Cinq ans plus tard, dans le dortoir des filles, le son strident du réveil vint perturber le calme ambiant. Les trois filles qui dormaient dans la pièce se réveillèrent doucement, mais comme d'habitude, elles furent vite agacées par le réveil qui augmentait le volume de sa sonnerie au fur et à mesure que les secondes, voire les minutes, s'écoulaient. Juliet soupira lourdement, c'était pareil tous les matins depuis leur première année : Victoria Finnigan faisait semblant de dormir tandis que Rose Weasley, de mauvaise humeur, se cachait la tête sous son oreiller.
Juliet se rendit vite à l'évidence, c'était encore elle qui allait devoir se lever la première pour éteindre ce maudit réveil. Le seul point positif à se lever avant les deux autres filles était qu'elle allait pouvoir disposer de la salle de bain aussi longtemps qu'elle en aurait besoin. Rose et Victoria étaient tellement lentes à se lever le matin que Juliet avait général le temps de se préparer avant qu'elles ne mettent ne serait-ce qu'un pied en dehors de leur lit.
Etouffant un bâillement, Juliet prit un uniforme dans son armoire et se rendit directement sous la douche, pas le moins du monde pressée ou bousculée par ses camarades. Quelques minutes plus tard, elle se fit la réflexion qu'elle n'avait vraiment pas changé depuis son entrée à Poudlard. Juliet se trouvait toujours trop petite, trop mince ou encore trop pâle sous le soleil écossais. Trop de trop. Exaspérée, elle chassait une fois de plus ses mauvaises pensées en se concentrant sur sa tâche matinale : se rendre plus ou moins présentable. Après s'être brossé les dents, elle se maquilla légèrement en mettant en avant ses yeux noisette, et peigna ensuite ses longs cheveux bruns.
Insatisfaite, la jeune fille s'observa encore un instant dans le miroir, ne sachant pas ce qui n'allait pas aujourd'hui. Finalement, elle abandonna son reflet et quitta la salle de bain en prenant un rouge à lèvres au passage. Il devait être à Rose, mais comme elles avaient pris l'habitude de se prêter leurs affaires, cela importait peu. En revenant dans le dortoir, Juliet constata avec épuisement que ses deux camarades n'avaient toujours pas bougé. Et elle avait faim.
— Rose, lève-toi... l'implora Juliet en traînant des pieds vers son lit. On ne va jamais avoir le temps d'aller prendre un petit déjeuner si ça continue !
Rose grogna sous ses couvertures. Seule une masse de boucles rousses était visible. Juliet lui rendit un regard blasé, bien que sa meilleure amie ne pouvait pas la voir.
— Je vais me gêner, tiens. Tu arriveras en retard toute seule !
Puis Juliet ramassa son sac de cours posé à côté de son lit, prête à rejoindre Albus dans la salle commune. Elle se tourna une dernière fois vers le lit de Rose, puis lança d'un ton moqueur :
— Je t'ai pris ton nouveau rouge à lèvres et je m'en vais avec, à tout à l'heure !
— Juliet, non ! Je voulais le mettre aujourd'hui ! s'exclama Rose en sortant sa tête de sous son oreiller. Attends que j'attrape ma baguette !
— Viens si tu l'oses ! la défia Juliet qui s'élançait déjà vers la sortie.
La brunette dévala les escaliers menant à la salle commune tout en s’appliquant le rouge à lèvres de Rose. Elle n'avait aucune idée de s'il s'agissait de son nouvel achat mais fière d'elle, elle était certaine de voir Rose débarquer dans les dix minutes. Et pour cause, Juliet la connaissait un peu trop bien. Cela faisait cinq ans qu'elle partageaient tout entre elles en passant par leurs vêtements et leurs petites histoires. Elles n'avaient aucun secret l'une pour l'autre. Ou en tout cas, Juliet n'en avait aucun pour Rose.
— Hé, fais attention !
Juliet fit face à un James légèrement sonné qu'elle venait de percuter. En la reconnaissant, le septième année lui sourit. Lui au contraire avait changé, il avait pris des dizaines de centimètres depuis leur première rencontre et Juliet devait avouer qu'il n'était vraiment pas mal bâti, il n'avait plus rien à voir avec le petit garçon gringalet qui l'entrainait toujours dans ses aventures foireuses, cependant James avait toujours cette lueur de malice dans le regard qui le caractérisait si bien.
