Bonjour !
Après avoir publié mon OS Paria dans lequel j'écris une querelle opposant James et Teddy, Voici ma ficlette sur James. J'avais hâte de publier, car elle est étroitement reliée à l'histoire de Lily, L'Enchevêtrée (à vrai dire, l'Enchevêtrée est la suite de La Maladie des Gens Heureux). C'est une histoire de famille, une famille qui tourne mal, après que tous les enfants aient quitté Poudlard. C'est toujours pareil "qu'est-ce que je vais faire" et plus le temps passe, plus les adultes se font vieux et fatigués.
Dans cette histoire, Harry aura un grand rôle à jouer. Je préfère prévenir tout de suite que ce qui va suivre risque de ne pas plaire à certaines personnes car j'imagine Harry... ne pas finir heureux comme dans tous les happy end. Pour moi, plus sa vie défile, plus il en est lassé. Les cauchemars la nuit, les enfants qui grandissent trop vite, Ginny qui bougonne, tout vieillit. J'espère que vous apprécierez cette manière de voir la famille Potter après la guerre et après Poudlard. Il en va de même pour la famille de Ron et Hermione et je comprends tout à fait que vous n'adhériez pas à ce point de vue.
Voici donc James, 20 ans, plutôt perdu entre son père fatigué et sa petite soeur qu'il veut sur-protéger. Je vous souhaite une bonne lecture et m'excuse d'avant pour les fautes, je n'ai pas de bêta. PS : attention spoiler des Alligators PS : A tout ceux qui se lancent pour la première fois dans la lecture de mes histoires, sachez que toutes mes ficlettes suivent un ordre chronologique. On peut les lire séparement, bien sûr, mais on peut également se faire un combo en se rendant sur la page Next Gen de Papier, dans mes séries. Bonne lecture !
Voici le premier chapitre qui met l'histoire en place, bonne lecture !
Il a croisé ses bras sur sa poitrine, juste au-dessus d'un ventre qui commence à s'arrondir. Les pieds en canard, glissés sous la table basse, et le menton calé entre les os de la clavicule, il dort. Il dort profondément, un sommeil soucieux sans rêve. James, de la porte du salon, regarde cette moue relâchée qui affiche enfin le réel état d'esprit de Harry. Entre les rides qui se sont formées, derrière les épais sourcils, James part à la recherche de son père. Il contemple le corps laissé à l'abandon sur le canapé, qui s'est avachi aux côtés d'un verre de bière vide. Une étrange odeur règne, ça sent la langueur, les jours lents et flemmards. Harry a un petit soubresaut mais ne se réveille pas. James prend le verre de bière, ne dit rien, s'en va.
Il entre dans la cuisine, n'aperçoit qu'un filet de fumée qui s'échappe de derrière un livre. C'est Ginny qui surveille sa tarte aux pommes dans le four. Elle a pris place sur la chaise en osier, la plus inconfortable de la maison. Elle aspire une bouffée de sa cigarette, sans lever les yeux sur son fils. Elle le laisse venir, s'en aller, repartir.
La maison des Potter se situe dans la campagne anglaise, au bord d'un chemin et d'une rivière. Au bout de ce chemin, la grande route mène à la ville ; au bout de cette rivière, une cascade gigantesque et une plage de cailloux. Parmi les racines des arbres qui s'entortillent, les oiseaux font leur nid.
La maison des Potter est une belle maison. Elle est grande et massive et son flan impose son ombre sur la cour goudronnée. Le jardin de devant est dépourvu de fleurs et de parterres. Harry a veillé à ce que cet espace soit consacré aux longues parties de Quidditch que les enfants se sont disputées, les soirées d'été. Leurs pas ont foulé la terre sans jamais la retourner – il est même arrivé que Ginny se mêle à eux dans leurs jeux bruyants.
Dominant le terrain, un vieux cerisier où Harry a accroché une balançoire. Il a servi de bateau pour le corsaire et le pirate, de cabane sauvage pour le Robinson Crusoé, de lieu de refuge pour les singes pourchassés et de perchoir à oiseaux, pour les affamés, lorsqu'au printemps les cerises apparaissaient. On y faisait alors grimper Lily et léviter un panier d'osier afin qu'elle y dépose les petits fruits rouges, tâchant de cacher à sa mère ceux qu'elle gobait tout rond.
Plus loin, le jardin donne sur une série de bassins, rond, informe ou carré ; y vivaient un peuple de poissons, carpe coï, petit espadon, poisson rouge, chat, clown et sirène que le héron voisin aura mangé.
L'eau s'écoule de la rivière et vient remplir les petits bassins qui se suivent. Nénuphars, pas japonais, saule pleureur et chaises de bois sur les dalles blanches, Harry n'a rien oublié à ce joli décor, pas même les rosiers d'or ou les pommiers, les gargouilles aux grimaces terrifiantes, les perroquets sur les grillages, le jardin blanc, le labyrinthe, les bouleaux aux cicatrices, les acacias un peu frivoles et les trois ponts passant au-dessus de l'eau pour rejoindre le petit bois.
