– Tes parents travaillent bien tard, ce soir.

Elle regarde sa montre en tapotant le rebord de la fenêtre du bout des doigts. La machine à l’étage fait un terrible boucan, ce qui veut dire que son mari aussi travaille tard.

Cédric n’est pas bien grand, il vient de fêter ses quatre ans. Il ne comprend pas tout, mais il sait que ça agace Mrs Lovegood, tout ça.

Il retourne à ses jouets. Sa mère les lui a mis dans son sac ce matin avant d’aller à l’école. Elle lui a dit que ce serait la voisine qui irait le chercher à la sortie parce qu’elle aurait beaucoup de travail à l’hôpital. Cédric a eu le temps de prendre son goûter et son bain déjà, et sa mère n’est toujours pas là. Il se demande s’il va devoir dîner ici et il a un peu peur : il n’aime pas beaucoup les soupes de Mrs Lovegood.

Soudain, Cédric n’entend plus que le plancher craquer à l’étage : Mr Lovegood doit être en train d’effectuer quelques réglages. Puis la machine redémarre. Elle est encore plus bruyante qu’avant mais elle ne parvient pas à réveiller le bébé qui dort paisiblement dans son couffin à côté de la cuisinière.

– Ils ne devraient plus tellement tarder maintenant.

Mrs Lovegood regarde encore sa montre avant d’aller surveiller la soupe qui mijote sur le feu.

Cédric n’est pas bien grand, il vient de fêter ses quatre ans. Il n’a pas encore appris à compter, mais il sait que Mrs Lovegood a consulté l’heure beaucoup trop de fois depuis qu’ils sont rentrés de l’école.

La nuit est déjà tombée depuis longtemps lorsqu’on frappe à la porte. Mrs Lovegood n’entend rien, elle est occupée avec le bébé. Et puis son mari est encore avec sa machine là-haut. Alors Cédric va ouvrir. C’est sa mère. Il se jette dans ses bras pour l’accueillir. Elle porte encore sa blouse blanche du travail et elle a l’air très fatiguée mais elle lui sourit avant d’entrer.

– Va ranger tes jouets mon chéri, on va y aller.

Cédric obéit. Pendant qu’elle l’attend, sa mère va saluer Mrs Lovegood.

– Je suis vraiment désolée d’arriver si tard… Quelle journée ! On a très vite arrêté de compter le nombre d’enfants qui se sont présentés avec des maux de ventre pour avoir mangé trop de bonbons pour Halloween !

– Si seulement vous pouviez leur administrer des potions plutôt que d’avoir recours à la médecine moldue, tout irait plus vite, Helen ! Mais soit. Je crois que la journée a été éprouvante pour tout le monde, n’est-ce pas ? Vous avez appris l’excellente nouvelle, je suppose ?

Cédric voit sa mère secouer la tête.

– Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ! Il a disparu !

Mrs Lovegood a un grand sourire aux lèvres. Elle prend appui sur un pied, puis sur l’autre, comme si elle voulait danser.

Cédric n’est pas bien grand, il vient de fêter ses quatre ans. Il ne sait pas qui est celui dont elle parle, mais il comprend tout de suite que la nouvelle va faire plaisir à sa mère.

– Vold– ? Vous voulez dire, Vous-Savez-Qui ? Il est mort ?

– Eh bien… pas exactement, répond Mrs Lovegood. On dit qu’il a lié sa vie à celle d’un de ses partisans. Probablement un Mangemort. Tant que celui-ci reste en vie, il ne peut pas mourir. Xenophilius a terminé un article à ce sujet pour la parution du Chicaneur dès demain matin. Mais croyez-moi, on ne va pas le revoir de sitôt !

La casserole sur le feu fait un bruit bizarre et Mrs Lovegood fait un geste de la baguette pour régler le problème. Cédric l’observe avec admiration. Il a hâte d’avoir une baguette, lui aussi.

– Comment ça s’est passé ? demanda sa mère. Je veux dire : quelqu’un est allé l’affronter ?

– Ça, je l’ignore, dit Mrs Lovegood en haussant les épaules. Je sais juste qu’une maison a explosé alors qu’il était à l’intérieur…

– Mais votre mari, il doit avoir plus d’informations, non ? Je veux dire, pour l’article…

Mrs Lovegood se met à rire.

