« 10 juillet 2022
Chère Effy,
Alors tu as déjà plusieurs mystères à résoudre ? Je sens que ces vacances vont être passionnantes. Bon, concernant ton enquête, pour l’instant, je ne vais pas vraiment pouvoir t’aider, je n’ai absolument aucune idée et, de toute façon, j’ai toujours été nulle pour deviner la fin des romans policiers. C’est pour ça que je n’en lis pas, d’ailleurs.
Pour James, je suis prête à parier qu’entre le moment où tu as écrit ta lettre et celui où tu recevras la mienne, Rose t’aura appris du nouveau. Renvoie-moi une lettre tout de suite, parce qu’en fait, là non plus je n’ai aucune idée. La seule qui me semble éventuellement possible, mais très éventuellement, c’est une supposition que pourrait bien faire Lisa, tiens. Mais autant te le dire, je n’y crois pas une seconde. Et quand bien même ce serait vrai, ça ne justifierait en rien tout ce qu’il a pu te faire. Mais non, je suis persuadée qu’il y a autre chose. Je pense que c’est plus profond que ça.
Malheureusement, je vais devoir te laisser t’occuper de ces deux mystères toute seule pour le moment. Je t’avais parlé de ce projet qu’avait mon père, d’ouvrir une nouvelle entreprise aux Etats-Unis ? Ce n’est plus seulement un projet maintenant. Et j’ai eu beau protester, je pars pour un mois et demi minimum à New-York. Crois bien que ça m’embête au plus haut point, pour rester polie, je préférerais mille fois être avec toi et t’aider dans tes recherches, et puis je sens que je vais bien m’ennuyer là-bas. Si par miracle je trouve un moyen de m’échapper, je te rejoins tout de suite.
Je te souhaite d’avoir plus d’inspiration que moi, en tout cas,
A très vite j’espère,
Georgie »
- C’est fascinant, quand même, tout ce qu’ils parviennent à inventer les Moldus.
- Tu sais comment fonctionne un téléphone ? s’étonna Effy.
- Ma mère est Née-Moldue je te rappelle. Et puis, quand tu as un grand-père comme le mien et que tu passes des vacances chez lui, tu apprends beaucoup de choses.
- Tu y vas souvent ? Chez tes grands-parents ?
- Un peu moins ces dernières années, depuis que je vois des amis à la place, avoua Rose avec un petit sourire. Mais j’y passe toujours mes vacances de Noël et en général, celles de Pâques. On se voit souvent le dimanche aussi.
- Depuis que je suis chez vous vous n’y êtes pas allés.
- Parce que Grandma doit se ménager, enfin si ça ne tenait qu’à elle on serait déjà venus tous ensemble mais une tribu comme la nôtre, ça prend de la place. On essaye d’alterner, du coup.
- Les chocolats Mesdemoiselles.
Rose et Effy s’interrompirent et dégagèrent leurs coudes de la table pour laisser le serveur déposer deux grandes tasses fumantes devant elles.
Elles se trouvaient dans un café moldu de Londres. Effy avait toujours eu l’habitude de passer une bonne partie de ses vacances à flâner dans les rues de la capitale et avait même ses habitudes dans certains petits commerces. Quant à Rose, elle avait été très tôt habituée par sa mère à vivre aussi bien dans le monde moldu que sorcier, et elle se débrouillait presque mieux que son amie qui, n’ayant pas suffisamment d’argent pour cela, n’avait pratiquement jamais utilisé les transports par exemple. C’est donc tout naturellement que Rose avait donné le nom de ce café lorsqu’Effy lui en demandait un, et tout naturellement qu’elles s’étaient dirigées vers ce quartier. Seule la carte qu’on leur avait tendue lorsqu’elles s’étaient installées leur avait fait remarquer qu’elles n’étaient pas chez les sorciers.
Cependant, Rose semblait bien connaître l’endroit. Depuis qu’elles étaient entrées, elle ne cessait d’échanger des sourires complices avec un autre serveur affecté en terrasse, sans qu’Effy ne parvienne à savoir s’ils se connaissaient réellement ou s’il ne s’agissait que d’un flirt. Celui qui s’occupait d’elles, en tout cas, ne paraissait pas attirer autant l’attention de Rose, qui réagit à peine lorsqu’il lui tendit la monnaie avant de repartir vers le comptoir.
