L’été avait été entamé depuis plusieurs jours déjà, mais les rayons du soleil commençaient seulement à pointer derrière les nuages. Effy les contemplait de derrière les rideaux blancs de la chambre de Rose, chambre qu’elle ne partageait avec son amie que depuis trois jours. Elle s’y sentait malgré cela parfaitement à l’aise. Elle s’y sentait même aussi bien que dans son dortoir à Poudlard, qui avait pourtant été jusqu’à présent sa maison, le seul endroit où elle se sentait chez elle.
Il fallait dire qu’il était difficile de ne pas se sentir comme chez soi dans la famille Weasley. Tout d’abord, la maison elle-même était chaleureuse et dégageait une sensation de calme, d’apaisement. Les murs étaient soit de couleur pâle, au rez-de-chaussée, soit de couleur douce, à l’étage, tel que le vert pomme ou le bordeaux que Rose affectionnait particulièrement. Le sol était en bois clair et chaque pièce de la maison était ornée de plantes vertes, de photographies et de souvenirs. S’ajoutaient à cela Domino, le chat siamois de la famille qui l’égayait par ses nombreuses bêtises, Hugo, le frère de Rose, qui amenait toujours des amis à la maison, et Hermione et Ron qui étaient pour Effy l’incarnation même des parents idéaux. Elle avait l’impression de faire partie de la famille, d’être leur fille au même titre que Rose. En somme, elle aurait difficilement pu ne pas se sentir chez elle. D’autant plus qu’Effy n’était pas d’un naturel compliqué et pouvait s’adapter à n’importe quel endroit : tout lui paraissait meilleur que l’orphelinat dans lequel elle avait grandi.
- Effy, tu peux allumer la lumière s’il te plaît ? demanda Rose, enroulée dans les couvertures, d’une voix encore endormie.
- Tu es sûre ? Ça va t’empêcher de te rendormir.
- Justement. On a une longue journée qui nous attend, il faut que je me lève.
Effy quitta donc la fenêtre devant laquelle elle rêvassait depuis qu’elle s’était réveillée pour allumer la lumière, faisant grommeler Rose qui commença par se cacher sous son oreiller, avant de finalement se redresser, les cheveux en bataille et les yeux rouges.
- Comment tu fais pour être si impeccable le matin ? marmonna-t-elle en voyant Effy, coiffée, le visage frais, bien qu’elle soit encore en pyjama.
- J’ai fait un petit tour par la salle de bain dès que je me suis levée. C’est la première chose que je fais quand je me réveille. Systématiquement. Sinon je suis de mauvaise humeur.
- Ça explique bien des choses, dit Rose en repoussant les couvertures.
La jeune fille sortit du lit et regarda par la fenêtre, étonnée de voir enfin quelques rayons de soleil. L’air soudain beaucoup plus enthousiaste, elle s’empressa d’ouvrir son placard pour en sortir avec précipitation des vêtements d’été, qu’elle enfila tout aussi rapidement tandis qu’Effy, plus pudique, reprenait la direction de la salle de bain pour se changer.
Les deux filles étaient les premières levées de la maison. Elles s’en rendirent compte en descendant prendre leur petit-déjeuner, étonnées de ne voir personne, si ce n’était Domino –mais il était étendu de tout son long sur la table de la cuisine et poussait de temps à autre des soupirs de contentement. En le voyant, Effy songea un instant à Ulysse, son propre chat, qu’elle n’avait pas vu depuis deux jours. Le courant était très mal passé entre lui et Domino, et Hermione l’avait finalement emmené chez les Potter pour éviter que les deux mâles ne s’entretuent dans sa maison, pour le plus grand bonheur de Lily qui réclamait depuis des années un chat à ses parents. Elle envoyait tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour, une lettre à Effy pour lui raconter tout, absolument tout ce qu’avait fait son chat dans la journée. Effy aurait été présente chez les Potter qu’elle n’en aurait pas su davantage sur les agissements d’Ulysse.
