Ce court OS met en scène des personnages originaux.
Athina Varden, dont il est question dans le texte, n'est pas de moi.
Ariane m'appartient.
Fuyez, pauvres fous.
Les ombres tournent, valsent, et se confondent. C’est comme une parade amoureuse où la forme de mes cauchemars épouse la mélancolie de mes souvenirs. Il y a du noir, il y a de la lenteur, il y a de la langueur ; et ça danse. Ca danse sur la musique macabre de mes sanglots, ça danse sur les fils ténus de mes certitudes, ça danse et ça me fait frémir jusqu’à ce que je sois malade.
Athina,
L’été est arrivé, et me plonge dans une grande torpeur. J’ai fermé les rideaux de ma chambre pour empêcher le soleil d’entrer. Et maintenant, regarde, le soir tombe sur le Manoir Yeabow, alors j’ouvre les fenêtre. Je crois qu’un mécanisme s’est définitivement rouillé dans ma tête. Ou alors, c’est le contact de ma mère qui me fait tout repenser à l’envers. Tu vois, j’essaye – j’essaye vraiment ! – de me retrouver le moins possible avec elle, de lui parler très peu et de penser beaucoup à toi, mais ce n’est pas ma faute… Si le professeur le plus terrible de Poudlard a attendu la disparition de mon père pour m’annoncer qu’elle m’avait mis au monde, Athina, tu dois bien avouer que ce n’est pas ma faute ! Pourtant, si tu étais là, tu dirais que je suis devenue pour de bon la fille de Yolanda, et tu ne me jetterais même pas un regard.
Athina,
Tu te souviens de nos longues ballades dans le parc de Poudlard, au début de notre amitié ? Je n’avais jamais assez de marcher, quand c’était avec toi. Tu étais, si je me souviens bien, très, très grande et, au soleil, ta silhouette blonde me faisait comme une ombre immense. Oh, tu n’étais pas belle… Non, tu n’étais pas belle… Mais tu avais ce charme affolant des gens qui ont arraché leur bonheur avec les dents. Alors, quand tu souriais, tout ton visage s’irradiait de la joie méritée, et je sentais que malgré ton ombre sur moi, j’avais bien chaud. Nous marchions, nous marchions souvent ; c’était le soir. Tu étais comme une petite fille, tu aimais voir les coucher de soleil autant que tu pouvais. Travailler, tu t’en fichais. Peut-être que dans d’autre circonstance, les sortilèges et la métamorphose t’aurait passionnés, seulement c’était la guerre, et tu jugeais qu’il y avait plus important que de bonnes notes. Tu n’étais pas paresseuse, Athina, tu avais seulement envie de rire avant qu’il ne soit trop tard.
Athina,
Avant que Yolanda ne me convoque dans son bureau — tu te souviens, ce fameux soir — tu savais que j’avais très peur, tu me voyais trembler quand elle passait devant nous, et fermer les yeux quand elle faisait du mal, et tu me disais : « Yeabow est une sorcière. Pas une sorcière comme nous, pas une sorcière d’ici ; c’est la sorcière qui hante les contes moldus, et qui fait peur aux enfants. Un auteur désespéré s’est dit que ce serait amusant de glisser un personnage mauvais dans son œuvre, et voilà, Yeabow est née. Seulement, elle est devenue très, très puissante dans sa petite histoire, et elle a vite décrété qu’elle s’échapperait du livre. Mais en somme, Yeabow, ça n’est rien d’autre qu’un personnage de roman. Un jour, on la renverra d’où elle vient, tu verras Ariane. »
Athina,
Je croyais que quatre ans d’écart, ce n’était rien. Moi je t’ai aimée dès la première conversation, je t’ai aimée depuis le premier éclat de rire, alors je ne me suis pas posée de question et je n’ai plus pensé à quoi que ce soit de désagréable. Mais maintenant tu es partie et depuis septembre, il me manque quelque chose. Je me sens nue de la rage d’aimer ; et, le cœur stérile, je viens hanter des lieux que nous avons parcourus ensemble.
Athina,
Un jour, ce fut l’hiver. Les élèves de Poudlard patinaient sur un Lac Noir gelé. C’était l’hiver avant que tu ne partes, et déjà tu t’étais éloignée un peu de moi. Fred Weasley obsédait tes pensées. Il était grand comme toi, il était roux comme les feuilles du parc en automne, et il souriait aussi beaucoup. Moi, je l’aimais presque de la même façon que je t’aimais toi. C’était ton ami, et c’était mon protecteur. Seulement, quand ce fut l’hiver de ta dernière année à Poudlard, et que tu as vu tous ces élèves patiner sur le lac, tu as décrété que tu aimerais bien faire comme eux, une fois seulement. Moi, je savais patiner. C’était mon père qui m’avait appris. Je t’ai prise par la main, et je t’ai dit « viens, Athina, on essaye, tu vas voir, c’est pas difficile, viens, Athina, je vais te montrer… ». Alors tu m’as suivie. Je rayonnais. C’était la première fois de ma vie que je te sentais si hésitante et si incertaine. Cette fois, c’était moi qui savais, et toi qui suivais. Fort, ta main serrait la mienne, fort, fort… Tu avançais – un pas, deux pas. Les cendres de notre amitié remuaient lentement. Bien sûr, ce n’était plus le brasier d’autrefois – ce ne sera plus jamais le brasier d’autrefois – mais ça bougeait un peu, et ça me rendait heureuse. Pour une fois je savais quelque chose que tu ne savais pas, alors je te montrais comment faire, et tu acceptais, et tu me suivais. Tu souriais. J’exultais.
