« Désolée, Ronald, » bafouilla-t-elle sans vraiment faire attention à lui.
La jeune fille se redressa, les joues rouges et le souffle court. Se tournant vers Harry, elle lui adressa un sourire distrait tout en finissant de descendre correctement sa jupe d’uniforme sur ses cuisses. Elle passa une main dans ses cheveux pour coincer une mèche rebelle derrière son oreille. La jeune sorcière loucha légèrement pour s’assurer que ses cheveux ne se dressaient pas emmêlés sur sa tête mais lorsqu’elle vit qu’il n’y avait plus d’espoir, elle soupira et haussa les épaules.
Ron, de son côté, lança un regard implorant à Harry qui rit sous cape. Il lui retourna son signe en lui signifiant : « Débrouille-toi, mon pote ». Ron soupira une fois de plus et leva les yeux au ciel. Il remit sa chemise en place, resserra sa cravate et l’ajusta parfaitement. Il se racla la gorge pour attirer l’attention d’Hermione qui se tourna vers lui, les yeux ronds.
« Tu es encore en retard Hermione, râla-t-il. Encore !
- Oh, ça va Ron, désolée. Promis, c’est la dernière fois.
- La centième dernière fois, tu veux dire ? Non mais sérieusement, comment veux-tu réussir dans la vie si tu ne peux même pas être à l’heure pour prendre ton petit déjeuner ? »
Hermione s’arrêta un instant puis tira la langue puérilement à Ron.
« Harry, tu voudrais bien dire à Ronald-le-parfait qu’il commence à être lourd et plus du tout rigolo, s’il-te-plaît ? »
Ron eut l’air scandalisé. C’était toujours comme ça avec elle, tout n’était que rigolade et rien ne semblait la toucher. Dans trois mois, ils devaient passer leurs ASPICs et elle n’avait même pas ouvert un seul livre de cours ! Elle était insouciante et tête en l’air, encore gamine au fond d’elle. Dehors, rien n’était facile et la vie n’était pas rose. Quand il voyait Hermione, il s’attendait à la voir sauter sur le dos d’un poney à paillette qui s’envolerait manger des papillons arc-en-ciel sur un nuage. A cette pensée, Ron ne put s’empêcher de sourire bêtement. Malgré tout, son amie avait le don d’être mignonne au possible et il ne pouvait jamais résister bien longtemps à son air adorable et innocent.
Hermione était de ces personnes qui justifiaient l’expression ne pas se fier aux apparences. Si on oubliait la jeune fille douce et tendre, un peu naïve pour ses seize ans, on découvrait vite qu’elle était une personne intrépide et fière. Elle n’était pas excellente en sortilèges et en potion, quoiqu’après quelques heures forcées à la bibliothèque avec Ron et Harry, elle finissait par avoir des notes correctes voire presque bonnes. Ce n’est pas qu’Hermione s’en fichait de tous ces livres et ces devoirs, elle préférait juste s’aventurer dans les serres, à l’orée de la Forêt Interdite ou simplement faire sa loi sur le terrain de Quidditch. Gardienne de l’équipe de Gryffondor, elle avait d’abord été hésitante, presque invisible. Mais plus le temps s’écoulait, plus elle avait pris confiance en elle et à présent, elle virevoltait devant ses buts avec agilité et grâce. Ron admirait ça chez elle, cette dextérité avec laquelle elle maniait son Nimbus 2000. Lui tournait de l’œil dès qu’il se trouvait à plus de trois mètres du sol.
« Hermione, on a plus l’âge pour jouer à ça… soupira Ron.
- Bon ! Je crois qu’il est temps de descendre manger sinon on va être en retard pour le cours de métamorphose. »
C’était Harry qui venait de parler, tranchant avec agilité la dispute naissante. Il entraîna ses amis hors de la Salle Commune de Gryffondor, loin des regards curieux et des murmures amusés. Parfois, Harry souhaitait plus que tout que Ron se confie à Hermione, qu’il laisse un peu ses livres et son sérieux et lui dise ce qu’il ressent. Il était sûr que tout s’arrangerait de cette façon, que les chamailleries cesseraient et que la rancœur disparaitrait. En attendant, il avait sur sa droite un Ron dont le sac semblait céder sous le poids de bouquins et sur sa gauche, une Hermione mal coiffée qui rouspétait car la métamorphose n’était vraiment pas son truc.