— Tiens, je voulais te voir ! Macmillan m'a dit que nous n'aurons pas besoin de passer les sélections dans deux semaines. On va l'aider à dénicher les nouveaux talents. Cool, non ?
— Plutôt ouais ! acquiesça Juliet, heureuse d'entendre cette bonne nouvelle. James, pourquoi tu souris comme un idiot ?
— Moi, sourire comme un idiot ? T'es de mauvais poil aujourd'hui.
Juliet croisa les bras, mécontente tout à coup. Elle n'était pas stupide, son ami était en train de se moquer d'elle. Elle souffla, exaspérée, puis se retourna pour aller voir si Albus était déjà dans la salle commune quand James la rattrapa par le bras.
— Attends, je ne peux pas te laisser partir comme ça, lui dit-il avant d'éclater de rire. Tu as un grand trait rose sur la joue.
James sortit sa baguette magique de sa poche et la pointa sur le visage de Juliet. Puis il la rangea après avoir lancé un sortilège informulé. Juliet se frotta la joue, un peu honteuse. Il faudrait vraiment qu'elle fasse attention à ses gestes un de ses jours. Enfin, elle remarqua que le groupe d'amis de James les regardaient quelques mètres plus loin.
— Merci. Bon, on se voit plus tard, le salua Juliet, irritée, avant de tourner les talons.
Sa complicité avec James lui avait déjà attiré de nombreux problèmes les années précédentes. Depuis qu'il l'avait prise sous son aile la première année, il y avait eu les nombreuses retenues qu'ils avaient du effectuer à cause de leurs sorties nocturnes, mais il y avait surtout eu le Quidditch. C'était la seule chose pour laquelle Juliet était très douée, et en équipe avec James, ils étaient quasiment imbattables. Alors forcément, tous leurs points communs leur faisaient passer beaucoup de temps ensemble, pour le plus grand malheur d'Audrey Collins, la petite amie de James qui était d'une jalousie maladive.
— Alors, Juliet chérie, tu te fais quel Potter cette année ?
Juliet fit volte-face, interdite. Il s'agissait d'un de ses camarades de classe, Kenny Clarks, le meilleur ami de Victoria Finnigan. A eux deux, ils étaient les pires diffuseurs de ragots à Poudlard. Rose et Juliet étaient constamment sur la défensive et faisaient attention à leur moindre parole lorsque Victoria était avec elles dans leur dortoir. Le risque de voir leurs petits secrets révélés à tout Poudlard était énorme avec Victoria.
— J'ai parié deux Gallions que ce serait James, continuait Kenny d'un ton très sérieux. Mais Victoria penche plus du côté d'Al.
— Vous êtes malades, répliqua Juliet avant de le laisser en plan, décidément de mauvaise humeur.
Elle partit dans un coin vide de la salle commune, remuant des pensées meurtrières à l'encontre de tous ceux qui osaient demander pourquoi elle avait l'air aussi revêche. Ce n'était pas le genre de la jeune fille d'être aussi antipathique, ses camarades l'évitèrent donc soigneusement jusqu'à ce qu'Albus, la chemise froissée, soit le seul à l'approcher en se laissant tomber mollement sur le canapé.
— Je crois que j'ai gardé trop d'options pour cette année, se confia-t-il, l'air très sérieux. Je suis déjà fatigué.
Juliet eut enfin un petit sourire. Albus était un bourreau de travail, un peu comme elle, sauf qu'il réussissait tout ce qu'il entreprenait. Il avait obtenu une majorité d'Optimal à ses BUSE et Albus avait eut énormément de mal à faire le tri dans les matières qu'il voulait poursuivre pour les ASPIC. Résultat, il avait presque tout conservé pour ne pas se fermer de portes.
— Au moins, tu as le choix, soupira Juliet, un regard vague porté sur un groupe de première années.
Albus fronça les sourcils, une lueur inquiète dans son regard vert qui faisait craquer tant de filles. Juliet avait beau travailler autant que lui, cela ne payait pas autant que pour lui. Et souvent, il avait tendance à l'oublier et il se rendait compte qu'il manquait cruellement de tact. Pourtant, Juliet ne paraissait pas vexée, alors Albus changea de sujet tout en se redressant :
— Laisse-moi deviner, Rose est encore en retard ?
Juliet répondit par une petite moue légèrement affligée. Puis, elle lui montra un tube de rouge à lèvres.
