« 9 juillet 2022
Chère Effy,
Rose a raison, tu sais. Non, vous ne pourrez certainement pas retrouver tes parents en deux jours. Si c’était le cas, tu l’aurais déjà fait bien avant. Mais je pense aussi que vous allez y arriver. Je me sens terriblement frustrée de ne pas pouvoir être là, de ne pas pouvoir vous aider non plus. Je compte sur toi pour me raconter absolument tout, je veux tous les détails, et je vais essayer de me montrer utile moi aussi, même à distance.
Mes vacances se passent bien, c’est toujours agréable de revoir Papa, je ne le vois jamais durant l’année scolaire. Par contre, j’ai encore eu le droit à l’habituelle rengaine sur Maman. Il lui reproche, je cite, de « me monopoliser », parce que je passe toutes mes petites vacances chez elle et une moitié de celles d’été, alors que c’est lui qui a décidé de s’installer en France. Enfin, tu sais ce qu’il en est, j’ai fondu en larmes devant lui et ça a coupé court à toute discussion, il n’en a plus reparlé depuis. Je me demande combien de temps il lui faudra encore pour qu’il réalise que je me mets presque à pleurer avant même qu’il n’ait parlé. Je pourrais te réciter par cœur son discours. Ce n’est même pas que ça me rend triste, j’y suis habituée, mais ça m’énerve, alors je pleure un bon coup parce que je sais qu’il me passerait n’importe quoi quand je suis dans cet état.
David va venir nous rejoindre quelques jours mais on se verra surtout en Angleterre. Je compte bien venir te voir toi aussi, quand je serai rentrée. J’espère que Maman ne décidera pas à la dernière minute que nous partons quelque part ensemble, ce serait bien son genre en plus.
Je pense très fort à toi,
A bientôt,
Lisa »
- Je suis sûre qu’il a dit quelque chose, tu n’as juste pas fait attention.
- Et moi je suis sûre qu’il n’a rien dit.
- Mais fais un effort Effy, c’est pourtant pas compliqué de…
- Je te dis qu’il ne m’a rien dit Rose ! s’exclama Effy.
Le soudain haussement de sa voix avait eu pour effet de réveiller James, qui somnolait depuis une dizaine de minutes sur un gros tas de parchemins, et d’arrêter Rose dans sa marche nerveuse autour de la table. En revanche, Effy ne se sentait ni plus apaisée, ni plus encline à poursuivre cette conversation qui commençait sérieusement à l’agacer.
- Bon, dit Rose. Admettons que Flitwick n’ait rien dit.
- Mais ce n’est pas admettons, il n’a rien dit ! Pas d’adresse, rien ! Tu penses bien que je m’en serais souvenue autrement, je te rappelle que jusqu’à il y a quelques semaines je pensais encore passer tout mon été, à l’orphelinat !
- Alors pourquoi tu ne lui as pas demandé l’adresse avant ?
- J’avais l’intention de le faire à la fin de l’année. Je ne voyais pas l’intérêt d’aller l’interroger avant. Et ne me fais pas de remarques !
- Je n’ai rien dit.
Mais Rose avait recommencé à faire les cent pas autour de la table et poussait assez régulièrement de profonds soupirs. Effy avait sérieusement envie de lui faire une remarque, mais elle préférait encore se taire pour le moment, peu désireuse de faire éclater une dispute qui, elle le savait, n’apporterait rien de bon.
De son côté, James ne paraissait pas plus réveillé que quelques instants auparavant. Ses coudes reposaient sur ses devoirs de Métamorphoses et glissaient un peu plus vers l’avant à chaque minute qui passait, tandis qu’il luttait pour garder les yeux ouverts. Visiblement, ses paupières pesaient aussi lourd que du plomb. L’après-midi ne faisait pourtant que commencer et Rose et Effy n’étaient pas arrivées depuis longtemps. James avait donc eu tout le temps de dormir. Mais il ne paraissait pas en forme, depuis le début de l’été. Outre son comportement vis-à-vis de ses parents, de son frère et de sa sœur, lorsqu’ils s’étaient retrouvés à Pré-au-Lard, Effy avait toujours l’impression que quelque chose n’allait pas. Les relations fraternelles semblaient déjà ne pas être au beau fixe, mais elles restaient suffisamment naturelles pour qu’Effy ne s’en formalise guère. Avec ses parents, en revanche, James était ouvertement provoquant. Et Effy hésitait toujours sur ce qu’il convenait de faire lorsqu’ils en venaient à se disputer devant elle. Elle avait bien essayé d’en parler à Rose, intriguée par le changement de comportement de James depuis qu’ils n’étaient plus à Poudlard, mais la jeune fille avait simplement haussé les épaules d’un air de dire « Mieux vaut ne pas en parler ».