Les deux filles s’installèrent, et Rose repoussa Domino au bout de la table malgré ses protestations. Elles étaient en train de manger quand Hermione pénétra dans la cuisine, vêtue d’un tailleur, les cheveux tirés en un chignon impeccable.
- Tiens, déjà debout les filles ? s’étonna-t-elle. Il est à peine neuf heures.
- Tu ne te souviens pas ? demanda Rose. On va à Pré-au-Lard aujourd’hui, avec les Potter. Harry passe nous prendre dans un peu moins d’une heure.
- Ah oui c’est vrai, dit Hermione en levant les yeux au ciel. Décidemment, je perds la tête moi en ce moment !
- T’as un rendez-vous pour être aussi élégante ? demanda Rose.
- Audience au Ministère.
Effy regarda Hermione. Elle savait que cette dernière travaillait au département de la Justice Magique où elle était haut placée. Mais jusqu’à présent, elle qui rêvait pourtant d’entrer dans ce même département, elle n’avait pas osé lui demander des précisions sur son métier.
- À propos de quoi ? demanda Rose en finissant sa tasse de chocolat chaud.
- Oh, une sordide histoire de famille dont je vous passe les détails. Dis donc Rose, quand est-ce que les résultats de tes BUSE vont arriver ?
- Maman, je te l’ai déjà dit hier, ils n’arriveront probablement pas avant une semaine encore… Arrête, tu es plus stressée que moi !
- Oui, et bien puisque l’on parle de ça, je te trouve justement assez peu préoccupée par tes résultats scolaires Rose ! dit Hermione d’un ton soudain plus sévère.
- Mais pourquoi être stressée ? s’exclama Rose. Le pire qui puisse m’arriver, c’est éventuellement d’avoir un « Effort exceptionnel » au lieu d’un « Optimal » en Histoire de la Magie, je ne vois pas pourquoi je devrais me mettre dans tous mes états !
- Rose, je sais que la confiance en soi est importante, mais là ça frôle l’arrogance.
- Et pourquoi est-ce qu’il faudrait que je joue les fausses modestes ? J’ai cartonné à mes examens, je ne vais quand même pas faire semblant de les avoir ratés.
Hermione soupira, n’ignorant visiblement pas qu’elle s’engageait dans une bataille perdue d’avance, tandis qu’Effy se retenait de pouffer de rire. L’assurance de Rose l’avait toujours beaucoup amusée et, contrairement à Hermione, elle ne l’avait jamais prise pour de l’arrogance. Elle était d’ailleurs certaine qu’Hermione elle-même ne considérant pas la suffisance comme caractéristique de sa fille, la connaissant bien trop pour s’en faire une image au travers de sa seule façon de gérer ses résultats scolaires.
De toute façon, il était impossible qu’une personne aussi sympathique, aussi extravertie et aussi dévouée aux autres que Rose puisse être à ce point imbue d’elle-même.
- Bon, je vais y aller les filles. Soyez sages à Pré-au-Lard ! lança Hermione en quittant la cuisine après avoir simplement attrapé une pomme.
- Mais oui, tu sais très bien que je ne fais jamais de bêtises ! répliqua Rose avant d’éclater de rire.
Les deux filles terminèrent leur petit-déjeuner en discutant de Poudlard, puis elles débarrassèrent et prirent place dans le salon, regardant toute les trente secondes l’horloge accroché au mur comme si le temps allait soudainement s’écouler plus vite. Il n’en fut rien, et elles durent patienter une bonne demi-heure avant qu’un bruit devant la porte d’entrée ne les fasse sursauter : le bruit que fait une personne qui vient de transplaner. Rose se précipita immédiatement vers l’entrée tandis qu’Effy entendait des pas à l’étage. L’instant d’après, elle vit Ron descendre les escaliers et lui adresser un sourire avant de suivre le même chemin que sa fille.