— Mais elle ne devrait pas tarder, lui assura-t-elle avec un sourire victorieux.
Quand Rose fut enfin descendue de leur dortoir, ils se rendirent enfin à la Grande Salle pour prendre leur petit déjeuner et aussi pour recevoir leurs emplois du temps, chose que tous les élèves à Poudlard attendaient avec appréhension. Tandis qu'ils discutaient avec animation entre eux à propos des matières choisies à la suite des BUSE, le professeur Londubat arriva dans leur direction. Neville Londubat était leur directeur de maison mais il était également leur professeur de botanique.
— Juliet Hardy, voyons... dit-il en cherchant dans ses dizaines de parchemin. Ah oui, voilà : métamorphose, botanique, défense contre les forces du Mal, histoire de la magie, sortilèges, astronomie, et divination. Et j'aimerais vous parler, venez me voir à la fin de mon cours tout à l'heure.
Juliet acquiesça et prit son emploi du temps en murmurant un vague merci, peu rassurée quant aux propos du professeur. Elle posa son toast à moitié entamé, inquiète.
— … Passons à Rose, vous avez choisi histoire de la magie, botanique, défense contre les forces du Mal, sortilèges, métamorphose... il me semble que ce ne soit pas suffisant, précisa-t-il en fronçant les sourcils.
— Je veux faire des études d'histoire, je n'ai pas besoin d'autres matières, protesta Rose.
— Pas même l'étude des moldus ? proposa Londubat. Ce pourrait être utile, si vous avez l'occasion de voyager. Il ne faut pas négliger les détails et il me semble que vous m'en aviez fait part, l'année dernière.
— Très bien, vous pouvez ajouter l'étude des moldus, admit Rose, dépitée. C'est mon grand-père qui va être content...
— Pardon ? demanda Neville en donnant un petit coup de baguette magique sur l'emploi du temps de Rose. Rose, entre nous, tu ne dois pas prendre cette option pour ton grand-père, mais pour toi. Cette matière te sera d'une grande aide plus tard, crois-moi.
— Si ça peut m'aider, alors pourquoi pas, répondit Rose en s'empressant de prendre son parchemin.
— Passons à Al... Albus Potter, rectifia le professeur avec un clin d'œil à l'adresse de son cousin. arithmancie, astronomie, métamorphose, sortilèges, potions, études de Runes, défense contre les forces du Mal, botanique, histoire de la magie... et voilà qui fait beaucoup. Bonne chance !
Juliet, curieuse malgré son angoisse, se pencha par-dessus l'épaule d'Albus pour y constater que leur début de semaine était le même et que concernant le sien, il serait beaucoup plus allégé que l'année précédente. Puis, Rose, Albus et Juliet terminèrent leur petit déjeuner et se rendirent à leur premier cours de l'année. Ils ne croisèrent pas grand monde sur le chemin des serres mais ils durent éviter Peeves dans le Hall d'entrée qui, apparemment, s'était procuré des Bombabouses durant l'été.
— Ouf, s'il nous avait touché, on aurait été obligé de retourner à la tour ! s'exclama Rose en sortant sous le ciel bleu du début de septembre.
— Je le déteste, dit Juliet entre ses dents, non mais tu as vu le détour qu'on a été obligés de faire ? Rusard est si vieux qu'il ne l'attrapera jamais.
Toujours aussi dépitée, Juliet shoota dans un caillou. Rose et Albus échangèrent un regard.
— Juliet, tu sais qu'on est là pour toi, dit lentement Albus. Et quoiqu'en dise Neville, on va t'aider cette année, même si c'est la dernière chose que l'on fera de notre vie.
— Al a raison, approuva Rose en prenant son amie par le bras. Il n'est pas question que tu fasses cette tête pendant deux ans, tu vas tout déchirer aux examens de fin d'année, je te le promets, à condition que tu arrêtes de me piquer mes rouges à lèvres.
Juliet sourit. Bien sûr qu'elle pouvait compter sur eux, ils avaient toujours été là pour elle. Albus Potter avait peut être ce regard détaché sur tout mais il était sincère avec ses amis. Et c'était pareil pour Rose. Ils n'étaient pas inséparables pour rien. Les seuls moments où ils n'étaient pas ensemble, c'était quand Rose était avec son petit ami, quand Albus remplissait ses devoirs de préfet et quand Juliet partait à ses entrainements de Quidditch. Le reste du temps, tout le monde était habitué à les voir tous les trois.