Effy aurait pu rester un long moment encore plongée dans ses pensées en regardant James, se posant toutes sortes de questions, mais ce dernier se redressa brusquement, envoyant voler plusieurs parchemins au sol, avant de s’écrier :
- Eh mais, il y a un truc qu’on a oublié !
- Quoi ? demanda aussitôt Rose, à la fois vexée que James ait pu avoir une meilleure idée qu’elle et impatiente de la connaître.
- Mme Winstead. Elle n’est pas morte, non, aux dernières nouvelles ? Donc on peut la contacter elle ?
Rose et Effy échangèrent toutes deux un regard. Aucune d’elle n’avait pensé à ce simple détail, pourtant si évident. Effy, surtout, se demanda si elle n’aurait pas dû pleurer d’être aussi stupide. Si elle était capable d’oublier ce genre d’informations, qu’est-ce que cela allait donner par la suite !
- Non. Non, elle n’est pas morte, confirma-t-elle. M. Flitwick m’aurait prévenue, si ça avait été le cas. Et elle, je peux la contacter.
- Comment ? s’enquit Rose.
- Par hibou, tout simplement, peu importe où elle est tant qu’on sait à qui adresser la lettre. Je ne vais pas t’apprendre ça quand même ! dit Effy d’un air taquin.
- Par contre, elle ne dirige sûrement pas le nouvel orphelinat, dit James.
- Ce n’est même pas une hypothèse, M. Flitwick me l’avait bien précisé. Elle était déjà âgée alors, avec son attaque, tu penses bien qu’ils ne vont pas la laisser gérer un tel établissement. Par contre je pense qu’elle pourra nous renseigner sur le nouveau. Je n’ai jamais été particulièrement proche d’elle mais je sais qu’elle considérait certains pensionnaires comme ses propres enfants, elle se sera forcément renseignée.
En disant cela, Effy avait légèrement baissé les yeux et son regard se perdait désormais dans la contemplation d’un coin de la table. Rose et James la regardèrent évoquer ainsi une enfance qui avait dû être bien triste sans trop savoir quoi dire. Eux avaient grandi dans l’amour, amour de leurs parents, amour de leur famille, amour de leurs nombreux cousins. Il leur était impossible de s’imaginer une enfance sans amis, sans jeux, sans personne à qui se confier, sans personne à aimer.
James, surtout, paraissait très mal à l’aise. Il ramassa ses feuilles de cours qui étaient tombées au sol et dit d’un ton aussi enjoué qu’il put :
- Bon, ça vous dit de sortir un peu ? Il fait beau aujourd’hui. On verra tout à l’heure ce qu’on met dans la lettre.
Les deux filles acquiescèrent et le suivirent vers le jardin, où Lily était en train de jouer avec le chat d’Effy. Cette dernière eut un sourire en le voyant. Elle avait encore du mal à s’endormir sans son compagnon lui servant de bouillotte au bout du lit, mais elle le voyait presque plus qu’à Poudlard puisqu’elle passait des après-midis entières chez les Potter. Et la seule fois pour l’instant où James était venu chez les Weasley, Lily et Ulysse étaient là également puisque Ginny travaillait et Harry avait emmené Albus, à sa demande, à une conférence sur l’histoire de la magie -Effy se demandait d’ailleurs souvent d’où lui venait cette passion pour une matière aussi ennuyeuse.
- Tiens, ça vous dit de faire une petite partie de Quidditch ? lança Lily lorsqu’elle les vit arriver. Deux gardiens, deux poursuiveurs, c’est faisable !
- Je suis partante ! dit Rose d’un ton enjoué.
Elle ne jouait pas dans l’équipe de sa maison mais Effy savait qu’elle jouait souvent avec son père et son frère, qui lui réalisait des exploits dans l’équipe de Gryffondor.
- Euh, j’ai pas vraiment envie là, dit James en jetant un coup d’œil à Effy.