Le petit bois est la frontière de cinq hectares de champs. Dans ces hectares, trois chevaux qui broutent l'herbe du jardin qu'on a tondu. En compagnie de Ron et de Bill, Harry a fait construire une écurie qui sent le foin des roumbadères et dans laquelle on peut dormir, afin d'observer les poulains qui s'y succèdent. De l'écurie, on peut facilement rejoindre la rivière, où le courant se fait plus fort et on y balance un canoë construit avec des planches. On navigue, l'eau aux mollets jusqu'à ce que l'on coule près des rochers.
On remonte la rive en nageant, on s'arrête un instant sur les petites plages et on fabrique les barrages, comme Ginny l'a enseigné.
Même lorsque les enfants se cachaient dans le bois, la voix de leur mère portait jusqu'entre les buissons pour leur crier « à table ». Harry sortait alors sur la véranda pour observer les trois petits corps lancés à tout vitesse dans la descente, slalomant entre les chevaux paisibles pour rejoindre, les bottes pleines de boue, le reste de la famille.
A leur poursuite, deux, parfois trois chiens, galopant à vive allure, la langue pendante et les yeux bonheur, jappant parfois dans leurs mollets mais ne cherchant jamais à les mordre.
Il faisait nuit, les chiens s'endormaient et Harry chatouillait une dernière fois Albus, qui, riant aux éclats, jurait de monter se coucher lui aussi.
Les enfants regagnaient l'étage, entrant dans la même chambre, suffisamment grande pour y faire rentrer trois lits deux places.
James se jetait dans un grand lit en fer, Lily dans un baldaquin et Albus dans un bateau blanc. Ginny se penchait pour leur murmurer des secrets ; corsaires, pirates, oiseaux ou singes volants.
Harry, une fois ses enfants endormis, serrait Ginny dans ses bras, contemplant son havre de paix, sa véranda. L'image du bonheur s'affichait alors et il écoutait les crapauds sortis chanter.
Quinze ans plus tard, la maison est triste, pleine d'ennui. Parfois, la rivière déborde dans le jardin et les champs, des coulées de boue qui se traînent, toutes tonitruantes. Parfois, un filet de fumée s'élève de derrière le livre de Ginny, l'odeur du mauvais tabac qui imprègne les draps. Parfois, c'est l'immense horloge de la cuisine, celle que Percy et Audrey ont offert aux Potter pour leur mariage. Elle se débloque, s'emballe et fait résonner ses gong, juste au-dessous de la chambre de James qui l'écoute nerveusement.
Les deux chiens dorment, la vieille, le tout petit, ils poussent des grognements. L'horloge cassée indique seize heures – un dimanche, c'est l'heure de la sieste. Le chaton roux a filé dans la chambre de James, il n'apprécie pas traîner au rez-de-chaussée lorsque Harry dort sur le canapé.
James n'aime pas cela, la violence dans le sommeil sans rêve de son père. Il n'aime pas la violence qu'il met dans ses cris pour faire fuir le chat aux poils qui volent. Harry, depuis un bout de temps, commence à être rongé par la vie.
James se demande parfois où son père a bien pu faire erreur. Il se poste dans la véranda, regarde le terrain de jeu, le vieux cerisier, les bassins à l'abandon et le bois qui se fait sombre. Les chevaux broutent toujours mais cela fait bien longtemps qu'ils ne sont plus montés. Les buissons s'engorgent et mangent la terre des rosiers. Ceux-ci se fanent, se laissent mourir tandis que les crapauds ne chantent plus, préférant enlaidir les pas japonais désormais nus.
Est-ce que c'est pour cela, que personne n'a rien remarqué ? Parce que le monde de Harry, si bien fait, tombe en décrépitude ? James se le demande. Ce doit être parce que Harry est fatigué – parce qu'il dort souvent, qu'il boit un peu trop ou qu'il s'emmerde à faire fuir le chat. Parce que maman préfère lire ou s'envoler plutôt que de regarder ce qui se passe.
Pourtant, c'est arrivé, le jour de pluie, les sept ans de James, la naissance du chat roux dans son armoire. Dans ses bras, ronronnant ; la véranda froide, le temps d'automne. Maman dans la bibliothèque se passionne d'un exemplaire vieux de quatre-vingt deux ans – le filet de fumée n'existe pas encore. Papa est sorti dans le jardin, sous la bruine, sans que la rivière ne déborde, et soudain, le cri. Il appelle : « les enfants, il faut rentrer ». James a assisté au spectacle avec le chat roux : les trois corps lancés à toute vitesse depuis le bois, les bottes pleines de boue, les chiens bonheur sur leurs talons. Une ombre bleue.
