Appuyant sa main contre le portail, il ouvrit celui-ci et pénétra dans le jardinet, avant de gravir les marches menant à la porte d’entrée.
Il n’eut qu’un bref instant d’hésitation avant de laisser retomber le heurtoir d’argent sur le bois de la porte. Trois coups. Un silence. Un coup. Un silence. Dix coups. Son propre code pour annoncer sa venue au Quartier Général de l’Ordre du Phénix.
La lourde porte s’ouvrit sur le hall sonore. « Servilus ! J’avais un instant espéré que ce ne soit pas toi ! » ironisa Sirius Black.
Les deux hommes s’affrontèrent du regard, avant que les yeux du maître des lieux ne se posent sur l’elfe à demi-masqué par la longue cape noire du Maître des Potions.
« Pourquoi as-tu amené avec toi cet elfe ? Tu n’es pas capable de lacer tes chaussures tout seul, qu’il te faille un serviteur ?
- Dobby est un elfe libre, riposta Severus. Il est avec moi parce qu’il le souhaite. Ce qui prouve son intelligence, ajouta-t-il.
- Ce qui prouve qu’il est malin, rétorqua Sirius. Un elfe qui a appartenu à Lucius Malfoy, Mangemort, je n’aurais pas confiance ! Il ne va pas manquer de s’accoquiner avec Kreattur pour nous rendre la vie impossible…
- Si tu traitais mieux ton elfe » gronda Severus.
Un bruit de pas vifs interrompit la dispute qui commençait entre les deux ennemis.
« Sirius, tu ne vas pas commencer… Bonsoir Severus, entre donc ! »
Remus Lupin tira son ami en arrière et, avec un sourire gêné, invita le visiteur à passer la porte. Ce dernier, jetant un sombre regard à Sirius, consentit à remercier Remus d’un bref hochement de tête.
Habitué aux lieux, il traversa silencieusement le hall, afin de ne pas réveiller le portrait de la vieille Walburga Black, et entra dans la cuisine illuminée.
Les membres de l’Ordre du Phénix étaient réunis autour de la grande table de bois patinée par le temps.
Severus se glissa derrière un banc et prit place entre Arthur Weasley et Kingsley Shacklebolt. Dobby s’accroupit derrière lui, se dissimulant dans l’ombre.
« Bonsoir Kingsley, Albus m’a demandé de vous prévenir qu’il ne pourrait être présent ce soir, commença le Maître des Potions. Qu’y a-t-il à l’ordre du jour de la réunion, ce soir ? »
Arthur Weasley prit la parole. « Je voulais signaler des faits pour le moins étranges. Plusieurs cas de folies subites chez des moldus ont été signalés au Ministère.
- En quoi cette affaire concerne-t-elle l’Ordre du Phénix ? commença Kingsley.
- Et bien, cela peut paraître hors de notre champs d’action, sauf si l’on considère que les fait se déroulent dans le Wiltshire… précisa Arthur. Il s’agit de cas bien curieux, les personnes atteintes allant jusqu’à tenter de se suicider…
- Hmm…intervint Severus, caressant pensivement ses lèvres de son index. Bien sûr, le Wiltshire…C’est là que Lucius Malfoy possède son manoir familial. Dans lequel le Seigneur des Ténèbres vient de s’installer… Je n’ai pas été informé de ces faits, mais Arthur a raison, il n’est pas impossible que cela soit lié.
Kingsley, responsable du bureau des aurors, hocha négativement la tête. « l’affaire a dû être classée…le Ministère a conclu à une série d’empoisonnement à l’ergot du seigle. » Il se tut un instant. « Mais, Severus, si tu dis que Celui-Dont-on-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom réside dans la région, cela me semble donner un nouvel éclairage à cette affaire ! »
Les membres de l’Ordre s’entre-regardèrent. « Peut-être ne serait-il pas inutile d’aller voir ce qui s’y passe, avança Remus, incertain.
- Et tu comptes faire comment ? se moqua Severus. Tu vas aller frapper à la porte et demander à t’entretenir avec le Seigneur des Ténèbres ? « Bonjour, Lord, n’auriez-vous pas torturé quelques moldus ces temps derniers ? » .Je suis certain qu’il se fera un plaisir de te confirmer que lui-ou l’un de ses partisans- est bien à l’origine de ces cas ! »
Remus lui jeta un regard blessé. « Tu te crois malin, Severus ! Non, je ne suis pas aussi stupide que tu veux bien le faire croire…puisque j’ai pensé que toi seul était qualifié pour comprendre le fin mot de l’histoire ! Je ne suis pas sans savoir que toi, tu as tes entrées auprès de Celui-Dont-on-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ! »
Severus se leva brusquement, faisant basculer sa chaise, qui heurta le sol avec un bruit sourd.
« Evidemment, quand il s’agit de risquer sa vie en jouant double jeu, tout le monde pense à moi ! Comme c’est flatteur ! »
« Severus…. », commença Arthur.
Mais celui-ci, ignorant le regard désolé qu’Hermione Granger lui dédiait, quittait déjà la pièce dans un envol de cape noire, Dobby trottinant sur ses talons.