Cette dernière s’en rendit compte immédiatement et sentit ses joues s’embraser. Elle n’était plus montée sur un balai depuis sa deuxième année, absolument incapable de se maintenir à plus d’un mètre du sol sans éprouver une peur panique. Mais Lily et Rose avaient l’air si motivées, elle ne voulait pas gâcher leur après-midi.
- Oh non j’ai bien envie de jouer moi aussi ! dit Effy en essayant d’être le plus convaincante possible.
James ne la crut visiblement pas le moins du monde, mais Lily était déjà partie chercher les balais dans la remise en courant, Rose lui emboîtant le pas. James se dirigea vers Effy.
- Tu n’as qu’à faire Gardien, t’auras pas trop à bouger comme ça.
- Ça va aller, je vais bien réussir à me débrouiller !
- Tu crois à ce que tu dis ?
- Absolument pas.
Et elle avait bien raison. Lorsqu’elle se fut élevée au niveau du feuillage d’un pommier, que Lily avait désigné comme l’un des buts, un simple regard vers le sol la fit pâlir au point qu’elle semblait malade. James leva les yeux au ciel mais se positionna devant elle, déclarant qu’ils formeraient une équipe. Effy espérait qu’il parviendrait à assurer à la fois le rôle de Gardien et de Poursuiveur, mais c’était sans compter sur le fait que Lily jouait comme Poursuiveuse dans l’équipe de Serpentard, un léger détail qui lui avait échappé.
Au début, James réussit à extirper la balle qui servait de Souaffle des mains de Lily, ayant l’avantage d’être plus grand et surtout d’une carrure plus imposante. Mais au grand désespoir d’Effy, Lily compensa bien vite ce désavantage en utilisant les atouts que lui conférait sa silhouette frêle, à savoir une plus grande vitesse et une meilleure capacité à éviter les obstacles. James eut bien le temps de marquer quelques points, Rose n’étant visiblement pas très bonne dans le rôle de Gardien -et en plus de ça, très mauvaise joueuse-, mais très vite Lily s’empara de la balle et avant que James n’ait pu tenter le moindre geste pour la stopper, elle fila vers Effy à la vitesse d’un boulet de canon. Cette dernière resserra son emprise autour de son manche, si fort que ses jointures devinrent blanches, comme s’il lui suffisait de s’accrocher à son balai pour que Lily ne marque pas. Ce à quoi elle n’avait pas pensé une seule seconde, c’était que Lily lui tirerait droit dessus.
Elle lui expliqua après qu’il s’agissait d’une tactique de jeu, puisque normalement le Gardien s’attend à ce que le Souaffle soit lancé sur l’un de ses côtés et s’élance donc lorsqu’on le lance. Seulement, Effy ne connaissait pas la moindre manœuvre sportive, et le temps qu’elle comprenne que la balle lui fonçait droit dessus, elle fut percutée de plein fouet et n’évita de tomber lourdement au sol que grâce aux réflexes de Lily qui avait immédiatement foncée vers elle pour la rattraper.
- Mais il fallait le dire que tu étais nulle en Quidditch ! s’exclama Lily entre deux explications sur le rôle d’un Gardien.
Rose regarda sa cousine d’un air outré -à la place d’Effy, elle aurait été vexée comme un pou. Mais son amie ayant encore le souffle coupé par la violence du choc, elle jugea plus utile de lui donner de grandes tapes dans le dos pour l’aider à respirer, jusqu’à ce que Harry ne vienne précipitamment vers eux, James dans son sillage.
- Tu as mal Effy ? demanda-t-il.
- Juste… du mal… respirer…
Aussitôt, Harry sortit sa baguette et lança un sortilège informulé. Un rayon bleu pâle atteignit la jeune femme et l’instant d’après, ce fut comme s’il ne s’était rien passé. Harry se tourna alors vers sa fille, qui regardait ailleurs en sifflotant.
- Lily, qu’est-ce qu’on a déjà dit mille fois, demanda-t-il en insistant sur le « mille », à propos du fait que tout le monde ne joue pas au Quidditch et que tout le monde n’a pas la même aisance que toi ?
- Et bien… ce que tu viens de dire… que tout le monde ne joue pas au Quidditch et que…
Mais face au regard menaçant de son père, la jeune fille cessa immédiatement de parler et baissa la tête.
- Tu as déjà presque cassé le bras de Molly la dernière fois ! S’il y a une prochaine fois, tu n’auras plus le droit de jouer au Quidditch à la maison !
