Que ce soit le matin, le midi ou le soir, le Hall du Ministère de la Magie était toujours très animé. Une foule de personnes se pressait à chaque heure de la journée pour aller travailler. Il fallait souvent jouer des coudes pour se frayer un chemin dans cette affluence d’individus. Il y avait toujours des personnes qui couraient pour ne pas être plus en retard qu’ils ne l’étaient déjà et d’autres qui s’insultaient pour une raison ou une autre. Les hiboux et avions volants qui apportaient le courrier faisaient toujours un chahut insupportable. Les queues devant les ascenseurs et cheminées bloquaient souvent le passage. Cet endroit était vital pour le bon fonctionnement du Ministère, un lieu de rencontre, de rendez-vous et de transit pour des voyageurs. Le Hall était l’image, le reflet de ce que représentait le Ministère de la Magie britannique pour le reste du monde. Mais un lieu n’était jamais éternel. Une bombe moldue explosa dans le Hall du Ministère de la Magie, tuant plus d’un millier de personnes, le quatre mars deux mille deux. A dix heures trente-trois.
Le silence. Juste silence. Et une douleur lancinante dans la poitrine.
Ce n’était pas la sensation qu’on éprouvait quand on était mort, l’impression que rien ne pouvait plus arriver. Partir en paix dans un repos éternel. C’était ce dont avait toujours rêvé Elsie Vince dans sa vie passée. Elle ne regrettait pas la vie. Elle regrettait rarement quelque chose. Elle avait simplement appris à ne jamais culpabiliser pour quelque chose. Elle était une dure à cuire qui ne se laissait pas marcher sur les pieds, elle avait un caractère bien trempé qu’elle assumait pleinement. Elle n’avait quasiment pas eu d’amis, elle était une solitaire. Elle était débrouillarde et sûre d’elle.
Elle, elle, elle, elle, elle, elle…..
Elsie n’était cette fille que de l’extérieur. Non elle ne regrettait pas la vie, non elle n’était pas gentille mais elle n’avait certainement aucune confiance en elle. A l’intérieur elle était écrabouillée, mise en pièces, défigurée. Elle avait le cœur en mille morceaux. Elsie Vince était surtout quelqu’un de perdu, elle était une âme en peine. Mourir ne pouvait être qu’une libération. Alors pourquoi ressentait-elle un sentiment d’insatisfaction ? N’était-elle donc pas morte ?
-Tu es morte.
Elsie ouvrit brusquement les yeux pour ne rencontrer que du noir. Elle ne voyait rien. Elle ne distinguait rien. Seulement du vide avec un sol froid sur lequel elle était allongée. D’un geste lent elle se leva pour se mettre debout. D’où venait donc cette voix ? Elsie tourna la tête dans tous les sens pour voir si quelqu’un se trouvait non loin d’elle, mais personne n’était à proximité. Elle se leva et commença à marcher à l’aveuglette avant de s’arrêter instantanément quand elle entendit de nouveau cette voix rauque et lugubre:
-Derrière toi.
La jeune femme resta figée dans sa position. Elle hésitait à se retourner. Maintenant qu’elle était morte elle ne savait plus à quoi s’attendre. Etait-ce Dieu ? Le Diable ? Saint-Michel ? Elsie prit une grande inspiration et se retourna. Un fauteuil voletait à quelques centimètres au dessus du sol. Un homme s’y tenait assis. On ne pouvait pas distinguer ni son visage, ni ses bras. Ces derniers se confondaient avec le noir omniprésent qui régnait en ce lieu. Seuls ses vêtements, un costume gris, se distinguait du reste.
-Qui êtes-vous ?
La personne en face d’elle, si s’en était bien une, émit un ricanement sarcastique. Elsie fronça légèrement les sourcils. Elle était sur la défensive.
-Je n’ai pas de nom, mais tu peux me qualifier de puissance suprême. Je suis le Maître de ce lieu.
