You'd holidayed with kings, dined out with starlets
From London to New York, Cap Ferrat to Capri
In perfume by Chanel and clothes by Givenchy
You sipped camparis with David and Peter
At Noel's parties by Lake Geneva
Scaling the dizzy heights of high society
Armed only with a cheque-book and a family tree »
Avant même que vous ne veniez au monte, on s’éreintait déjà à tracer la ligne de votre vie et à définir point par point ce qui serait votre existence. Impeccable. Sans travers.
C’est peut-être cela – cette programmation acharnée – qui vous a perdues.
D’abord, il y a eu Andromeda. Une mauvaise expérience. Toujours à se poser des questions, à réfléchir, à mettre les choses en cause. Andromeda a été un échec.
Puis, Bellatrix. Elle, elle a pris assimilait toutes les choses apprises, buvait les paroles de vos parents, et prenait tout au pied de la lettre. On lui a dit que les sorciers étaient supérieurs ; elle a fini obsédée par la pureté du sang. On lui a prêché l’infériorité des Moldus ; elle s’était acharnée à couper chaque branche impure de votre arbre généalogique. Bellatrix, c’était la folie.
Enfin, en dernier, tu es arrivée. De loin, tu étais la plus silencieuse et la plus docile – la plus belle, aussi. Tu as observé sans rien dire, tes sœurs évoluer dans le monde, puis admiré discrètement cette passion sauvage qui les animait toutes les deux – passion que tu n’avais pas. L’une était l’ombre ; l’autre était la lumière. L’une était l’exemple ; l’autre était la défection. Toi ? Secrètement, tu t’es félicitée de ton calme et de ton obéissance, qui contrastaient totalement avec leurs tempéraments de feu, leurs rires sans retenue et leurs colères monstrueuses. Tu te disais qu’en restant ainsi passive, en te pliant toujours à plus fort que toi, tu te garantirais toujours une existence tranquille et meilleure que la leur.
Tu as construit ta vie, Narcissa, en respectant ce choix de la passivité, et c’est ce même choix qui, toute ta vie, a argumenté chacun de tes renoncements.
Vous avez commencé à grandir ensemble. Malgré toutes vos différences, vous faisiez partie de la même famille ; vous évoluiez. Toutes les trois, vous avez été réparties à Serpentard ; toutes les trois, vous êtes devenues jeune filles ; toutes les trois, vous avez commencé à faire votre entrée dans le monde. Le monde magique adulte. Cette société d'élite sorcière, qui te faisait penser à un théâtre.
Bien sûr, vous n’aviez jamais manqué de rien et toujours vécu dans un luxe mesuré durant votre enfance, mais se mettre à fréquenter ces bals, et ces fêtes, et ces gens éblouissants, c’était nouveau. C’était grisant – peut-être la seule chose qui t’ais jamais parue grisante de ta vie.
Au monde, tu offrais des sourires polis et calculés, comme on t’avait appris à faire ;
et en ton for intérieur, tu t’imaginais que plus tard, ton obéissance serait récompensée.
So that you might be kept in the style to which
You had all of your life been accustomed to
But that the socialists had taxed away from you
You gave him children, a girl and a boy
To keep your sanity a nanny was employed
And when the time came they were sent away
Well that was simply what you did in those days »
C’avait été Lucius ; c’aurait pu être un autre.
Parfois tu frémis en pensant à la facilité avec laquelle on a pu faire de toi un pantin et à la résignation avec laquelle tu t’es laissé manipuler.
Bien sûr, le mari qu’on t’a choisi est rapidement devenu le pilier de ton existence. Il a fallu des décennies pour que l'affection se construise, mais tu as été mère au bout d'un an seulement.
Il y a eu l’attente, l’angoisse, la douleur ; puis il y a eu Drago. Enfant, lui aussi s’est cru maître d’une destinée qui ne lui appartenait pas ; jeune homme, il s’est rendu compte comme toi avant lui qu’il n’avait aucun contrôle sur sa vie, que d’autres la régissaient pour lui, et qu’il fallait simplement se taire, et obéir.
Drago, plus il grandissait et plus on l’éloignait de toi. Tu l’avais porté, mis au monde et chéris, sans être digne de l’approcher et de l’élever à ta guise. Déjà, tu avais eu envie de protester, mais il était trop tard pour dire quoi que ce soit. Tu n’avais pas été une Andromeda ou une Bellatrix ; tu avais été Narcissa. Et Narcissa s’était tue toute sa vie. Et Narcissa avait accepté toute sa vie. Dans l’ombre.