— Merci, vous êtes géniaux. Mais...
— Mais ? répliqua Rose, faussement vexée. Il n'y a pas de mais qui tienne, voyons !
— Et s'il me disait que je devais abandonner le Quidditch ? s'inquiéta Juliet alors qu'ils s'approchaient de la serre où avait lieu leur cours. Mon père m'a clairement dit cet été que le Quidditch n'était qu'une distraction et que je ferais mieux de me concentrer sur mon travail scolaire.
Albus soupira, puis s'arrêta. Juliet et Rose se stoppèrent également avant que la brunette ne lui lance un regard interrogatif.
— Écoute, ton père ne te voit que deux fois par an. Nous, on te voit bosser comme une malade toute l'année. Alors même si le Quidditch n'est vraiment pas mon truc, je pense que tu es en droit de faire quelque chose qui te plait, non ?
— Tout le monde ne peut pas devenir Guérisseur comme miss Andrea, ajouta Rose en levant les yeux au ciel.
Rose n'avait jamais aimé la sœur de Juliet. Aussi cette dernière ignora sa dernière remarque mais elle devait avouer que sa meilleure amie n'avait pas tord. Ce n'était pas parce que son père était un brillant alchimiste et que sa sœur avait l'ambition de devenir une grande Médicomage que Juliet devait forcément suivre leurs traces et poursuivre des études qui ne l'intéressait pas et pour qui manifestement, elle n'avait pas de prédispositions.
— Vous avez raison, je ne vais pas me laisser abattre aussi facilement que ça, admit Juliet avant de reprendre son chemin.
Leur premier cours de l'année passa alors très lentement, étant donné le fait que Juliet redoutait tant l'entrevue qui allait suivre. Elle imagina même les pires scénarios possibles, comprenant son renvoi car ses résultats n'étaient pas satisfaisants, ou un redoublement qui allait prendre effet dans la semaine. Qu'allait-il lui dire ? Le professeur Londubat avait toujours été gentil et compréhensif avec les élèves, mais elle se doutait que ce qu'il avait à lui dire n'aurait rien d'agréable. La Gryffondor avait de gros soucis scolaires et avait eu du mal à obtenir assez de BUSE pour son passage en sixième année. La théorie avait réussi à réparer les dégâts du côté pratique, pour quoi elle était complètement perdue.
Juliet redoutait depuis quelques mois un tel entretien. La jeune fille ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter, malgré les propos rassurants de ses meilleurs amis.
— Ah, Juliet, fit le professeur Londubat en la voyant arriver deux heures plus tard.
Prenant son courage à deux mains, la Gryffondor resta plantée devant le bureau de son professeur, attendant la sentence. Stressée, elle se mit à tripoter nerveusement la fermeture de son sac.
— Nous avons discuté de votre cas, cet été, avec mes collègues et nous aimerions vous faire part de notre inquiétude... si toutefois celle-ci est fondée.
— Je sais ce que vous allez dire, le coupa Juliet, dépitée. Que je ne travaille pas assez, que je suis trop déconcentrée pendant les cours et que je devrais consacrer à mes devoirs chaque parcelle de mon temps libre mais...
— Juliet, soupira le professeur, je ne conteste pas vos efforts. Au contraire, je pense que vous fournissez un travail plus acharné que vos camarades, à défaut de ne pas payer.
— Mais alors...
— Nous en sommes venus à la conclusion que vous aviez surement plus de difficultés que les autres et que peut être, vous devriez changer vos méthodes de travail.
Juliet fronça les sourcils.
— Nous essayons de nous pencher sur chaque cas d'élève, et croyez le ou non, vous avez largement les possibilités de poursuivre vos études sereinement. Néanmoins, il faut surement changer de procédés. Je ne veux que vous rassurer, Juliet. Vous pouvez y arriver.
La Gryffondor se détendit quelque peu et arrêta de triturer la hanse de son sac. Neville Londubat souriait à présent. Juliet attendit, croyant que son professeur n'en avait pas terminé avec elle. Cependant, elle se trompait.
— Allez-y, lui dit-il au bout d'une longue minute de silence. En revanche, j'aimerais vous revoir dans le courant de l'année, histoire de vérifier que tout se passe bien.
