Ce n’était pas la peur qui la tétanisait ainsi. Marlène n’avait plus peur depuis longtemps. C’était le désespoir, peut-être aussi le regret. Mais surtout, c’était la sensation sournoise et saisissante d’être abandonnée, d’être seule face au monde. Dans ce cachot humide et sombre, c’est ce qu’elle était. Perdue, toute petite, trop fragile derrière cette porte de fer, ses grandes barres métalliques qui lui mordaient les paumes dès qu’elle les agrippait.
Souvent, la jeune sorcière essayait de trouver quelque chose, quelque chose pour mettre fin à sa vie. Sa famille n’était plus. Morte, lâchement assassinée. Son père et sa mère, tous les deux la face écrasée sur le plancher du salon. Et sa petite sœur, Mary, si jeune et si fragile, toute pétillante de vie. Elle revoyait son corps tordu, désarticulé, elle revoyait son bras prendre un angle bizarre et sa jambe qui se repliait mollement sous son corps étendu. Elle venait tout juste de rentrer à Poudlard. C’était une fillette bien trop intelligente pour son âge, et trop jolie. Même étendue dans la salle-de-bain, sur le tapis imbibé de son sang, elle restait belle.
Une larme lui échappa. C’était de sa faute, tout ça. Sous les ordres de son père, elle avait emmené sa sœur dans la salle d’eau et s’y était cachée. Idiote, irréfléchie. Elle, un membre de l’Ordre, une sorcière compétente qui avait su faire ses preuves. Elle, si paniquée, si perdue qui n’avait su protéger sa famille. Oui, tout ça était de sa faute. Sa faute à lui.
Pourquoi était-ce lui qu’on avait envoyé ? Pourquoi avait-elle été incapable de lui lancer le moindre sortilège ? Tant de questions et si peu de réponses… On la laissait, dans cette cave moisie, dans sa robe trop légère pour l’air trop frais de sa cage. Depuis plusieurs jours, elle était retenue. Plusieurs jours ou plusieurs heures ? Qu’en savait-elle au fond ? Tout ce dont elle était sûr, c’est que ça faisait trop longtemps, bien trop longtemps. Ils l’affaiblissaient. Ils testaient sa résistance, attendant le moment où elle abandonnerait pour la faire remonter à la surface et essayer de lui soutirer le plus d’informations possibles. Dans le noir, la tête collée contre le mur, Marlène ricana. S’ils pensaient qu’elle se laisserait faire, qu’elle leur avouerait tout… Eh bien, ils se trompaient, ils se trompaient vraiment. Si Marlène savait bien une chose, c’était qu’elle ne sortirait pas vivante de cette prison. Mais les autres, ses amis, ses proches, ceux qui se battaient pour le bien, tous ceux-là avaient encore une chance de vivre, une chance de vaincre. Et ce n’était pas elle, petite et fragile Marlène McKinnon qui allait leur prendre cela.
« Qu’ils essayent… » murmura-t-elle dans le noir, dernier défi à un geôlier invisible.
La sorcière ramena ses poignets amaigris et ses mains abîmées d’avoir gratter et cogner la roche contre son torse. Elle appuya un peu plus sa tête contre la pierre glissante et laissa son souffle erratique faire de la buée dans l’air glacé. Elle regarda sa petite robe à fleurs, hier encore, elle n’était qu’une petite fille, qu’une jeune femme qui se battait sans vraiment comprendre la douleur. A présent, elle était cet être à la peau sale et aux cheveux collés par la transpiration et l’humidité. Elle n’avait plus rien de sa crinière brune et de son regard pétillant. Elle n’avait plus rien de cette jolie sorcière qui s’était laissée tentée par l’amour.
Comment avait-elle pu ? Souvent, elle entendait Sirius, son ami, son confident qui se moquait gentiment d’elle. L’amour, ce n’est pas pour nous, répétait-il. Nous n’avons pas le droit, nous ne pouvons pas. C’est trop tard Marlène, trop tard pour connaître tout ça. L’amour, c’est… c’est qu’une connerie. Oublie-ça, tu veux ?
