« Lance-le ! »
Neville regardait la petite fille blonde serrer ses mains contre son cœur. De ses grands yeux implorants, elle le fixait, redoutant la sentence qui allait tomber. Le plus terrible pour elle devait être l’interminable attente. L’infime espoir qui tournait encore et encore dans sa tête et qui lui soufflait pernicieusement qu’elle allait y échapper. Elle espérait encore pouvoir se remettre à vivre comme si de rien était, sans jamais avoir à subir ça. Devant elle, Neville hésitait. Sa baguette pointée sur elle, il refusait toujours d’admettre la vérité.
Et l’homme criait encore :
« Lance-le ! »
Mais au fond, le seul mot que Neville entendait était tue.
Tue cette dernière part d’innocence qu’il te reste.
Tue le garçon qui un jour eut le mérite de s’appeler Londubat.
Tue ce courage profondément caché en toi.
Deviens un monstre. Débarrasse-toi de l’humain. Abandonne la seule partie de ton être qui soit bonne. Et tue.
Sur la joue de la fillette de première année, une larme roula. Une seule et unique. Neville ne voulait pas faire ça. Il aurait tout donné pour avoir la possibilité de baisser sa baguette, de tourner les talons et quitter ce château qu’il n’arrivait plus à qualifier de foyer. Poudlard n’était plus qu’un tas de pierres ensevelissant des élèves terrorisés, des professeurs cruels et une fraternité bafouée. Avec la mort de Dumbledore et le départ d’Harry, la vie avait quitté l’école. Plus rien à présent n’avait de saveur. Les journées défilaient et Neville devait y survivre. Chaque jour en se levant, il regrettait d’avoir ouvert les yeux. Il aurait voulu que les lits à ses côtés ne soient pas vides, il aurait voulu entendre les ronflements de Ron ou le frottement des pages qu’Harry tournait.
« Lance-le ! »
Tue.
Autour de lui, tous les élèves s’étaient exécutés. Neville voyait la terreur imprégner la rétine de chacun des plus jeunes d’entre eux. Il les voyait se mouvoir sans volonté, sans aucune résistance. Si Luna avait été là, qu’aurait-elle fait ? Neville le savait, elle aurait refusé de lancer ce sort, elle aurait rangé sa baguette et serré la petite blonde dans ses bras avant de braver son professeur. Alors pourquoi Neville n’avait pas ce courage ? En quoi méritait-il sa place à Gryffondor s’il restait incapable de protéger les siens. Les siens. Neville ne la connaissait pas, cette petite fille. Meredith Quelque-chose, une première année de Serdaigle d’après ce qu’il avait retenu. C’était la première fois qu’ils échangeaient un regard, la première fois qu’ils se faisaient face. Mais Meredith faisait partie des siens, oui. Les élèves de Poudlard, ceux – du moins – qui étaient restés fidèles à Dumbledore, étaient comme des membres de sa famille.
« Londubat ! Lance ce sort ! Lance-le ! »
Tue.
Sa baguette toujours pointée sur la fillette se mit à trembler. C’était comme si le sort était là, au bout de son arme, prêt à sortir et la frapper. De toute manière, s’il refusait, s’il montrait assez de courage pour s’opposer à cette autorité morbide, quelqu’un lancerait le sort à sa place. Au final, peut-être valait-il mieux qu’il le fasse. Il ferait faire quelques pas à Meredith, la forcerait à s’asseoir à un bureau ou à écrire une lettre quelconque. Que des gestes simples, sans aucune grave conséquence. Qui sait ce qu’un Serpentard lui ferait subir s’il venait à refuser de jeter ce sort ?
Arrête de te chercher des excuses.
Des excuses ? Des excuses pour quoi ? Pour ne pas affronter la réalité en face ? Pour éviter de se dire, qu’au fond, il n’était pas plus innocent que Lestrange qui avait torturé ses parents ou que tous ces élèves qui prenaient presque plaisir à lancer le sortilège impardonnable ? Neville avait honte. Honte d’être tellement lâche qu’il n’arrivait même pas à affronter la vérité en face. Il allait le faire, obliger cette fille à se soumettre et pour lui, aucun sort n’avait été jeté. Il s’était exécuté par simple crainte, parce qu’il n’avait pas le courage de simplement dire "Non".
Lâche.
Ce mot résonna dans sa tête, refusant de disparaître. Il se battait avec Tue qui ne voulait pas céder sa place. Neville bouillonnait de l’intérieur et le seul moyen de faire le vide dans sa tête était de lancer ce sort. Il devait le faire. A présent, il en était certain.
Menteur.
Neville resserra sa poigne autour de la baguette. Sa mâchoire était crispée, ses yeux suppliants. Il cherchait dans le regard de la première année la moindre parcelle de miséricorde, le moindre petit indice qui disait "Vas-y, fais-le. Je te pardonne." Cependant, seule la terreur marquait avec insistance son visage blême. Il n’y aurait jamais d’absolution.
« Lance-le. »
« Impero ! »
Le sort jaillit en un éclair du bout de la baguette. La fillette fut frappée en plein fouet, se cambrant légèrement lorsque la lumière vive la transperça. Son visage délaissa alors ce voile de terreur pour devenir neutre, vide de toute expression.
« Bien. »
Ce fut l’unique commentaire qu’Amycus Carrow lui adressa. Il partit, content qu’on lui ait obéit. Il finissait toujours pas avoir ce qu’il souhaitait et ce n’était certainement pas ce couard de Londubat qui allait se dresser contre lui.
« Désolé… »
Ces mots sortirent à peine de la bouche de Neville, étranglés par le peu d’humanité qu’il restait au garçon. Il avait honte de ce qu’il avait fait. Comment pourrait-il affronter à nouveau cette fillette ? Comment ferait-il pour sourire à nouveau et faire comme si rien ne s’était passé ? Pourtant, ce qu’il venait de se passer était loin d’être rien. Il avait jeté un sort interdit. On lui dirait que ce n’était pas grand-chose, que c’était le moins terrible de tous. Mais qu’adviendrait-il lorsqu’on l’obligerait à jeter un Doloris ? S’exécuterait-il comme un chien, soumis à une autorité malsaine et sadique ?
Neville n’en savait rien.
D’un œil triste, il regarda la fillette avancer machinalement jusqu’à un bureau pour ensuite s’y asseoir. Elle était devenue un pantin, une marionnette actionnée par la volonté du Gryffondor. S’il le voulait, elle pouvait sauter par la fenêtre et se tuer. S’il le voulait, elle pouvait frapper le premier venu. C’était monstrueux. Inhumain. Et Neville s’était rabaissé à lancer un tel sortilège.
Neville se dégoutait.
Neville avait honte.
Neville était perdu.
Neville pleurait.
Note d'auteur :
Hm... Merci à la Compagnie Trévor pour avoir lancé ce défi qui m'a vraiment beaucoup inspiré :) Les personnages appartiennent à J.K. Rowling, je ne fais que les faire vivre. *mwahahahahah* Euh... C'est tout ce que j'ai à ajouter. Ah ! J'ai quand même - comme toujours - inventé un ou deux persos...
Bonne lecture !
Note de fin de chapitre :
Voilà pour le premier chapitre o/ A demain pour le second :) N'hésitez pas à aller lire les autres textes de la série et.... à laisser des reviews :)
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