Juliet avait donc quitté la serre numéro cinq beaucoup plus sereine qu'à son entrée et rejoignit ses amis. Pourquoi s'était-elle mise tant de pression sur les épaules ? C'était décidé, elle allait reprendre sa vie en main, écouter ses amis et tenter de faire comprendre à son père qu'elle était différente. Prise d'un élan de positivité, elle se rendit à son prochain cours avec le sourire et la conviction qu'elle allait passer d'excellents moments cette année.
— Al, tu me marches sur le pied ! se plaignit Rose.
— Si tu ne te collais pas systématiquement devant moi, ça n'arriverait pas, répliqua Albus, piqué au vif.
— Et comment on fait pour avancer dans ce cas ?
— Taisez-vous ! s'exclama Juliet. Parlez encore plus fort et même les Serpentard vont vous entendre !
Le silence s'imposa alors dans le couloir du cinquième étage. Avec eux, c'était toujours la même chose. Les deux cousins trouvaient tous les prétextes du monde pour se disputer. Et quand on se baladait dans les couloirs de Poudlard à plus de minuit, c'était en général le mauvais moment pour s'y mettre. Bien qu'ils soient cachés derrière la cape d'invisibilité d'Albus dans ce couloir à haut risque, Juliet s'écarta de Rose et Albus en se révélant à la vue de tous. Elle partit d'un bon pas vers leur destination : une pièce secrète où devaient se réunir Stephen Brown, le petit ami de Rose, et Barbara Hopkins de Serdaigle.
Alors qu'ils étaient à la bibliothèque quelques heures auparavant, Juliet et Albus avaient entendu Barbara, une fille de leur année qui enchaînait les conquêtes, donner rendez-vous à Stephen. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait concernant Brown et malgré le fait que Rose et lui soient ensemble depuis plus d'un an, on l'entendait souvent aller voir ailleurs. Cependant, Rose restait imperméable à tout ce qu'on lui rapportait à propos de son petit ami. Et ce soir, Juliet et Albus avaient eu bon espoir d'enfin lui ouvrir les yeux s'ils parvenaient à les surprendre.
— Juliet ! chuchota Albus en sortant la tête de la cape. Tu vas dans la mauvaise direction, ils ont parlé du miroir du troisième étage. Pas de celui de l'aile Ouest.
Juliet marmonna quelque chose d'incompréhensible en suivant la direction que lui avait montré Albus. Et même si elle ne savait pas exactement où ils marchaient dans le couloir, Juliet arrivait à les entendre. Si jamais elle se faisait prendre à cause d'eux, elle leur lancerait le pire maléfice de chauve-furie qu'elle connaissait, c'est à dire celui qu'elle ratait le mieux, inévitablement.
Ils arrivèrent enfin devant le fameux miroir sans qu'ils ne se soient faits remarquer. Juliet sortit sa baguette magique, en tapota la surface et leva une main vers la glace avant de se rendre compte que le miroir ne se laissait pas traverser. Normalement, le miroir était censé les laisser passer, Juliet avait déjà visité cette salle secrète deux ans auparavant. Il n'y avait pas grand chose à voir à l'intérieur, mais on pouvait y entrer comme on voulait.
— Tu crois qu'ils l'ont verrouillée de l'intérieur ? demanda-t-elle à Albus qui venait d'apparaitre à ses côtés, l'air tout aussi sceptique qu'elle.
Ils entendirent Rose soupirer derrière eux mais il n'y prêtèrent pas attention. Albus sortit sa baguette et essaya à son tour. Mais sans surprise, rien ne se passa. Juliet fronça les sourcils. Et si quelqu'un était effectivement à l'intérieur ?
— Vous êtes satisfaits ? Stephen n'est pas là. J'ai vraiment envie d'aller me coucher.
— Rose, on est pas sourds, l'interrompit Albus en se tournant enfin vers elle. Nous allons attendre qu'il se passe quelque chose. Quelqu'un est forcément en train d'utiliser la pièce si on ne peut pas y entrer.
— Je ne sais pas pourquoi je vous ai suivis en premier lieu, poursuivit Rose comme s'il ne l'avait pas interrompue.