- Salut Harry ! s’exclama-t-il en se retrouvant nez-à-nez avec son meilleur ami qui était en train d’ébouriffer les cheveux de Rose.
- Ron ! répondit Harry sur le même ton. Hermione n’est pas là ?
- Elle est partie il y a une demi-heure, l’informa Rose, elle avait une audience au Ministère.
- Quant à moi je vais profiter de ma journée de repos et te laisser te débrouiller avec toute la joyeuse troupe, dit Ron.
- Oh, pas de problème, ils sont grands maintenant, je pense qu’on pourra les lâcher dans Pré-au-Lard sans trop d’inquiétude, répondit Harry avec un clin d’œil.
Ron lui rendit son clin d’œil tandis que Rose, qui trépignait littéralement d’impatience, s’agrippait au bras d’Harry comme pour lui faire signe qu’il était temps d’y aller. Ce dernier leva alors les yeux vers Effy et lui tendit une main qu’elle s’empressa d’attraper. L’instant d’après, ils se trouvaient tous les trois à Pré-au-Lard.
C’était la première fois de sa vie qu’Effy voyait le village de cette façon. Ensoleillé, déjà. Cela n’avait dû lui arriver qu’une ou deux fois, et jamais lors des sorties officielles mais plutôt en fin d’année, lorsque les élèves reprenaient le chemin du Poudlard Express pour rentrer chez eux. Mais surtout, relativement calme. Quelques promeneurs marchaient dans les ruelles où brillaient les rayons du soleil, quelques personnes s’éparpillaient dans les différents établissements du village, mais il n’y avait pas l’habituelle foule d’élèves qu’Effy s’était depuis le temps habituée à fendre pour avoir le temps de faire tous ses achats en une après-midi. Et elle devait bien avouer que c’était plus agréable ainsi. Elle avait l’impression de redécouvrir Pré-au-Lard, et il lui semblait même qu’elle remarquait des choses qui n’avaient jusqu’à présent jamais attiré son attention.
- On va retrouver les autres aux Trois Balais, dit Harry. Mais après, si vous avez envie d’aller vous promener entre vous, c’est comme vous voulez.
- C’est justement ce que l’on avait l’intention de faire ! acquiesça Rose d’un ton enjoué. Et au passage, on va vous emprunter James aussi.
- C’est bien ce que j’avais cru comprendre.
Effy ne savait pas si les parents de James étaient au courant de son secret, mais elle savait en revanche qu’ils avaient appris, d’une personne innocente aux cheveux roux, qu’elle avait été la cible des moqueries de James durant plusieurs années sans jamais trop savoir pourquoi. Cela la mettait d’ailleurs terriblement mal à l’aise, puisque dès qu’elle rencontrait Harry ou Ginny Potter, elle avait l’impression que ces derniers se sentaient obligés d’être aimables avec elle, comme pour essayer de rattraper les bêtises de leur fils. Et d’après des bribes de conversations qu’elle avait pu capter entre Ron et Hermione, l’ambiance entre James et ses parents semblait être assez froide depuis le début de l’été. Elle espérait sincèrement ne pas en être la cause.
C’était donc pour cette raison qu’Effy appréhendait de retrouver James. Ils ne s’étaient pratiquement plus reparlé après qu’il lui ait promis de l’aider à retrouver ses parents, juste quelques mots qui n’avaient rien de très personnel, lors du banquet de fin d’année. Effy se sentait bien trop gênée lorsqu’elle le voyait. Elle ne comprenait pas cette soudaine gentillesse de la part de James et considérait cela comme de la pitié, et elle ne comprenait toujours pas non plus ce qu’elle avait pu faire du mal, quelques années auparavant, pour qu’il se mette à la détester comme elle n’avait jamais détesté personne.
