« Non ! Je ne veux pas être le crapaud !
— Il en faut bien un pourtant. Comment veux-tu que la sorcière délivre le prince s’il n’y a pas de crapaud ?
— Mais p… pourquoi c’est toujours moi ? sanglota la fillette. Maman dit que le crapaud n’est qu’un beau à rien...
— "Bon à rien", corrigea Andromeda à voix basse.
— Qui a raté son sortilège parce qu’il n’a pas assez travaillé à Poudlard, poursuivit la petite comme si de rien n'était.
— Tu n’as que six ans…, grogna son aînée. Tu ne sais même pas tenir une baguette !
— Et alors ? Pourquoi je ne suis jamais la sorcière ? insista la petite blonde.
— Je suis la plus grande, c’est moi qui décide Cissy !
— Arrête de faire ta commandeuse Bella ! Si elle ne veut pas faire le crapaud, elle a le droit. On peut changer pour une fois, non ?
— Comme tu veux Andromeda, mais moi je reste la sorcière ! » dit froidement Bellatrix en croisant les bras.
Comme d’habitude ! Le jour où Bellatrix cesserait de vouloir être la sorcière n’était pas prêt d’arriver.
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« Qu’est-ce que tu fais ? » demanda Narcissa de sa petite voix aigüe.
Elle passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte et parcourut la chambre de sa sœur d’un regard triste.
« Ma valise.
— On fait une bataille de bavboules avec Andromeda, tu viens ?
— Je n’ai pas très envie.
— S’il te plait ! chouina la petite. T’as pas joué hier alors que t’avais promis !
— Tout à l’heure, d’accord ? »
Elle avait passé l’âge de jouer aux bavboules, non ? Elle entrait à Poudlard, elle était une jeune fille maintenant ! Bellatrix soupira. Si elle n’y allait pas, Cissy pleurerait toute la soirée comme quoi elle avait gâché leur dernière journée ensemble. Et ça lui retomberait encore dessus, comme d’habitude !
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« Cissy ! Cissy ! J’ai reçu une lettre ! C’est Bella ! »
Andromeda termina sa course dans une glissade sur le parquet lustré. Elle manqua de s’étaler de tout son long mais réussit à se rattraper in extremis au coin de la commode style empire qui meublait le couloir. L’aile réservée aux enfants était plus silencieuse depuis que Bellatrix était partie pour Poudlard.
« Alors ! Qu’est-ce qu’elle dit ? s’impatienta Narcissa en faisant claquer la semelle de sa ballerine vernie sur le sol. Maman ne m’a pas encore appris les lettres attachées, déplora-t-elle tristement.
— Laisse-moi le temps de reprendre mon souffle », fit remarquer Andromeda un sourire aux lèvres en parcourant la lettre des yeux. « Elle a vu un strangulot de sa salle commune !
— Wow ! La chance ! Dis, tu crois que moi aussi je pourrai ?
— Tu pourras quoi ? s’étonna Andromeda.
— Aller à Serpentard ?
— Bien sûr ! On ira toutes les trois à Serpentard !
— Et on jouera à sorcier et dragon tous les soirs ! » s’emballa Narcissa en battant des mains.
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« Rend-la moi ! MAMAN, BELLA ELLE M’A VOLE MA POUPEE ! hurla Narcissa.
— T’es qu’une rapporteuse ! siffla Bellatrix à sa petite sœur. Tu sais ce qu’on leur fait aux rapporteuses à Poudlard ? On les jette avec le calamar.
— MAAAAAMAAAAN !!! BELLA, ELLE VEUT ME DONNER A MANGER AU CALAMAR ! » continua-t-elle.
— Bellatrix ! Tu arrêtes tout de suite d’embêter ta sœur ou tu vas recevoir un sort dont tu vas te souvenir crois-moi ! » cria sa mère du rez-de-chaussée.
Bellatrix se jeta sur Narcissa et commença à lui tirer les cheveux.
« Rapporteuse ! Rapporteuse ! Le calamar me vengera !
