Et j’enfile. Et je serre. Et je lace. Et je m’habille, devant le miroir, las.
Et surtout, j’essaye de pleurer, de pleurer autant que je le peux. Je ne suis pas encore maquillée, alors autant en profiter. Et puis, je ne veux pas pleurer tout à l’heure. Qui serais-je donc, pour pleurer lors d’un tel évènement. Pour pleurer à son enterrement. Ce n’est pas comme si j’étais l’une de ses plus vieilles connaissances. Ce n’est pas comme si je le connaissais depuis toujours ou du moins depuis suffisamment longtemps pour l’avoir connu du temps où il risquait sa vie pour combattre le Mal. Ce n’est pas comme si j’étais sa femme.
Et pourtant, je porte le nom de sa femme. Je porte le nom de celle qui le connait depuis le plus longtemps, quand moi-même je ne suis rien, personne, juste la dernière des Weasley. Juste la petite, la mignonne, la gentille Molly. Molly II, comme disent certains. Certains qui ne se rendent pas compte à quel point ce « surnom » m’horripile, me blesse, me retourne le cœur. Je ne veux pas être la deuxième, celle qui passe après, celle sur qui tout repose. Je ne veux pas m’appeler Molly, quand l’autre Molly, la première Molly, a été sa femme. La femme de mon grand-père. Celui qui vient de mourir.
Et les voilà les larmes salées, les larmes un peu amères, parce que grand-père s’en est allé et qu’il ne pourra plus jamais revenir. Parce que Molly, la première Molly, alors qu’elle montait dans sa chambre pour lui apporter la théière, a finalement dû refermer ses paupières. Parce qu’on frappe contre ma porte pour m’emmener vers la chambre mortuaire. Parce que moi, je ne suis pas prête, non, pas prête du tout, à dire au revoir à mon grand-père. Mon grand-père, héros de guerre. Ce héros que je n’ai finalement pas eu le temps de connaître, parce que j’entre tout juste dans l’âge adulte et que jusqu’à présent, les sujets sérieux, ce n’était pas pour moi.
Papa est entré, il me sert la main et moi, j’ai envie de serrer la sienne mais je n’y arrive pas. Pourtant, sa peine doit être pire encore que la mienne, pour lui qui perd un père. Mais c’est moi qui pleure contre son épaule, c’est moi qui craque parce que voilà, je suis la dernière des Weasley, je suis la plus jeune, alors pour une fois, je peux bien profiter de ce statut de fragile petite dernière qui tant de fois m’a irrité et qui aujourd’hui ne peut que m’apaiser.
Quand on ressort de la salle de bain, il n’y a plus la moindre larme sur mon visage. Je n’ai jamais su pleurer pour les choses vraiment importantes devant les autres. Les choses insignifiantes, oui. Le reste, non. Papa est le seul avec qui je m’autorise cette proximité. Pourtant, qu’est-ce que j’aimerais crier, crier au monde entier la douleur qui me ronge.
Peut-être vais-je pouvoir le faire après tout. Victoire est arrivée.