Elsie recula d’un pas sans détacher son regard du « Maître ». Beaucoup de questions tourbillonnaient dans sa tête. Où était-elle ? Qu’allait-il lui arriver ? Que lui voulait ce « Maître » ? Pourrait-elle un jour reposer en paix ? La voix du « Maître » résonna de nouveau et répondit à ses interrogations, comme s’il avait lu dans ses pensées :
-Nous sommes entre la vie et la mort. Un endroit transitoire entre ces deux mondes. Peu de monde viennent ici. D’habitude je ne laisse personne entrer ici. Mais je commençais à m’ennuyer. L’éternité, c’est un peu long.
Elsie prit une mine offusquée, elle n’était qu’un divertissement ? Ca dignité en prenait un grand coup. Si elle avait bien compris ce que venait de dire le Maître, elle était morte ne pouvait toujours pas atteindre le repos éternel. C’était problématique. Ne pourrait-elle donc jamais être en paix ?
-Je tire mon bonheur du malheur des autres, annonça-t-il soudainement.
La jeune femme releva brusquement la tête, sortant de ses pensées. Où voulait-il en venir ? Elsie n’eut pas le temps de lui poser la question qu’il continuait déjà son monologue.
-Voir toutes ces âmes pleurer leur vie passée ou regretter quelque chose est plutôt jouissif. Savoir qu’ils ne pourront jamais s’arrêter de culpabiliser est très plaisant. C’est pour cela que tu ne rejoindras pas le royaume des morts tant que tu ne regretteras pas.
Ce fut autour d’Elsie d’émettre un ricanement. Elle haussa un sourcil et rétorqua :
-Vous n’arriverez jamais à me faire regretter quoi que ce soit de ma vie d’antan. Vous perdez votre temps.
-Ne te réjouis pas si vite, j’avais dans l’idée de te faire revenir à la vie pendant une heure.
-Seulement une heure ? Se moqua Elsie. Je ne suis pas une sentimentale.
Il eut un instant de silence, pendant lequel le Maître savoura sa future victoire. Puis il reprit la parole :
-A dix heures trente-trois a eu lieu un attentat dans le Hall du Ministère de la Magie britannique. De neuf heures trente-trois à dix-heures trente-trois, soit une heure, tu devras trouver qui à déclencher cet attentat.
-En une heure il est impossible de trouver le coupable, affirma Elsie.
-C’est pour cela que tu revivras cette heure autant de fois qu’il le faudra avant de trouver le criminel.
Elsie ferma les yeux, essayant de bien comprendre ce que venait de lui annoncer le Maître. Un tremblement imperceptible lui parcourut l’échine. Elle s’était bien fait avoir. Tant qu’elle ne trouverait pas ce terroriste, et cela pourrait durer des jours ou des mois en estimation du nombre de personne qui traversaient le Hall du Ministère, elle ne pourrait pas accéder au repos éternel.
-Et si je refuse ?
-Tu passeras alors le reste de l’éternité avec moi dans ce lieu vide de toute occupation.
Il n’est pas question de ne pas atteindre le repos éternel pour une question de dignité ou de sentiment tel que le remord. Une grimace de dégout déforma son visage. Elle avait l’impression de pactiser avec le diable. Où tout cela allait-il la mener ? Elsie tendit avec réticence sa main.
-C’est d’accord.
Le Maître se redressa sur son fauteuil et agrippa la main la jeune femme avant de la serrer avec engouement. Elsie observa avec intérêt et étonnement la main aussi noire que les ténèbres et l’ébène qu’elle tenait entre ses doigts.
-Maintenant ferme les yeux, ordonna-t-il.
Elsie s’exécuta, légèrement inquiète de ce qui allait suivre. Elle sentit un courant d’air passé sur son visage et ouvrit les yeux. Le décor autour d’elle avait complètement changé. Elle était dans le Hall du Ministère de la Magie.