La fête résonnait dans le manoir des Kirte. On était le 31 octobre, ou plutôt pas exactement, on était le 1er novembre depuis déjà deux petites heures. La fête battait son plein et Mary redescendait de l’étage où elle avait mit sa petite Kathleen, âgée d’un peu plus d’un an, à dormir depuis près de cinq heures. Elle venait de s’assurer que la fête n’avait pas réveillé la petite fille qui dormait d’un sommeil de plomb. En cette période de troubles, Mary aurait bien voulu, elle aussi, dormir d’un sommeil tranquille et non agités de cauchemars inquiétants. Mais quand on vivait dans un univers en guerre, il fallait en payer le prix et Mary savait qu’elle resterait angoissait tant que durerait la guerre des sorciers.
Dans la salle de bal, la fête battait son plein. Mary adressa un sourire à son époux James qui se trouvait un peu plus loin à surveiller un groupe de jeunes dansant et bavardant. Tout le village se trouvait réunis dans leur salle de bal, mais elle ne semblait pourtant pas surchargée. La taille de ce château était vraiment impressionnante. Mary n’en revenait toujours pas et ça faisait pourtant déjà deux ans que son mari et elle étaient venus y vivre, après que les parents de James soient décédés des suites de maladie. Cette mort avait bouleversé James, mais il n’y avait pas de regret à avoir car ils avaient fait tout ce qui était possible pour les sauver. Malheureusement, ça n’avait pas suffi.
Depuis leur arrivée, ils avaient fait deux Halloween dans cette maison et avaient instauré une sorte de tradition. Ils avaient proposé aux villageois que la traditionnelle tournée des bonbons s’achève au Manoir Kirte où le couple proposait des rafraîchissements, de la musique et des divertissements à toute la population. Les années précédentes, la fête avait été plutôt réussie et les danseurs n’étaient repartis que vers quatre ou cinq heures quand l’aube commençait à pointer le bout de son nez. Il semblait évident que personne n’avait envie de rentrer plus tôt cette année. Cette ambiance festive plaisait à Mary. Elle aimait voir les enfants du village s’amuser en cette belle soirée. Et elle espérait que dans quelques années, Kathleen pourrait s’amuser avec eux.
Mary se sentait à l’aise avec tous ceux qui étaient ici, bien que tous fussent des Moldus. Mary et James, eux, étaient des sorciers. Ils évoluaient au sein d’une communauté qui possédait des pouvoirs, qui étudiaient pour apprendre à s’en servir et qui travaillaient ensuite dans leur communauté. Mais bien évidemment, aucun des invités ne le savaient à l’exception des Kent. Noemy et Phil Kent étaient amis avec les Kirte depuis de nombreuses années et avaient un fils, Matthew, qui n’avait que quelques mois de différence avec leur propre fille. Comme ils habitaient une chaumière dans le village, ils faisaient également partie de la fête de Halloween, chaque année. Leur fils dormait d’ailleurs dans un couffin juste à-côté de celui de Kathleen. Mary leur fit signe pour qu’ils sachent que les deux bébés dormaient comme des anges.
Soudain, la porte s’ouvrit pour laisser entrer un homme qui, aux yeux des invités était impeccablement costumé pour une fête de Halloween. Il avait des cheveux noirs, mi-longs et un teint cireux qui rappelait vaguement celui d’un vampire. Il était vêtu d’une longue robe de sorcier noire et d’une cape noire qui était remontée et rattachée sur son cou. Bien que sa tenue parût totalement appropriée pour l’évènement du jour, le visiteur n’avait pas du tout l’air de vouloir participer à la fête. Au contraire, il se précipita vers Mary qui l’avait instantanément reconnu et lui parla à voix basse.
- Je dois te parler.
Sa voix semblait brisée. Mary l’entraîna tout de suite dans une pièce isolée du château pour qu’ils pussent parler tout à leur aise. L’homme que Mary avait devant elle était son meilleur ami Severus Rogue. Ils s’étaient rencontrés à l’arrivée à Poudlard en Première Année. Severus était déjà très ami avec Lily Evans, qu’il connaissait depuis plusieurs années. Destinée à devenir guérisseuse, Mary avait un goût et un don naturel pour les potions qui l’avait rapprochée du duo et ils avaient finalement formé une sorte de trio, le Serpentard, la Gryffondor et la Poufsouffle, le trio royal des cours du vieux Slughorn.