Juliet recula d'un pas, entièrement d'accord avec Albus. Il était temps que Rose se rende à l'évidence que quelque chose n'allait pas avec son petit ami. Ils restèrent donc en plein milieu du couloir éclairé par les rayons de la lune, Rose qui était toujours invisible aux deux autres, continuait de se lamenter sans que personne ne l'écoute. De toute façon, Juliet était persuadée qu'elle ne l'aimait pas, ce Stephen. Et elle était certaine que lui sortait avec Rose pour son nom et uniquement la notoriété de ses parents. Une façon de se rendre intéressant, en somme.
— On devrait sûrement se mettre tous les trois sous la cape, au cas où, suggéra Albus au bout de quelques instants.
Malheureusement, ils n'en eurent pas le temps. Des bruits de pas au bout du couloir se firent entendre aussi soudainement que Juliet en fut surprise sur le moment. Avec une impression de déjà-vu qui la taraudait, elle n'eut pas le temps de réfléchir qu'elle se précipitait au côté opposé du couloir. Elle s'autorisa un coup d'œil en arrière avant de tourner à droite. Rose et Albus avaient disparu. Un couloir vide de toute présence la précédait.
— Juliet, par-là !
Juliet se retint de rire. C'était si facile à dire quand on était invisible ! Mais elle n'avait pas le temps d'attendre que Rose ou Albus se manifestent en sortant un bras, elle entendait le pas lourd de Rusard qui leur courrait après. Juliet accéléra, et lança dans le vide en espérant qu'ils l'entendent :
— On se retrouve à la salle commune !
N'entendant pas de réponse, elle continua à foncer. Finalement, sortir ce soir avait été une très mauvaise idée de sa part. Cependant, elle n'allait pas se faire avoir aujourd'hui. Rusard était de plus en plus lent. Quelques volées d'escaliers et ce serait bon, il serait déjà à bout de souffle. En y réfléchissant pendant qu'elle montait des marches quatre à quatre, sa bonne condition physique l'avait beaucoup aidée à la sortir du pétrin ces dernières années. Elle ne comptait plus les fois où elle avait aussi échappé à leur jeune professeur de potions quand il faisait des rondes.
Au bout de cinq minutes, Juliet s'arrêta. Elle passa une main dans ses cheveux tandis qu'elle pensait à la trajectoire que Rusard avait pu emprunter. Elle réfléchit vite, Rusard devait se douter qu'il s'agissait de Gryffondor s'il les avait entendus partir en direction des étages. A partir de là, il y avait deux solutions : soit elle était rapide et prenait la voie directe où le risque de se faire prendre était plus grand, soit elle prenait le détour par la vieille porte en bois à sa droite qui lui serait certes plus long mais aussi plus sombre. Juliet choisit le chemin qui lui permettrait de passer incognito, c'est à dire passer par le vieux battant, et partit d'un pas pressé, l'oreille attentive au moindre bruit qui trahirait une présence.
Cependant, elle savait que les couloirs qu'elle empruntait ce soir n'étaient que très peu utilisés et à l'abandon, ce qui avait le don de lui donner des frissons dans le dos. Par précaution, elle sortit sa baguette magique même si elle se doutait qu'elle ne lui serait pas d'une grande aide. Elle passa rapidement à côté d'une rangée d'armures à moitié détruites, puis déboucha dans un nouveau couloir poussiéreux.
Elle espérait que Rose et Albus aient eu la bonne idée de profiter de sa fuite pour attendre que Rusard la poursuive, ce ne serait pas la première fois qu'ils échappent de peu à la retenue tous les trois. Grâce à sa cape, Albus ne s'était jamais fait attrapé et c'était sans doute pour son comportement irréprochable face aux professeurs qu'on lui avait donné le titre de préfet. Pour être tout à fait honnête, Juliet préférait sortir le soir en compagnie de James et Fred, au moins, ils ne parlaient pas à haute voix et c'étaient même eux qui lui avaient appris à éviter les coins très surveillés par les professeurs.
Soudain, l'arrachant à ses pensées, elle entendit entendit des voix dans le couloir d'à côté. Juliet frissonna. Elle n'avait pas envie de faire demi-tour pour se retrouver face à Rusard de retour dans les parties utilisées du château. Mais Juliet était également piquée par la curiosité, qui pouvait bien régler ses affaires dans ce coin reculé du château ?
Décidée à reconnaître de qui il s'agissait avant de savoir de quel côté partir, elle longea le mur du couloir où elle se trouvait jusqu'à arriver au coin du mur. Si elle faisait un pas de plus, elle se révélait aux deux personnes présentes dans les lieux.