Dans l’ombre... C’est là que tu as passé la Deuxième Guerre. A l’abri des regards. Pendant que ton fils et ton mari risquaient leur vie, pendant que l’ouragan des batailles emportait tout ce qui te restait de grandeur, de bien, d’espoir, tu attendais dans l’ombre. Parce que l’ombre, on t’avait dit toute ta vie que c’était ta place ; toi, tu avais cru bon d’écouter, et d’obéir.
Ecouter et obéir, quand on te parlait de la pureté du sang, de la suprématie des sorciers ; écouter et obéir quand on te racontait de l’importance du Seigneur des Ténèbres ; écouter et obéir quand on t'imposait un rôle retenu de mère et d’épouse que tu devais jouer toute ta vie.
Alors Narcissa, à quoi cela t’as-t-il mené, l’honneur, la dignité, la pureté du sang ? A quoi cela t’as-t-il mené d’écouter et d’obéir ?
Flies down once in a while and leaves in a hurry
Your daughter never finished her finishing school
Married a strange young man of whom you don't approve
Your husband's hollow heart gave out one Christmas Day
He left the villa to his mistress in Marseilles
And so you come here to escape your little flat
Hoping someone will fill your glass and let you chat about how »
Narcissa, Drago et Lucius sont partis.
L’un expie des crimes que tu n’as jamais tenté d’empêcher, en prison ; l’autre s’est enfui et tente d’oublier les blessures d’une jeunesse auxquelles tu avais assistées sans rien faire.
Puis maintenant, tu es seule.
Et tu te demandes si quelque chose dans ta vie – un acte, un geste, n’importe quoi – n’a pas été vide, ou vain. Et tu cherches, tu fronces les sourcils, tu fouilles scrupuleusement chaque coin de ta mémoire et de ton esprit.
Encore.
Encore, et encore, et encore.
Sans succès.
As-tu été une bonne mère, Narcissa ? As-tu été une bonne épouse, au final ? Bien sûr, tu as écouté, obéi, tu as été très sage et réprimé toutes tes mauvaises pulsions ; était-ce la solution ?
Souvent, tu repenses à Drago. A l’air de prince fier qu’il arborait, gamin ; au regard brisé que te lançais l’adolescent, après la guerre. Tu as mal, quand tu repenses à Drago, à tout l’amour que tu aurais dû lui donner, à toute l’affection qui lui a manqué. La passion maternelle réprimée te brûle. Elle te dévore. Elle t’angoisse et te fais mal.
Aurait-il eu une existence meilleure, ton fils, s’il avait eu une mère différente ?
Tu ne veux pas savoir. Tu ne veux pas de réponses ; tu fuis. Tu ne veux plus rien regarder en face, même. Ni ton passé, ni ton avenir. Tu veux oublier et c’est ta seule certitude. Tu veux disparaître et c’est ton seul désir. Puis tu veux vivre, tu veux vivre à en crever, respirer à en mourir, frémir à en tomber, parce que tu n’es pas certaine d’avoir jamais bien su l’effet que ça fait.
Tu ne sais pas dans quelle direction tu t’orientes ; tu n’as ni but, ni chemin tracé. Cette fois, ton futur n’est pas programmé, comme dans ton enfance, et tu dois avouer que c’est une sensation étrange. Ça donne un peu le vertige. Et c’est grisant, comme les bals de ton adolescence. Une sensation inconnue enrobe ton cœur, accélère son rythme, et te donne envie de rire à n’en plus pouvoir.
Tu fuis celle que tu as été, tu fuis la jeunesse qu’on t’a volée, les préceptes ancrés en toi jusqu’à la moelle, cette toi affreuse et passive que tu ne veux plus jamais revoir. Tu fuis les années perdues, les années gaspillées, les temps douloureux de ton passé. Où est-ce que tu vas ? Là où tu ne pourras plus être Narcissa ? Lorsque personne ne te reconnaîtra, lorsque tu te reconnaîtras plus toi-même, lorsque tu pourras être cette quelqu’un d’autre, cette Andromeda, cette Bellatrix, qui savoure la vie et prend plaisir à sentir la passion déferler dans ses veines ?
Oui. Oui, sans doute.
Doucement, en évoluant dans des lieux nouveaux, en te laissant guider par tes pas, tu sens ton vieux masque, trop lourd, tomber avec un bruit sourd ; et tu deviens une autre. Tu te déshabilles lentement de cinquante-cinq ans de mensonges, de secrets et de soumission. Et tu oublies ton âge, tes blessures, ton histoire. Tu abandonnes Narcissa derrière toi.
Until the light of youth became obscured
And left you all alone and in the shade
An English lady of a certain age
And if a nice young man would buy you a drink
You'd say with a conspiratorial wink
"You wouldn't think that I was fifty three"
And he'd say, "no, you couldn't be! »