Oh, s’il avait su ce qu’elle avait fait, s’il avait été au courant de toutes ces choses mauvaises, toutes ces traitrises et ces abjects secrets qu’elle avait gardés ! Un instant, Marlène ferma les yeux. Au plus profond d’elle, elle demanda pardon à sa famille, pardon à son mentor à ses amis, pardon à Sirius. Au final, elle n’aurait pas dû avoir cet espoir idiot, cet espoir naïf de croire que le monde n’était pas soit blanc, soit noir. Les gens peuvent changer, il y a du bon en chacun de nous… Juste d’y penser, elle eut envie de vomir. L’amour, c’est qu’une connerie. Et Marlène s’était faite avoir.
« Epouse-moi. »
La réponse qui suivit fut étranglée, avalée et toussée. Marlène, venait de s’étouffée avec son thé et il n’y avait pas pire sensation que l’eau brûlante qui se coince dans la gorge et qui remonte par les narines.
Assise sur le canapé confortable d’une chambre des Trois Balais, habillée d’une simple chemise, la sorcière reprit son souffle. Elle posa la tasse sur la petite table basse devant elle puis se tourna vers l’homme qui était à ses côtés. Il la fixait, sérieux et convaincu comme jamais. Ses yeux sombres se perdaient dans les siens et elle vit le coin de ses lèvres tressaillir. Il avait envie de rire, sûrement parce qu’elle devait être ridicule ainsi. Tendrement, il remit une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille et Marlène rougit à ce contact. Elle le regarda, profitant de sa beauté et de son sourire éphémère. Il était si beau au réveil, ses cheveux noirs se hérissant avec désinvolture sur sa tête et sa chemise déboutonnée qui laissait entrevoir un torse parfait. Ce qu’elle aimait le plus chez lui, c’était son nez aquilin et ses lèvres fines qui s’étiraient en un parfait sourire. Ça, elle était la seule à le voir, elle le savait. Ce qu’elle savait aussi, c’était qu’au réveil elle pouvait saisir ses petits détails, ces petits riens qui faisaient de lui un homme et pas une machine à tuer. Rien qu’au réveil.
« Je reformule, fit Kenneth d’un ton assuré. Marlène McKinnon, voulez-vous m’épouser ? »
Elle le fixa encore un peu, perdue et heureuse à la fois. Ce n’était pas possible, c’était même inenvisageable. Elle devait rêver, oui, c’est ça. Rêver. Aussi fort qu’elle le put, Marlène se pinça le bras mais rien ne se produisit. Elle restait assise sur ce canapé délavé et Kenneth continuait à tordre ses doigts de gêne et d’appréhension.
Voyant qu’elle restait figée, une réponse suspendue aux lèvres, l’homme s’empressa d’ajouter :
« On pourrait partir, juste toi et moi. J’en ai marre de tous ces secrets, cette guerre idiote. C’est vrai que je partage ses idéaux mais de là à tuer, massacrer, piller sans répit… J’en ai juste assez. J’ai encore eu des nouveaux ordres, nouvelles missions. Et si on partait, je ne serais plus obligé d’être… d’être un monstre. »
Il baissa le regard et Marlène sentit toute la détresse que renfermait son cœur.
« Mais… j’ai l’Ordre, j’appartiens à l’Ordre et toi tu…
- Je sais, je sais tout ça Marlène ! Mais juste un instant, on pourrait oublier, tous les envoyer promener et penser à nous. Je… Je ne pourrais être heureux qu’avec toi. Et dans notre monde, dans cette ville et dans cette guerre, il n’y a aucune issue, aucune façon d’être ensemble.
- Je suis perdue, bafouilla la sorcière, surprise.
- C’est pourtant simple. Je t’aime Marlène. »
Il marqua une pause, cherchant dans ses yeux le moindre signe de peur ou de refus avant d’ajouter :
« Epouse-moi. »
Silencieusement, la jeune femme hocha de la tête et se glissa jusqu’à son amant. Elle s’installa contre lui, profitant de la chaleur de ses bras qui enserrèrent sa taille. Avec légèreté, elle embrassa ses lèvres, un baiser chaste et timide, pas comme ces baisers qu’ils échangeaient le soir, quand ils faisaient l’amour. Non, un baiser tendre, un baiser qui voulait dire oui.