Depuis, il n'y a que Albus pour observer de sa fenêtre ce que Teddy fait subir à James. Et peut-être Lily, mais Lily ne dit rien.
James monte les escaliers, pénètre sa chambre. Il envie celle de Lily qui s'est cachée dans les combles, avec son rat. Lui, il a Albus pour voisin, ses murmures étranges et, quand Teddy dort à la maison, il les entend parler jusque tard dans la nuit, sans jamais être invité à se joindre à eux.
La chambre de James est vaste. Un lit deux places, des étagères avec des livres qu'il n'a jamais lu. Des globes terrestres, trois en tout, qui tournent en rythme et qui sèment une terrible cacophonie. James a parfois peur que cela réveille les violences de Harry. Au sol, des chaussettes, elles hurlent qu'elles sont sales mais James les écrase avec ses pieds. Tant pis pour elles.
Parfois, James se dit que sa chambre est bien trop grande pour lui. Qu'ici, on pourrait y faire entrer deux petits lits, deux lits pour accueillir deux frères, deux amis inséparables. Un Albus, un Teddy, sous les draps.
Et où irait-il, James ? Dans la chambre d'Albus ? Au sommet de son lit superposé ? Il ouvrirait ses volets sur les champs de derrière, non pas sur la rue, il écouterait les grillons, non pas les voitures.
James s'assoit et écoute. En ce dimanche d'avril, il essaie de savoir où se trouve Teddy. S'est-il bien gardé de laisser ses fesses sur le canapé de la chambre d'Albus ? Y est-il resté pour s'amuser avec son meilleur ami, à discuter de filles, d'herbe, d'ennui ?
James se concentre, c'est comme s'il collait son oreille contre le mur. Mais dans la chambre d'à côté, c'est le silence. Cela veut dire que Ted est absent et que Albus fume.
Alors James se lève. Il s'immobilise dans le couloir, hume l'odeur du tabac qui s'y dégage. Il jette un coup d'oeil aux escaliers de bois qui mènent au grenier, chez Lily, sous les combles. Ted les a grimpé, plus tôt dans l'après-midi, pour « aller dire bonjour à Lily ». James se demande s'il en est redescendu.
Il n'ose pas monter – ça ne se fait pas. Ce n'est pas pour rien que Lily a tenu à quitter la chambre qu'elle partageait avec James pour se faire son coin, là-haut. De nouveau, James écoute. Les grincements sur le plancher, c'est bien la preuve que Teddy est près de Lily.
De quelle manière ? Est-ce qu'il lui caresse les épaules ? Est-ce qu'il lui dit de jolis mots ? Ou bien est-ce l'inverse, est-ce Lily qui l'attire, qui lui ordonne de s'allonger sur son lit ?
Pour James, c'est trop compliqué de suivre. Lui, tout ce qu'il retient, c'est ce qu'il a vu, en Janvier. Ce baiser échangé, furtif mais bien présent, entre Lily et Teddy. C'est tout ce qu'il retient, tout ce qu'il a envie de retenir. C'est Teddy le fautif. C'est sa faute à lui, à force de souiller Lily.
Mais Teddy ne l'a pas entendu de cette oreille, quand en Janvier, James a voulu s'interposer. Quand tous les deux se sont retrouvés dehors sous la neige, à jouer au plus vaillant et que Teddy a fait ployer la nuque de James vers le sol, pour qu'il se taise.
C'était leur plan, Albus et Teddy, de pousser James à bout. Pour caser les deux petits lits, deux petits lits pour y accueillir des frères, deux amis inséparables.
Et pendant que cela se fait, derrière les ruminations, James écoute son père qui hurle, papa qui écrase, de son poing, la table. Le chat roux ? Sur le rebord de la fenêtre, bien à l'abri. Maman ? Sur son balai, fuyant les cris.
Alors, c'est que papa hurle seul, dans sa bibliothèque, sur les vieux ouvrages, il tempête. James s'assoit, se force à écouter et attend que ça passe.
Harry hurle le prénom de son premier fils, cela résonne dans la cage d'escaliers. James ne bouge pas, Harry ne grimpe jamais les marches, car ses cris n'ont aucune raison valable d'être jetés. C'est au tour d'Albus de subir les reproches insensées de Harry, puis de Lily et James est bien content que sa petite sœur se soit cachée dans les combles – comme le chat, elle est à l'abri.
Le silence est revenu dans la grande maison toute cassée. James ne bouge pas de son lit, ne froisse pas les draps. Même le chat a compris. Il faut attendre que tout cela passe et surtout, ne pas faire de bruit.
Ca fait un peu bloc de textes, mais j'ai voulu insisté sur la maison (très importante à mes yeux) l'atmosphère, l'univers qui entourent la famille Potter, ainsi que ses membres.
Merci d'avoir lu !