Oui, Harry le savait, tout aurait été bien plus facile si Ron avait dévoilé ses sentiments à Hermione. Mais il y avait quelque chose qui gênait, quelqu’un plutôt. Oui, une personne qui décrédibilisait tous les conseils d’Harry, faisait perdre toute confiance à Ron.
Cormac McLaggen.
Ron était toujours surpris par la quantité de nourriture qu’Hermione pouvait avaler en un repas. Enfin, c’était une fille quand même ! Elle n’était pas vraiment musclée ni même tout fine, mais elle était loin d’être grosse. Elle était même plutôt bien proportionnée, enfin, elle avait de jolies formes. Si Harry l’entendait penser, Ron était sûre qui lui dirait que c’est parce qu’il est amoureux d’elle, qu’il l’idéalise sûrement un peu trop. Ron s’en fichait de ça, les faits étaient qu’Hermione mangeait plus que tout Poudlard réuni et qu’elle ne prenait pas un gramme. Et il n’exagérait pas en disant ça. Bon, peut-être que si, un peu.
Souvent, Ron et Harry étudiaient les repas d’Hermione et si elle mangeait autant, c’est que chaque fourchette qu’elle enfournait dans sa bouche était plus remplie que celle de n’importe quel autre élève. Elle pouvait mettre jusqu’à quatre cuillères de tarte au potiron dans sa bouche et avaler le tout d’un traite après l’avoir mâché pendant trois secondes seulement ! C’était vraiment impressionnant. Dégoutant et très peu féminin d’un certain point de vue mais surtout impressionnant, oui.
Ils étaient installés depuis dix minutes et Hermione en était déjà à son deuxième bol de céréales quand quelqu’un vint les déranger. Au début, Ron fit semblant de ne pas voir l’élève qui venait vers eux mais Hermione ne put s’empêcher de lui faire de grands signes. Harry lança un regard compatissant à son ami et lui rappela à voix basse que s’il voulait lui casser la figure et faire bouger les choses, c’était le moment où jamais. Mais comme à son habitude, Ron baissa la tête et serra les dents.
« Salut Cormac ! chantonna Hermione quand il vint s’asseoir à ses côtés. Bien dormi ?
- C’est pour me rappeler cette nuit délicieuse que tu me le demandes, Princesse ? »
Cormac McLaggen but une gorgée de café et sourit tel un prince charmant. Ron aurait presque pu voir ses dents d’un blanc éclatant étinceler à la lueur matinale. Le jeune homme détestait plus que tout quand son rival appelait Hermione "Princesse". Hermione n’était pas une princesse, c’était une guerrière. Elle n’avait rien d’une fifille parfaite aux cheveux lisses et soyeux et à l’uniforme impeccable. Si McLaggen connaissait vraiment bien Hermione, il saurait qu’elle détestait qu’il l’appelle comme ça. A chaque fois qu’il avait le dos tourné, la sorcière venait se plaindre à ses deux meilleurs amis. « Il est trop collant, » disait-elle. « Non mais vraiment, Princesse ? Il m’a prise pour qui ? J’suis le genre de fille à aimer les fraises et les robes roses bonbons ? » Ron souriait toujours quand elle disait ça car au fond, Hermione adorait les choses mignonnes. Et puis, elle n’aimait peut-être pas les fraises, mais son shampoing était aux myrtilles. Ce n’est pas que Ron y faisait vraiment attention. Après chaque entrainements, elle venait le rejoindre en pyjama, les cheveux encore humides et imprégnés de cette odeur délicieuse. Ils attendaient alors sagement Harry qui rentrait toujours plus tard, quoi de plus normal de la part du Capitaine ?
« Je ne suis pas ta princesse, Cormac, articula Hermione en insistant sur chaque syllabes. Non mais vraiment… J’ai l’air d’une princesse ?
- Plus que n’importe qu’elle fille de Poudlard, affirma le garçon avec assurance. »
Dans son dos, Harry fit mine de vomir et Ron ne put s’empêcher de ricaner. Au fond, il avait juste envie de faire manger ses céréales à McLaggen par les trous de nez mais vu qu’il en était physiquement et moralement incapable, il se contenta de suivre son ami dans son délire moqueur. Alors que Cormac prit une nouvelle gorgée de café avec laquelle il se brûla d’ailleurs la langue, Hermione se tourna vers ses amis et leur fit les gros yeux tant pour bien paraître que pour cacher son propre amusement.