Et il tourna les talons, repartant vers la maison où Effy avait cru comprendre qu’il travaillait sur un dossier important. Lorsqu’il fut suffisamment loin pour ne rien entendre, Lily poussa un profond soupir, donna un grand coup de pied dans une petite motte de terre et imita son père en levant les yeux au ciel, faisant sourire Effy. Ce qui suivit, en revanche, effaça son sourire.
- T’étais obligé d’aller chercher Papa toi ? lança Lily à l’intention de son frère.
- Effy n’allait pas bien au cas où tu ne l’aurais pas remarqué !
- Si tu lui avais laissé deux minutes Rose aurait pu la soigner ! répliqua-t-elle.
- Papa a plus d’expérience en sortilèges et si tu avais regardé Effy juste une seconde au lieu de te plaindre parce que tout le monde n’est pas aussi génial que toi, t’aurais compris pourquoi je suis allé le chercher ! s’exclama James.
- Ce que je comprends surtout, c’est que tu ne vas le voir que quand ça t’arrange, assena-t-elle d’un ton sec avant de ramasser son balai et de partir vers la remise.
Ce n’était pas la première fois qu’une dispute de ce genre devait avoir lieu à en voir la mine défaite du jeune homme. Effy était prête à parier que sa sœur savait pertinemment que ce qu’elle venait de dire le toucherait, d’autant plus que Rose semblait à la fois gênée mais aussi résignée, de l’air de celle qui a déjà entendu plusieurs fois la même chose.
- C’est bien que tu sois allé chercher ton père, dit alors Effy en regardant James, prise d’un élan de sympathie pour lui. Il est génial ce sortilège, je ne sens vraiment plus…
- Ne te mêles pas de ça, Effy, la coupa-t-il d’un ton cassant.
Et il s’en alla à son tour, laissant une Rose mal à l’aise et une Effy complètement déconcertée au milieu du jardin.
(...)
- Ça ira ?
- Elle est très bien comme ça, cette lettre, inutile de la refaire encore une fois, approuva vigoureusement Rose.
En réalité, elle avait surtout hâte de rejoindre ses parents dans la cuisine, d’où une délicieuse odeur parvenait aux narines des deux filles.
- Je n’ai pas de hibou ! s’exclama alors Effy en pliant la missive.
- On prendra celui de Papa, c’est pas grave, viens !
Sans attendre une seconde de plus, Rose attrapa son amie par le poignet et l’emmena avec elle vers le rez-de-chaussée. Par la baie vitrée du salon, Effy pouvait justement voir Artémis, l’un des deux hiboux de la famille, en train de manger quelque chose qui de loin, ressemblait à un rongeur. Rose alla lui donner la lettre elle-même, l’animal ayant un caractère peu commode -elle avait déjà failli arracher un doigt à Hugo, qui l’utilisait pourtant régulièrement. Depuis que ce dernier avait raconté cela à Effy qui lui demandait d’où lui venait la cicatrice en question, elle refusait de s’approcher du volatile. Rose devait cependant être plus adroite que son frère, puisqu’il ne lui fallut que quelques secondes pour confier la lettre à Artémis, pourtant interrompu en plein repas, et pour revenir s’installer dans la salle à manger où Hermione était en train de mettre la table.
- Vous avez passé une bonne après-midi avec James, les filles ? demanda-t-elle avec un sourire.
- Lily a failli tuer Effy au cours d’une partie de Quidditch mais à part ça, il ne s’est rien passé de grave.
- Encore ? s’exclama sa mère.
- Rose exagère, je n’ai presque rien eu, un petit sortilège et je ne sentais déjà plus rien ! assura Effy, qui hésitait entre rire de ce « Encore ? » tout droit sorti du cœur ou cesser dès à présent toute relation avec Lily.
- Je suppose qu’elle a ça dans le sang, dit Hermione, l’air à mi-chemin entre l’amusement et la réprobation.
- Je suis sûr que je peux la battre quand je veux dans un duel, affirma Hugo qui avait visiblement été attiré lui aussi par la bonne odeur de la cuisine.
- Ce n’est pas la modestie qui t’étouffe toi ! s’exclama sa sœur.
- Tu peux parler, tu t’es vu quand tu parles de tes BUSE alors que tu n’as même pas reçu les résultats ?
- Mais c’est pas de la prétention de dire que j’ai cartonné, c’est juste admettre la réalité.
