Cher Monsieur Labinocle,
Vous m'avez l'air d'une bonne personne, saine, cohérente, intelligente... Pourquoi, par Merlin, voudriez-vous donc perdre votre temps à rédiger un article sur Servilus ?? Et me faire perdre le mien, de temps, par-dessus le marché ! Vous devriez pourtant savoir que Rogue est la pire des ordures. C'est une vérité absolue, un fait incontestable. Y a-t-il un homme censé sur Terre qui vous dira le contraire, qui vous dira aimer Servilus ?
Mais bon, comme je m'ennuie fichtrement dans cette deuxième prison qu'est ma demeure familiale, et que le témoignage d'un évadé d'Azkaban ayant connu Rogue de très près est forcément très précieux et très attendu, je suis prêt à passer outre le choc que m'a provoqué votre annonce, et vous répondre. D'autant que des gens honnêtes se doivent de rappeler au monde entier la véritable nature de Servilus. À votre question, donc, « Et sinon, vous en pensez quoi de Severus Rogue ? », ma réponse est claire, limpide et évidente : je le déteste, je le hais, je l'abhorre, je l'exècre.
Cet homme est né pour m'emmerder, de toute évidence. Avec son rictus répugnant, ses dents jaunâtres et mal plantées, son long nez crochu, sa voix doucereuse, son teint cireux, son apparence sombre de chauve-souris sournoise et bossue, presque vampirique, son air malveillant et boudeur... Je suis d'ailleurs persuadé qu'il est sorti du ventre de sa mère en râlant. Sérieusement, en dehors de son physique plus qu'ingrat et de son problème capillaire désormais célèbre, la personnalité de l'homme est des plus déplorables.
Je me rappelle soudainement, nous étions en 6ème année... James et moi avions fait une petite blague assez mémorable à Rusard, qui avait accouru dans la Grande Salle, affolé (je revois encore avec quelle tendresse il tenait sa chatte – devenue rose fluo – dans ses bras, hurlant au complot... Magique !). Tout le monde riait, même les Serpentard – c'est pour dire ! (enfin c'était plutôt un foutu ricanement de leur part). Tous ? Non. Monsieur Grincheux, à l'extrémité de la table, toisait les gens de son air hautain et supérieur, l'air de dire « Je ne m'abaisse pas à ce genre de mascarades ». Il était au-dessus de tout cela, vous comprenez. Jamais je ne l'ai vu rire. Jamais. Ni sourire. À part ce misérable rictus.
Je l'observais souvent à Poudlard, jusqu'au moindre petit détail. Son comportement, ses expressions... toutes plus insupportables les unes que les autres. La manière dont il buvait son café noir le matin, repoussant avec dégoût les tranches de bacon de l'autre côté de la table (il me faut insister sur ce détail très important, car un homme qui ne mange pas de bacon n'est pas un homme normal. On sent déjà qu'il y a un problème), la façon suffisante qu'il avait de lever le nez en l'air dès qu'un professeur le complimentait, ses reniflements intempestifs, son air satisfait quand McGonagall nous réprimandait, James et moi, la manière insupportable avec laquelle il prononçait mon nom, «Black ! », « Black ! », affreuse litanie, la main qu'il passait sur son front en soufflant, donnant l'impression de porter sur son dos toute la misère du monde, le Saint Prophète de Serpentard condamné à tous nous éduquer, pauvre de lui... À Azkaban, ces souvenirs provoquaient en moi plus de frissons encore que les Détraqueurs. C'est physique, sa simple présence me répugne.
