« Aller chéri viens te coucher !

-Non je veux encore essayer.

-Tu es là-dessus depuis des heures, il faut te reposer !

-Laisse-moi encore quelques minutes, je suis sur le point de trouver ! »

Miranda soupira et monta l’escalier seule, se plongeant dans son lit froid, espérant que son mari ne tarderait pas trop. Depuis qu’il travaillait sur son projet, plus rien d’autre ne l’intéressait. Ni les plaintes de sa femme, ni les envies de ses enfants. Il passait ses journées dans ses livres, testant de nombreuses formules avec sa baguette magique, mais sans aucun résultat. Il cherchait à être connu, mais plus les mois passaient, plus il s’éloignait de sa famille. A trop vouloir en faire, il allait passer à côté de l’essentiel. Miranda ne parvenait pas à le raisonner. Chaque fois qu’elle tentait de lui en parler, il la repoussait d’un geste d’agacement. C’en était trop pour elle. 

Un peu perturbée par ses réflexions, elle finit finalement par s’endormir, tandis que son mari se préparait à une nouvelle nuit blanche. 

En effet, un étage plus bas, Archie se sentait euphorique. Il était sur le point de trouver, il en était certain. Il n’avait jamais cherché à créer un sort en particulier. Juste en créer un pour devenir célèbre. Il savait qu’il délaissait sa famille pour sa lubie, mais qu’importe ? Une fois qu’il deviendrait célèbre tout le monde l’acclamerait, et toute sa famille sera traitée avec les plus grands égards. Mais pour cela, il devait créer un sort, et ce n’était pas chose facile. Il avait tenté d’énoncer toutes sortes de formules ressemblant un tant soit peu à de la magie, mais il ne savait pas comment faire. Il cherchait à longueur de journée des explications dans ses livres. Comment les sorts sont-ils inventés ? D’après ce qu’il avait lu, chaque sort possède une origine différente : ils ont été trouvés à force d’acharnement ou simplement par hasard. Les charlatans ! Comment peut-on trouver un sort au hasard ? On tend sa baguette, on dit n’importe quoi, et une lueur surgit ? Non, ces personnes ont certainement dû travailler d’arrache-pied, et se sont ensuite vantées d’avoir trouvé facilement pour ne pas montrer leur acharnement à devenir célèbre ! De toute façon, Archie n’avait pas le courage d’attendre qu’un sort lui tombe entre les mains. Alors il travaillait en vain.

Mais depuis quelques heures, la pomme posée face à lui sur la table, au sommet d’une pile de livres de toutes sortes, semblait frissonner dès qu’il lui lançait un sort de son cru. Il n’était pas loin du but il en était certain. La formule était presque prête, il suffisait de trouver la bonne manière de l’énoncer. Durant plusieurs heures il s’essaya en vain, transformant peu à peu sa formule.

« Ecco, Ecca, Acca, Acce, Acco… ». 

La pomme frétillait toujours, mais ne bougeait pas de son piédestal. Archie, fatigué de sa malchance, lança sa baguette à travers la pièce. Celle-ci rebondit sur le canapé et partit se perdre sous un meuble. Archie pesta et ne daigna pas se lever pour aller la chercher. Il restait immobile, face à cette pomme de malheur.

« Tu ne veux pas bouger hein ? »

La pomme ne répondit pas. Archie s’en amusa presque. Il aurait aimé inventer un sortilège de langage, permettant à n’importe quel objet de pouvoir parler. Mais il n’en était pas là. Il n’était bon à rien. Même pas à faire bouger une saleté de pomme.

Soupirant, il se résigna à aller se coucher. Il ne servait plus à rien de toute façon. Il se glissa lentement sous les draps. Miranda ronflait à ses côtés, elle devait dormir depuis longtemps. Elle lui en voulait c’était certain. Des jours qu’elle ne lui parlait pratiquement plus, qu’elle ne l’embrassait plus, qu’elle ne le touchait plus. Il ne pouvait l’en blâmer c’est elle qui avait raison. Mais elle devait comprendre que c’était important pour lui. C’était surement difficile, mais tant pis. Cela ne durerait pas longtemps. Enfin il l’espérait, mais en réalité il n’en savait rien.

Cette nuit là, Archie ne dormit pas beaucoup. Il se retourna pendant des heures dans son lit sans trouver sa place. Finalement au petit matin, ce sont ses enfants qui le réveillèrent par des cris. Pourquoi se levaient-ils aussi tôt ? C’était les vacances ils devraient en profiter. Mais les enfants n’en profitaient jamais. Tous les matins ils entraient dans la chambre de leurs parents et sautaient sur le lit jusqu’à ce que ceux-ci se réveillent. 