— MAAAAMAAAN !
— Bellatrix ça suffit ! »
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« Poufsouffle ! »
Bellatrix renifla de dédain. Les blaireaux ? Sérieusement ?! Andromeda ne valait donc pas mieux que cela ?
Toute la table des Serpentards la regardait. Elle qui n’avait jamais juré que par le vert et l’argent, n’avait jamais fait que dénigrer les autres maisons, se retrouvait maintenant au pied du mur. Mais pourquoi Andromeda la trahissait-elle ainsi ? Elle n’avait plus le choix maintenant. C’était perdre la face ou perdre sa sœur.
Le choix était vite fait.
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« Bella ? Pourquoi est-ce que tu ne parles plus à Andromeda ? chuchota Narcissa au beau milieu du repas de famille.
— Mêle-toi de tes affaires ! » lui siffla-t-elle, pincée, en serrant un peu plus sa prise sur la fourchette d’argent.
« Mais…
— Tais-toi j’ai dit ! la rabroua-t-elle.
— Bellatrix, parle à ta sœur sur un autre ton je te prie », grogna Cygnus. « Les filles sont-elles donc incapable de se taire ? » ajouta-t-il d’un ton hargneux à sa femme qui baissa légèrement le regard.
Trois filles ! Quelle honte ! Elle n’avait pas été capable de faire mieux ?! Et Orion qui avait deux garçons...
Le silence reprit ses droits. Les cuillères raclaient les fonds des bols de soupe, meurtrissant les oreilles des membres de la famille Black. Narcissa ne comprenait pas, pourquoi Bellatrix était-elle si distante ?
« Andromeda t’a piqué ton journal intime, c’est ça ? tenta-t-elle à nouveau d’une petite voix.
— NON ! » s’énerva-t-elle en claquant sa serviette sur la table avant d’ajouter :
« Pour ça encore faudrait-il qu’elle soit à Serpentard et pas chez ces stupides blaireaux !
— Tu sais ce qu’ils te disent les blaireaux ? cingla sa sœur. D’aller voir dans la Chambre des Secrets si j’y suis !
— Au moins, nous, on a des légendes ! Pas comme ce ramassis de bons à rien infichus d’écrire l’histoire.
— Au moins, nous, on a des amis. Pas comme ces imbéciles qui te servent de laquais.
— Au moins, moi, je suis respectée. Pas comme toi qui est considérée comme la dernière des sang-de-bourbes !
— Au moins, moi, on m’aime pour ce que je suis. Pas comme toi, qu’on considère comme une tortionnaire !
— Traître à ton sang !
— Psychopathe ! »
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« Andromeda ! » cria Narcissa.
Elle courut à en perdre haleine dans les couloirs dans les couloirs froids et austères de Poudlard pour la rattraper. Des élèves plus âgés la toisèrent avec dédain alors qu’elle les dépassait. Cette petite poupée de porcelaine n’avait donc aucune tenue ?
« Andromeda ! » continua Narcissa en essayant de rattraper sa sœur malgré ses courtes jambes.
« Que veux-tu Cissy ? soupira-t-elle, lassée d’avance par la discussion stérile qui s’annonçait.
— Je suis à Serpentard ! s’écria la petite terriblement fière d’elle.
— J’ai vu. Félicitations.
— Tu n’as pas l’air contente pour moi ?
— Narcissa ! » beugla quelqu’un à l’autre bout du couloir.
Bellatrix semblait cracher de la fumée par les oreilles tant elle était hors d’elle. Elle se dirigeait à grandes enjambées vers sa plus jeune sœur, au mépris de sa robe retroussée qui laissait voir ses jambes gainées de bas. Elle attrapa vivement le bras de Narcissa et la tira en arrière.
« Tu ne peux pas lui parler Cissy !
— Aïe ! Tu me fais mal ! Pourquoi ?
