« Katie... tu veux pas rester un peu ? Pour moi...»
Un frottement de vêtement. Elle se rhabille. Il se tourne dans le lit et contemple son dos blanc où ses longs cheveux bruns tombaient comme une cascade sur le creux de ses reins provocateurs. Comme elle est belle Katie. Comme elle est courageuse.
« Ne t'en vas pas... », dit-il, d'un ton presque suppliant.
Elle éclate de rire. Qu'il est beau son rire, si frais, si enfantin. Comme si toutes les horreurs de son passé n'étaient qu'un vieux cauchemar, comme si la guerre n'avait pas tâché son innocence. Et lui, ô Dieu, qu'il le savait! Comme il savait à quel point elle avait pleuré! Comme il savait à quel point elle avait souffert ! Comme elle est sensible Katie. Comme elle est enfantine.
Elle se retourne et il voit ses yeux ; noirs, pénétrants, pétillants. Ses longs cils recourbés, cette étincelle dans le regard. Sa peau si blanche, ses lèvres si rouges. Il la croyait souvent sortie d'un conte de fée. Elle ne porte que ses sous-vêtements la belle enfant. Elle lui sourit, elle rit.
« Le grand Olivier Dubois me supplierait-il ? L'invincible et l'intouchable Olivier Dubois ? », demande-t-elle, espiègle.
Elle s'assoit sur le lit, tandis qu'il la fixait, un sourire aux lèvres. Elle est si communicative, elle transmet sa joie, sa bonne humeur. Il se relève, s'assoit sur le lit, derrière elle. Il l'encercle de ses bras et pose son menton sur sa si fragile épaule.
« Peut-être bien. Mes supplications te feraient-elles rester? Profiterais-tu de ce samedi en ma douce compagnie? N'irais-tu pas à ton entraînement ? »
« Je t'ai connu plus sévère que ça en matière de Quidditch, très cher! », souffle-t-elle.
« Peut-être parce qu'à cette époque, nous étions dans la même équipe... », rétorque-t-il.
Elle rigole doucement. Et lui se retrouve ennivré d'elle, perdu dans son parfum, dans sa voix, dans sa peau. Il la voudrait pour lui tout seul, pour l'éternité. Il la voudrait, là, maintenant, plus près encore, comme si leur proximité n'était qu'apparente. Lui voudrait la comprendre. Il ne l'a jamais vraiment comprise.
« C'était la bonne époque pas vrai ? », continue-t-il, rêveur.
Bell. Bell. Bell. Il ne voyait qu'elle sur le terrains. Il la voyait, sur son balais, voltiger à travers les Cognards, les joueurs adverses. Elle dansait, royale, brillante dans les airs. N'était-elle pas belle? N'était-elle pas gracieuse ? Et lui se perdait dans sa contemplation ; Si belle, si jeune.
Elle se retourne vers lui, un sourire aux lèvres légèrement outré, les sourcils levés.
« La bonne époque ? Tu nous tyrannisais ! », rappelle-t-elle.
Il rigole à ce souvenir, jouant avec les cheveux bruns de la demoiselle.
« Mais ça a porté ses fruits n'est-ce pas ? »
Elle était là, furieuse, devant lui, à lui demander ce qui n'allait pas. Pourquoi était-il si despotique ? Il avait toujours été sévère mais ces derniers temps, son état s'était empiré. L'équipe s'inquiétait, elle aussi. Alors elle l'avait coincé là, dans les vestiaires, parce qu'il met toujours plus de temps. Elle voulait savoir pourquoi il l'évitait. La haïssait-il? Mais elle, elle ne savait pas. Elle ne savait pas comment il se consumait pour elle. Elle ne savait pas comment il luttait. Ne savait pas son état d'incompréhension. À quel point il était perdu. Il n'a rien dit. Elle a hurlé. Il restait silencieux. Et elle l'a frappé, le sommant de se réveiller, sans quoi un membre de l'équipe allait s'évanouir d'épuisement. Il n'a pas supporté. Il l'a plaqué contre le mur blanc. Il lui a hurlé qu'il ne comprenait pas ; ne la comprenait pas. Il lui a hurlé qu'à chaque fois qu'il la voyait sur un balais, il n'avait d'yeux que pour elle. Il lui a hurlé qu'il la cherchait sans cesse, partout. Il a rugi, le lion, lui a rugi au visage tout ce qu'il ressentait pour elle. Elle qui était si jeune, elle l'a embrassé. Ils se sont embrassés.
