J'étais essoufflée. Pourquoi était-ce si difficile de monter ces fichues marches par Merlin ? J'ouvris mon sac pour prendre mon trousseau de clefs et je fus agacée de constater que mes mains tremblaient. Ca, c'était la faute de Rachel et de ses questions pernicieuses. Quelle vicieuse, celle-là.
"Parle avec lui" ; "Ton gage sera d'aller voir Malefoy" ; "Fais-le, tu seras fixé" ; "Je ne crois pas qu'il t'ai quittée pour les raisons qu'il a invoquées". Je retins un gémissement : même mentalement mes imitations de Rachel étaient nulles.
Pourquoi donc m'aurait-il quitté sinon, hein ?
Je soupirais. A cause d'elle, j'allais devoir parler à Scorpius. J'étais doublement agacée de constater que si je tremblais autant ce n'était pas à cause de mon entrevue avec ma machiavélique meilleure amie mais parce que j'allais devoir affronter Malefoy. Enfin, au moins, Rachel me laissait la possibilité de lui écrire, sans que j'ai à le voir : elle savait que je n'aurais jamais supporté la vision de son couple fiancé. Fiancé. Ce mot me donnait envie de vomir.
Une fois mes clefs en mains, j'avançais dans ma misérable chambre du Chaudron Baveur. L'endroit était miteux et mal éclairé, mais propre. Je détournais mon regard du bureau qui me semblait dorénavant extrêmement menaçant et posais mes affaires sur mon lit. Un grincement s'échappa de celui-ci quand j'eus posé mon bagage. Je me dirigeais vers la salle de bain. Il faisait une chaleur étouffante et je n'avais qu'une envie : celle de me plonger dans un bain glacé et d'oublier toute cette histoire. Le robinet résista quelques secondes avant de laisser s'écouler un mince filet d'eau. Je me glissait sous la douche avec un soupir, espérant qu'elle apaise mes tremblements.
Il n'en fut rien. Je quittais la salle de bains enveloppée dans ma serviette et énervée. Je jetais un coup d'oeil au bureau, méfiante. Autant me débarrasser de cette tâche pour le moins désagréable maintenant. Je tirais la chaise si violemment qu'elle tomba par terre.
_ Il ne sert à rien de s'énerver comme cela..., me reprocha le miroir au dessus du pupitre.
Je lui adressais un regard peu amène et l'entendis déglutir. (Oui, les miroirs peuvent déglutir).
Je ramassais la chaise et m'installais face au parchemin que j'avais acheté la veille. J'hésitais une bonne demi cent cinquantaine de fois quant à la formule à adopter. A ce que j'allais lui dire. Mes efforts étaient amassés sur le sol en un tas de feuilles roulées en boules, représentatives de ma frustration. Je fermais les yeux et poussais un soupir à fendre l'âme, repensant à ma discussion avec Rachel. "Je ne crois pas que Malefoy t'ai quittée pour les raisons qu'il a invoqué." Je sentis la colère remonter dans ma gorge comme une boule acide. Je savais enfin ce que j'allais lui dire. Il était temps que je dise à Scorpius mes quatre vérités. Que je lui confie ma colère. Le tremblement de mes mains s'apaisa.
Londres, le 27 août 2026
Scorpius,
Je ne sais pas trop comment commencer cette lettre, toujours est-il que si ça n'avait tenu qu'à moi tu n'aurais jamais rien reçu de ma part. Mais voilà, je me retrouve à t'écrire et il faut bien que je mette quelque chose dedans. Après pas mal de conflits intérieurs avec ma conscience, je vais t'écrire ce que je ressens. Parce que tu vois, ma pauvre conscience n'en peut plus. Les règles de bienséance et de courtoisie auxquelles tu tiens tant exigent que je prenne de tes nouvelles, que je demande comment tu vas. Mais cela ne m'a jamais autant indifféré qu'aujourd'hui. Tu serais l'homme le plus heureux ou le plus triste du monde que je n'en aurais rien à faire. Comme tu me l'as dit un jour "Il faut que tu comprennes que quoi qu'il t'arrive, je n'en aurais jamais rien à faire !".
Je repense à ce mot suintant de mensonges que tu as osé m'écrire. Tu ne nous supporte plus, Scorpius ? Parce que tu crois que moi je parviens à nous supporter ? Tu crois que tu es le seul à en avoir assez des conflits ? Moi aussi j'en ai marre. Pourtant moi je n'ai rien abandonné. Quoique...C'est peut-être ce que je serais parvenue à faire si Rachel ne m'avait pas poussée à te parler. Ne viens pas me dire que tu ne nous supporte plus, c'est stupide comme prétexte ; si moi je parviens à continuer d'encaisser, je ne vois pas pourquoi est-ce que toi tu n'y arriverais pas, d'autant plus que tu as toujours été le plus endurant de nous deux. Trouves une autre excuse et je te donnerais cette paix que tu semble tant désirer.
