« Il suffirait d’aller lui parler et de lui dire ce que tu ressens »
Comme si c’était simple. S’avancer vers lui, lui parler sans crier, le regarder sans rougir … Tout cela était vraiment compliqué. Un devoir de potions, aussi complexe qu’il soit, ne lui demandait pas autant de réflexion. Qu’est-ce que Alice espérait ? Qu’elle allait s’avancer les jambes tremblantes et lui avouer qu’elle l’aimait ? Il ne s’agissait pas uniquement de reconnaître ses sentiments, au delà de cet aspect sentimental, il fallait surtout reconnaître sa défaite. Pendant plusieurs mois, il lui avait clairement fait comprendre qu’il voulait sortir avec elle et au moment même où il arrêtait, elle se mettait à ressentir la même chose. Lily entendait déjà les remarque de ses camarades : « on savait bien qu’ils allaient sortir ensemble », « ça se voyait qu’ils s’aimaient »…
Non, non et non ! Par Merlin, elle avait mis un an pour prendre conscience de ses sentiments pour James ! Comment des élèves complètement étrangers à leur relation pouvaient-ils avoir raison ? Elle songea un court instant à la pertinence de cet argument mais la très probable justification que trouverait ses camarades lui apparut alors : « L’amour rend aveugle ».
Elle soupira en guise de résignation : que faire ? Mettre son orgueil de côté ? Prendre la situation avec légèreté ?
« Tu rêves Evans ? »
Lily se retourna vers James en se demandant si Merlin, par cette initiative périlleuse, tentait de l’aider ou de l’enfoncer.
« Je ne rêve pas : je réfléchis, répondit-elle en se maudissant d’avoir employé ce ton si cassant.
- Intéressant, et à quoi réfléchit ma préfète préférée ? fit-il en s’asseyant à côté sur le canapé.
- A la fierté si tu veux tout savoir. Je me demandais à quel moment il fallait y renoncer.
- Vraiment ? Combien de temps est-ce que j’ai pour y répondre ? Une ou deux heures ?
- Disons que si tu trouves la solution maintenant, je suis preneuse. »
James sentit son cœur battre plus fort et la regarda un court instant en se demandant s'ils pensaient à la même chose. Il se permit même un coup d’œil vers son sac pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un véritable sujet de dissertation. Voyant que ce n’était pas le cas, il fit mine de réfléchir avant de reprendre la parole.
« - Je pense que tout dépend de l’enjeu. Si mettre son orgueil de côté est la condition pour que certaines choses changent voire même s’améliorent, je dirais que renoncer est une bonne chose. Qu’est-ce que tu en penses ? demanda t’il.
Lily fit une petite moue boudeuse qui signifiait clairement qu’elle partageait, avec un certain regret, cet avis. Elle s’enfonça encore un peu plus sur le canapé, posa son coude contre l’accoudoir et porta sa main à hauteur de son menton. Elle n’aimait pas quand il avait raison. D’ailleurs, elle n’aimait pas que quiconque ait raison à son encontre.
« C’est juste que … ça m’embête. Ce n’est même pas le fait d’avoir tort, ça, je m’en remettrais même si ça doit prendre une décennie entière. Non, ce qui m’embête, c’est ce que vont penser les gens, lâcha t’elle en soupirant faiblement.
- C’est si grave que ça ? Attention, je te dis pas que ce que peuvent dire les gens n’a aucune importance, s’empressa t’il d’ajouter en croisant le regard noir de Lily. Tu me connais : je n’aime pas qu’on raconte n’importe quoi sur moi ou mes amis seulement il y a des moments où je me rends compte que ça n’a que très peu d’importance. Du moment que les gens qui comptent vraiment pour moi savent faire la part des choses, je ne vais pas aller régler leur compte aux quelques imbéciles qui pensent tout savoir mieux que tout le monde. »
Lily ne put retenir un rire en entendant la fin de la réponse de James. Visiblement, il avait la mémoire courte.
« Et tu as toujours pensé comme ça ? Non, parce que je n’ai pas le souvenir d’une telle tolérance lorsque Rosier et Avery ont trouvé amusant de répandre le bruit que tu étais fou amoureux de Mimi, lui rappela t’elle avec malice.
