« Ne cherche pas à m’écrire. Je ne répondrais plus »
Lily replia la lettre avant de la remettre dans l’enveloppe et s’adossa contre le mur, dans le renfoncement de la fenêtre. Elle fixait un point imaginaire dans la nuit d’un regard bien trop vague pour distinguer quoi que ce soit. De toute façon, elle se fichait de l’obscurité et de ce qui s’y cachait. Pétunia ne voulait plus la voir. Sa sœur venait de la faire disparaître de sa vie. Plus rien ne semblait avoir d’importance désormais.
« Qu’est-ce que tu fais là Lily ? Tu n’es pas dans la salle commune avec les autres ? »
Lily sursauta et releva brusquement la tête avant de reconnaître Sirius dans l’entrebâillement de la porte. Elle se maudit d’avoir été trop absorbée dans ses pensées pour ne plus prêter attention aux rares personnes qui circulaient la nuit dans le château.
« Je ne voulais pas être au milieu de tout le monde. Pétunia m’a écrit. Elle va se marier, dit-elle d’un ton neutre qui suggérait qu’aucune réaction n’était attendue ni même nécessaire face à cette annonce. Sirius y vit également une porte de sortie : Lily n’avait pas l’intention de le prendre en otage, la conversation pouvait très bien s’arrêter au mariage de Pétunia s’il le souhaitait.
De manière générale, Sirius évitait autant que possible de réconforter les gens. Il avait toujours l’horrible sensation d’aggraver les choses et de n’être ainsi d’aucune utilité. Avec Lily, c’était différent parce qu’il la comprenait peut être plus que n’importe qui en cet instant.
« Tu me fais une petite place ? »
Lily ramena ses jambes vers elle avant de les entourer de ses bras, laissant ainsi Sirius s’installer face à elle. Pendant un instant, elle eut peur qu’un silence pesant ne s’installe mais les mots sortirent bien plus facilement qu’elle ne l’aurait pensé.
« Elle a rencontré Vernon il y a un an, pendant un stage en entreprise. Leur relation est rapidement devenue sérieuse mais Pétunia voulait être certaine de ses sentiments avant de ... enfin avant de lui parler de moi, expliqua t’elle en souriant tristement. Vernon n’aime pas la magie et toutes ces « bizarreries ». Pétunia m’écrivait pour m’annoncer leur mariage mais que ma présence n’était pas souhaitée. Ils ne veulent pas d’accidents…
- Qu’en pensent tes parents ? Ils ont accepté que tu ne viennes pas au mariage de ta propre sœur ? répliqua Sirius avec un sérieux qui ne lui était guère familier.
- Ils ne sont pas au courant. Pétunia me demande, si je veux vraiment son bonheur, de ne rien leur dire. C’est censé être le plus beau jour de sa vie, s’il faut qu’il se fasse sans moi pour qu’elle soit heureuse … »
Lily ne put terminer sa phrase car cette boule qui était dans sa gorge depuis qu’elle avait lu la lettre menaçait de la faire pleurer. Or elle ne voulait pas : pour une fois, elle pouvait parler de Pétunia avec quelqu’un qui ne ferait pas que se mettre à sa place.
Sirius semblait fouiller dans ses poches et pendant un bref instant, Lily crut le voir sortir un paquet de mouchoirs bien que l’idée lui parut étrange. Après quelques secondes, elle reconnut un paquet de cigarettes. Définitivement plus plausible.
« Ca ne te dérange pas ? »
Lily secoua la tête et pendant que Sirius tirait une bouffée, elle passa d’un air absent ses doigts le long des bords de l’enveloppe.
« Je n’ai pas l’habitude de parler de ma sœur. Lorsque le sujet arrive dans la conversation, c’est comme si les gens comprenaient sans comprendre. Ils me plaignent, certains me disent que ça va finir par se tasser … D’autres n’hésitent pas à dire que c’est une garce et que je suis mieux sans elle. J’ai fini par arrêter d’en parler : ça ne servait à rien.
- Si ça peut te rassurer Regulus n’est pas franchement populaire non plus dans nos dortoirs, répondit sarcastiquement Sirius tout en expirant la fumée. Curieusement, les futurs mangemorts n’ont pas la cote ces derniers temps.
- Tu ne parles jamais de lui ? Même avec James ? interrogea Lily en redoutant quelques peu sa réaction s’ils se mettaient à parler de son frère.
- Rarement. James est fils unique : il ne peut pas comprendre ce qu’il ne connaît pas et Merlin sait que la relation que j’ai avec Regulus n’est pas des plus simples, répondit-il en expirant une nouvelle fois la fumée dans un sourire qui aurait pu être ironique s’il n’y avait pas eu cette pointe de tristesse dans sa voix quelques secondes auparavant. »
Pendant quelques instants, aucun des deux ne prononça un mot. Le regard vague, ils semblaient tout deux plongés dans leurs pensées. Leurs familles n’avaient désormais de famille que le nom.
« Depuis que j’ai reçu ma lettre d’admission à Poudlard, on a fait que s’éloigner Pétunia et moi. Ça a commencé par des regards agacés lorsque je racontais ce que j’étudiais, ce que je vivais et progressivement, c’est devenu plus blessant. Je recevais une lettre pour mon anniversaire qu’elle ne faisait que signer, elle me demandait de partir ou de rester dans ma chambre si elle invitait des gens à la maison …
- Mais ? suggéra Sirius d’un ton suffisamment compatissant pour que son intonation amusée ne passe aucunement pour du sarcasme.
- Pourquoi penses-tu qu’il y ait un « mais » ? demanda t’elle en souriant doucement sans pour autant cacher son intérêt pour sa réponse.
- Parce que j’en mets souvent un quand je pense à Regulus. On a beau s’insulter dès qu’on se croise, éviter le plus possible qu’on fasse le lien entre nous et détester ce que l’autre est devenu, je n’oublie pas que ça n’a pas toujours été comme ça, dit-il simplement avant d’écraser sa cigarette contre la pierre. Quand on me parle de Regulus, je vois ce que mes parents et toutes leurs conneries en ont fait. Quand je pense à lui, c’est juste mon petit frère. »
Il y eut une sorte de silence qu’aucun des deux ne semblait vouloir rompre. Lily recommença à suivre du bout des doigts le contour de l’enveloppe d’un air absent. Sirius remit son paquet de cigarette dans sa poche. Ils entendaient sans vraiment l’entendre le vent qui soufflait dehors tant ils étaient occupés à observer une fois de plus les débris qu’étaient leurs familles.
« Elle me manque.
- A moi aussi. »