Douce ironie. Comme c'est terrible. Je t'aime. Et contrairement à ce que tout le monde peut croire, l'Amour est loin de me rendre heureuse, au contraire. J'ai l'impression que les contes qui ont bercés mon enfance n'étaient qu'une mascarade. Que ce que mes amies m'ont racontées sur l'Amour était un véritable mensonge. Puis j'ai compris. Ce n'est pas l'Amour qui est horrible. C'est t'aimer, toi. Pourquoi est-ce que t'aimer est si difficile ? Pourquoi est-ce que ça me fait autant mal ? Mais dis-moi...Pourquoi j'aime ça ? J'ai la réponse à mes questions. Tout vient de toi. La tragédie avec l'Amour, c'est bien le fait de ne pas choisir sur qui ça va tomber. Mais si j'avais su que ça me ferait autant de mal, tu peux être sur que j'aurais soigneusement évité de croiser ton regard ce jour là.
Mon coeur est sur le point d'éclater Scorpius. Et tout ça, c'est bien ta faute si c'est arrivé. Parce que c'est ta faute si je t'aime, et c'est ta faute si tu as gâché toutes nos chances. Parce que tu as cédé aux croyances de tes parents (et que tu t'es permis de critiquer les miennes, quand j'y pense, quel hypocrisie de ta part !), et que tu es parti te marier avec une inconnue. Parce que tu m'a menti toutes ces années. Tu n'imagines même pas à quel point je t'en veux. Pour tous ces faux espoirs d'avenir que tu m'as laissé apercevoir sans que jamais nous puissions simplement les effleurer. Pour cette crétine de Zabini que tu as promis d'épouser. Pour m'avoir poussée à quitter un endroit que je considérais comme mon foyer. Pour m'être disputée avec mon père à cause de toi, alors qu'en réalité, cela n'en valait vraiment pas le coup. Pour avoir perdu les pédales un nombre incalculable de fois par ta faute. Pour avoir espéré pour rien. Pour avoir bouleversé mes croyances. Pour avoir perdu le contrôle sur ma vie. Pour avoir perdu le contrôle de mes émotions. Je te déteste de m'avoir poussée à t'aimer. Et je veux te faire autant de mal que ce que tu m'en a fait.
C'est sur cette note que j'achève cette lettre Scorpius, en espérant que tu éprouveras autant de peine en la lisant que j'en ai ressenti en l'écrivant. J'ose croire que cette lettre apaisera le feu de mon esprit et provoquera le tien.
Au revoir, Scorpius.
Rose Weasley.
Je relus ma lettre plusieurs fois. Hésitais à la déchirer, à tout recommencer. Puis finalement, je compris que si je ne lui envoyais pas maintenant je ne le ferais jamais. J'appelais ma chouette, qui vint immédiatement se poser sur mon bras et attachais la lettre à sa patte.
_ C'est pour Scorpius.
Elle s'envola dans un hululement joyeux. Pas besoin de donner d'adresse, ma chouette avait l'habitude d'envoyer du courrier à Scorpius. Mon coeur se serra un peu plus en repensant à toute la correspondance que j'avais eu avec lui. Les petits mots envoyés en pleine nuit. Les nuits blanches. Les photos de vacances. Les extraits de magazine. Les reproches. Et surtout (et l'anneau autour de ma poitrine se ferma davantage) : les longues lettres. Celle qui sont légères comme une brise d'été et qui avaient le don de me rassurer. Les rires. Je regrettais tout ce que j'avais perdu avec le départ de Scorpius. J'étais pourtant habituée aux disputes. Habituée à ce que l'un de nous reviennent vers l'autre avec mille excuses. Puis à nouveau les reproches. A nouveau les séparations. Les réconciliations sur l'oreiller Les pardons.
J'éprouvais soudain la fugace envie de rappeler ma chouette et de brûler cette maudite lettre, mais me retins. Il était temps que je dise au revoir à Scorpius. Ma gorge se noua et les larmes coulèrent sur mes joues, silencieuses. Jamais je n'aurais pensé que lui dire adieu (car à mes yeux, il s'agissait bel et bien d'un adieu) me ferait autant de mal. Je me demandais vaguement comment il allait réagir en la lisant.
Je soupirais : si ça se trouvait, il ne l'ouvrirait même pas.
_ Scorpius... Jamais les mots que j'ai écrit n'ont été plus vrai : pourquoi t'aimer est si difficile ?
Seul le silence de ma chambre me répondit.
Alors voilà, il s'agit de la fameuse suite à "Confidences autour d'un café" même s'il n'y a pas besoin de lire cet OS pour comprendre. Avant de vous laisser lire, je tiens énormément à remercier Rosalie24, qui me suit depuis mes débuts sur ce site et qui review à peu près tous mes textes, qui m'a mise dans ses auteurs favoris et dont les messages sont toujours encourageants ^^.
Merci également aux autres qui me laissent des messages ou même qui prennent la peine de me lire.
Sur ce, bonne lecture !
Reviews, please ?