— Tu sais comment ça marche, alors donne-moi vite les Gallions avant que le marché ne se retourne contre toi.
— Je ne les ai pas, il me faut un peu plus de temps, répondit la voix implorante d'une fille.
Juliet fronça les sourcils, ne reconnaissant pas ces voix au premier abord.
— S'il-te-plait, poursuivit la fille d'une voix étonnamment aiguë. Je vais tout faire pour te donner l'argent demain...
« Par le slip liberty de Merlin ! » jura intérieurement Juliet. Et si elle utilisait l'expression de son amie Rose, c'était que la situation était grave. La voix masculine n'était autre que celle du Serpentard le plus craint de tout Poudlard. Personne n'osait l'approcher de trop près, de peur de se retrouver à l'infirmerie, les os du squelette brisé. Sa réputation était fondée sur des élèves terrorisés qui ne pouvaient plus entendre son nom sans trembler de tous leurs membres. En septième année également, James lui avait même dit que le Serpentard ne reculait devant rien pour se faire ne serait ce que quelques Noises.
Non, Juliet n'avait définitivement pas envie de passer par ce couloir.
Le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, Juliet rebroussa chemin aussi lentement que possible, de façon à éviter de faire le moindre bruit. Si jamais il venait à la surprendre en train d'écouter ses petites affaires, alors elle ne donnerait pas cher de sa peau. Et sans oublier le fait qu'elle était une Gryffondor, le corps de Juliet pourrait rester dans ce couloir sans qu'il n'ait de remords. Elle ne lui avait jamais fait face de manière directe et elle s'en estima heureuse. On le payait pour se battre contre ses ennemis, et il le faisait bien.
Alors qu'elle en était à maudire dans ses pensées Barbara Hopkins pour l'avoir faite sortir ce soir, un nouveau problème s'ajouta au tableau. La porte qui reliait ces couloirs isolés du reste du château grinça lentement. Juliet s'arrêta net. En une demi-douzaine de secondes, elle pouvait être découverte à la fois par Rusard et par son futur meurtrier. Pétrifiée, elle serra un peu plus sa baguette dans son poing, ne sachant quoi faire. Dans l'autre couloir, la fille continuait ses supplications sans se rendre compte du danger imminent.
— Elèves hors des dortoirs ! s'écriait le vieux concierge. Je sais que vous êtes là !
Avec un peu de chance ou s'ils n'étaient pas totalement sourds, ils l'avaient entendu. Juliet se précipita donc à dans la direction opposée à celle de Rusard et croisa les doigts pour que les deux élèves soient en train de fuir également. Quand elle débarqua dans le couloir, suivie très bientôt du concierge prêt à l'attraper, elle remarqua à peine la fille écroulée par-terre.
— Ah, ah ! fit Rusard en découvrant la fille étendue sur le sol.
Arrivée au fond du couloir en quelques secondes, Juliet courut aussi vite que possible, enjamba un tas de gravats puis sauta les quatre marches qui la menèrent dans un couloir du septième étage qu'elle reconnaissait sans peine.
Cependant, elle n'eut pas le temps de souffler qu'elle vit au bout du couloir l'ombre du Serpentard qui faisait peur à tant de monde. Il revenait dans sa direction, ce qui ne voulait dire qu'une chose : un professeur était dans les parages. Juliet, prise de panique, et sachant que Rusard n'allait pas tarder à rappliquer, fonça sur la première porte qui se présentait. C'était un placard à balais. « Tant pis, ça fera l'affaire », se dit-elle après avoir ouvert la porte à la volée.
Mais alors qu'elle allait refermer la porte derrière elle, Juliet sentit une résistance et eut à peine le temps de voir l'affreux Serpentard la rejoindre que l'obscurité se referma sur sa planque de fortune.
— Ferme-la, se contenta d'ordonner Lloyd.
Juliet n'osa même pas reprendre une respiration normale. Les battements de son cœur s'affolaient complètement face à la crainte que lui inspirait le Serpentard. Juliet ferma les yeux, priant pour qu'ils puissent sortir rapidement et oublier qu'ils venaient de se cacher dans ce vulgaire placard à balais. La Gryffondor entendit quelqu'un dépasser lentement leur cachette de fortune et vit également une ombre passer sous la porte. Malgré l'obscurité totale, Juliet était persuadée que Lloyd l'avait remarqué lui aussi. Elle l'entendait chercher la poignée discrètement.
