Oui, papa, dis le moi. Explique-moi.
Parce que je te promets, que j’ai beau chercher dans chaque recoin de ma tête, je ne comprends pas. Je ne trouve aucune explication, pourtant j’essaye vraiment de comprendre en y mettant toutes mes forces. Sauf que je trouve rien qui m’expliquerait pourquoi. Pourquoi vous ne m’aimez pas ? J’ai retourné cette question un tas de fois dans ma tête, mais j’ai pas trouvé de réponses convenables. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir cherché pourquoi, je te le jure.
Parce que oui, vous ne m’aimez pas. Je le vois. Je le sens. C’est comme une ombre toujours tapie derrière moi et qui me poursuit toute la journée, même dans mon sommeil.
Joanne passe son temps à me tirer les cheveux, à me faire des mauvaises farces et à me donner des coups de pieds dans les tibias qui me donnent des bleus partout. Maman, quant à elle, je peux le voir rien que dans son regard à qu’elle point elle me déteste. Elle n’a pas besoin de mots pour le dire, toute la colère se voit dans ses yeux chocolats, c’est vraiment effrayant parfois. Et toi mon papa, tu dis jamais rien. Je crois bien que, tu es le plus gentil des trois. Sauf quand tu refuses que je te prenne par la main, sans un mot. Ça non plus, je ne comprends pas pourquoi tu me rejettes, peut-être que je te fais honte ?
Est-ce que c’est parce que je suis moins jolie que Joanne que vous m’aimez pas, papa ?
Ou alors est-ce que c’est parce qu’à neuf ans et demi y’a toujours aucune magie chez moi ?
Ou bien, c’est parce que je suis un « accident » comme dit maman ?
Je sais pas trop ce que ça veut dire, un accident. Pourtant, je pourrais parier trois pâtes à citrouilles, que c’est pas vraiment une bonne chose. J’ai raison, n’est-ce pas, papa ? Mais tu me le diras pas, parce qu’à chaque fois que je pose des questions, tu me dis toujours d’arrêter mes idioties.
Ça me met en colère, de ne jamais avoir de réponses. De plus en plus, j’aimerais tellement savoir pourquoi vous ne m’aimez pas, que souvent ça m’empêche de dormir. Je réfléchis tout le temps, à chaque minute. Il y’a un tas de questions qui m’envahit la cervelle au point que des fois je sens ma tête prête à exploser tellement je bouillonne à l’intérieur. Alors dis-moi papa, oui dis-le moi.
J’essaye Papa, d’être plus gentille, d’être plus jolie même si je suis pas sûre que ça soit possible. J’aimerai beaucoup être comme Joanne, parce qu’elle, vous avez l’air de bien l’aimer. Maman, elle ne la regarde jamais aussi méchamment, même que parfois elle lui caresse doucement ses boucles brunes. Elle fait jamais ça avec moi, j’aimerais bien savoir pourtant. Ce que ça fait la sensation d’avoir les mains toutes douces de maman dans mes cheveux. J’imagine que ça doit faire plein de frissons et que ça doit même être meilleur que les chocosgrenouilles ! C’est certainement parce que Joanne fait de la magie que Maman l’aime autant. Elle répète souvent que si je suis une Cracmol, je ne serais définitivement venue au monde pour ne créer que des problèmes. Je n’aime pas quand Maman dit ça, parce qu’ensuite je me sens mal pour le reste de la journée et que Joanne ne peut s’empêcher de me murmurer à l’oreille pendant des semaines les mots : « sale cracmol ».
J’essaye aussi d’être moins un « accident ». Sauf que je sais pas vraiment ce que ça signifie ces quelques mots, donc je suis pas sûre de réussir. J’ai tenté de comprendre ce que ça signifie exactement, parce que peut-être que comme ça vous m’aimeriez plus mais là non plus je n’ai pas réussi. Pourtant, je suis pas très sûre de vouloir savoir ce que ça veut dire, parce que comme je l’ai déjà dit, un « accident » ça a pas l’air d’être quelque chose de rigolo, ça s’entend rien qu’à la voix de Maman quand elle le dit.
Tu vois papa, dans ma tête y’a mille questions. Des questions sans réponses. J’ai l’impression que je vais devenir folle avec toutes ses pensées qui tournoient dans ma tête à une vitesse affolante. Ca me donne le tournis, j’aimerais crier à la terre entière qu’il me faut des réponses, pour le bien de ma santé mentale. Tu me dis souvent d’arrêter de penser autant, tu as peut-être raison, mais c’est plus fort que moi. Je ne peux pas m’en empêcher, j’essaye de toutes mes forces d’arrêter ces questions incessantes mais mon esprit ne veut pas. Il est comme moi, il veut juste la vérité. Mais celle qui revient le plus souvent, c’est pourquoi vous ne m’aimez pas ? Qu’est-ce que j’ai bien pu faire de si mal ? Alors oui, Papa, dis-moi pourquoi ?