Bercée par l’homme qu’elle aimait, Marlène se sentit glisser vers le bonheur. Elle avait l’impression de pouvoir tout accomplir, tout lui semblait possible. A cet instant, elle se disait que si un Mangemort pouvait aimer, aimer une sorcière de l’Ordre, alors tout était possible.
Cela faisait des heures qu’il entendait ses cris de douleur, qu’il l’entendait supplier, hurler qu’on l’achève. Le Maître n’était pas encore venu, tous attendaient sagement que les dernières barrières, les dernières protections de McKinnon s’effondrent. Mais il n’en était rien, elle continuait à hurler, continuait à se débattre, à implorer.
Plusieurs fois, il avait tenté d’arrêter tout ça, de trouver une excuse bidon pour se retrouver seul avec elle. Pourquoi n’étaient-ils pas partis ? Il l’avait pourtant prévenue ! Et à présent, elle allait mourir. Si seulement il l’avait tuée plus tôt… A cette pensée, il eut envie de vomir. Il devrait le faire, il allait devoir le faire. Et si à présent elle hurlait, si elle souffrait au point de vouloir en finir, c’était de sa faute. Parce qu’il avait été faible, parce que, face à ses grands yeux bleus, il était redevenu lui, l’homme qui l’aimait, l’homme qu’elle aimait. Jusqu’où allait son idiotie ? Comment avait-il pu penser un instant qu’en l’épargnant et en l’amenant ici, elle pourrait vivre ? Il aurait dû le faire quand il en avait l’occasion, il aurait dû l’abattre, il aurait dû…
Kenneth secoua la tête. Ces questions n’arrêtaient pas de tourner, encore et encore dans sa tête. Il allait exploser. Un autre cri et sa main se crispa autour de sa baguette.
«Ça fait des heures qu’elles sont là-dedans, souffla-t-il à Rosier qui revenait de la pièce où elle était détenue. Elle n’en a toujours pas fini ?
- C’est que cette petite traînée est résistante, grinça-t-il mécontent. Elle n’a rien dit et je pense qu’elle ne dira rien.
- Alors pourquoi continuer ? Il n’y a pas plus important à faire ?
- Bah ! Laissons Bellatrix se défouler sur elle en attendant que le Maître arrive. Quand il sera là, elle avouera tout plus facilement. Bien plus facilement… »
Kenneth acquiesça dans un sourire forcé. Les mains dans le dos, il se tourna vers la fenêtre et regarda au loin, le paysage brumeux et triste.
« Au fait, fit alors Rosier en posant une main sur son épaule. Bravo pour ton initiative, tu as vraiment fait du bon boulot. »
Le sorcier aurait voulu le frapper, vraiment. Comme un moldu, comme un homme, il aurait voulu abattre violemment son poing dans la figure de Rosier, lui briser le nez et quelques dents au passage. Il aurait voulu lui crier de la relâcher, de ne plus jamais l’insulter. Il aurait voulu lui ordonner de libérer sa femme.
Instinctivement, Kenneth porta la main à la poche de son pantalon, là où il gardait toujours précieusement son alliance. Ils avaient fini par se marier, un jour ensoleillé et plein de vie. Un jour merveilleux. Ils l’avaient fait en secret, personne n’était au courant. Kenneth déglutit difficilement. Encore maintenant, il se souvenait de ses longs cheveux bruns retenus par un savant chignon. Elle y avait glissé des fleurs des champs, pleines de couleurs et de formes étonnantes. Sa longue robe blanche moulait parfaitement son corps et glissait sur ses hanches dans une harmonie parfaite. Elle était parfaite.
Il se sentait ridicule de penser comme ça mais le jour de leur mariage avait été le plus beau de sa vie. Il y avait cru. Un instant, il avait cru que le bonheur leur était accessible, qu’ils avaient enfin le droit d’être heureux. Et puis il avait reçu l’ordre, un ordre indiscutable qui venait du Maître, un ordre auquel il avait obéit, sans aucune hésitation.
Un cri raisonna encore dans la grande salle et un Mangemort assis un peu plus loin bougonna :
« Elle pourrait pas la torturer en silence ? Je sais pas moi, qu’est-ce que ça lui coûte de lancer un Assurdiato ? »
Soudain, Bellatrix sortit de la pièce, trop heureuse mais exténuée. Elle était jeune pour tenir le rôle de bourreaux. Et pourtant, Goyle lui avait laissé la place au bout de dix minutes à peine.