Harry ne les avait pas fait atterrir très loin des Trois Balais et les trois sorciers finirent par se retrouver devant le pub avant qu’Effy n’ait eu le temps de réfléchir à ce qu’elle allait bien pouvoir dire. Rose poussa la porte avec entrain et repéra sa tante et ses cousins au fond de la salle, légèrement à l’abri des regards, même si certains clients se tordirent le cou pour essayer d’apercevoir davantage la famille Potter.
- Salut tout le monde ! s’exclama Rose en prenant place à côté d’Albus, qui était le cousin dont elle était le plus proche.
- Bonjour Rose, bonjour Effy, les salua une Ginny souriante.
- Effy, il faut absolument que je te dise ! lança Lily en oubliant de saluer la jeune fille, qui prit place à ses côtés. Ton chat nous a fait une peur bleue ce matin ! On prenait le petit-déjeuner dehors pour profiter du beau temps, quand on l’a vu arriver. Il tenait entre ses crocs quelque chose qui pendait des deux côtés de son visage. Au dernier moment, on a vu que c’était un serpent. Et il l’a lâché sous la table !
Rose éclata de rire tandis qu’Effy, visiblement confuse, rougissait et tentait de s’excuser pour son chat.
- Je suis vraiment désolée ! Il ne fait pas ça normalement, enfin en tout cas, il ne m’avait jamais ramené de serpent jusqu’à présent !
- Ce n’était qu’une couleuvre Lily, précisa Ginny en voyant Effy s’affoler.
- Oui, mais on a eu une belle peur quand même, répliqua la jeune fille.
- Pourtant tu ne devrais pas avoir peur des serpents toi, c’est quand même l’emblème de ta maison je te rappelle, rétorqua James d’un ton clairement sarcastique.
Il n’avait pas encore décroché un mot jusqu’à présent, pas un salut à Effy et Rose ni même le moindre signe à son père –qui lui avait pourtant adressé un franc sourire en s’asseyant à ses côtés.
- James… commença Harry.
- Ce n’est pas moi qui suis parti en courant vers la maison en poussant des hurlements de fille hystérique ! répliqua Lily. Mais si tu veux t’attaquer à ma Maison, vas-y, fais-toi plaisir. Je pourrais ainsi te montrer à quel point j’y ai ma place !
Effy fut alors étonnée de voir Ginny contempler sa fille avec un grand sourire et lui adresser un regard visiblement fier, avant de se tourner vers James et de lui lancer cette fois un regard noir, regard noir qu’il s’empressa de lui rendre tandis qu’Harry levait les yeux au ciel. Il y avait définitivement quelque chose qui n’allait pas entre James et ses parents.
- Tiens d’ailleurs, nota Rose, je ne l’avais pas remarqué jusqu’à présent mais toutes les maisons sont représentées ici ! Effy et James pour Gryffondor, Al pour Poufsouffle, Lily pour Serpentard et moi pour Serdaigle !
- Absolument merveilleux, grogna James.
- James ! Ça suffit maintenant ! Je t’ai prévenu tout à l’heure, gronda Ginny, si tu recommences ton cirque tu rentres directement à la maison !
Un silence de mort s’installa alors à la petite table, durant lequel Ginny et James s’affrontèrent du regard sous les yeux étonnés d’Effy et Rose et le regard las de Lily, Albus et Harry. Finalement, Lily rompit le silence en ramenant la conversation sur Ulysse, parlant d’abord uniquement avec Effy, avant que la conversation ne dévie sur les créatures magiques en général. Plus d’une demi-heure passa ainsi avant que les adultes ne se lèvent.
- Bon, dit Harry, avec Ginny nous avons un rendez-vous à Poudlard, on sera de retour ici dans deux heures. On vous laisse faire ce que vous voulez pendant ce temps-là, mais vous restez dans le village et vous êtes ici-même dans deux heures, c’est bien compris ?