- C’est qui, le garçon là-bas ? osa demander Effy lorsqu’elles furent à nouveau seules.
- Oh, c’est rien, pas très intéressant…
A moitié convaincue, la jeune femme porta la tasse de chocolat chaud à ses lèvres et manqua de se brûler avec. Cela eut au moins le mérite de capter l’attention de Rose au détriment du serveur.
- Au fait, à quelle heure devait-elle appeler, Mme Winstead ?
Au même moment, une voix s’éleva du comptoir :
- Il y a une Effy Peterson ici ?
- Tu sais que tu as eu tort de ne pas choisir la Divination ? fit Effy avec un sourire en se dirigeant vers le comptoir.
Elle adressa un sourire à la serveuse qui avait appelé, mais elle le ravala bien vite lorsque la serveuse en question lui jeta presque le combiné en pleine tête et s’en alla vers une table avec une moue contrariée. Mais elle haussa les épaules et prit la communication, trop impatiente de savoir si Rose, James et elle allaient enfin avoir une piste pour réellement démarrer leur enquête.
- Allô, c’est Effy Peterson, j’écoute.
- Bonjour Effy, dit une voix très faible à travers le téléphone.
La jeune fille resta interdite un instant, interloquée par la faiblesse de la voix de Mme Winstead. Si elle ne savait pas qu’il s’agissait de la directrice de l’orphelinat, elle ne l’aurait même pas reconnue. Son attaque l’avait encore plus affaiblie qu’elle ne se l’était imaginé.
- Bonjour Mme Winstead, reprit Effy d’une voix hésitante.
Elle se rendit alors compte qu’elle n’avait pas réfléchi une seule seconde à la manière dont elle pourrait formuler sa demande. Prise au dépourvue, elle se sentit rougir brusquement et dut tenir plus fermement le combiné du téléphone, ses mains se mettant à trembler.
- Voilà, j’ai pris contact avec vous, parce que… parce que, il faudrait, enfin j’aurais besoin d’un renseignement.
- Je vous écoute.
- C’est-à-dire que… en fait… je suis à la recherche de mes parents, finit par annoncer Effy, optant finalement pour la méthode directe.
- Oui, bien sûr.
De nouveau, Effy eut un moment de flottement. Sans qu’elle ne sache pourquoi, elle s’était attendue à ce que sa demande ne vexe la directrice, et lui donne l’impression d’avoir été mauvaise pour elle, de ne pas l’avoir éduquée comme il le fallait… maintenant qu’elle y réfléchissait, au cours de sa longue carrière, Mme Winstead avait probablement eu à faire plus d’une fois à des enfants souhaitant retrouver la trace de leurs origines, de leur famille. Ce devait même être monnaie courante dans un tel établissement, elle n’était pas une exception.
- Vous souvenez-vous de mon arrivée, Madame ?
- Oh, le genre que l’on n’oublie pas. Un matin d’hiver. Il faisait un de ces froids ! Quand on t’a trouvée sur le pas de la porte, j’ai bien cru que tu étais morte d’hypothermie. Mais finalement, comme par magie…
La phrase resta en suspens. Effy se souvenait encore de l’entrée mémorable du professeur McGonagall dans le bureau de Mme Winstead. Si la directrice avait bien été forcée d’y croire lorsque sa pensionnaire était bel et bien partie pour Poudlard, elle ne s’y était jamais faite réellement. Pour cela en revanche, Effy était bien une exception dans sa carrière.
- Et il n’y avait rien d’autre ? Rien pouvant vous renseigner sur… sur moi, sur ma famille ? Des papiers, quelque chose ?
- Il y avait une lettre, oui. C’est comme ça qu’on a su ton prénom et ta date d’anniversaire. Mais je ne me souviens plus bien du reste…
- Il n’y avait rien d’autre rien d’écrit ?
- Il me semble, mais je ne m’en rappelle plus.
- Et où est-elle maintenant ?
- Dans les archives de l’orphelinat, bien sûr, on conserve tout.
- Puis-je y avoir accès ?