— Il ne faut pas, c’est tout. Andromeda n’est pas à Serpentard, elle nous a trahies. »
~~~~~~
La journée s’annonçait chaude. Les rayons du soleil brûlaient déjà leurs peaux pâles peu habituées à la chaleur.
« Tu n’as pas l’air heureuse Bella », fit remarquer Andromeda d’une petite voix.
Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Depuis quand le bonheur avait-il une place dans cette famille ? Tout ce qui importait, c’était le rang !
« Tu peux encore refuser tu sais. »
Refuser ?! Les blaireaux n’avaient donc aucun honneur ! Refuser et ridiculiser la famille, ternir son sang royal avec la tourbe des rumeurs et jeter l’opprobre sur une lignée séculaire ?! Elle ne pouvait pas sérieusement y songer !
« Personne ne t’en voudra si tu n’es pas prête.
— La décision est prise, je ne reviendrai pas dessus ! » cracha Bellatrix avant de s’éloigner le plus possible de sa sœur.
Bellatrix lissa les plis de l’avant de sa robe de fiancailles. Elle grimaça de dégoût. Sa mère avait insisté pour que ses trois filles soient tout de beige vêtues. Quelle horreur ! Elle préférait mille fois le noir. Bellatrix savait que Rodolphus ne serait pas dupe et cette pensée la rassura.
« J’ai encore un peu de temps avant le mariage de toute façon… », songea-t-elle.
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Andromeda se tordait les doigts depuis près d’une heure. Il fallait qu’elle le dise, qu’elle le fasse. Etre fidèle à son rang ou fidèle à son cœur ? Maintenant elle devait choisir.
Elle prit une longue inspira et frappa trois coups secs à la porte au fond du couloir.
« Entrez ! »
La porte couina sur des gonds qui auraient bien eu besoin d’être huilés. Bellatrix tourna son regard d’acier vers la jeune femme. Le silence s’installa, pesant.
« Je m’en vais », déglutit Andromeda.
Bellatrix hocha la tête et lui tourna ostensiblement le dos. Andromeda se tordit une nouvelle fois les mains.
« Pourquoi est-ce que tu n’as rien dit ?
— Tu es ma sœur », répondit Bellatrix d’une voix glaciale.
C’était donc aussi simple que ça. Pour un soupçon de sang partagé, pour tous les souvenirs d’enfance oubliés, elle avait gardé le silence. Bellatrix avait surpris sa sœur dans les bras de Ted Tonks. Pourtant elle n’avait rien dit. Pendant près d’un an. Alors Andromeda se rapprocha de la fenêtre, ouvrit ses bras et enlaça une Bellatrix crispée par une affection qu’elle ne connaissait plus.
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« Qu’est-ce que tu fabriques ? » s’énerva Bellatrix, les cheveux en bataille d’avoir couru dans sa robe cintrée de velours noir.
« Je croyais que… Enfin… J’espérais que…, bredouilla Narcissa.
— Elle ne viendra pas Cissy. Elle a été reniée.
— Je sais mais…
— ELLE – NE – VIENDRA – PAS !!! En quelle langue faut-il te le dire ? Maintenant bouge tes fesses, ta dentelle dégoulinante, rajuste ton masque de froideur et file te marier avec Malfoy si tu ne veux pas déshonorer la famille à ton tour !
— Je pensais qu’elle viendrait. Au moins pour moi…,» laissa échapper Narcissa dans un filet de voix presque inaudible.
Bellatrix leva les yeux au ciel en laissant un grognement se perdre dans sa gorge avant d’ajouter :
« Charmantes retrouvailles en perspective. Oh salut Andromeda ! imita-t-elle d’une voix suraigüe. Comment vas-tu depuis que j’ai essayé de tuer ton mari à la dernière bataille ? Comment ? Tu as une fille ?! Et une sang-mêlé en plus ?! Mais c’est merveilleux !
— Arrête ! lui ordonna Narcissa. C’est notre sœur ! Nous étions trois… »
Bellatrix leva la main et la coupa :
« Eh bien, nous ne serons plus que deux… »