Tous les enfants acquiescèrent. Dès que Harry et Ginny eurent franchi les portes des Trois Balais, Albus partit s’asseoir à une table où se tenaient quelques garçons qu’Effy était certaine d’avoir déjà vu à l’école, et Lily quitta le pub avec un grand sourire pour se diriger vers les magasins aux vitrines colorées. Seuls restaient donc Effy, Rose et James, qui paraissait subitement être de bien meilleure humeur que quelques instants auparavant et adressa même un sourire éclatant à Effy.
- Alors, ça se passe bien chez Rose ? demanda-t-il.
- Euh… oui, oui, bien, très bien, répondit Effy étonnée. C’est très… super, oui.
- Ça ne va pas ?
- Moi ? Mais oui, oui oui, bien sûr que ça va bien !
- Effy, tu ne sais vraiment pas mentir, dit Rose.
- Je te remercie pour ton soutien, maugréa la jeune fille en baissant les yeux.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda James.
Effy leva les yeux vers lui. Il avait l’air sincèrement étonné, ne comprenant visiblement pas la situation. Pourtant, Effy trouvait que cela sautait aux yeux qu’il s’était disputé avec ses parents. Et que ceux-ci, sa mère notamment, semblaient beaucoup lui en vouloir.
- Non, rien, c’est juste que…
N’allait-elle pas manquer de tact en lui posant cette question ? Pouvait-on demander ce genre de choses aux gens ? Elle n’en avait aucune idée. Elle n’avait jamais eu de parents, ni même de famille, elle. Elle ne savait rien de ces sujets. Rien de ce qu’il fallait dire à quelqu’un ayant des problèmes de ce genre.
- Et bien, avec tes parents… c’est à cause de moi si vous vous êtes disputés ?
James fronça les sourcils.
- Et pourquoi ce serait à cause de toi ?
- Je… je ne sais pas, j’ai pensé que…
- Enlève-toi ça de la tête Effy. Il ne s’est rien passé de grave entre eux et moi, rien de plus que d’habitude en tout cas. Tu n’as qu’à demander à Rose. N’est-ce pas, Rose, que ça a toujours été comme ça entre nous ?
Mais tout en disant cela, il adressa un regard à Rose qui signifiait clairement « Joue le jeu », et même Effy s’en rendit compte. Elle était peut-être naïve –et James la prenait visiblement pour la plus grande naïve de l’univers-, mais elle ne pouvait pas avoir le moindre doute : à cet instant, il n’était absolument pas sincère avec elle.
- Oui, bien sûr, dit Rose avant de se tourner vers Effy en souriant. T’en fais pas pour ça. Et puis, il me semble qu’on devait se retrouver pour parler… d’autre chose.
Le silence s’installa de nouveau. Rose n’osait plus regarder son amie dans les yeux et James semblait s’être pris de passion pour la contemplation de ses chaussures.
- Vous pouvez en parler, vous savez, dit alors Effy. Vous pouvez parler de mes parents devant moi. Si je ne l’avais pas voulu, on ne serait pas là, je n’essayerais pas de les retrouver, et vous ne tenteriez pas de m’aider à le faire. Alors allez-y, parlez.
- Et bien… déjà, est-ce que tu connais précisément la date à laquelle tu es arrivée à l’orphelinat ? demanda James, toujours sans oser croiser le regard d’Effy.
- Dès ma naissance je suppose, c’est toujours comme ça non ?
- Non justement, tu peux y avoir été déposée plus tard. Et il y aurait alors plus de probabilités pour que ta famille ne l’ait pas fait volontairement. Je veux dire, s’ils t’ont déposée dès ta naissance, c’est qu’ils ne voulaient vraiment pas de toi, pour je ne sais quelle raison. Si ça s’est passé après…
- Si ça s’est passé après, toutes les pistes sont possibles et ça ne nous avancera guère, le coupa Rose. Mais tout est bon à prendre, d’autant plus que quelque chose me dit que l’on n’aura pas beaucoup d’indices.