- Il faut être accompagné d’une personne agréée par l’établissement bien sûr, mais comme il a fermé, je ne sais pas si… tu comprends, je ne peux pas me déplacer.
- Non, bien sûr Madame ! s’empressa de répondre Effy.
- Tu devrais aller voir sur place, si on peut te renseigner. Si tu ne trouves rien, je me renseignerais pour avoir l’adresse du nouveau… mais il est plus petit, tous les enfants n’y ont pas été relogé, et je ne connais pas le deuxième.
- Ça ne fait rien Madame, c’est déjà très bien, assura Effy.
- As-tu besoin de quoi que ce soit d’autre ? s’enquit la vieille dame.
- Non, je crois n’avoir rien oublié Madame.
- Je vais te laisser, alors.
- Oui. Merci beaucoup Madame Winstead.
- Au revoir.
- Au revoir.
Effy remit le combiné en place et resta un moment face à l’objet, interdite, n’osant pas retourner voir Rose tout de suite.
Tout un tas de souvenirs d’enfance venait de lui sauter à la gorge. Elle n’avait pas entendu la voix de Mme Winstead depuis près d’un an déjà et elle savait que, désormais, elle ne retournerait jamais à l’orphelinat. Pourtant, elle n’avait pas l’impression que cette page de sa vie était définitivement tournée. Il manquait quelque chose. La trace de ses parents, la connaissance de son passé, bien sûr, mais il y avait encore autre chose, même si elle ne savait pas quoi.
Parler avec Mme Winstead et évoquer l’orphelinat à voix haute l’avait rendue nostalgique, bien qu’à aucun moment ce lieu ne lui ait manqué depuis qu’elle l’avait quitté pour de bon. Seulement, en cet instant, elle se sentait terriblement seule. Que Rose l’attende à quelques pas à peine, que Lisa et Georgie soient prêtes à sauter sur le premier Portoloin pour la retrouver en cas de problème, qu’Oliver et Brooke lui demandent régulièrement de ses nouvelles, que même James semble s’inquiéter pour elle à chaque fois qu’il la voit, tout cela n’avait guère d’importance. Rose, Lisa, Georgie, Oliver, Brooke, James, tous avaient une famille, tous avaient un endroit où retourner, tous avaient des gens avec qui partager leurs souvenirs. Elle, elle n’avait rien. Tout ce qu’il s’était passé à l’orphelinat, en particulier durant son enfance, tout cela n’appartenait à personne d’autre qu’à elle-même et à des enfants qu’elle ne reverrait jamais. C’était comme si pendant plus de seize ans, elle n’avait pas existé. Comme si elle n’était apparue que cet été, sans passé, sans histoire, sans souvenirs.
Et elle ne pouvait pas regarder vers le futur et tenter de construire quelque chose de nouveau, parce que son passé l’accaparait trop encore, parce que ses journées étaient faites du passé et pas de l’avenir.
- Vous avez fini avec le téléphone ? demanda soudain la serveuse peu aimable.
Elle parut se radoucir quelque peu en voyant une grosse larme rouler sur la joue d’Effy, mais ne se montra pas plus polie pour autant puisqu’elle attrapa le combiné sans aucune autre considération pour sa cliente. Cette dernière essuya donc rapidement son visage avec la manche de son gilet et rejoignit la table où Rose l’attendait, visiblement impatiente.
- Alors ? s’exclama-t-elle à peine Effy installée.
- Elle m’a confirmé qu’il y avait une lettre avec moi, quand on m’a retrouvée sur le perron de l’orphelinat. Et qu’elle est maintenant conservée dans les archives.
- Super ! On y va quand ?
- On peut y aller quand on veut, je crois, mais apparemment il faut être accompagné et elle n’est pas certaine qu’il y ait quelqu’un puisque le bâtiment est vide maintenant.
- Ça ne fait rien, on va y aller quand même, l’après-midi est à peine entamé.
Joignant le geste à la parole, Rose sortit de l’argent moldu de ses poches et le laissa sur la table en guise de pourboire avant de ramasser ses affaires, ignorant les protestations d’Effy qui n’avait même pas terminé son chocolat. Elle entraîna son amie avec elle et elles quittèrent le café, non sans que Rose ait jeté un dernier regard au serveur dont Effy ignorait toujours tout.