Une fois de plus, Miranda se leva la première et emmena ses enfants dans la cuisine pour le petit déjeuner. Pas un regard vers son mari. Celui-ci ne se leva même pas pour aider sa femme. Il préféra rester couché à les entendre crier dans la cuisine. Il n’était pas d’humeur à supporter leurs caprices. 

Miranda vint le réveiller une heure plus tard, il avait dû s’endormir sans s’en rendre compte.

« Bon écoute on va chez mes parents. J’imagine que tu veux rester ici ? »

Archie senti la rancune profonde dans la voix de sa femme, mais n’eut pas le courage de la contredire.

« Très bien comme tu voudras. Il y a des courgettes dans le frigo pour ce midi. Débrouille-toi. »

Miranda n’attendit pas qu’il réponde et descendit chercher ses enfants. De son lit, Archie les entendit transplaner. Il soupira profondément avant de se lever. Il n’avait même pas parlé à ses enfants avant qu’ils ne partent. Tant pis, il se rattraperait plus tard. 

Sa journée se passa comme toutes les précédentes : recherche du sort, repas, recherche du sort, sieste, recherche du sort. Il était fatigué, si bien qu’il s’endormit sur ses livres. A son réveil, Marles, son fils de huit ans, se tenait à ses côtés. 

« Salut mon grand ! Alors c’était bien avec papy et mamie ? 

- Non.

-Pourquoi ?

-Ils ont demandé où tu étais, et maman a pleuré. »

Archie se redressa sur sa chaise. Marles semblait vraiment peiné par cette situation, et il en était le principal responsable. Il se retourna et croisa le regard de sa femme, occupée à faire la vaisselle du midi qu’il avait seulement déposé dans l’évier. Les éclairs qu’il vit dans son regard lui fit baisser la tête. Il était honteux. 

Pour tenter de se rattraper, il demanda à son fils s’il voulait l’aider dans son travail. Celui-ci accepta, tandis que son frère et sa sœur partaient jouer dans le jardin. 

Archie montra à son fils ses gribouillages, sur lesquels s’entassaient de nombreuses formules loupées. Marles regarda avec attention, mais semblait plus intéressé par la baguette magique. Il n’en possédait pas encore mais attendait sa lettre de Poudlard avec impatience, et principalement les courses pour les fournitures scolaires. 

Archie soupira, et laissa son fils s’amuser avec sa baguette le temps qu’il prenne une petite douche. Il n’en avait pas prit le matin, n’en voyant pas l’utilité. Mais il devait montrer le bon exemple à ses enfants. A peine eu-t-il passé la porte de la salle de bain, qu’un bruit sourd se fit entendre dans la salle à manger, suivi d’un cri de Miranda. Archie se précipita, et découvrit Marles tombé au sol, la baguette à la main, la pomme posée non loin de lui. Miranda était accroupie à côté de lui et lui soulevait la tête. Des larmes coulaient le long de son visage. 

« Que s’est-il passé ? S’enquit Archie.

-Je n’en sais rien ! Il prononçait les formules que tu as écrit sur ton carnet, et d’un seul coup il est tombé ! »

Archie tourna la tête vers son bureau, à l’autre bout de la pièce. La pomme n’y était plus.

« Maman ?

-Marles mon bébé ! Tu as mal quelque part ?

-A la tête ! »

En effet, une bosse commençait à ressortir sur la tempe de l’enfant. Miranda emmena son fils dans la salle de bain pour lui appliquer de la pommade miracle. Pendant ce temps, Archie resta seul dans la salle à manger, penaud. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, la vérité semblait la seule issue possible : Marles avait été assommé par la pomme. Mais comment la pomme avait-elle pu traverser la pièce, à une vitesse assez élevé pour l’assommer ? Avait-il réussit à inventer un sortilège d’attraction ? Si c’était le cas, ils allaient devenir célèbres ! Enfin ! Ses réflexions restaient hypothétiques pour le moment. Il devait attendre que son fils lui explique avant de sauter des étapes. Mais il était trop euphorique pour ça. Il grimpa l’escalier et frappa à la porte de la salle de bain.

« Tout va bien ?

-Oui. »

Cinq minutes plus tard la porte s’ouvrit. La tempe de Marles semblait encore douloureuse, mais la bosse avait pratiquement disparue. Miranda ne leva pas les yeux vers son mari et s’éloigna rapidement, suivi de Marles.

« Chérie attends ! »

Tous deux se retournèrent.

« Je peux parler à Marles ?

-Qu’est-ce que tu lui veux ?

-Je veux juste savoir ce qu’il s’est passé.