- Et bien admets aussi dans ta réalité que je serai bientôt le plus grand joueur de Quidditch que le monde des sorciers aura jamais connu.
- Mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir des enfants aussi arrogants ? demanda Hermione en levant les yeux au ciel.
L’instant d’après, elle échangeait cependant un sourire complice avec chacun de ses enfants, touchant Effy comme si c’était la première fois qu’elle assistait à ce genre de scène. Contrairement à la dispute entre James et Lily, celle entre Rose et Hugo n’en était pas vraiment une. La jeune fille avait vite compris que ces deux-là passaient leur temps à se provoquer, à s’envoyer des piques ou à comparer leurs capacités respectives, mais que cela se finissait en général par une bonne crise de fou rire ou des discussions à n’en plus finir le soir. Il y avait une réelle complicité entre eux, ce qu’Effy ne retrouvait pas entre James, Lily et Albus.
- Ron, tu peux amener le plat ! lança soudain Hermione, coupant court aux pensées d’Effy.
A peine ses mots s’étaient-ils échappés de ses lèvres que Ron fit son apparition, un somptueux plat de spaghettis bolognaise entre les mains, dont la simple vue suffit à enchanter les trois jeunes. Quand Hermione le vit arriver à son tour, cette vision sembla elle aussi la séduire davantage que l’énorme dossier sur lequel Effy l’avait vue travailler en rentrant de chez les Potter.
- Et Harry et Ginny vont bien ? s’enquit Hermione une fois que tout le monde fut servi.
- Ginny travaillait, mais Harry était là, il avait l’air d’aller bien. On ne l’a pas beaucoup vu, James nous a juste dit qu’il avait des choses à régler pour les Aurors, répondit Rose.
- Evidemment, dit Hermione plus pour elle-même que pour les autres.
Comme elle travaillait au Département de la Justice Magique, Hermione était souvent au courant des affaires que traitait Harry. Quant à Ron, même s’il ne travaillait pas au Ministère, il semblait être lui aussi informé des enquêtes qui y étaient en cours, bien qu’Effy ne doutât pas que cette connaissance soit parfaitement informelle.
- C’est bien que vous passiez du temps avec James en tout cas, reprit Hermione.
- Comment ça ? demanda Effy.
- Ginny m’a dit que Lily allait bientôt rejoindre des amis et Albus va partir avec Louis en France, mais James n’avait pas l’air d’avoir de projet particulier.
- On a des projets entre nous, intervint Rose. James va bientôt pouvoir transplaner puisqu’il doit passer son permis le matin même de son anniversaire, alors on a prévu de faire des sorties ensemble, et tout, des trucs quoi.
D’un commun accord, Effy, Rose et James avaient décidé de ne pas mettre les adultes au courant de leurs projets. Ils avaient hésité, songeant que leur aide serait évidemment utile, mais ils n’étaient pas certains qu’ils approuveraient. Surtout, Effy avait eu peur qu’ils ne la découragent, qu’ils ne cherchent à la préparer à l’idée que tout cela serait certainement inutile, que peut-être même ils ne trouveraient rien. C’était pourtant une perspective qu’elle avait envisagé maintes et maintes fois, mais entre la penser et se l’entendre dire, il y avait tout un monde. A aucun moment James et Rose ne lui avait dit une telle chose. C’était en partie pour ça qu’elle ne souhaitait pas que d’autres personnes qu’eux, et ses amies bien sûr, soient au courant.
Rose, si Effy ne lui avait pas donné la véritable raison, avait bien vite compris ce qui pouvait motiver son amie et pensait en plus la même chose qu’elle. Quant à James, il paraissait trop heureux de faire quelque chose sans que ses parents ne soient au courant pour envisager de le leur dire. D’ailleurs, pour cela, il aurait fallu qu’il soit enclin à se confier à eux, et Effy n’avait pas l’impression que ce soit le cas.
- C’est très bien alors, dit Ron. Et vous voulez aller où, au juste ?
- A la mer.
- En ville.
Le temps sembla se figer dans la salle à manger de la famille Weasley, chacun étant suspendu à ses couverts. Seules les deux filles échangèrent un regard avant que Rose ne prenne la parole, Effy étant trop occupée à lutter contre elle-même pour ne pas rougir.
- Enfin, on voulait faire quelques sorties en ville ensemble, et s’acheter des trucs pour pouvoir aller voir la mer, après. Effy n’a même pas de maillot de bain.