L’orphelinat n’était pas très loin de l’endroit où elles se trouvaient, aussi décidèrent-elles d’y aller à pied. Elles ne parlèrent pas beaucoup durant le trajet, chacune étant accaparée par ses pensées. Rose se torturait les méninges, essayant de construire un scénario plausible avec le très peu d’éléments qu’ils avaient réunis avec James, sans parvenir à un résultat plausible. Quant à Effy, elle ne cessait de ressasser de vieux souvenirs depuis qu’elle avait eu Mme Winstead au téléphone. Tout à coup, ses joues se tintèrent de rouge et elle s’empressa de baisser la tête et de couvrir son visage avec sa masse de cheveux -qui avait d’ailleurs bien besoin d’être coupée. Rose le remarqua quand même et fronça les sourcils, mais elle ne dit rien. Si Effy s’efforçait de cacher ce soudain rougissement, c’est qu’elle n’avait pas envie d’en parler pour le moment. Elle lui demanda seulement, un peu plus tard, si tout allait bien et tenta vaguement de lancer une conversation sur le beau temps, mais finalement, toutes deux replongèrent dans leurs pensées et n’échangèrent pas un mot jusqu’à leur arrivée devant l’immeuble délabré.
- C’est ici, dit Effy, voyant que Rose continuait d’avancer.
Rose n’avait en effet jamais vu l’orphelinat bien qu’Effy lui en ait déjà parlé. Lorsqu’elle leva les yeux et regarda le bâtiment qui se tenait devant elle, elle eut un frisson. Elle comprenait pourquoi son amie détestait cet endroit, et pourquoi il allait d’ailleurs être détruit. C’était une grande bâtisse grise, dont les façades étaient sales et abîmées. Il y avait des barreaux aux fenêtres et Rose lui trouva une furieuse ressemblance avec une prison. Mais son attention fut attirée par un écriteau posé en équilibre précaire sur la grande porte en bois.
- Regarde ! dit-elle à Effy en le pointant du doigt.
Les deux filles s’approchèrent. Elles virent qu’un énorme cadenas était posé sur la porte et que des chaînes en interdisaient l’accès. Sur la pancarte, il était écrit : « Défense d’entrer, risque d’effondrement ».
- Les archives ne sont sûrement pas là alors, si le bâtiment doit être démoli d’un moment à un autre.
- Mais je ne connais pas l’adresse du nouvel orphelinat, dit Effy en soupirant. Et je ne veux pas déranger plus encore Mme Winstead, avec sa santé…
- Qu’est-ce qu’on fait alors ? demanda Rose en se retenant de soupirer elle aussi.
Effy regarda la bâtisse une seconde puis ferma les yeux, essayant de se souvenir de l’entretien qu’elle avait avec Mr Flitwick lorsqu’il lui avait annoncé que l’orphelinat allait être déplacé. C’était inutile, elle le savait bien. Elle avait expliqué au moins dix fois à Rose que Mr Flitwick ne lui avait pas donné l’adresse et qu’elle n’était jamais venue la réclamer puisqu’elle avait su qu’elle n’y retournerait pas. Seulement, elle voulait donner l’impression à Rose qu’elle n’était pas qu’une empotée, qu’elle réfléchissait et essayait de trouver des solutions, elle aussi. Elle se sentait tellement stupide lorsqu’ils parlaient de leur enquête, avec James, tellement stupide de ne savoir absolument rien d’un passé qu’elle devrait pourtant connaître par cœur. Rose et James connaissaient toute l’histoire de leur famille, pouvaient tracer leur arbre généalogique du bout des doigts et lui raconter mille et une anecdotes. Mais elle, elle n’avait rien à raconter.
- Bon, on ferait mieux de rentrer, finit par dire Rose. Les gens vont finir par croire que nous sommes deux enfants ayant été oubliés lors du transfert !
Effy leva alors les yeux vers Rose et lui adressa un immense sourire.
- Mais voilà, c’est ça ! On va rester devant l’entrée. Quelqu’un va bien finir par se demander ce qu’on fait là et avec un peu de chance, on pourra nous renseigner.
- Tu penses vraiment que ça va marcher ? demanda Rose, sceptique.
- On peut toujours essayer.