– Oh, non ! s’exclame-t-elle. Ce n’est pas ce que les lecteurs du Chicaneur veulent savoir. Ce qui compte, c’est qu’ils sachent que Vous-Savez-Qui n’est pas réellement mort et qu’il faut trouver le Mangemort qui le maintient en vie. Il faut que les gens du Ministère sachent aussi. Pour les procès, vous savez.

– Quels procès ? demande la mère de Cédric.

– Ceux des Mangemorts arrêtés pendant la nuit ! Beaucoup d’autres ont pris la fuite, alors ils vont organiser les procès au plus vite, pour que les partisans de Vous-Savez-Qui n’hésitent pas à dénoncer les leurs… Si seulement on pouvait finir cette reproduction du diadème de Rowena, les choses iraient beaucoup plus vite. Mais j’ai l’impression que ça va nous prendre des années !

Elle lance un regard vers une couronne accrochée au mur. Cédric tend la main vers elle. Il a envie de la toucher mais sa mère l’en empêche en le prenant dans ses bras.

– En tous cas, reprend Mrs Lovegood, c’est un sacré soulagement. Vous vous rendez compte ? Nous allons pouvoir élever nos enfants en toute sécurité, sans crainte, sans se cacher…

Elle se tourne vers le couffin où le bébé s’est déjà rendormi.

– Ma petite Luna… J’ai hâte de la voir grandir.

Elle a un grand sourire sur ses lèvres, elle semble heureuse. Il y a un long moment pendant lequel personne ne dit rien, mais la machine à l’étage fait toujours trop de bruit.

Cédric n’est pas bien grand, il vient de fêter ses quatre ans. Il ne comprend pas pourquoi, mais il sait que c’est important pour Mr Lovegood de sortir son magazine dès demain, alors il ne dit rien.

A nouveau, on frappe à la porte. Cette fois, Mrs Lovegood l’a entendu et elle va ouvrir. C’est le père de Cédric.

– Amos ! J’étais justement en train d’annoncer la bonne nouvelle à Helen… Mais vous en faites une de ces têtes. Quelque chose ne va pas ?

Cédric regarde son père qui s’approche de lui et de sa mère. Il les embrasse tous les deux et Cédric voit que son père est triste.

– La maison qui a explosé… Les Potter…

Mrs Lovegood ne sourit plus face à la nouvelle. Elle plaque sa main contre sa bouche.

– James et Lily ? Oh non ! Et leur bébé ?

– Harry est sauf. Il… Les rumeurs ont circulé toute la journée, au Ministère. C’est le petit qui aurait vaincu Vous-Savez-Qui.

– Mais, intervient la mère de Cédric, Keira vient de dire que c’est un bébé !

Cédric n’est pas bien grand, il vient de fêter ses quatre ans. Il ne comprend pas pourquoi, mais il sait que sa mère ne peut pas faire de la magie comme son père, et que c’est pour ça qu’elle ne comprend pas tout ce que racontent les autres.

– Personne n’a vraiment compris, Helen. Dumbledore a pris toute l’affaire en main juste après le drame, hier. Sans consulter le Ministre bien évidemment. Il a confié Harry à la famille de Lily…

– Des Moldus ! s’exclame Keira, et Cédric sent les bras de sa mère resserrer l’étreinte autour de lui. Il faut que j’en parle à Xenophilius, et nous irons au Ministère demain pour une demande d’adoption. Il a tout juste un an de plus que Luna, elle serait tellement heureuse d’avoir un grand frère…

– Ne vous donnez pas cette peine, Keira, déclare le père de Cédric. Des dizaines de sorcières et sorciers ont eu la même idée ; ça défile depuis ce matin au département de la Justice ! Mais Dumbledore ne changera pas d’avis.

Mrs Lovegood hausse les épaules.

– Le pauvre, orphelin si jeune…

Le père de Cédric hoche la tête, encore plus triste qu’avant. Cédric regarde sa mère et il s’aperçoit qu’une larme coule le long de sa joue.

Cédric n’est pas bien grand, il vient de fêter ses quatre ans. Il ne comprend pas pourquoi, mais il a envie de pleurer aussi.