilement ensuite.
La baguette magique était la toute dernière chose à venir chercher, Mrs Lupin avait été catégorique.
Le garçon, reprenant petit à petit son souffle, jeta un regard circulaire autour de lui. Elle n’était pas encore revenue.
« Il doit y avoir de la queue dans le magasin », songea-t-il en scrutant la foule compacte qui circulait dans la célèbre allée.
Le jeune sorcier se mordit la lèvre. Il n’était pas spécialement inquiet pour sa mère, mais était toujours nerveux lorsqu’il se trouvait dans un endroit qu’il ne connaissait pas. Il s’adossa contre la devanture de la boutique, et patienta quelques minutes. Un vendeur ambulant à l’air revêche passa devant lui. Il tirait un lourd chariot de fer, sur lequel s’empilait tout type de marchandises. S’arrêtant à sa hauteur, il lui adressa un sourire grimaçant. Il repoussa une longue mèche de cheveux sales qui lui dissimulait la moitié du visage, puis lui jeta un regard perçant.
- Une amulette protective, ça te dit, gamin ? grogna-t-il, tout en plongeant une main crasseuse dans son bric-à-brac.
Il en ressortit un pendentif, qui, à la première vue, semblait flambant neuf et était orné d’une curieuse petite pierre verte.
Remus ne répondit rien, fuyant le regard de l’homme, mais resserra cependant sa prise sur ses sacs, méfiant.
- Bien utile contre toutes sortes de créatures, tu sais ? Sinistros, Détraqueur, Troll, Loup-ga...
Une main puissante attrapa alors l’épaule du vendeur, et lui fit faire volte-face. Ce dernier se retrouva nez-à-nez avec Mrs Lupin, le visage déformé par la colère. Elle n’eut même pas besoin de parler : l’homme se dégagea rapidement de son emprise, empoigna son chariot et repartit le plus vite possible, en maugréant de sombres paroles.
Mrs Lupin se retourna vers son fils, lui prit des mains l’un des énormes sacs qu’il traînait, et, avec un sourire rassurant, lui dit :
- Allez, allons-y, maintenant !
Remus la regarda entrer en trombe chez Ollivander’s, portant une demi-douzaine de sacs de fournitures diverses. Après un moment d’hésitation, il entra à sa suite, légèrement inquiet.
La pénombre surpris un peu le sorcier, qui plissa les yeux pour mieux voir. Tout était recouvert, du sol au plafond, de longues boîtes rectangulaires. Certaines étaient en bois, d’autres en carton, ou encore en cuir. Il semblait y en avoir des centaines, posées sur le comptoir ou les étagères. Remus remarqua qu’il ne semblait n’y avoir aucune logique dans le rangement des baguettes, et se demanda comment est-ce que l’on pouvait se retrouver dans un fouillis pareil. Même le sol paraissait servir à entreposer les boîtes, tant il y en avait qui jonchaient le sol.
Un homme, que le garçon n’avait pas vu, car il était plongé dans l’ombre des rayonnages, se leva alors. Il était grand, les cheveux grisonnants, la posture assurée. Ses grands yeux pâles fixèrent une fraction de seconde les deux arrivants.
- Enchanté de vous revoir, Mrs Lupin, dit-il simplement. Je me doutais bien que j’allais bientôt vous revoir... Ventricule de Dragon, 28 cm, fine mais rigide, n’est-ce pas ? Particulièrement utile pour les sorts défensifs, si je me souviens bien. J’espère que votre mari va bien, ajouta-t-il avec un sourire.
Il se tourna ensuite vers Remus et l’observa de la tête aux pieds. Puis, se dirigeant vers son étal, il s’enquit, avec une voix mystérieuse :
- Droitier ? Essayons celle-ci, Mr Lupin.
Le jeune sorcier prit la baguette que lui tendait Ollivander avec beaucoup de précaution. Il ne savait pas ce qui allait se produire, et le regard un peu froid de l’homme le rendait mal à l’aise. Durant une fraction de secondes, rien ne se produisit, et Remus commençait à sentir le rouge lui montait aux joues, se disant qu’il devait avoir l’air particulièrement idiot, à tenir dans sa main cette baguette, sans que rien ne se passe.
Ollivander claqua la langue d’agacement, et lui prit la baguette.
« Il ne doit pas être habitué à se tromper » pensa le garçon, se souvenant de la façon dont le sorcier semblait se souvenir de chacune de ses ventes.
Ce ne fut pas le seul échec ce jour-là pour l’homme. Il lui fallut cinq essais avant de trouver la bonne baguette. Remus commençait à se demander si le vendeur allait enfin trouver ce qu’il lui fallait, lorsque prenant la sixième baguette dans sa main, il sentit un étrange picotement. Celle-ci paraissait vivre au contact de sa peau. Le sourire qui apparut sur son visage ne détrompa personne. C’était la bonne.
Il jeta un coup d’œil ravi à sa mère, puis à Ollivander.
La première souriait avec un air ravi, mais Remus fut surpris de voir que le regard du vieil homme s’était durci. Il lui reprit sans un mot la baguette des mains et la reposa dans sa boîte. Tout en faisant le tour de son comptoir, il marmonna quelques paroles indistinctes et lui adressa un regard glacial, qui fit frissonner le garçon.
- Douze Gallions, annonca-t-il, un peu brutalement.
Mrs Lupin ouvrit son porte-monnaie et en sortit la somme indiquée. Elle n’avait rien remarqué d’étrange, dans la conduite du vendeur, qui empocha l’argent sans un merci.
Il les accompagna cependant jusqu’à la sortie de la boutique. Avant de partir, Remus avança sa main vers lui pour lui serrer la main, mais Ollivander, le regard fuyant, garda la sienne dans la poche de son costume. Grimaçant, le jeune sorcier sortit dans la rue, traînant toujours derrière lui les sacs plains de fournitures scolaires. Sa mère et lui firent quelques pas dans le Chemin de Traverse.
- Il n’avait pas l’air dans son jour, ce cher Ollivander, aujourd’hui... Tu n’as pas trouvé, Remus ? s’enquit-elle d’une voix douce.
Son fils resta silencieux. Il savait très bien ce qu’avait Mr Ollivander.
Il avait peur des Loup-Garous.
Note de chapitre:
Voici donc ma participation au concours de popobo, merci à elle de l'avoir organisé ! Il s'agit donc d'un OS, plutôt court, basé sur le personnage de Remus. Je voulais au départ atteindre un peu plus de 2000 mots, mais je me suis faite surprendre par le temps :S
Bonne lecture à tous et à toutes !
Note de fin de chapitre :
N'hésitez pas à me laisser des reviews, pour me faire des remarques sur cet OS.
J'espère qu'il vous a plu !
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