Pendant un moment, Effy crut que Rose allait refuser, mais elle finit par hausser les épaules et monter quelques marches avant de s’asseoir. Effy s’empressa de faire de même. Pendant près d’une heure, elles s’appliquèrent à jeter des coups d’œil réguliers et soutenus vers le bâtiment devant lequel elles étaient assises, à se lever régulièrement et à s’approcher plus près encore en penchant la tête, espérant que quelqu’un comprendrait leur manège. Elles allaient renoncer, fatiguées d’attendre et ce d’autant plus qu’il commençait à se faire tard, lorsqu’un vieil homme vint vers elle.
- Vous cherchez quelque chose Mesdemoiselles ? demanda-t-il poliment.
- Oui, dit Rose, j’ai été pensionnaire de cet établissement jusqu’à l’année dernière et je voulais revenir aujourd’hui rendre visite à des amis qui y sont encore, mais j’ai vu qu’il avait été déplacé et je ne sais pas où.
Effy regarda son amie du coin de l’œil, impressionnée par sa capacité à mentir et à inventer des histoires qui tenaient la route en un quart de seconde. Si elle-même avait essayé, elle aurait rougi, bafouillé, et aurait fini par dire n’importe quoi.
- Les enfants ont été séparés, leur dit alors le vieil homme. Mais la plus grande partie a été relogée à seulement deux rues d’ici. Vous prenez la première à droite là-bas, puis vous tournez encore une fois à droite et vous y serez.
- Merci beaucoup Monsieur ! s’exclamèrent Rose et Effy en même temps.
Le vieil homme leur adressa un sourire puis reprit son chemin, tandis que les deux filles partaient dans la direction qu’il leur avait indiquée. Elles marchèrent d’abord, puis accélèrent peu à peu le pas avant de finalement se mettre à courir, grisées par ce qu’elles venaient d’apprendre. Maintenant qu’elles avaient l’adresse, il leur semblait que tout était à portée de main, qu’il leur suffisait d’entrer, de demander les archives, de récupérer la lettre et d’apprendre tout ce qu’elles voulaient savoir.
Quand elles arrivèrent devant le nouvel orphelinat, d’aspect extérieur bien plus attrayant que l’ancien, leur bonne humeur s’était cependant quelque peu dissipée. Si la lettre avait vraiment contenu toute l’histoire d’Effy, Mme Winstead lui en aurait sûrement parlé. Peut-être ne trouveraient-elles tout au plus qu’un indice. Mais un indice, cela serait toujours mieux que pas d’indice du tout.
- On entre ? demanda Rose.
- Allons-y.
Elles montèrent les quelques marches menant au perron et pénétrèrent dans le bâtiment. Effy fut immédiatement frappé par la ressemblance, de l’intérieur, avec l’institut qui l’avait vu grandir. Les mêmes longs couloirs froids, les mêmes couleurs sombres, la même impression que toute trace de vie avait désertée cet endroit. A ses côtés cependant, Rose ne paraissait pas être particulièrement affectée par l’ambiance, et Effy se demanda si la sensation de peur mêlée à la tristesse qui s’emparait d’elle n’était pas simplement psychologique.
Elle n’eut pas le temps de se poser davantage de questions car une dame perchée sur des talons hauts qui claquaient fort contre le carrelage venait vers elles. Elle était beaucoup plus jeune que Mme Winstead mais avait aussi l’air plus sèche et surtout, beaucoup plus stricte.
- Ce n’est pas l’heure des visites ! dit-elle à leur intention sans même les saluer.
- On ne vient pas visiter, répondit aussitôt Rose en lui lançant un regard noir.
Effy lui donna un léger coup de coude sans quitter la dame des yeux. Cette dernière avait déjà l’air suffisamment mal-aimable, il n’était pas utile de la provoquer en plus. D’ailleurs, elle rendit son regard noir à Rose, ce qui suffit à la faire se décomposer tandis que le visage d’Effy perdait de ses couleurs.
- Dans ce cas, vous pouvez vous en allez, dit la dame d’un ton très sec. C’est un orphelinat ici, pas un café.
