« Pourquoi Lily ? »
James se tourna vers Sirius, comme s’il voulait être certain d’avoir bien compris la question.
Le couloir était désert. Après tout, il serait bientôt minuit et tout le monde devait rester dans sa salle commune après vingt heures. Pourtant, ils étaient là, assis contre le mur, trop occupés à saccager leurs poumons pour avoir froids et rentrer dans leur dortoir.
« Pourquoi Lily ? Répéta volontairement James.
- Ouais, pourquoi Lily, Confirma Sirius en hochant la tête avant de tirer une nouvelle bouffée.
- Et j’ai combien de temps pour répondre à ça ?
- Bonne question, je vais te dire ça tout de suite… »
Sirius glissa une main dans son blouson et en sortit un paquet rouge qu’il ouvrit avant de répondre :
« 5 clopes. Tu relèves le défi ? Pas le droit au brouillon, Dit-il en posant la petite boite cartonné entre eux.
- Uniquement si je peux me flinguer les poumons en même temps, négocia t’il en sortant son propre paquet.
- Marché conclu, trancha Sirius en éclatant d’un rire franc. »
Un bref silence suivit leur échange mais comme souvent, ça ne les gênait pas. Après tout, James pouvait bien réfléchir quelques secondes si ça lui plaisait. Ce n’était pas la première fois qu’ils parlaient de Lily mais ce soir, il y avait quelque chose de plus intime, de plus mature également.
« Parce qu’il y a toujours eu un truc entre nous, même quand on était pas ensemble. J’sais pas comment l’expliquer. Même quand on s’engueulait, on s’engueulait pas comme tout le monde. Un peu comme si dès qu’on se voyait, on risquait de franchir une limite. On a jamais réussi à avoir une relation normale, simple ... T’es bien placé pour le savoir d’ailleurs : y a toujours eu des « mais » partout avec Lily.
- Et par rapport à tes exs? Demanda Sirius en soufflant la fumée sur le côté.
- J’suis pas un bon exemple pour cette question. Même quand j’étais avec d’autres filles, elle restait toujours dans un coin de ma tête alors autant dire que maintenant … »
James eut un petit sourire nerveux en se souvenant soudain combien il avait pu détester Lily à cette époque. Sirius approuva ce raisonnement, réfléchissant ensuite à sa prochaine question. Question qu’il cherchait encore à formuler correctement.
« T’as jamais … Maintenant que vous êtes ensemble, tu t’es jamais … »
Oh bon sang, il se serait bien mis des baffes à cet instant. Plus jamais il n’écouterait les conversations des filles … James fronça les sourcils : Depuis quand Sirius cherchait-il ses mots avec lui ? Avec qui que ce soit d’ailleurs.
« Pad’ ? Tu m’inquiètes : reprends une cigarette, ou mieux, arrête tout de suite.
- Laisse mes cigarettes en dehors de ça et va plutôt blâmer les Serdaigle de 7e année. Et une ou deux poufsouffle aussi, se justifia Sirius en retrouvant contenance.
- Fais moi confiance, j’irai mais d’abord, crache le morceau.
- De toute façon, je n’arrive pas à formuler ça correctement. Tu n’as jamais eu l’impression que Lily était disons, un objectif ou une sorte de trophée et qu’une fois que tu l’aurais «eu », tu passerai à autre chose ? »
James écarquilla les yeux mais éclata d’un grand rire. Un trophée !
« Des noms, donne-moi des noms tout de suite que je me marre en les croisant demain au petit dej’ ! Un trophée … Bah pour commencer, si on veut que la théorie soit valable, elle l’est dans les deux sens parce que même si ça a pris longtemps avant que Lily et moi on soit en phase, on a toujours su qu’il y avait un truc bizarre entre nous. Donc, si on suit cette logique, Lily a autant de probabilité que moi de se … lasser et de se dire « oh, c’était que ça » avant de me plaquer, Expliqua James en levant les yeux au ciel sans pour autant se départir de son air moqueur.
Pourtant, une expression plus sérieuse prit le dessus lorsqu’il s’aperçut que Sirius ne se joignait pas à lui.
« Depuis quand tu écoutes les ragots au fait ? Ou plutôt, depuis quand tu les gobes ?
- Un moment de faiblesse probablement, répondit-il sans insister davantage. »
La vérité, c’est que tout ça le dépassait. James et Lily. Cette espèce d’évidence qui semblait les poursuivre où qu’ils aillent et quoi qu’ils fassent : tout cela le dépassait. Parce qu’ils avaient dix sept ans et que Sirius n’arrivait pas à croire qu’on puisse être satisfait de cette finalité. Lui voulait profiter, expérimenter, vivre sa jeunesse et tant pis si tout ça ne menait à rien d’intéressant. Il avait sa trentaine pour s’en soucier.