Rrrrhhhh, je le revois, toujours à nous suivre, partout, voulant nous faire expulser, nous, les Maraudeurs, les quatre Mousquetaires. Il ne savait pas à qui il avait à faire. Tout s'est retourné contre lui, cette nuit-là. La Cabane Hurlante... C'était bien fait pour lui, il l'avait bien cherché, à mettre son énorme nez dans les affaires des autres ! Mais je m'emporte peut-être... Excusez mes manières, ma frustration reprend le dessus. Et mon Hippogriffe s'agite à côté, encourageant ma fureur. Il attend peut-être que je le nourrisse. Que c'est glouton ce genre de bêtes ! Je ne devrais pas m'échauffer contre Buck, il est mon seul compagnon après tout. Aussi, comment se peut-il que je sois obligé de rester enfermé là, à m'emmerder ferme, quand ce misérable se voit confier des missions toutes plus dangereuses les unes que les autres ? Comment Dumbledore ose-t-il me faire cela ? Ce n'est pas suffisant déjà que je doive le côtoyer à chaque réunion de l'Ordre, dans ma propre maison, il faut encore qu'il vienne faire le malin avec son arrogance, avec son « courage » ! JE suis courageux, lui n'est qu'un Serpentard, un lâche. Et comment ose-t-il remettre en cause mon intelligence ? J'ai tout de même obtenu 3 « Optimal » et 4 « Efforts exceptionnels » à mes ASPIC ! Je le déteste tellement, lui et ses insinuations déplacées... Merlin, je le déteste !
Enfin bref, si tout ceci ne suffisait pas à vous convaincre (mais j'en doute fortement), n'oublions pas que l'homme est un Mangemort, une enflure par définition. Son action a très certainement mené à la mort de milliers de personne, si ce n'est des millions ! Cet homme est le Mal absolu. Non, je n'exagère rien. Il était même enchanté à l'idée de me voir embrassé par un Détraqueur, ce sadique.
Je crois bien qu'il n'est pas un seul être pour lequel je ressente autant d'aversion. À part peut-être ce traître de Queudver. Ou ce taré de Voldemort. Ma mère aussi, cette folle. Kreattur. Et Bella... Hmpf
Plus j'y réfléchis sereinement et plus je me dis que j'omets quelque chose. Je cherche en moi les racines de cette haine mutuelle, le pourquoi de tant de dégoût qui me paraît si naturel aujourd'hui… Je n'en vois plus les raisons. Oh, James vous aurait dit « le simple fait qu'il existe est une raison » et je l'aurais approuvé, sans aucune hésitation. Mais à la vérité, il y a autre chose. De plus profond. Ne vous méprenez pas, il est détestable par nature, de son physique à son âme... Détestable tout entier ! Penser à lui m'excite dangereusement !!! Mais il y a autre chose. Quelque chose que j'ai réalisé très tôt, à l'époque heureuse de Poudlard, sans vraiment m'attarder dessus. Je n'ai jamais été du genre à réfléchir sur mes émotions, mes réactions. Au fond, je sais qu'il y a une explication, mais je ne veux tout simplement pas y penser.
Harry m'y a contraint. Hier, il nous a parlé, à Remus et moi, d'un souvenir sur lequel il est malencontreusement tombé il y a quelques jours. Il avait l'air... déçu. Harry est important pour moi, vous voyez, il est mon filleul, le fils de James... Je lui ai dit que je n'étais pas totalement fier de la personne que j'avais été à l'époque. Et c'est vrai, j'admets que j'ai pu être un idiot arrogant dans ma jeunesse. Mes actions n'étaient pas toujours réfléchies, peut-être ai-je même parfois été trop loin... Mais je n'ai pas à m'excuser non plus. L'autre n'était pas mieux. J'avais au moins le mérite d'être du bon côté et de n'avoir jamais été attiré par la magie noire malgré mes origines ténébreuses. Ce qui n'était pas le cas, comme vous l'aurez compris, de Severus Rogue. Et il n'a pas changé. Que Dumbledore ait voulu en faire un professeur, ça me dépasse ! Il n'est même pas fichu de voir au-delà de sa haine et d'aider Harry en Occlumancie. Il déclare à qui veut l'entendre que je suis un éternel enfant, mais que dire d'un homme capable de haïr quelqu'un pendant plus de 20 ans au point d'en faire payer injustement le prix à son fils ? Je n'ai pas agi correctement, mais Rogue était loin, très loin, d'être un saint.