- On vient pour ça, justement, dit Effy. On…
Mais le regard que lui adressa la dame, qui avait tourné sa tête vers elle et dont les sourcils étaient si froncés qu’ils se touchaient presque, l’empêcha de venir à bout de ce qu’elle voulait dire. Ce fut finalement Rose qui expliqua l’objet de leur visite à la dame :
- Mon amie a vécu pendant seize ans dans l’ancien institut, celui de Madame Winstead. Maintenant elle est chez moi pour l’été et l’année prochaine, elle aura un logement, mais elle aimerait retrouver ses parents et pour ça il faudrait que l’on regarde son dossier, dans les archives.
- Et vous pensez peut-être que je vais vous croire ?
- Etant donné que l’on vous dit la vérité, je pense oui, répondit Rose sans se laisser démonter cette fois-ci.
- Pauvre insolente ! siffla la dame. Si vous croyez que je vais vous laisser accéder aux archives, vous vous fourrez le doigt dans l’œil !
- Vous n’avez pas le droit de lui interdire ! s’exclama Rose en désignant Effy du doigt.
- Je vais vous montrer si j’ai le droit tiens ! Sortez d’ici tout de suite !
- VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT ! répéta Rose en haussant encore la voix.
Elle semblait être sur le point de perdre son sang-froid, et Effy remarqua qu’une de ses mains fouillait précipitamment la poche de sa veste. Comprenant ce qu’elle cherchait et dans quelle situation cela risquait de les mettre, elle s’empressa d’attraper Rose par le bras et de le serrer suffisamment fort pour l’empêcher de sortir sa baguette. La dame en profita pour fondre sur elles, les forçant à reculer.
- Sortez de mon établissement. Immédiatement !
Il était inutile d’insister pour le moment, même Rose l’avait bien compris. Mais de rage, elle ne put s’empêcher de lancer alors qu’Effy l’entraînait vers la sortie :
- Je plains les pauvres gosses qui doivent vous supporter espèce de vieille folle !
Les lèvres de la dame se pincèrent alors et elle se mit à rougir furieusement, avant de se mettre à hurler. Effy et Rose ne comprirent pratiquement pas un mot de ce qu’elle dit, mais Effy entendit distinctement le mot « police » et serra plus fort encore le bras de Rose avant de l’entraîner de force et de se mettre à courir. Au début, elle eut l’impression que la dame les suivait, ses hurlements parvenant toujours aussi forts à ses oreilles, mais ils finirent par faiblir au fur et à mesure que Rose et Effy s’éloignaient pour enfin s’estomper tout à fait. Les deux filles se laissèrent alors glisser le long d’un mur et restèrent un moment silencieuses, essoufflées par leur course effrénée.
Rose fut la première à parler, la voix encore un peu chevrotante :
- Je peux t’assurer qu’on va récupérer ton dossier, Effy. Et si on la recroise en chemin, je lui ferais bouffer toutes les archives !
(…)
Le soir même, elles dînaient chez les Potter. Ron avait une réunion avec les commerçants du Chemin de Traverse qui devait finir très tard le soir et Hermione ne terminant jamais avant sept heures, Harry leur proposa de passer chez eux où il avait, comme à son habitude apparemment, fait à manger pour tout un régiment.
Lily et Hugo sortirent très vite de table quand le repas fut terminé et disparurent à l’étage. James, Rose et Effy, attendirent un peu plus longtemps par politesse, mais lorsque l’occasion se présenta, ils filèrent à leur tour vers les étages. James les emmena dans sa chambre, où les deux filles devaient lui raconter leurs aventures de la journée. Tandis qu’il refermait soigneusement la porte derrière lui, Effy réalisa qu’elle n’y était encore jamais entrée. Elle était assez grande -si l’on comparait à la minuscule pièce qu’avait occupée Effy à l’orphelinat. Il y avait assez de place pour s’étaler au sol malgré la présence d’un grand lit et d’un bureau sur lequel s’entassaient des dizaines de parchemins en équilibre précaire. Mais l’attention d’Effy fut rapidement attirée par un pan entier de mur sur lequel étaient accrochées des dizaines de photographies sorcières. Sur l’immense majorité d’entre elles, il y avait les visages rieurs de Mike et Thomas, et Effy en fut d’ailleurs légèrement surprise parce qu’elle n’avait jamais soupçonné une amitié aussi forte entre ces trois-là. Mais il y avait aussi quelques clichés de groupe, prises notamment dans la salle commune des Gryffondor après une victoire au Quidditch, et Effy se reconnut d’ailleurs sur quelques-unes d’entre elles.
