« Elle s’appelle Lily, chuchote Maman dans mon oreille.
- Lily. Petite Lily ! »
Je vois Maman sourire. Elle est heureuse mais je suis sûr qu’elle ne l’est pas autant que moi ! Lily, Lily. Ma Lily. Petite Lily. Elle est toute petite, ma sœur. C’est ma toute toute petite sœur. Ma jolie sœur. Elle est toute rose, ronde. J'répétais ton prénom, et c'était beau comme t'étais belle. Tu es un peu petite Lily pour jouer avec moi, comme Albus. Mais c’est pas grave car tu es jolie, Lily. J’ai un petit peur de bouger, peur de te réveiller, de te t’effrayer. Mais tu as l’air tellement bien dans les bras de Maman. J’ai une petite sœur, une petite Lily.
Tu vas sans doute détruire ce que je vais faire, comme Albus hier. Mais j’t’en voudrai pas. Tu es trop belle pour ça. T'allais casser mes jouets, déchirer mes dessins, mais déjà je savais que ça ne ferait rien. Lily, belle Lily. Tu ouvres un œil et tu me regardes. Je tombe amoureux de tes jolis yeux noisette. Je suis ton grand frère, Lily. Si je suis grand, ma petite sœur, c'est au contraire, tu l'imagines, tout simplement, au fond de mon cœur, d'être ton frère, jolie frangine !
Sur le canapé, la tête sur tes genoux. Tu me réconfortes, toi qui es ma petite sœur. Jolie frangine. Je suis rentré un petit peu avant noël parce que je n’ai plus rien à faire dans mon appartement. Kathy est partie. Elle est partie, pas de baiser, sans moi, me laissant seul. Dans tes bras de jeune femme, j'avais les yeux fermés, en déversant des larmes, pour celle qu'j'avais aimée. Partie avec quelques mots, des clichés, rien de plus.
« Ça ne marche plus James. C’est tout ce qu’elle a réussi à me dire ? Tu trouves que c’est une bonne explication ?
- Non, James. Ce n’est pas du tout une explication. Tu ne veux pas lui en demander plus ? Lui dire que tu ne comprends pas pourquoi elle est partie ?
- Non. Je ne veux pas l’entendre. Je veux oublier. Tout oublier !
- Même moi ? Tu veux oublier ta Lily ? »
Il y a un silence. Elle sait que je ne suis pas sérieux. Elle passe sa main dans mes cheveux et reprend la conversation. Elle sait que je n’ai pas fini, que je veux en parler encore et encore. Comment ne peut-elle pas le savoir ? Tu me connais trop, petite sœur !
« Alors oublie-la, James. Rien ne t’en empêche.
- Tu te rends compte, Lily ? Sans plus d’explications. Ça ne marche plus et c’est mieux pour nous. Elle était si belle… »
Tu ne sais pas quoi répondre. Cette rupture me déchire le cœur. Kathy. Ma si belle Kathy. J'répétais son prénom, et c'était pas beau que j'la trouve belle. Je n’arrive pas à passer à autre chose. Trois ans balayés d’un revers de la main. De sa main.
« Elle était si belle…
- Je ne l’aimais pas trop, tu sais. Et puis, elle ne te mérite pas. Surtout si elle n’a rien pu te dire d’autre, ajoute-elle dans un léger soupir.
- Ma Kathy… Partie. Je vais faire comment pour continuer à vivre dans notre appartement maintenant ? Je vais la voir partout.
- Tu iras de l’avant. Tu en changeras la décoration pour qu’il soit encore le tien. C’est Noël bientôt ; nous serons tous ensemble. Et puis, tu retrouveras quelqu’un de mieux, une femme plus jolie, plus drôle. Sinon tu massacreras une de ses photos. Ou elle tout court ! Si tu veux, je t’aiderai à cacher son corps ! »
Je me redresse d’un coup. Tu me regardes malicieusement, presqu’heureuse de m’avoir fait réagir. On est là, tous les deux dans le salon depuis au moins une heure, t'écoutais mes sanglots, et sans me faire de reproches, t'avais pas mâché tes mots, comme on était proches. Ma sœur, ma jolie sœur. Tu as seize ans, j’en ai vingt-deux, et pourtant, c’est toi qui me réconfortes.
Trois Noëls sont passés depuis que Kathy est partie. Aujourd’hui, c’est toi qui nous présentes ton bel ami, comme tu aimes l’appeler. Ton ami Paul. J’étais pas trop d’accord au début. Si je suis grand, ma petite sœur, c’est pour être ton frère, jolie frangine. Tu ne pouvais pas souffrir comme j’avais souffert. Je ne pouvais pas le laisser faire… J’étais un petit peu jaloux aussi. Mais j’avais oublié que tu étais Lily. Tu ne te trompes pas. Jamais. Dans le salon, on discute tous ensemble avant de manger. Dans ses bras je te vois, comme tu fermes les yeux, en lui parlant tout bas, dans un rire malicieux, tu l’aimes. C’est évident. Comme toi, il t’aime.
Il prononce ton nom comme je l’avais fait quand tu étais toute petite. Le murmure, te le susurre. Un mot rempli d’amour, de douceur. Paul et Lily. Lily et Paul. Il disait ton prénom, et c'était beau comme t'étais belle. Tu n’aimais pas Kathy. Tu avais raison. Tu aimes Paul. Tu as raison. Alors je te souris, lui souris. Et tu me vois, heureuse de comprendre que je te suis, j’approuve ton choix même si au début j’aurais préféré que tu restes ma Lily. Seulement la mienne. Mais tu as laissé Paul entrer dans ta vie, alors je le laisse aussi. Et puis, il ne pourra jamais prendre ma place, n’est-ce pas Lily ?
A vous voir tous les deux, et comme vous vous aimez, je vous souhaite en bien mieux ce que vous voudrez. Donne-moi des neveux ou des nièces qui soient comme toi, ma jolie frangine. Que je puisse te retrouver et les aimer comme je t’aime. Au fond de mon cœur, jolie frangine, je t’aime.