Mais au moment où le Serpentard ouvrait la porte, Juliet se rendit compte qu'il ne faisait pas un pas en dehors. Quand la porte fut ouverte en grand, elle remarqua enfin le problème. Si elle n'avait pas été aussi pétrifiée par le fait d'avoir été enfermée avec Lloyd, elle aurait été au moins exaspérée de voir sa professeur de défenses contre les forces du Mal la découvrir une nouvelle fois en dehors de son dortoir. Dans son état de peur actuel, elle n'esquissa pas un seul geste.
Le professeur Tourdesac arborait une mine affligée, son regard allant du Serpentard à la Gryffondor.
— Je n'imagine même pas ce que vous faisiez là-dedans... c'est une honte.
Juliet ouvra de grands yeux ronds. Comment pouvait-elle insinuer une telle chose ? Oui, elle devait admettre que trouver deux élèves dans un placard à balais en pleine nuit était louche, mais en réalité, elle était complètement à côté de la plaque. Rouge de honte, Juliet s'empressa de rétablir la vérité, puisque le Serpentard restait de marbre :
— Madame, vous faites erreur, on ne se connait pas et jamais...
— Miss Hardy, gardez vos justifications pour vous, l'interrompit sa professeur en robe de chambre. Vous allez tout de suite retourner dans votre dortoir. Et surtout, ne réservez pas vos soirées pour les deux prochaines semaines à venir.
Pour être certaine que les deux élèves ayant violé le règlement retournent dans leur salle commune, la professeur de défenses contre les forces du Mal les raccompagna chacun à leur salle commune respective. Au moment où elle rentrait enfin dans la salle commune de Gryffondor, Juliet se fit la réflexion que se faire avoir aussi proche de son but était inadmissible et digne d'une vraie débutante. Fatiguée et honteuse, elle eut une pensée pour la fille qui avait été assommée par le Serpentard. Visiblement, il ne s'était pas donné beaucoup de mal pour mettre la fille à terre.
— Juliet ! s'écria Rose en lui sautant dans les bras. On s'inquiétait, tu aurais du être revenue depuis un moment déjà !
Blasée, Juliet soupira et accorda un pauvre sourire à Albus par-dessus l'épaule de Rose. Albus, installé dans un fauteuil, se releva en ramassant son sac.
— Je suis tombée sur la vieille chouette, enfin, elle m'est tombée dessus pour être précise.
— Comment ça se fait ? s'étonna Albus.
— Longue histoire, répondit Juliet dont le regard passait de Rose à Albus. Je suis en retenue pendant deux semaines avec Lloyd, le Serpentard.
Rose émit une exclamation proche de la stupeur, la main devant sa bouche. Ce garçon lui avait toujours flanqué une peur bleue, au point qu'elle quittait subitement le couloir lorsqu'il s'y trouvait. Il avait une sacrée réputation, et elle ne put que s'inquiéter pour Juliet. Sa meilleure amie avait beau être inconsciente du danger parfois, il n'empêchait que le Serpentard était réellement menaçant.
— Et si on allait se coucher ? proposa Albus pour rompre le silence imposé par la mauvaise nouvelle. Avec un peu de chance, vous serez surveillés par un professeur pendant votre retenue.
Juliet rit jaune. Albus n'avait absolument aucune idée de ce à quoi ressemblait une heure de retenue. Elle qui les enchainait depuis sa première année savait que dans la plupart des cas, les élèves étaient chargés de tâches ingrates et les professeurs avaient bien souvent autre chose à faire que les surveiller.
— Ouais, on verra ça demain, acquiesça néanmoins Juliet avec un maigre sourire. Pour l'instant, j'ai plutôt envie de penser au lit qui m'attend là-haut.
Les deux filles souhaitèrent une bonne nuit à Albus puis montèrent dans leur dortoir. Alors que Rose partait se brosser les dents, Juliet se changea en pyjama silencieusement pour ne pas réveiller Victoria.
Mais si la fatigue la tenaillait et l'empêchait de penser à autre chose qu'à la nuit de sommeil raccourcie qu'elle allait avoir, ses pensées dérivaient inévitablement vers les retenues qu'elle allait devoir effectuer en compagnie de Lloyd, le Serpentard dont elle ne connaissait même pas le prénom, dès le lendemain. Et cela l'inquiétait bien plus qu'elle ne le laissait paraître.