« Enfin bon... porté ses fruits... tout est relatif ! », rigole-t-elle
« C'était pendant ma dernière année. », se rappelle-t-il.
« Et ma quatrième. J'étais tellement furieuse contre toi. Tu étais déjà dur avec nous les années d'avant mais là, c'était vraiment horrible. Tout le monde s'inquiétait. Et moi encore plus. », se remémore-t-elle.
Il a un sourire. Si seulement il avait su! Ça lui aurait évité bien des problèmes. Il promène sa main droite sur l'épaule de la demoiselle, enlevant les quelques cheveux qui y restaient.
« À croire que je deviens méchant quand je n'ai pas ce que je veux. », souffle-t-il.
Elle rigole et rejette sa tête en arrière, la posant sur l'épaule du jeune homme, posant ses yeux ébènes dans les siens, noisettes. Elle passe sa main sur sa joue, lentement, comme pour savourer chacun de ces contacts.
« J'ai du sauver Poudlard entier de ta colère divine alors. Tant de sacrifices de ma part, c'est si généreux ! », rigole-t-elle en enlevant sa main.
« Il ne me semble pas que ton sacrifice ait été si horrible...», sourit-il.
Ils étaient là, sous les tribunes terriblement bruyantes du terrain de Quidditch. Ils s'embrassaient, cachés du regard des autres. Sa peau bronzée se mélangeait à la sienne un peu trop pâle, leurs mains se cherchant, se trouvant, se perdant. Leur corps était en pleine bataille, se demandant qui l'emporterait sur qui. Ce n'était qu'un baiser. Mais n'était-il pas si intense ? N'était-il pas pulsé par l'adrénaline, n'était-il pas encouragé par la crainte de découverts? Ah, qu'elle était belle leur relation! Qu'ils étaient beaux les amoureux, à se cacher de tous, de leurs regards. Ah, qu'ils étaient beaux, là, essoufflés, sous ces tribunes alors qu'au dessus se jouait un match important ! Ces amoureux encore purs, ces amoureux encore innocents. Lui parfois doutait ; n'était-elle pas trop jeune ? n'était-il pas trop imposant ? Ces interrogations le hantait, ces nuits étaient peuplées de cauchemars. Mais elle balayait tous ses doutes d'un geste de main, d'un sourire, d'un baiser. Elle était si légère ! N'était-ce pas pour ça qu'il l'aimait ? Elle était la seule à le faire douter, lui qui était d'une volonté innébranlable, lui qui était si stable. Elle le faisait tanguer, mais elle était son ancre, sa bouée. Elle le sauvait. Et il la sauvait. Elle lui avait raconté comment elle avait pleuré quand elle croyait qu'il l'évitait. Il ne savait pas, le pauvre inconscient.
Elle déposa un baiser sur sa joue et se releva, d'un geste léger, gracieux. Qu'elle était belle! Mais ne serait-elle pas mieux à ses côtés? Elle semble si fragile. Si libre.
« Ce n'est pas en évoquant le passé que tu vas me faire rester tu sais ? », dit-elle, le sourire aux lèvres.
Elle va récupérer son tee-shirt, abandonné sur un fauteuil rouge. Il s'assoit sur le bord du lit, la contemplant. Elle était une œuvre d'art à elle toute seule Katie.
« Je comprends, tu te venges. », lui rétorque-t-il.
Elle se tourne vers lui, dubitative, un sourcil levé.
« Pardon? », demande-t-elle.
« Bah oui. La première fois, c'est moi qui suis parti pour le travail. Maintenant c'est toi qui m'abandonne pour le travail. », explique-t-il.
Elle rigole.