Sans plus se soucier du bruit qu’il causait, Severus escala vivement l’escalier, réveillant le portrait de la mère de Sirius, qui se répandit en lamentations.
Toujours suivit de Dobby, il entra dans la chambre qui lui était attribuée lorsqu’il résidait au Quartier Général de l’Ordre, et en claqua brutalement la porte.
Les hurlements de Mrs Black ne lui parvenaient plus qu’assourdis par l’épaisseur du bois, avant de cesser, lorsque, rageur, Sirius tira le rideau devant le tableau.
Serrant les poings jusqu’à en faire blanchir ses phalanges, Severus se laissa lourdement tomber dans un vieux fauteuil de cuir brun craquelé par l’âge.
Il fronça les sourcils et dévisagea l’elfe qui lui faisait face. « Je crains que notre collaboration ne doive s’arrêter ici, Dobby, tu ne peux pas m’accompagner au Manoir Malfoy ! »
Dobby secoua négativement ses longues oreilles. « Maître Severus, Dobby vous suivra au Manoir. Maître Albus m’a bien recommandé d’obéir en tout, sauf si il demande à Dobby de le laisser ! Dobby ne veut pas désobéir à Albus Dumbledore. »
Severus laissa tomber son visage entre ses mains en poussant un gémissement. « Par Merlin, tout cela ne va pas me faciliter la tâche ! Vraiment, Dobby, est-ce que tu ne peux aller voir le Professeur Dumbledore pour qu’il te libère de cet engagement ? » Il regardait l’elfe d’un air suppliant.
« Oh non, Maître Severus ! Dobby ne sait pas où se trouve Monsieur le Directeur, et il a surtout bien recommandé à Dobby de rester près de Monsieur pour l’empêcher d’être imprudent et pour le protéger. Il m’a bien répété « Dobby doit refuser d’écouter Severus Snape s’il lui demande de le quitter ».
Alors, Dobby a juré à Monsieur le Directeur de protéger Severus Snape, sinon, Dobby devra se découper les oreilles pour faire des guirlandes de chauves-souris avec, et comment Dobby fera-t-il tenir ses bonnets, sans ses oreilles ? Dobby aime beaucoup ses chapeaux que Miss Hermione a tricotés ! »
Devant la véhémence de l’elfe, Severus capitula. Il l’interrompit d’un geste de la main, et, s’autorisant un léger sourire : « Ne t’inquiète pas, Dobby, tu n’auras pas besoin de te séparer de tes chapeaux ! Je ne t’obligerai pas à te découper les oreilles ! Et je ne voudrai surtout pas m’attirer le courroux de la charmante Miss Granger ! »
Se laissant aller en arrière dans le fauteuil, il reprit pensivement. « Ceci –dit, je ne vois pas comment je vais pouvoir expliquer de manière plausible ta présence au Manoir, alors que tu es devenu libre… »
Dobby eut un large sourire. « Oh, mais que Maître Severus ne s’inquiète pas, Dobby va mettre une taie d’oreiller pour s’habiller, et se mêler aux autres elfes. Ils ne diront rien spontanément à Lucius Malfoy si Lucius Malfoy ne les interroge pas directement sur la présence de Dobby. Et Dobby connait suffisamment le Manoir pour ne pas se faire repérer !
- Bien, souhaitons que cela fonctionnera comme cela…
- Certainement, Sir Severus Snape ! Dobby va préparer le bagage de Monsieur. » piailla l’elfe, qui se mit avec vélocité à plier chemises blanches et pantalons noirs dans la malle.
Ouvrant un tiroir d’une massive commode de bois sombre, il se saisit des chaussettes – noires, évidemment- et des caleçons à la surprenante couleur violette. Il eut un bref instant d’hésitation avant de les ranger dans le bagage, en jetant un regard oblique au sorcier qui choisissait quelques ouvrages de magie noir qui seraient susceptibles de lui être utiles.
« Humm…oui, j’aime bien un peu de couleur et de fantaisie, de temps à autres » toussota Severus, dont les joues rosirent légèrement.
Dobby acheva rapidement le bagage, puis, d’un air dégouté, passa sur lui une taie d’oreiller grisâtre en guise de vêtement, retrouvant par là-même l’allure qu’il avait encore quelques années auparavant, lorsqu’il appartenait à la famille Malfoy.
Severus boucla la malle après y avoir déposé les ouvrages sélectionnés, et, d’un « Reducto » exécuté d’un tour de poignet nonchalant, lui donna des dimensions lui permettant de la faire tenir dans la poche de sa cape.
Faisant enfin glisser sa baguette d’ébène dans la manche de son pourpoint, il se considéra comme fin prêt, et quitta la pièce, puis la maison, sous les regards- goguenard pour l’un, inquiet pour l’autre- de Sirius Black et de Remus Lupin.
Brièvement, il se tourna vers la façade, et, avant de transplanner avec Dobby, aperçu derrière la vitre du salon, le visage soucieux d’Hermione Granger qui le salua d’un léger signe de la main.