« Au fait, Princesse, reprit le sorcier en essuyant ses lèvres d’un revers de la main, tu as oublié ça hier soir. »
Simultanément, Hermione et Ron rougirent et semblèrent s’étouffer avec leur propre salive. La jeune fille parce qu’elle se sentit mise à nue lorsque son idiot de petit ami brandit sans réfléchir un petit débardeur blanc avec un petit nœud sur le devant, Ron parce qu’il avait tout sauf envie de savoir comment ce haut avait fini dans les mains de ce crétin de McLaggen. Au fond, Ron et Hermione s’entendaient sur un point, le sorcier était un abrutit fini.
« Tu l’as trouvé où, ce débardeur ? l’attaqua Hermione les joues en feu. Tu l’as quand même pas pris dans mon casier…
- Mais non, Princesse. Tu sais, hier soir, toi et moi… murmura Cormac à la limite de crier ses sous-entendus.
- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles… bafouilla alors la jeune fille, gênée comme jamais.
- Mais… »
Hermione bâillonna sa bouche, l’empêchant de prononcer un mot de plus. On aurait dit qu’elle allait commettre un meurtre, poussée dans ses retranchements les plus secrets. Elle semblait perdue, cherchant du réconfort dans le regard d’Harry. Elle avait peur de les décevoir, peur qu’il la prenne pour quelqu’un d’autre, pour une fille facile. Ce qui n’était absolument pas le cas, évidemment.
« Bon, on va vous laisser les garçons, dit-elle en se levant. Cormac et moi, on a quelques petits trucs à se dire… »
Harry hocha de la tête pour lui dire qu’il comprenait. Hermione se tourna vers Ron, attendant ne serait-ce qu’une petite réaction de sa part. Ron s’éclaircit la gorge et lui répondit, le regard fuyant :
« Ne sois pas en retard.
- On se retrouve devant la salle ! »
Et sans un mot de plus, elle disparut dans un sourire, trainant derrière elle McLaggen qui semblait ne pas comprendre ce qui l’attendait.
« Comment il s’est retrouvé avec son débardeur ? demanda Ron à Harry, ne pouvant pas cacher l’anxiété dans sa voix. Tu crois qu’ils ont… enfin, tu vois, qu’ils aient… ? »
Les deux amis filaient dans les couloirs de Poudlard. Ils étaient en avance et seraient sûrement les premiers devant la salle de Métamorphose. Ron traînait des pieds, ses bras entourant un gros livre poussiéreux et tournait la tête dans tous les sens, le regard perdu. Il ne cessait de poser cette question à Harry qui malheureusement, ne pouvait rien pour lui.
« J’en sais rien, Ron. Vraiment ! soupira Harry. Tu connais Hermione aussi bien que moi et tu sais qu’elle n’est pas du genre à se déshabiller pour le premier venu.
- McLaggen n’est pas le premier venu, angoissa Ron. C’est son copain ! Et juste l’idée qu’il la touche me donne envie de vomir. »
Harry regarda son ami si alarmé et renfermé. Ron n’était pas du genre baraqué et grand. Il était plutôt discret sauf quand il s’agissait de ramener sa science en cours. Dans ce cas-là, il était un parfait monsieur-je-sais-tout. Harry trouvait ça plus drôle qu’agaçant, Ron ne le faisait pas exprès, c’était juste plus fort que lui. Dès que quelqu’un posait une question, il se sentait obligé de donner la réponse et, si par le plus grand des malheurs il ne l’avait pas, son ami filait directement à la bibliothèque et n’en ressortait pas tant qu’il ne l’avait pas trouvée. Ronald Weasley était un phénomène, tout simplement.
« Tu n’as qu’à dire à Hermione ce que tu ressens… proposa doucement Harry.
- Lui dire que je suis… tu sais quoi d’elle ? Non merci Harry, j’ai pas envie d’être la risée de Poudlard. Et puis, j’ai aucune chance face à McLaggen.
- Aucune chance ?
- Sois réaliste, Harry, soupira Ron. Regarde-le ! Il est grand, sportif. Et moi à côté, je suis rien du tout. J’ai aucune chance. Ouais, il est parfait pour elle. »
Harry s’arrêta un instant et se tourna vers son ami. Son regard était sombre et foudroya Ron.
« Si tu penses ça, en effet Ron, t’es pas fait pour elle. Je pensais que tu la connaissais un tant soit peu pour éviter de dire que McLaggen est fait pour elle. Tu me déçois. »
Penaud, Ron se remit à marcher doucement, la tête baissée et les pieds traînants.