- Eh, ça ne compte pas ! C’était des Serpentard et ça faisait un moment que Sirius et moi attendions un prétexte pour leur faire payer une de leurs farces douteuses. Il n’était pas seulement question de fierté mais surtout de vengeance et même d’honneur. L’honneur de la maison Gryffondor ! répliqua James avec conviction et un léger sourire en coin dans le but, sans aucun doute, de légitimer sa mauvaise foi. Et puis de toute façon, je doute qu’il s’agisse de vengeance dans ton cas. En même temps, c’est peut être vrai étant donné que je n’ai pas toutes les données pour répondre ta question … Qu’est-ce qui pourrait menacer autant ta fierté ? »
Lily se redressa un peu, mal à l’aise face à James et à la tournure que prenait la conversation Elle replaça une mèche derrière son oreille et se demanda si c’était disons … le bon moment. En admettant qu’il y ait un bon moment évidemment. Lily était perfectionniste, c’est d’ailleurs ce qui faisait d’elle une bonne élève, pourtant, cette grande qualité se retournait contre elle lorsqu’elle tentait de l’appliquer à sa vie privée. Oui, elle voulait que tout soit parfait. Elle s’était jouée la scène plusieurs fois dans sa tête en s’imaginant comment elle allait pouvoir annoncer à James ce qu’elle ressentait pour lui sans virer au rouge écrevisse, sans que tout le monde ne les regarde, sans que … Il y avait beaucoup de paramètres à prendre en considération. Trop probablement. Elle balaya rapidement la salle du regard et remarqua qu’ils n’étaient que tous les deux. Bien sûr, il n’était pas très tard et il n’était donc pas impossible que d’autres personnes rentrent dans la salle commune. Bien sûr, lorsqu’elle s’était imaginée la scène elle ne portait pas ces chaussettes vertes. C’était loin d’être parfait mais cela aurait pu être pire. Alors, Lily décida de dire poliment à sa conscience de la fermer.
« Promets-moi que tu ne vas pas rire. Je sais que tu pourrais rire et tu en aurais parfaitement le droit parce que c’est vrai que c’est drôle. Mais tu ne dois pas rire. Enfin disons que tu peux mais que j’aimerais mieux que tu ne le fasses pas, commença Lily en parlant plus rapidement qu’à la normale sous le regard amusé mais maitrisé de James. Oui, parce que tu vois, c’est assez ironique quand on y pense. Je détestais que tu me demandes de sortir avec toi sans arrêt et je déteste toujours cela d’ailleurs, et c’est seulement maintenant que tu arrêtes que ça me manque. Maintenant que j’y pense, ce ne sont pas tes demandes répétées qui me manquent mais plutôt de savoir ce que tu ressens. Comme tu as arrêté, il m’arrive de me demander si tu ressens toujours quelque chose pour moi, chose qui ne m’arrivait jamais ,et la seule manière de le savoir, c’est de me ridiculiser comme maintenant devant toi. »
James fixait Lily avec attention et s’autorisait parfois un sourire en réalisant ou tout cela allait les mener. Il n’avait pas envie de rire. Son rire risquait de gâcher le moment qu’il avait idéalisé trop de fois et il était bien décidé à ne pas perdre une miette des paroles de Lily.
« Il a fallu que je me mette à ressentir quelque chose pour toi au moment ou tu te décides à arrêter ton manège. J’en rirais bien si ça ne m’énervait pas autant ! Tu veux savoir ce qui va se passer ? Quelque soit l’issu de cette discussion, les gens auront eu ce qu’ils espéraient. Lily Evans a craqué devant le charme de James Potter ! Si par miracle tu ressens la même chose malgré toutes ces tentatives infructueuses, ils diront que c’était prévisible, que tout le monde savait que ça allait finir comme ça. Si tu t’es lassé à force de te prendre un râteau, ils vont dire que c’est trop bête et je suis convaincu qu’il y aura bien quelqu’un pour dire « chacun son tour ». Résultat, je suis assise dans la salle commune à me poser des questions sur la fierté et sur l’ego et ça aussi c’est ironique parce que c’est précisément ce que je te reprochais toutes ces années : d’avoir un ego surdimensionné et de ne t’intéresser qu’à ta petite personne, poursuivit Lily en accompagnant parfois ses propos de petits gestes pour insister. »
- Donc, si j’ai bien compris tu es fichue ? résuma t’il. »
Lily hocha la tête en marmonnant un petit « ouais » qui faillit se perdre dans le silence. James s’approcha un peu plus d’elle et posa sa main sur son visage encore boudeur. Il releva son menton pour approcher plus facilement ses lèvres des siennes. Il l’embrassa doucement au début mais voyant que la jeune femme n’opposait aucune résistance, bien au contraire, il se permit de l’approfondir davantage. Il interrompit leur baiser et ajouta dans un haussement d’épaules fataliste :
« Fichus pour fichus, autant tirer notre épingle du jeu ».