Alors, oui, après avoir entendu ses filles dirent que James finirait par se lasser maintenant qu’il l’avait eue, quelque chose l’avait empêché de lever les yeux au ciel. Un moment de faiblesse : Lui aurait peut-être réagi comme cela, pas James.
« Bon, c’est bien gentil tout ça mais il faudrait peut-être qu’on pense à rentrer ? Que dit la carte ? », Reprit James en désignant le bout de parchemin à côté de Sirius. »
Celui-ci déplia la carte et promena ses yeux de droite à gauche. Il fronça légèrement les sourcils à un moment mais bien vite, ses yeux se firent rieurs.
« Alors, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, c’est que Rusard est occupé au troisième étage donc on a largement le temps de rentrer, Dit-il en fixant le petit point noir.
- La mauvaise donc ? Compléta James en fronçant les sourcils.
- Et bien visiblement, Lily en a eu marre de t’attendre et elle se dirige droit sur nous. »
James eut alors une expression perplexe : son regard alla du paquet de cigarette posé sur le sol à la carte que tenait Sirius. Deux fois.
« Une idée de génie pour te tirer de là, Prongs ?
- C’est dégradant si j’envisage très sérieusement de jouer la carte de la sincérité ?
- Pas si tu ne fais que l’envisager, se moqua Sirius en sachant parfaitement que Lily n’était pas dupe. »
Pour toute réponse, James lui adressa un regard exagérément sceptique en énumérant mentalement toutes les preuves qui l’inculpaient.
" Si elle me pose des questions, je peux dire que je ne faisais que t’accompagner …
- Y a t’il ne serait-ce qu’une chance pour que Lily gobe ça ? interrogea Sirius, visiblement amusé.
- Pas la moindre mais ce serait une honte de ne pas le tenter quand même.»
Ils entendirent alors la porte du couloir et ils distinguèrent presque immédiatement une silhouette avancer d’un pas probablement trop rapide vers eux. Merde.
« Salut toi, commença James en faisant un petit signe de la main en la voyant de plus en plus proche. »
Sirius souria tout seul dans le noir. Il n’y avait pas moyen que son meilleur ami s’en sorte en jouant les dragueurs mais il salua la tentative.
« Salut vous deux. Jamais entendu parler du couvre-feu, hein ? Ironisa t’elle en croisant les bras.
- Couvre quoi, Evans ? Comment tu écris ça ? répondit Sirius avant de croiser les bras à son tour, le visage faussement pensif.
- Je te l’écrirais demain sur ta liste de vocabulaire Black, ce sera juste en dessous de « devoirs » et « maturité », dit-elle en lui faisant un clin d’œil. »
James leva les yeux au ciel en les entendant s’appeler une nouvelle fois par leurs noms de famille, comme à chaque fois qu'ils se taquinaient.
« Vous étiez ici depuis la fin du repas ? reprit-elle en se tournant cette fois vers James.
- Oui, on se racontait nos vies trépidantes, nos malheurs avec la gente féminine …
- Et vous avez réussi à parler de ça sans noyer vos tourments dans des litres et des litres d’alcool ? se moqua Lily en insistant sur certains mots.
- Curieusement oui, comme quoi, avec de la volonté … »
James se leva alors, soudain bien plus proche de Lily que ne le permettait son état. Sirius se mit debout à son tour, attendant patiemment qu’il se fasse démasquer. Tout trois se remirent alors en chemin vers la Salle Commune. Apparemment, James était aussi surpris que Sirius de ne pas s’être encore fait prendre parce qu’il jetta un regard vaguement perplexe à ce dernier. Sur le chemin, ils posèrent des questions à Lily sur sa soirée et arrivèrent sans s’en rendre compte devant le portrait de la Grosse dame. Le tableau bascula et ce fut donc le moment de rentrer chacun dans leurs dortoirs.
« Mary est déjà couchée ? demanda James en voyant que personne n’attendait Lily dans la salle commune.
- Oui, elle ne doit pas encore dormir mais elle était assez fatiguée quand je suis partie vous chercher.
- Eh bien Evans, tu n’auras qu’à lui dire bonsoir de ma part, conclut Sirius en levant sa main pour lui dire bonne nuit.
- Exactement, bonne nuit Lil’, ajouta James en s’approchant d’elle pour l’embrasser rapidement. »
Malheureusement pour lui, celle-ci se décala gentiment et Sirius était certain de voir une lueur de triomphe dans ses yeux lorsqu’elle se recula encore avant dire : « Tu aurais dû y penser avant de te fumer un paquet de cigarettes, Potter ». Elle se tourna alors et disparut dans le dortoir des filles.
James se tourna avec vers Sirius, lequel se mordit la joue pour tenter de masquer son hilarité.
« J’avoue que ça, je l’avais pas vu venir.»