« Tu te souviens de notre première rencontre avec Hermione ? sourit Harry en entourant les épaules de son meilleur ami de son bras gauche.
- Comme si c’était hier, répondit Ron. Tu te rappelles de la tête qu’elle faisait ? »
Les deux amis rirent de concert, se remémorant cette rencontre des plus inopportunes. Ron ferma un instant les yeux, revoyant la petite cabine du Poudlard Express. Il se souvenait de l’odeur de bonbons et de chocolat, il ressentait à nouveau les secousses du train sur les rails vieux de plus de cent ans. Il y avait le raclement des grosses valises au-dessus de sa tête qui allait d’un bout à l’autre de la cabine dès que train tournait. C’était merveilleux que cet instant-là, ce sentiment d’être enfin un grand, d’être sur le point de découvrir ce qui est vrai. La magie.
Ron était tombé sur Harry par hasard, cherchant un endroit calme pour lire l’Histoire de Poudlard. Ils avaient tout de suite sympathisé même si au départ, ça n’avait pas semblé évident. Ron avait tout de suite compris qui il était, Harry Potter, le garçon qui avait survécu. Le rouquin n’avait pas pu s’empêcher de lui dire tout ce qu’il avait pu lire sur lui dans les livres, mais Harry avait été plus que gentil, impressionné par toutes les connaissances de Ron sur le monde sorcier.
C’était à la moitié du trajet qu’Hermione avait déboulé dans leur cabine, les cheveux en bataille et portant sur ses joues encore quelques traces de chocolat.
« Euh… Vous n’auriez pas vu un crapaud ? Un garçon qui s’appelle Neville a perdu le sien, » avait-elle demandé non sans fixer Harry.
Celui-ci lui avait répondu que non et Hermione avait haussé les épaules. Elle était partie sans un mot de plus mais était vite revenue sur ses pas, les yeux écarquillés au possible.
« Tu te souviens de ses yeux ? rit Harry en donnant un coup de coude à Ron. Ils étaient si grands qu’ils prenaient la moitié de son visage !
- Elle était tellement impressionnée ! renchérit Ron. J’ai même cru qu’elle allait tomber dans les pommes ! Tu es… Harry Potter ? mima Ron avec une voix ridiculement aigue. Et tu as… la cicatrice ? Je peux voiiiir ? »
Ron continua son imitation en poussant des cris stridents. Au bout d’un moment, il s’arrêta, prenant conscience que les quelques personnes qui attendaient comme eux devant la salle le dévisageait bizarrement. Le rouquin rougit violemment, ce qui fit rire Harry. Parfois, Ron oubliait tout simplement d’être discret et c’était dans ces moments-là qu’Harry s’amusait le plus.
« Le plus drôle, reprit Harry, c’était quand elle s’est rendue compte que t’étais là.
- Oui, sourit tristement Ron. Elle m’a demandé comment je m’appelais et deux secondes plus tard, sans même avoir écouté ma réponse, elle s’intéressait à nouveau à toi…
- Oh ! Ne fais pas cette tête, Ron ! J’étais juste une bête de foire au début !
- Oui, c’est vrai. J’te plains mon pote… »
Harry donna un coup sur l’épaule de Ron, ouvrant la bouche et haussant les sourcils, outré. Il plaisantait, bien sûr, mais malgré tout, il était un peu vexé. Ce n’était pas facile d’être Harry Potter, de porter cette cicatrice qui attirait tant de curieux et ses amis l’oubliaient parfois.
« Je me souviens quand elle a voulu lancer un sort sur tes lunettes pour les réparer, ajouta Ron. Elle les avait presque fait exploser !
- Heureusement que tu étais là, sourit à son tour Harry. Je crois que tu l’as impressionnée, tout semble toujours tellement plus facile pour toi !
- Je crois que les sortilèges n’ont juste jamais été son truc, rectifia le Weasley en toute modestie. Mais en y repensant, c’était mignon… »
Le dernier mot qu’il prononça se coinça dans sa gorge. Il tapota nerveusement du pied et resserra ses bras autour de son gros bouquin. Il n’aimait pas dire ce genre de mots, il ne supportait pas qu’on le surprenne à complimenter une fille, surtout Hermione.
« Elle l’est toujours, continua Harry en lui lançant un regard plein de sous-entendus.
- De quoi ?