- Ça peut être utile pour nager, dit Ron avec un clin d’œil.
Mais Effy avait la désagréable sensation qu’il n’avait pas cru un mot de ce que venait de lui dire sa fille. Hugo, intentionnellement ou non, détourna cependant la conversation qui commençait à devenir dangereuse.
- Et Lily et James, ils se sont encore disputés ? demanda-t-il.
- Hugo ! lui dit Hermione sur un ton de reproche.
- Quoi ? C’est juste une question, je n’ai rien demandé de mal.
- Il y a un problème ? Entre James et Lily ? demanda alors Effy.
La façon dont Hermione avait réagi à la question pourtant banale de Hugo, ça plus le regard appuyé que Ron avait lancé à son fils, tout lui laissait penser qu’il y avait vraiment quelque chose qui n’allait pas, dans la famille Potter. Ou en tout cas, entre James et le reste de la famille. Hermione se réjouissant qu’elles passent du temps avec lui, Rose elle-même adoptant toujours une étrange attitude quand il était question de James et des siens…
Elle ne se serait pourtant pas formalisée que cette dernière ne lui explique rien, en temps normal. Toute famille avait ses problèmes, et elle avait bien conscience qu’elle ne faisait pas partie de la leur. Seulement, elle se posait trop de questions pour renoncer à savoir. Le James qu’elle côtoyait depuis le début des vacances lui paraissait si différent de celui de Poudlard, c’était comme s’il ne s’agissait pas de la même personne. Et puis, surtout, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si elle était responsable, si elle avait fait quelque chose de mal. Elle n’avait peut-être aucune raison d’y croire, mais depuis le début des vacances, James était différent. Or, c’était également la première fois qu’ils les passaient ensemble.
- Il n’y a pas vraiment de problème, dit alors Ron. Seulement des disputes, comme il y en a toujours entre frères et sœurs… bon, disons qu’entre eux deux, il y en a tout particulièrement. Mais ce n’est pas nouveau et ça va même en s’arrangeant, ne t’en fais pas Effy.
Mais tandis qu’Hermione lançait un autre sujet de conversation qui captura l’attention de Ron et Hugo, Rose lança un léger coup de pied à son amie sous la table et lui glissa à l’oreille, rapidement :
- Je t’expliquerai.
« 9 juillet 2022
Chère Lisa,
Je suis contente que tes vacances se passent bien avec ton père. Effectivement, j’ai l’impression que ce n’est pas la première fois que tu me racontes cette scène. Tiens-moi quand même au courant si quelque chose ne va pas, si pour je ne sais quelle raison tu te sens mal, par rapport à lui ou quoi que ce soit d’autre, envoie-moi ton hibou. Traverser la Manche n’a pas l’air de lui faire peur en plus, il est très rapide !
Bien sûr, je te tiendrai au courant de l’évolution de notre enquête, si on peut appeler ça comme ça. Pour l’instant, autant dire que nous n’avons pas grand-chose. J’ai envoyé un message à Mme Winstead tout à l’heure, j’espère qu’elle pourra nous en apprendre davantage, ou même nous donner le début d’une éventuelle piste, n’importe quoi en fait.
Je t’ai déjà dit que je trouvais James bizarre, depuis le début de l’été. Aujourd’hui, j’ai assisté à une dispute entre lui et sa sœur et je crois que Rose a fini par comprendre que je me posais vraiment beaucoup de questions. Je ne saurais même pas te dire exactement pourquoi, d’ailleurs, enfin, outre le fait que j’ai peur d’être la raison de son changement de comportement, je me demande vraiment pourquoi il est comme ça. Et plus je réfléchis, plus je me dis qu’en fait, c’est surtout avec ses parents, et Lily, aujourd’hui, qu’il ne se comporte pas de la même façon. Parfois, je me demande si je devrais en parler avec lui, et puis je me traite d’idiote parce qu’après tout, on n’est pas amis lui et moi, on ne l’a jamais été et peut-être qu’on ne le sera jamais. Il me trouverait terriblement stupide, s’il lisait ça. Et il m’en voudrait, aussi, je pense.
Peut-être aussi qu’il faut que j’arrête de m’imaginer toutes sortes de scénarios plus improbables les uns que les autres. C’est fort possible.
Pardon pour cette lettre un peu confuse,
Je t’embrasse,
Effy »