Athina,
Je m’adresse à n’importe qui maintenant ; sauf que souvent, c’est ton nom et pas un autre qui frôle mes lèvres, ton nom et pas un autre que je me retiens de prononcer. Ces trois syllabes douces, j’ai envie de les poser sur tout le monde. Il me semble que tous, dans ma tête, portent le même prénom que toi. J’ai envie que tous mes interlocuteurs soient Athina. Partout, Athina, Athina, Athina. Partout, partout, partout, Athina.
Athina,
Tu arrives, tu plais et tu repars. Tu lances un regard, tu étales ta grâce monstrueuse, et voilà c’est fait, on t’aime. Alors on a l’air tous malins, avec nos baguettes et nos formules en latin, parce que toi, même si tu n’as jamais été douée en sortilèges ou en métamorphose, tu étais magique, et bien plus magique qu’aucun de nous ne le sera jamais. Outre ton incapacité à suivre les sentiers battus, c’est peut-être cela que ma mère détestait chez toi. Je crois qu’elle a toujours haï les gens heureux.
Athina,
Un jour, ce fut le printemps. Aux premiers instants de mars, la pluie nous avait surpris dans le parc. Ca m’avait fait crier, et ça t’avait fait rire. C’était mon premier printemps à Poudlard, et déjà nous étions très proches. Lorsque nous nous sommes mises au sec, devant le feu de la salle commune de Gryffondor, nous étions seules. Tu m’avais parlé de ta famille, des menaces des Mangemorts, et un peu de tes inquiétudes. Tu m’as parlé aussi des trois grands frères que tu adorais. Les non-dits ont fait le reste. J’ai vu le poids sur tes épaules. Elle allait être longue, la guerre.
Athina,
Est-ce que notre amitié n’était qu’un leurre ? Est-ce que pleurer longtemps dans tes bras, rires beaucoup près de toi, et avec toi parler peu de nous, mais se moquer beaucoup des autres, tu crois que c’était uniquement un rêve ? Tu sais, Athina, j’aurais aimé avoir une preuve tangible, une preuve d’encre, de papier, ou de n’importe quoi d’autre, qui ne s’effacera jamais et qui durera toujours. De cette façon, les soirs où je douterais un peu, les matins où je me réveillerais avec l’impression d’être sortie d’un long songe, je tiendrais ce bout de parchemin dans mes mains, je le montrerais aux autres et je pourrais dire : « regarde, regarde, Athina, elle n’était pas un rêve ! »
Mais Athina !
Athina, pourquoi est-ce que tu es partie ?
Athina, tu as quitté Poudlard, et tu t’es évanouie !
Pendant deux ans je n’ai reçu ni lettres, ni visite, ni nouvelles. Fred uniquement, dans un élan de charité je crois, m’a raconté que tu lui écris toujours, que tu vis au Chemin de Traverse, et que tu as d’autres préoccupations, maintenant.
L’Ordre du Phénix, n’est-ce pas ? Et le Quidditch, le Quidditch qui t’obnubile. C’est tout. Bien sûr, tu aurais toujours pu me transmettre quelque chose, si tu l’avais vraiment voulu… Mais rien, rien, rien, Athina !
Je me rends compte que je te connais bien peu, et ça me rend triste.
Athina,
Qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que j’ai donc fait, pour que tu ne m’aimes plus ? Je me suis efforcée, en vain peut-être, de demeurer différente de ma mère. J’ai essayé, à tort sans doute, de respecter tes mutismes périodiques et tes rires ponctuels.
Je voulais recoller ce qui pouvait être recollé. J’espérais continuer ce qui avait été commencé. Je ne comprends pas ta disparition.
Et ce que je te hais, ce que je te hais Athina d’avoir réduit mon orgueil en miette, et ce que je te déteste d’avoir détruit ma fierté et de m’avoir reléguée au rang d’admiratrice passive ! Ce que j’abhorre cette grande ombre noire au soleil, ta silhouette qui couvre ma silhouette!
Athina,
Plus tard, longtemps, longtemps après, quand Yolanda Yeabow ne sera plus là et que j’aurais fait le deuil de mon père, lorsque la guerre sera terminée et que nous serons heureux, mes fils et mes filles me demanderont quel a été mon souvenir d’enfance le plus beau, et je répondrais : « C’était une petite fille qui croyait aux mystères et prenait ses rêves pour son destin. Moi, j’avais la force de celui qui était loin de chez lui ; elle, elle avait la rage de celui qui va accomplir un exploit, et qui y croit du plus profond de son être. »
Les années qui s’annoncent vont être dures, Athina.
Il va falloir du courage. Il va falloir se détacher un peu de son enfance.
Tu vas serrer les poings et en être capable.
Alors accomplit ton exploit, Athina, traverse la guerre, traverse la douleur, sois heureuse, sauve ta famille, mais ensuite, lorsque tu seras fatiguée et que tu auras tout accompli, quand tu auras enfin le luxe de lire et de penser, souviens-toi.
S’il te plait, Athina.
Protège ton rêve, accomplit ton destin, sois heureuse et sauve ta famille.
Mais ensuite, souviens-toi.
Merci d'avoir lu !
N'hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé, ça m'aiderait vraiment à m'améliorer et à mettre le doigt sur ce qui ne va pas.