- Mignonne. »
Ron détourna le regard, se refusant tout simplement de confirmer les propos de son ami. Il regarda le couloir, éclairé par la lumière du jour qui filtrait à travers les grandes fenêtres incrustées dans la pierre. Il regardait les élèves, de plus en plus nombreux à s’amasser devant la salle de Métamorphose. A chaque fois qu’un d’entre eux les dépassait, il leur faisait un signe, les saluait d’un hochement de tête ou d’un sourire chaleureux. Ils étaient tous peints sur le même modèle, bien coiffés et parfaits dans leur uniforme propre et repassé. On était lundi, rien de plus normal. A cet instant, Hermione manqua à Ron. Il regretta qu’elle soit allée parler à son petit ami plutôt que de les accompagner. Elle éclairait le monde avec ses cheveux fous et sa joie intempestive. Partout où elle allait, elle ramenait le soleil et la bonne humeur. C’était pour beaucoup agaçant et fatiguant, mais ça ne l’était pas pour Ron.
A l’autre bout du couloir, il l’aperçut enfin. Elle était seule et trottinait tranquillement jusqu’à eux, un sourire énorme plaqué sur le visage. Lorsqu’elle vit Harry et Ron, elle leur fit un grand signe de la main, bien haut pour qu’ils puissent le voir de loin. Ron voulut lui répondre de la même manière mais il n’en fit rien et se contenta de lui sourire en retour, du mieux qu’il put. Avant qu’Hermione ne les rejoigne, Harry attrapa le bras de Ron et lui glissa :
« Tu devrais vraiment lui dire, Ron. Crois-moi. »
Ron acquiesça distraitement. Il allait devoir y réfléchir sérieusement.
Le sorcier serrait dans ses mains le petit serre-tête rouge corail et déglutit nerveusement. Il avait hésité à l’apporter le posant puis le prenant à tour de rôle, chaque fois que sa décision flanchait. Il était tout simple et pourtant, dès que Ron était rentré dans le magasin à Pré-au-Lard, il avait su qu’il devait le lui offrir. Il le voyait déjà dans les cheveux d’Hermione, les retenant avec habilité en arrière. Il n’avait pas tout de suite été sûr de l’acheter parce que, quand même, c’était un peu la honte de prendre un truc de filles.
Ce samedi soir, l’air était frais dans le parc de Poudlard. Cela faisait cinq jours qu’Harry lui avait dit de se confier, cinq jours que Ron observait les moindres faits et gestes d’Hermione, pesant le pour et le contre. Depuis lundi, Harry et Ron n’en avaient pas reparlé et le rouquin s’était torturé l’esprit, perdu et hésitant. Mais maintenant qu’il était là, dans le couloir qui donnait sur le parc, il ne pouvait plus faire marche arrière. Hermione était assise face au lac sur un petit banc de pierre. De là où ils étaient, l’immense étendue d’eau était ridiculement petite et cela semblait impossible qu’un calamar géant y vive.
Ron sourit et serra encore un peu plus fort le serre-tête dans ses mains. Il avança jusqu’à Hermione et s’assit à ses côtés. Elle portait un grand pull jaune aux motifs étranges par-dessus son uniforme et avait remonté ses jambes contre sa poitrine, comme pour se protéger du froid.
« Traitresse, murmura Ron en souriant. Depuis quand les Gryffondor portent du jaune ? »
Hermione tourna la tête vers lui mais ne lui rendit pas son sourire. Elle avait dans les yeux quelque chose de triste, quelque chose qui glaça Ron. Un instant, son cœur se serra, d’habitude, les yeux d’Hermione pétillaient de joie et de malice.
« J’avais froid, se justifia Hermione en haussant les épaules.
- Il fallait rester à l’intérieur dans ce cas. »
Hermione soupira.
« J’avais besoin de prendre l’air. »
Ron hocha de la tête parce qu’il comprenait. Elle n’avait peut-être pas compris ce que ça voulait dire mais tant pis, lui le savait. Mais ce qu’il ignorait, c’était pourquoi l’intérieur était trop étouffant pour elle et il avait beau tourner et retourner la question dans sa tête, il ne trouvait pas de réponse.
Un silence pesant s’installa entre les deux amis, quelques secondes où ils n’écoutèrent plus que le chant des grillons et le vent dans les arbres. Nerveusement, Hermione aplatit ses cheveux sur le sommet de son crâne, les repoussant à l’arrière pour dégager son visage, en vain. Dès qu’elle soulevait sa main, les cheveux reprenaient leur place aussi emmêlés et désordonnés qu’au début. Ron sourit malgré lui et lui tendit le serre-tête.