- Donc tu ne sais pas ? demanda James, soucieux.
- Non je… si. Si, ça me revient. J’en ai parlé…, une seule fois avec Mme Winstead. Je lui avais demandé comment j’étais arrivée. Merlin, j’étais petite je ne me… tout ce dont je me rappelle, c’est qu’elle m’a dit qu’il faisait froid ce matin-là. Très froid. C’était en plein hiver. Elle s’en souvenait parce qu’elle avait eu peur, en me découvrant sur le perron, que je sois morte de froid.
- Et tu es plutôt de milieu d’année toi, non ? demanda Rose.
- Je suis née le 9 août.
- Comment tu le sais ?
- Rose, elle ne sert à rien ta question.
- Toutes les questions que l’on va te poser peuvent nous servir, dit James.
- Je le sais parce que c’est comme ça, c’est tout. Tous les ans on fêtait mon anniversaire ce jour-là, je suppose que Mme Winstead a lu ma date de naissance dans la lettre.
- Quelle lettre ?
- Il y avait une lettre sur moi, bien retenue par les couvertures. Je sais que Mme Winstead l’a récupérée et la gardait dans les archives de l’orphelinat.
- Et tu n’as jamais su ce qu’elle contenait ?
- Jamais. Mais il ne doit pas y avoir grand-chose de toute façon. Mme Winstead ne savait rien de mes parents, elle ne sait même pas si ce sont eux qui m’ont déposée. Peut-être indiquait-elle simplement mon nom et ma date de naissance, ce qui expliquerait comment Mme Winstead les connaissait.
- Tu sais où elle est cette lettre ?
- Jusqu’à il y a peu, elle était dans les archives de l’orphelinat. Mais comme le bâtiment est vieux, il va être démoli. Je me demande même si ça n’a pas déjà commencé. Donc les archives ont dû être transférées en même temps que les pensionnaires.
- Tu ne sais pas où, j’imagine ? s’enquit Rose.
- Non.
- Nous voilà bien avancés.
- M. Flitwick le sait, je pense. Il doit forcément avoir les nouvelles coordonnées puisque, normalement, j’aurais dû aller dans ce nouvel établissement cet été. Si on lui écrit, il nous les indiquera sans doute.
- C’est vrai que si on pouvait récupérer cette fameuse lettre, ce serait déjà un bon début. Parce que là, autant te dire qu’avec ce qu’on a, on ne retrouvera jamais tes parents, dit James qui semblait déjà ne pas y croire.
Et Effy pensait comme lui. Elle regrettait déjà de s’être embarquée dans cette histoire. Elle aurait dû se douter qu’elle ne trouverait jamais rien sur sa famille, qu’il n’y avait aucune chance, et que quand bien même elle les retrouverait, ils ne voudraient probablement pas d’elle. Que s’était-elle imaginé ? Qu’elle allait les rencontrer comme cela, en claquant des doigts, et qu’ils allaient l’accueillir à bras ouverts alors qu’ils auraient pu venir la chercher à l’orphelinat pendant toutes ces années ? Si ses parents étaient toujours en vie quelque part, ou désiraient la revoir, ils l’auraient fait depuis longtemps déjà. Elle n’aurait pas eu à chercher. Elle n’avait jamais rien demandé, de toute façon. Elle n’avait jamais demandé à être abandonnée, alors pourquoi serait-ce à elle de partir à leur recherche ? Ils avaient visiblement tout fait pour qu’elle ne puisse pas les retrouver. Il devait bien y avoir une raison cela. Et il lui semblait que cette raison était des plus simples : ils n’avaient aucunement envie de revoir leur fille un jour.
- Mais ne faites pas cette tête, s’exclama soudainement Rose. Je vous rappelle que notre enquête a démarré il y a cinq minutes ! Qu’est-ce que vous pensiez, franchement ? Si cinq minutes étaient suffisantes pour résoudre le problème, Effy aurait déjà retrouvé les siens depuis longtemps !