Servilus... il était comme un toutou (pas comme Patmol hein, n'insultons pas les chiens, quand même ! Plus comme un pathétique caniche) face aux Serpentard, face aux Sangs-Purs, face à toute cette clique, Malefoy, Avery, Mulciber... C'en était répugnant. Il leur mangeait dans le creux de la main, jamais satisfait, en voulant plus, encore et toujours. Il aurait voulu être moi, être cet héritier Black que je me refusais, pour ma part, d'être. Il était et aspirait à tout ce que je fuyais, tout ce qui m'écœurait et me répugnait. Quel idiot ! Et il avait la suffisance de se croire supérieur à moi, de trouver pitoyable que je me rebelle. Oh, qu'il m'énervait à penser qu'il était le meilleur. Cette arrogance, il l'avait déjà la première fois qu'on l'a rencontré, dans le Poudlard express, James et moi. Quand tous les autres enfants étaient humbles et intimidés, excités également à l'idée de découvrir enfin Poudlard, lui se pavanait auprès de Lily, lui expliquant que seule la maison Serpentard valait le coup qu'on s'y intéresse. Lily à Serpentard, vous imaginez ? Quelle blague. Quand James, sans aucune inimitié, a ouvert la bouche pour vanter les mérites de Gryffondor, Rogue a répondu d'une manière tellement arrogante, j'en étais abasourdi. C'était bien là un Serpentard, ai-je finalement pensé, si sûr de lui, si fier de vouloir appartenir à cette détestable maison... Comment aurais-je pu l'aimer après cela ? Ce sale bonhomme a toujours fait ressortir le mal en moi ! J'ai failli aller à Azkaban (non pas que j'y ai échappé finalement) à cause de lui !!! J'ai failli commettre un meurtre... Et cette pensée m'a toujours accompagné, et souvent même terrorisé. Il m'avait fait perdre tout contrôle de moi cette nuit-là, et oui, j'en étais véritablement terrorisé. Je n'étais pas comme ma famille, par Godric ! J'étais un Gryffondor, moi ! Et c'est comme s'il s'obstinait à faire de moi ce Black indésirable. Je n'étais pas un meurtrier, je n'étais pas le méchant dans l'histoire, et lui n'était pas la victime... NON ! j'étais Sirius Black, rebelle, loyal et justicier. Je vengeais les nés-moldus en m'attaquant aux Serpentard, en m'attaquant à lui... Il le méritait. Rogue me poussait, il me poussait à bout. Et je le déteste pour cela. Pour éveiller tant de colère et de noirceur en moi.
Pas surprenant qu'il se soit agenouillé pour devenir l'esclave du plus mauvais sorcier de tous les temps. Qui cela étonne-t-il, au fond ? C'est ce qu'il souhaitait le plus au monde, sa plus sincère ambition... Qu'il se soit repenti, je n'en crois pas un mot. On ne peut pas passer de l'ombre à la lumière si facilement, et je sais de quoi je parle. Cet homme a toujours fait ressortir le plus mauvais chez les gens, c'était un fanatique de magie noire, un esclave masochiste, admirateur compulsif de tout ce délire immonde de sang pur, énervant au possible, répugnant et sadique.
Honnêtement, je suis très étonné que vous rédigiez un article sur cet homme. J'ai vraiment pensé à une blague au départ. Peut-être un moyen public de l'humilier ? Sinon, je ne comprends pas vos motivations. Ne perdez pas votre temps à écrire sur lui. Vous devriez plutôt vous concentrer sur des choses plus intéressantes, des personnages plus importants... par exemple, que pensez-vous de cette une : « Sirius Black, le sorcier le plus célèbre du monde (après Harry Potter, évidemment), sort de son silence et nous dévoile tout. Son enfance chez les Black, son adolescence à Poudlard, meilleur élève en Métamorphose et Maraudeur attitré, son séjour à Azkaban. Pourquoi s'est-il évadé ? Quelles preuves de son innocence ? Blablabla » ? Cela devrait intéresser un nombre un peu plus important de lecteurs qu'un article à propos de ce misérable Rogue, tous les sorciers ne sont pas d'humeur suicidaire...
Dans l'attente d'une proposition de votre part, je me tiens à votre entière disposition.
Bien amicalement,
Sirius Black
Votre prochaine vedette (?)
PS : veuillez utiliser ma chouette pour me répondre, elle seule sait me retrouver, et comme vous vous en doutez, je préfèrerais garder ma cachette secrète.