« Il faut que quelqu’un la surveille pendant un instant, grogna-t-elle, sa seule façon de s’exprimer. Je dois aller prévenir le Maître qu’elle ne tiendra pas plus longtemps. Igor ? »
L’homme qu’elle venait de nommé releva la tête, visiblement mécontent d’être dérangé dans son activité pour être simple gardien. Kenneth en profita pour se glisse jusqu’à Lestrange et se proposa. Sans vraiment lui laisser le temps de répondre, il s’engouffra dans la pièce exiguë et ferma la porte derrière lui. Il attendit encore un peu, l’oreille plaquée contre la porte et lorsqu’il entendit les pas de Bellatrix s’éteindre au loin, il se retourna.
Ce qu’il vit lui donna la nausée et il retint un haut-le-cœur pour ne pas vomir. Son épouse baignait dans son propre sang, écorchée de partout, des entailles barrant sa peau pâle. Elle était allongée, face contre terre, et respirait difficilement. Il voyait son dos se soulever puis s’affaisser avec difficulté, comme si chaque inspiration était un supplice. D’un geste de la main, Kenneth lança un sortilège de silence sur la salle et se précipita vers la femme qu’il aimait.
« Marlène ? Marlène, tu m’entends ? »
Il se précipita vers le corps inerte et s’agenouilla à ses côtés. Avec toute la précaution du monde, il la retourna et posa sa tête sur ses genoux. Ses cheveux trempés de sang, laissèrent sur sa joue une marque sombre. Elle avait le souffle court et les joues rouges. Son nez était cassé et sa lèvre fendue. Kenneth coinça une mèche de ses cheveux derrière son oreille, un geste irréfléchi, comme il avait tant l’habitude de le faire. Marlène entrouvrit les yeux et murmura :
« Kenneth, c’est bien toi ?
- Oui… chuchota-t-il paniqué, tout en lui caressant tendrement la joue. Oui, c’est moi. »
Elle articula quelque chose mais aucun son ne sortit de sa gorge. Elle fut secouée par des convulsions et sembla s’étouffer un instant. Paniqué, Kenneth la prit contre lui et commença à la bercer. Il ne savait pas quoi faire, il avait peur de la perdre. Egoïstement, il ne voulait pas la laisser s’en aller, il ne voulait pas qu’elle l’abandonne.
D’un geste maladroit, Marlène retira l’anneau qu’elle portait à l’annulaire. Le Mangemort n’eut aucun mal à le reconnaître car c’était celui qu’il lui avait passé au doigt quelques semaines plus tôt. Elle le lui tendit, l’obligeant à le prendre. Il savait ce que ça signifiait. En mettant cet anneau dans sa poche, c’était une promesse qu’il lui faisait. La promesse qu’il n’aimerait qu’elle, qu’elle resterait à jamais dans son cœur.
Marlène convulsa encore en tentant de dire quelque chose et l’homme fut pris de sanglots incontrôlables. Aucune larme ne coulait sur ses joues. La peine, elle était à l’intérieure. Bien plus grande, bien plus douloureuse que tout ce qu’il avait connu. Il se pencha sur elle et la serra fort contre lui. Il posa son front contre le sien, grimaçant de douleur.
« Je suis tellement désolé, Marlène. Oh si tu savais comme je suis désolé !
- Tu… elle marqua une pause, comme pour retrouver sa voix. Tu as tué ma famille.
- Je sais… je sais… »
Il plissait tellement les yeux qu’il en avait mal. Ses mains étaient engourdies de la serrer si fort. A ce moment, il aurait voulu mourir, disparaître pour ne pas faire face aux atrocités qu’il avait commises.
« Déteste moi, je t’en supplie. Hais-moi, Marlène, reprit-il entre deux sanglots. »
La jeune sorcière porta une main sur sa joue et le regarda tendrement. Elle lui adressa un semblant de sourire qui ressemblait plus à une grimace de douleur.
« Ça ira, lui confia-t-elle. Tout ira bien.