En revanche, il n’y avait pas une seule image représentant sa famille.
- Alors, du nouveau ? demanda James en s’asseyant au sol, imitant les deux filles.
- On pourrait, si on n’était pas tombées sur une dégénérée ! s’exclama Rose, dont la colère ne s’était apparemment pas dissipée.
Elle raconta alors à James l’épisode de l’orphelinat, et ce dernier se montra aussi indigné qu’elle l’avait été quelques heures plus tôt.
- Elle n’a pas le droit de faire ça ! s’exclama-t-il.
- Ça ne l’a pas empêché de le faire, pourtant, grimaça Effy. Et je ne pense pas que nous soyons les bienvenus.
- Ça, ça peut s’arranger, dit James avec un grand sourire.
- Tu as un moyen de rentrer sans qu’elle nous tombe dessus ?
- Oh oui. Par contre, je suppose que les archives seront fermées et qu’on ne pourra pas les ouvrir à la moldue, donc le mieux c’est d’attendre le 12.
- Le 12 ? Pourquoi le 12 ? demanda Effy.
L’expression du jeune homme se décomposa. Il se reprit cependant rapidement et parvint même à afficher un nouveau sourire, mais Effy avait eu suffisamment le temps de l’observer pour savoir que celui-ci n’était que de façade.
- Le 12, c’est mon anniversaire, je serai majeur, donc on pourra utiliser la magie.
- Oh je… pardon, dit Effy aussitôt.
Elle avait complètement oublié l’anniversaire de James. Pourtant, il organisait une fête chaque année et invitait en général toute leur année. Il prenait même le temps, à chaque fois, de lui envoyer une invitation, même si elle avait toujours trouvé une excuse pour décliner à l’exception de l’été précédent durant lequel elle se trouvait chez Lisa lorsqu’elles avaient toutes deux reçu le carton. Ça lui était complètement sorti de la tête. Et bien entendu, elle n’avait absolument rien à lui offrir.
- C’est pas grave hein, pas grave du tout ! assura James en riant avant de relancer la conversation sur l’orphelinat.
Mais Effy avait l’impression, en regardant ses yeux, que ça le touchait bien plus qu’il ne voulait le laisser entendre.
« 10 juillet 2022
Chère Georgie,
Tu as raison, Rose m’a bien donné quelques « pistes », si je puis dire, mais rien de bien concret. En fait, elle n’a pas l’air d’en savoir plus que ça. Elle m’a juste dit que James se comportait toujours comme ça avec ses parents et ses frères et sœurs depuis qu’il était entré à Poudlard, que ce n’était pas nouveau du tout. D’un côté, je me dis donc que je n’y suis pour rien, mais j’ai quand même envie de savoir, tu verrais, il est si… étrange. On dit que la curiosité est un vilain défaut, mais si j’ai l’occasion d’en apprendre plus, je la saisirais.
Avec Rose on était à deux doigts, cet après-midi, d’avoir enfin un indice. Il s’agissait de récupérer dans les archives de l’orphelinat une lettre qui a été déposé avec moi, il y a seize ans. C’était sans compter sur la nouvelle directrice qui est la personne la plus mal-aimable que je n’ai jamais rencontrée et qui a refusé tout net de nous laisser entrer. Je t’assure, au début j’avais bien envie de la frapper, elle était en train de me priver de notre seule piste pour retrouver mes parents ! Mais elle commençait à parler de police alors nous sommes parties et, finalement, James a dit qu’il connaissait un moyen pour nous de rentrer sans se faire voir. Par contre, comme on aura sûrement besoin de la magie, on va attendre le 12, il sera majeur.
A ce propos, j’avais complètement oublié son anniversaire… d’ailleurs Georgie, tu n’aurais pas une idée de cadeau ? Tu t’y connais mieux que moi concernant les garçons.
J’espère que tu vas bien et que tu ne t’ennuies pas trop, avec tes parents.
Je t’embrasse,
Effy »