Une sorte, parce qu’en réalité, tout était plus compliqué que cela. Mary était la seule à savoir qu’en réalité, Severus était profondément amoureux de Lily. Ca avait d’ailleurs été un déchirement de la voir se rapprocher de James pour finir par se marier avec lui. Elle avait aussi assisté à la rupture entre Lily et Severus, qui lui avait brisé le cœur. Elle-même avait été obligée de s’éloigner de Lily parce qu’elle avait refusé de rompre le contact avec Severus, même après qu’il fut devenu Mangemort. Il était d’ailleurs le parrain de leur fille. Mais Lily n’avait pas supporté que Mary refuse de choisir ente eux. Elle voulait rompre totalement le contact avec Severus et si elle, Mary, voulait le garder comme ami, Lily se passerait d’elle.
- Que se passe-t-il, Severus ? Tu as l’air bouleversé.
- Elle… Elle est morte, Mary…
Le cœur de Mary manqua un battement. Cela ne pouvait être que Lily. Il n’y avait pas d’autre « elle ». Il n’y en avait jamais eu et il n’y en aurait jamais. Mary aurait cru qu’elle fondrait en larmes instantanément en apprenant la mort de son amie. Pourtant, et bien que son cœur lui fît mal à en pleurer, elle n’arrivait pas à laisser couler une larme. Elle tenta de détourner son attention de l’odieuse nouvelle. Elle se souvint alors ce qu’elle avait apprit auprès du professeur Dumbledore quelques mois auparavant.
- Et Harry ?
- Il est en vie. Potter et Lily sont morts et Harry a survécu. Le Seigneur des Ténèbres a essayé de le tuer mais il n’a pas réussi. C’est lui qui a disparu. J’ignore ce qui s’est vraiment passé.
Mary sentait la rancœur et la douleur dans la voix de Severus. Apparemment, il en voulait presque à son Maître de n’avoir pas su éliminer l’enfant que la femme qu’il aimait avait eu de son ennemi. Il avait l’air à la fois furieux et brisé. Mais il ne pleurait pas. Il ne pleurait jamais, presque jamais. Mary ne se souvenait que d’une fois où elle l’avait vu pleurer. Soudain, elle prit conscience de ce que Severus venait de dire. Et elle était éberluée. Elle le regarda avec des yeux ronds.
- Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom a disparu ? demanda-t-elle, la voix étranglé.
- Oui, répondit Severus de sa voix pleine de rancœur. Dans quelques heures, tous les sorciers du pays seront en train de faire la fête.
De fêter la mort de Lily, voilà ce que pensait Severus. Mary comprit qu’il ne fallait pas qu’elle se centre sur la nouvelle que le monde des sorciers allait fêter avec enthousiasme. Pour Severus, et pour elle aussi d’ailleurs, ce ne serait pas un jour de fête, mais un jour de deuil, de deuil et de désolation. Ce serait un jour de peine. Ce serait l’anniversaire de la mort de leur amie.
- Tu veux rester dormir à la maison, proposa Mary, pensant qu’il ne valait mieux pas le laisser seul.
- Non, merci. J’ai quelque chose à faire. Je ne peux pas. Il faut… Il faut que j’aille…
Il ne finit pas sa phrase et se détourna. Mary allait dire quelque chose mais elle n’en eut pas le temps, son ami avait déjà transplané. Mary avança vers la porte du bureau, ne pouvant s’empêcher de songer au fils de Lily et de se demander qui allait pouvoir s’en occuper maintenant que ses parents avaient été tués. Elle pensa également à Lily, son amie, tuée par Celui-Dont-On-Ne-Devait-Pas-Prononcer-Le-Nom. Et les larmes ne venaient toujours pas. Pourtant, son cœur était si gros, si gros, Mary regrettait tant de n’avoir jamais essayé de renouer avec elle. Et maintenant qu’elle avait disparu pour toujours, elle ne pourrait plus jamais essayer. Elle aurait toute sa vie ce regret.
Lorsqu’elle ouvrit la porte, James était là, son mari. Celui sur qui elle avait toujours pu compter en cas de coup dur, venu voir ce qui la retardait autant. Elle tomba dans ses bras, sans mot dire, elle ne pouvait pas. Elle avait été forte devant Severus, elle avait essayé de le consoler. Mais maintenant, elle était seule, seule avec sa peine, et lui seul, James pouvait l’aider. Il ne posa aucune question, se contentant de l’accueillir dans ses bras. En cette période de troubles, il y avait tant de morts. Il devinait que le visiteur lui en avait annoncé une. Il ne pouvait tout deviner mais il savait que sa femme avait en ce moment besoin d’être consolé. Et ce fut contre son mari qu’enfin, Mary sentit venir les larmes, piquantes, douloureuses, mais qui la soulageaient tellement. Plus tard, elle lui dirait. Plus tard, il apprendrait que Celui-Dont-On-Ne-Devait-Pas-Prononcer-Le-Nom avait disparu et qu’ils étaient sauvés. Mais là, en cet instant, Mary pleurait son amie perdue à jamais.
Note d'auteur :
Participation Hors-Concours au Concours 31 octobre 1981 : jour de fête de kiwxi
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