- S’ils voulaient me récupérer, ils l’auraient déjà fait, murmura Effy, les yeux brillants.
- Effy, il a pu se passer tellement de choses ! Il y a tellement d’hypothèses ! Et puis tu sais quoi ? Tes parents, ils ne savent peut-être même pas où tu es. Je te rappelle que personne n’a vu qui t’a déposée à l’orphelinat. Ce ne sont pas forcément eux. Il leur est peut-être aussi arrivé quelque chose, ça, on ne peut pas te garantir le contraire. Mais tu as voulu savoir, Effy. Tu as voulu te lancer dans cette enquête. C’est que quelque part au fond de toi, tu aimerais bien connaître la vérité quand même, non ?
- Oui. Oui, je voudrais savoir, mais… j’ai peur.
Les mots étaient sortis, même s’ils sonnaient encore comme un euphémisme. Elle n’avait pas simplement peur, elle était terrifiée. À Poudlard, elle avait à chaque rentrée écouté avec émerveillement Georgie et Lisa lui raconter leurs vacances avec leurs proches. Jamais ses amies ne s’étaient plaintes de leurs parents devant elle, comme si leur relation était absolument parfaite, et Effy les avait longtemps enviées et les enviait toujours d’ailleurs. Ce qu’elle ne savait pas, c’était que Georgie et Lisa s’étaient depuis longtemps accordées pour ne jamais aborder ce genre de souci devant Effy afin de la préserver. En réalité, leurs familles étaient loin d’être parfaites –mais elles l’étaient pour Effy. Quant à celle de Rose, c’était pire encore : Ron et Hermione semblant être aux yeux d’Effy l’incarnation même de la perfection. Elle avait toujours eu la sensation que ses amis avaient des familles merveilleuses, étaient aimés, étaient choyés. Et elle, on l’avait abandonnée. Les siens n’avaient pas voulu d’elle. Peu importait la raison, elle n’avait jamais été aimée, elle, pas plus qu’elle n’avait été choyée. Elle allait peut-être enfin savoir pourquoi, et cette perspective l’effrayait au plus haut point.
Pour elle, toute famille réunie était forcément parfaite et c’était d’ailleurs pour cela qu’elle s’était sentie si gênée de l’ambiance froide entre James et ses parents. Elle ne comprenait pas qu’on puisse ne pas s’entendre avec les siens. Elle ne comprenait pas que des parents puissent ne pas aimer leurs enfants. Et pourtant, ses parents à elle, ses propres parents, ils ne l’avaient pas aimée au point de la garder auprès d’eux.
- Et c’est normal d’avoir peur Effy, dit Rose en posant sa main sur la sienne. Mais crois-moi, quand on aura trouvé –parce que l’on va trouver-, et quoi que l’on puisse trouver, au moins tu seras soulagée de savoir. Ce sera peut-être dur, mais tu auras le temps de faire face. Alors que si on ne fait rien, si tu ne cherches jamais, tu vivras toujours dans le doute, tu te poseras toujours des questions.
- Elle a raison Effy. C’est sûr qu’on va peut-être découvrir des choses… des choses pas cool, peut-être même pas cool du tout. Mais au moins tu sauras. Et tu auras toute ta vie pour remonter la pente ensuite.
- Et puis tu n’es pas seule, n’est-ce pas ? souligna Rose avec un grand sourire.
Non, elle n’était pas seule. Rose et James allaient l’aider. Elle voyait Lily revenir au loin, les bras chargés de sac et leur souriant à travers la vitre, Albus se diriger vers eux, Harry et Ginny franchir les portes en même temps que Lily. Et puis, elle pouvait écrire à n’importe quel moment à Georgie et Lisa, et Brooke et Oliver lui avaient promis qu’ils ne seraient jamais bien loin.
Elle n’était pas seule.