Son visage est pâle. Trop. Encore plus que d'habitude. Elle serre les lèvres. Elle ne rigole pas. Elle est assise au bord d'une fenêtre, regarde le soleil à l'extérieur. Elle tente de refouler des larmes mais il les voit bien lui. Il la serre dans ses bras, s'excusant, s'expliquant. Mais il va loin, si loin. Et elle, qu'est-ce qu'elle devenait ? Il la prend dans ses bras, tente de la consoler. Mais elle n'y peut rien. N'est-ce pas légitime de pleurer ? Il partait à l'autre bout du pays. Elle a déjà hurlé. Et maintenant elle va pleurer. Il ne veut pas qu'elle pleure. Il pensait qu'elle serait heureuse. Pour lui. Il allait réaliser son rêve : devenir professionnel. Mais elle ne comprenait pas. Ça l'a énervé au départ. Et puis il a réalisé qu'il n'aimait pas la voir triste. Alors il l'a prise dans ses bras, l'a embrassée. Elle restait figée, dans cette petite maison, dans ce grenier devenu chambre. Il l'embrassa. Elle resta figée un instant avant de répondre à son baiser. Elle ne voulait pas le perdre ; elle avait peur. Il sécha les larmes qui étaient sur le point de couler. Il lui caresse le visage, dans un effleurement, d'un geste un peu trop délicat pour un garçon si musclé. Rapidement, ce n'est plus son visage qu'il caresse. Et ils se promirent, là, dans cet ancien grenier, dans une douleur qu'elle ne ressentît que trop bien, qu'ils ne se sépareraient pas. Et le lendemain, il partit, seul, là-bas. Mais il reviendrait la voir. C'était une promesse. Et puis Flaquemare, c'est pas l'autre bout du monde.
« Tu as vraiment des idées bizarres ! », sourit-elle. « je n'ai juste pas l'intention de perdre mon prochain match ! »
Il hausse les sourcils.
« Nous savons tous les deux que tu es suffisamment forte pour gagner même en loupant un entraînement ! »
« Quel flatteur ! », s'exclame-t-elle.
Il s'étend sur le lit, les bras croisés sur sa nuque, réfléchissant. Il se redresse soudainement.
« Tu me fuis ?! », s'écrie-t-il. « Qu'est-ce que j'ai fais de mal ?! »
Elle lève les yeux au ciel et s'approche de lui. Elle se penche sur lui, ses cheveux caressant le visage du jeune homme.
« Olivier Dubois, tu es absolument absurde. J'ai un métier, je ne vais pas le sécher pour tes beaux yeux, aussi craquants soient-ils. »
Il pousse un soupir. Il a comprit qu'il ne la convaincrait pas. Un léger silence parcourt la pièce, parfois interrompu par le bruit du tissu des vêtements de la jeune femme qui se rhabillait.
« On y va ensemble ce soir ? », demande-t-il finalement, brisant le silence.
« D'accord. », fait-elle.
Et elle s'en va. Elle ne veut pas s'en souvenir pour l'instant. Pas maintenant.
On l'avait contacté. C'était la guerre. Pas question de rester ici à ne rien faire ! Il transplane chez elle. Elle était déjà au courant, elle s'apprêtait à aller le chercher. Si elle savait comme il était heureux qu'elle soit partie de Poudlard l'année précédente ! Ils vont à Pré-Au-Lard. Ils retrouvent tous les membres de l'équipe de Quidditch. Même Charlie est là. Aujourd'hui, personne n'est heureux d'être là. Mais on doit y être. Il serre la main de Katie si fort. Le combat commence avant même qu'il ne s'en aperçoive. Harry est là, il le distingue parfois. Lui, il combat aux côtés de Katie. Lui, il ne peut pas l'abandonner. Il a si peur pour elle. Elle est si fragile. Pourtant elle se débrouille si bien. Ils sont forts. Vous aussi. Il en abat un ici. Katie en frappe un là. Qu'ils sont abjects. Des monstres. La peur est partout, là, avec la mort. Il faut survivre, se dit-il. Pour la protéger. Alors c'est ce qu'il fait. Et puis ils se retirent. Leur chef leur parle. Leur annonce qu'ils ont une heure, une heure pour s'occuper des morts, une heure pour livrer Harry Potter. Jamais. Jamais ils n'abandonneront. Il dit à Katie de rentrer un peu. Elle s'exécute. Il va chercher les morts. Sa gorge se serre quand il voit le corps d'un gamin, là, par terre. Un blond. Son insigne montre qu'il était à Gryffondor. Il ne peut empêcher des larmes de fouler ses joues quand il le prend dans ses bras - il est si froid. Il le ramène dans la Grande Salle, sous le regard consterné et ravagé des autres élèves. Katie se jette dans ses bras ; lui annonce que Fred est mort. Il la serre, cache son visage dans ses cheveux. La guerre, c'était donc ça?
C'était il y a cinq ans maintenant. Le cauchemar était fini. Mais il y pense toujours. Comment l'oublier ? Il y a tant de souvenirs en lui. Il triture machinalement la bague qu'il a acheté il y a peu. Aujourd'hui il oserait. S'il a eu le courage de faire la guerre ce 2 mai là, il aurait le courage de la demander en mariage, ce 2 mai.