-Je ne sais pas papa. Je jouais avec la baguette, et d’un coup je me suis pris la pomme dans la tête.

-C’est ton frère ou ta sœur qui l’a lancée ?

-Non. Je crois…je crois que c’est moi qui l’ai fait venir.

-Comment ?

-Avec la baguette.

-Tu peux me montrer ? »

Miranda, qui avait suivi toute la discussion sans broncher, s’énerva soudain. 

« Bon écoute ça suffit maintenant. Il doit aller se reposer, laisse-le tranquille avec tes histoires.

-Miranda tu ne comprends pas, je crois qu’il a inventé un sortilège d’attraction !

-Et alors ?

-C’est ce que j’attends depuis des mois ! Le sortilège d’attraction tu imagines ? On va devenir célèbres ! »

Miranda sembla se calmer légèrement.

« Tu…tu es sûr ?

-Oui ! Je t’assure ! »

Miranda se tourna vers son fils.

« Marles, tu veux bien nous montrer ? »

Marles entraîna ses parents dans la salle à manger. Archie lui tendit sa baguette et l’enfant se promena dans la salle avec. Il montra à ses parents le chemin qu’il avait fait, jusqu’à ce qu’il vise la pomme de la baguette.

« Et qu’as-tu dit ? demanda son père

-Ce qu’il y a écrit dans ton carnet.

-Tu as prononcé tous les mots ?

-Oui.

-Quel est le dernier que tu aies prononcé ? »

Marles montra le dernier mot écrit sur le carnet : Acco. Bizarre, se dit Archie, ce sort n’a pas marché l’autre fois. Il prit la baguette et tenta la formule sur un morceau de pain trainant sur la table. Rien ne bougea. Qu’est-ce que son fils avait-il bien pu faire de plus que lui ? Puis une idée lui vint. Il montra le mot à son fils et lui demanda : 

« Qu’est-ce que tu lis là ?

-Bah, Accio pourquoi ? »

Archie sentit son cœur s’accélérer. Une lettre. Une seule lettre de plus. Etait-elle le seul barrage à la validité du sort ?

Lentement, Archie replaça la baguette entre ses mains et la tourna vers le morceau de pain, avant de prononcer le mot « Accio ». Il y eu un moment de flottement pendant lequel rien ne se passa. Puis le bout de pain se souleva de la table, et se dirigea droit vers Archie, Miranda et Marles, qui eurent juste le temps de se décaler pour l’éviter. Le bout de pain tomba à leurs pieds.

Miranda et Archie se regardèrent, la bouche grande ouverte, sans oser parler. Avaient-ils réellement vu la même chose ? 

Puis au bout de quelques secondes, l’euphorie les empara. Miranda sauta dans les bras de son mari. Archie la serra contre lui de toutes ses forces. Marles, ne comprenant pas trop pourquoi ses parents étaient aussi heureux, hésita un peu avant de rire avec eux. Anna et Nathan, entendant des éclats de voix firent leur entrée dans la salle à manger. Ils ignoraient ce qui avait pu se passer.

Calmement, Archie et Miranda assirent leurs enfants autour de la table. Ils leur expliquèrent ce qu’il venait de se passer. Les enfants eurent du mal à se rendre compte de la portée de cette découverte, ils étaient encore trop jeunes. Tous trois repartirent jouer dans le jardin, tandis que leurs parents restèrent à table à se regarder droit dans les yeux. Archie fut le premier à prendre la parole.

« Je suis désolé. Pour tout ce que je vous ai fait subir.

-Moi aussi. »

Tous deux se levèrent et s’embrassèrent, heureux de se retrouver après tant de semaines d’éloignement. Leurs mains se joignirent, leurs corps se rapprochèrent. Une nouvelle union naquit entre eux, qui ne devait jamais s’éteindre. 

Après plusieurs semaines de réflexion, ils décidèrent finalement de garder l’anonymat concernant ce sortilège, afin de sauvegarder leur famille. Archie renonça à sa célébrité. Il aurait le temps de s’en préoccuper lorsque ses enfants seraient plus âgés. Il avait inventé un sort ! Il avait la reconnaissance de sa famille et cela lui suffisait amplement. 

La formule du sort fut confiée à leurs amis proches, et ensemble ils décidèrent de la rendre public, tout en respectant l’anonymat de la famille. Plus tard, ce sortilège d’attraction sera enseigné à l’école, et deviendra le quotidien de chaque famille pratiquant la sorcellerie. Archie, Miranda et leurs enfants purent vivre comme une famille normale tout le restant de leur vie. Mais une chose les différenciait, et les différenciera toujours : ils avaient inventé un sortilège.