« Tiens, dit-il les joues légèrement rouge. J’ai trouvé ça à la bibliothèque y’a pas longtemps et vu que personne ne l’a réclamé je l’ai récupéré. Je me disais que ça pourrait te plaire… »
Le visage d’Hermione changea lorsqu’elle vit l’objet et elle s’accorda un petit sourire. Elle le prit dans ses mains puis laissa son regard passer du serre-tête à Ron avant de dévisager son ami d’un air amusé.
« Tu l’as trouvé, hein ? répéta-t-elle d’une voix sûre. Non parce que je t’ai vu l’acheter ce matin, alors c’pas la peine de me prendre pour une bille. »
Ron bafouilla, rouge de honte et de gêne. Il finit par se taire et regarda simplement Hermione enfiler son cadeau et coincer ses cheveux une bonne fois pour toute derrière ses oreilles. A présent, son visage était parfaitement dégagé et le garçon pu voir le rose de ses joues qu’elle avait jusqu’à lors caché.
« Il te va très bien, marmonna le sorcier.
- Il est très joli. »
Ron voulut lui répondre qu’il ne l’était pas autant qu’elle. Pourtant, il n’en fit rien, trop gêné de s’être fait démasqué.
« Au début, j’ai cru que tu l’avais acheté pour quelqu’un d’autre, reprit Hermione en levant les yeux vers le ciel. J’étais jalouse.
- C’est idiot, ne put s’empêcher de lui faire remarquer Ron. Ça serait vraiment trop bizarre si j’offrais quelque chose à une fille de Poudlard.
- Parce que je suis pas une fille, peut-être ? s’énerva légèrement Hermione.
- C’est pas pareil, se rattrapa Ron. Toi t’es mon amie. Et puis… Oh et puis j’ai pas envie d’en parler, ça va devenir trop gênant. »
Il se leva d’un bond, prêt à rentrer et à laisser Hermione seule dehors mais celle-ci le retint par le bras et demanda d’une toute petite voix :
« Pourquoi à moi, alors ? »
Ron ne répondit pas et resta ainsi, dos à elle, pendant quelques instants. Hermione ne lâcha pas la manche de sa chemise et se leva. Elle attendait une réponse et le garçon sentait son regard curieux brûler son dos.
« Pourquoi, Ronald ? »
Il y eut un court moment où seul le bruit de leur respiration brisa le silence nocturne. Puis Ron répondit :
« Parce qu’on offre des cadeaux à la fille qu’on aime. »
Ron se crispa, remontant ses épaules comme s’il attendait un coup. Il avait peur de la réponse d’Hermione, peur qu’elle lui dise non, peur qu’elle ne dise rien. A travers ces quelques mots, c’était des années de sentiments qui s’exprimaient enfin, des années d’amour discret et secret. Mais toutes les angoisses de Ron s’envolèrent quand il sentit les bras d’Hermione entourer son ventre. Elle se plaqua contre son dos, posant sa joue chaude contre sa chemise blanche. Elle le serrait si fort qu’il en avait presque du mal à respirer correctement.
« Et qu’est-ce que les filles offrent aux garçons qu’elles aiment ? » demanda-t-elle alors.
Ron s’écarta et fit face à celle qu’il aimait. Elle avait le regard brillant et un sourire étirait ses lèvres. Alors elle l’aimait dont aussi ! Ron voulut se pincer un instant, comme pour vérifier qu’il ne rêvait pas. Mais ce fut un autre contact qui lui confirma qu’il était bien éveillé. Un contact beaucoup plus doux, le plus agréable qu’il soit : les lèvres d’Hermione sur les siennes.
Lorsqu’ils rompirent leur baiser, Ron recula comme frappé par une révélation soudaine.
« Et pour McLaggen, qu’est-ce qu’on va faire ?
- Tu veux dire… comment on se débarrasse du corps ? fit la sorcière malicieusement.
- Hermione… »
Ron soupira. Elle était si désespérante et adorable à la fois qu’il ne pouvait que lever les yeux au ciel en riant de bon cœur avec elle. Hermione, c’était celle qui lui donnait un côté humain en le sortant de ses bouquins, celle qui rendait sa vie plus lumineuse. Elle le faisait sentir exceptionnel et ce soir-là, il fut plus qu’heureux d’apprendre que tout cela était réciproque.