There’s a pain tbat goes on and on…
Cependant, ce vide qui heurte mes habitudes ne me choque pas aujourd’hui — il m’apaise.
Car rien, mieux que lui, ne peut bien répondre aux balbutiements de mon cœur — et dans votre absence, rien ne peut me m’aller mieux que la solitude.
Now my friends are dead and gone.
Je sais que maintenant, les silhouettes vigoureuses de vos dix-sept ans devront se substituer à des ombres fugaces ; je sais que de mon manque de vous, de mes appels désespérés, de mes larmes froides, je n’obtiendrais que des absences.
Je sais aussi que vous disparaitrez des mémoires.
Et maintenant — maintenant ! — en écho terrible à votre sublime « demain », il faudra dire : « désormais ».
Here it was they lit the flame.
Here they sang about « tomorrow»
And tomorrow never came.
Pourtant, pourtant je me souviens encore de jappements joyeux et de ces murmures étranges qui étaient notre quotidien — de matins doux qui commençaient avec un flot de paroles banales et qui s’achevaient dans des reflux de moqueries futiles.
Il y a eu, je crois, de longues colères et d’excitantes manigances. J’avais appris aussi avec vous qu’on pouvait faire de présences une fête et de rires une quête.
Et souvent, vous prononciez les mots de « bonheur » et d’« avenir », qui nous faisaient tous un peu peur, et qui, lorsqu’on les disait, emplissaient la bouche d’une saveur dorée qui rappelait l’ivresse.
Puis le Seigneur des Ténèbres est arrivé — il a déployé sa cape noire, a fait flamber ses yeux rouges, et il est arrivé.
Alors, lorsqu’il a prononcé ses discours terribles, lorsqu’il nous a fait comprendre que le monde pouvait nous appartenir, fascinés, nous avons vus un sens derrière ces mots-là que j’avais eu du mal à comprendre.
They could see a world reborn
And they rose with voices ringing
Des promesses ont eu raison de nous.
Des promesses ont emporté notre jeunesse, notre vigueur, notre avenir — votre vie ! — et n’ont apporté en retour que mes larmes honteuses.
Et vous y croyiez ! Vous croyiez à ce que disait le Seigneur des Ténèbres, et à cet idéal sublime de la pureté du Sang, d’une société lavée, et du règne de la grandeur, et de toutes ces choses affreuses qui éblouissaient notre orgueil !
Qu’importait le mal, qu’importait la peur, qu’importait la douleur, si vous y croyiez ?
Bien sûr, nous avions livré des batailles dans nos vies d’adolescents ; mais les forces contre lesquelles nous nous battions, qui s’appelaient alors amour, amitié, colère et autorité, nous paraissaient ridicules et petites — dérisoires comme des passe-temps.
Et hier soir ! — oh, hier soir ! — avec quelle frénésie vous vous êtes lancés dans les combats ! — avec quelle fureur vous vous défendiez. On dit que les Serpentard n’ont pas de courage.
C’est faux.
Il y avait quelque chose qui brûlait en vous et qui déferlait dans vos veine, en battant la mesure avec notre sang et en se confondant, collés sur vos regards, avec vos souvenirs ; c’était, je crois, cela qu’on appelle la volonté et l’ardeur.
The very words that they had sung
Became their last communion
On the lonely barricade at dawn.
Mais que reste-t-il de l’ivresse, désormais ? Pouvons-nous parler d’avenir, maintenant, sans qu’on se moque ? Oserons-nous encore chercher un sens au mot bonheur ?
Je crois aujourd’hui que les seuls rêves rassurants qu’on puisse faire sont les rêves qui nous ramènent au passé, et que seuls dans nos souvenirs se trouveront les racines de quelques joies.
That I live and you are gone.
There's a grief that can't be spoken.
There's a pain goes on and on.
Et je marche, je marche sur les ruines d’un passé heureux, je piétine — seul ! — un sol que nous avons foulé d’innombrables fois — et je me sens emplis d’amertume.
La mélopée enivrante de la mélancolie susurre à mes oreilles avec une douceur affolante.
Phantom shadows on the floor. Empty chairs at empty tables Where my friends will meet no more.
Et soudain vous êtes là ! Vous êtes là — je sens les filets de vos voix qui s’échappent d’entre les pavés — je sens des cris qui sortent d’entre les murs — je caresse des lettres qui se sont figées éternellement sur des morceaux de parchemin. Vous êtes là, et je vous vois, et ça fait mal !
Venus du fond de ta mémoire, — gravés dans ma chair, inscrits dans ton sang et collés sur tes regards — les souvenirs éclaboussent mon orgueil dans une giclée violente.
Lumineux, ils me frappent comme des lames ; aveuglé, je sens mes membres s’endolorir.
Les estampes colorées dans ma tête dansent, m’enivrent, m’emporte. Et elle chancellent — et je vacille.
What your sacrifice was for
Et à ce moment-là, entre ces grandes tables muettes, ces tables de bois, ces tables d’enfance, je me fous de savoir si la cause pour laquelle vous vous battiez était juste, je me fous de mesurer l’ampleur du mal que vous auriez pu faire ; je sens seulement la portée d’une douleur qui me détruit et, dehors, la chaleur du soleil qui jette sur nous des rayons ravageurs.
Oh ! — Nous avions onze ans ! — Nous étions habillés du bel uniforme vert et argent, et en réalité, derrière chacun de nos espoirs, derrière le découragement d’une mauvaise note et le plaisir d’un bon repas, se cachait la fatalité de votre mort !
Ce matin et pour la première fois, les souvenirs de vous se rappellent à moi avec un réalisme saisissaient. Je sais qu’on vous oubliera, et je sais aussi que vous m’appartenez. Je sais que vous êtes morts, mais je veux aussi hurler que je me souviens.
Et de cette proximité que je me créé avec vous, de l’enchevêtrement étrange de mon amour profond et de vos fantômes fuyants — de cet enlacement lugubre et douloureux ! — naissent des mots.
J’écrirais — en hommage — pour qu’on puisse, longtemps, longtemps après, quand les mots d’avenir et de bonheur pourront s’entremêler librement, comprendre qui vous avez été, comprendre comment vous avez vécu, et pourquoi vous êtes morts.
J’écrirais aussi — par amour — pour que longtemps, longtemps après, je me rappelle et je demeure aussi pleins d’amertume que je le suis maintenant, à l’aube de mon existence sans vous, alors que je marche dans la Grande Salle, qu’elle est vide et que les tables sont muettes.
je veux partir surtout, partir dans l’écriture, me mêler aux petites lettres noires imprimées, et m’abandonner à elles comme on se donne à la mort ; puisque je n’aime plus rien d’autre et que j’ai bien assez vécu.
Des milliers de mots déploreront vos absences, et des dizaines de pages célèbreront vos sourires.