- Je t’aime. »
Plus qu’un murmure, c’était une déclaration silencieuse. Kenneth le lui chuchota si faiblement qu’il n’était même pas sûre qu’elle le comprenne. Il voulait le lui dire, encore et encore. Je t’aime. Lui, le Mangemort, le Sang-pur qui n’avait pas le droit d’aimer, lui qui haïssait le monde entier, qui tuait sans regarder le visage de ses victimes. Plus que tout, il aurait aimé lui confier à quel point elle comptait, à quelle point elle était importante. Mais il l’avait tuée, des droits, il n’en avait plus.
Dans la grande salle, des bruits se firent entendre. Ils n’avaient plus beaucoup de temps. Seule Marlène sembla réagir. D’un coup, elle agrippa la chemise de Kenneth et se hissa un peu plus vers lui.
« Kenneth… dit-elle, cherchant dans ses pupille la moindre réaction. Kenneth !
- Oui ?
- Tue-moi. S’il-te-plaît, si tu m’aimes, si tu m’as un jour considérée comme ta femme, alors tue-moi. »
Le sorcier faillit s’étrangler. Pour une fois dans sa vie, il allait devoir être courageux. Pour une fois dans sa misérable vie, sa victime ne mourrait pas face contre terre pour qu’il ne puisse pas voir son visage. Cette victime-là aurait un visage, le sien, à elle.
D’un geste imperceptible, il hocha la tête. Une dernière fois, il se pencha sur elle et lui embrassa le front. Il avait mal, pire que ça. Il avait l’impression de ressentir ses souffrances, d’être à sa place, étendu et baignant dans son sang. Il aurait voulu l’embrasser encore et encore, la garder contre lui et demander à ce qu’on les tue tous les deux. Une larme s’échappa et coula sur la joue de Marlène. Elle semblait apaisée, comme prête à partir. Elle allait retrouver sa famille, elle allait enfin dans un monde meilleur.
Kenneth se redressa et l’allongea délicatement par terre. Elle était si faible, si fragile qu’une simple pression semblait pouvoir la casser. Elle était là, sa femme belle et envoutante, une personne pleine de malice, pleine de vie. Le plus belle de toute, celle dont le sourire était inégalable. Kenneth le savait, il aurait dû faire plus attention, il n’aurait pas dû franchir les limites.
« Kenneth ? fit alors la petite voix de Marlène, brisant le silence triste qui stagnait dans la pièce.
- Oui ?
- Ça ne fera pas mal, hein ? Tu promets ?
- Promis. »
Lentement, il sortit sa baguette de sa manche. Il repensa alors à tous ces moments de bonheur qu’il avait vécu avec elle, tous ces éclats de rire, ces rêves qu’ils avaient partagés.
« Je peux te poser une dernière question ? bafouilla la jeune femme.
- Dis-moi. »
Sa voix était trop tendre, trop remplie d’amour pour un bourreau qui était sur le point d’achever sa victime.
« Voudras-tu m’épouser ?
- Pardon ?
- Dans une autre vie, tu voudras m’épouser, encore une fois ?
- Toutes les fois que tu voudras. »
Marlène sourit et le cœur de Kenneth se déchira encore un peu plus.
« J’espère qu’on sera heureux… avoua-t-elle entre deux toux douloureuses. Comme on aurait dû l’être.
- Je sais qu’on le sera, Marlène. »
Sa voix était grave et se brisa sur le nom de sa femme. Son poing serré autour de sa baguette, il serra les dents et refoula les larmes qui menaçaient de couler. Il attendit qu’elle ferme ses grands yeux bleus et qu’elle expire une ultime fois.
Lorsque le sort vert la frappa, son corps se raidit dans une convulsion puis retomba inerte. Dans un instant, il irait chercher de l’aide car la prisonnière s’était évanouie et qu’il ne trouvait plus son pouls. Dans quelques secondes à peine, il allait redevenir l’homme qu’il était, ce monstre sans conscience, aux idéaux meurtriers et à l’âme aussi noire que sa cape. Mais encore un peu, il voulait voir celle qu’il avait aimée et qu’il aimerait pour toujours.
Kenneth Travers rangea sa baguette et serra dans sa poche les deux alliances enfin réunies. D’une voix triste, il murmura dans l’obscurité :
« Oui, un jour, nous serons heureux. »