« Alors Loufoca, toujours aussi bizarre à ce que je vois ! Ton père aurait dû t’apprendre que les chaussures allaient par paire ! Ah non désolé, il est encore plus taré que toi il ne sait pas ce que c’est que d’avoir un cerveau, alors comment pourrait-il avoir un goût pour la mode ? »

Dans l’hilarité générale, le groupe de Serpentard s’éloigna, laissant Luna seule au milieu du couloir. Elle baissa les yeux vers ses chaussures, l’une rose et l’autre bleue, et se mit à réfléchir. Elle n’avait jamais comprit l’intérêt de la méchanceté gratuite, mais elle semblait le centre de leur défouloir depuis quelques temps, sur n’importe quel sujet. Pourquoi s’en prenaient-ils à elle ? Parce qu’ils la voyaient toute gentille, incapable de ressentir de la haine pour quiconque, même après une grossière insulte ? Pourtant Luna était humaine, et non pas un pauvre petit animal que l’on raille derrière une cage, incapable de se défendre ni de répliquer quand quelqu’un l’embête. Non, Luna prenait chaque moquerie comme un coup de poignard en plein cœur, la seule différence résidait dans ses réactions. Elle ne laissait jamais rien paraître et tentait d’afficher un sourire de toutes circonstances. Cela lui avait joué bien des tours. Depuis plus de trois ans elle supportait les moqueries de ses camarades sans jamais rien dire. Tous la pensait insensible, perdue dans un monde d’anges et de pâquerettes. Pourtant Luna souffrait. Elle souffrait de ne pas être appréciée à sa juste valeur. Et même si elle aimait ses petits moments de solitude, elle aurait aimé qu’on la laisse tranquille le reste du temps. Car Luna vivait dans son monde et n’aimait pas qu’on la dérange. Pourquoi venir l’embêter alors qu’elle se repose tranquillement au bord du lac, ou lorsqu’elle s’émerveille d’un papillon aux couleurs chatoyantes ? Elle n’avait jamais compris l’intérêt de se moquer des gens différents. C’était beaucoup trop facile de s’en prendre à elle, sachant qu’elle ne répliquait jamais.

Avec un soupir elle reprit sa marche et se dirigea vers la bibliothèque.

Tout aurait été beaucoup plus facile s’il n’y avait pas eu lui. Elle aurait accepté toutes les critiques et les aurait laissé couler sur elle s’il n’en avait pas été l’auteur. Ce garçon blond la perturbait. Chaque rire sortant de sa bouche lui faisait plus de mal que n’importe quel autre rire. Chaque regard moqueur la faisait souffrir. Elle se fichait des autres après tout. Même si leurs mots blessaient son cœur, seuls ses mots à lui le lui brisaient.

C’était le pire d’entre eux. Et Luna en était amoureuse.

Elle ignorait l’origine des sentiments qu’elle ressentait pour Drago Malefoy, mais les faits étaient là : elle l’aimait, et cet amour était sincère. Pourtant, lui ne semblait faire attention à Luna que lorsqu’il avait envie de se défouler. Comment pouvait-elle aimer un garçon pareil ?

Elle voulait se libérer du poids qui la suivait depuis maintenant deux ans, elle voulait le lui dire afin de se sentir libre, tout en sachant qu’elle se rendrait ridicule et que lui, ainsi que tous ses amis, se déchaîneraient encore plus sur elle.

Elle devait donc trouver un moyen de le lui dire de façon discrète. Non pas pour lui, mais pour elle, qu’elle puisse enfin se sentir mieux. Elle avait déjà échafaudé plusieurs plans afin de lui dire sans qu’il sache de qui cela venait. Mais aucun ne lui avait parut assez convainquant. De plus, elle ne voulait pas tomber dans la mièvrerie, car cela ne lui ressemblait absolument pas.

Tout en marchant vers la bibliothèque, de nouveaux plans s'échafaudèrent dans son esprit. Aucun ne semblait convenir.

Il lui fallut attendre deux semaines avant de trouver le plan le plus susceptible de fonctionner. Ce n'était pas parfait, mais c'était le meilleur qu'elle ait trouvé. Elle allait devoir se servir d’un sort très compliqué que son père lui avait apprit un jour pour s’amuser et elle savait qu’elle aurait du mal. Elle devait s’entraîner avant, mais elle était décidée. Elle dirait à Drago Malefoy qu’elle l’aimait, peut importe la façon dont il l’apprendrait. Même si cela devait le rendre ridicule.

*****

Harry, Ron et Hermione se dirigeaient vers les serres pour leur cours de Botanique, donné par le professeur Chourave. Ce n’était pas une partie de plaisir pour eux, surtout parce qu’ils partageaient ce cour avec les Serpentard.

Contournant le groupe de Drago, occupé à débattre sur les « horreurs » qu’ils allaient voir ce jour-là, ils se dirigèrent de l’autre côté des tables et s’installèrent à leurs places habituelles. Ils furent vite rejoins par Drago et ses acolytes qui s’installèrent juste devant eux.

« J’espère qu’on étudiera des plantes carnivores ! Ca doit bien manger du sang-de-bourbe, non ? »

Le professeur Chourave entra à ce moment là, ne laissant pas le temps à Harry, Ron et Hermione de répliquer.

« Bonjour à tous, aujourd’hui nous allons étudier les Bubobulb, dont nous essaieront d’extraire du pus. Le pus des Bubobulb est très efficace contre les acnés persistantes ! Mais lorsque ce pus est brut il peut être dangereux pour la peau. Mettez donc vos gants de protection en peau de Dragon, et nous allons commencer l’extraction. »

Les Bubobulb étaient des plantes hideuses, ressemblant à de grosses limaces noires recouvertes de pustules. Elles se tortillaient dans tous les sens et il leur était très difficile de les maintenir en place.

Au bout d’une demi-heure, Hermione avait déjà réussit à remplir un pot de pus, tandis que Harry et Ron bataillaient encore pour s'approcher de la plante qui les répugnait. Tout à coup, un cri les tira de leur bataille avec la grosse limace. Tout le monde se retourna vers Drago qui s’était éloigné de la table et regardait sa plante avec de grands yeux ronds, la main sur la bouche. Ils se tournèrent alors vers le Bubobulb et les cris de Malefoy furent expliqués. La plante s’était tortillée jusqu’à former un L peu convainquant, et un trou en forme de bouche humaine apparut sur ce qui devait être sa tête. La plante se mit alors à parler d’une voix grave et incertaine.

« Je t’aime Drago Malefoy »

Après un moment de flottement, tous les Gryffondor se mirent à rire, bientôt suivi par les Serpentard et même le professeur Chourave. La serre était devenue soudain très bruyante sous l’effet de ce fou rire collectif. Seul Drago ne riait pas. Le visage blafard, il cherchait l’origine de ce maléfice. Il aperçu à l’extérieur de la serre une ombre s’éloignant à toutes jambes, de longs cheveux blonds flottant dans l’air.

Drago se mit alors à sourire. Un sourire vrai qu’il ne montrait jamais car il représentait une part de lui qu’il n’aimait pas. Mais il devait bien le reconnaître, à ce moment précis il n’arriva pas à cacher cette petite partie de son âme.

Même les regards étonnés de ses amis, qui avaient cessé de rire, ne parvinrent pas à lui enlever ce sourire. Peu importe qu’ils ne comprennent pas. Lui il savait. Il l’avait toujours su mais ne se l’était jamais avoué.

Tandis que l’ombre aux cheveux bonds, satisfaite de son tour, regagnait le château, Drago Malefoy se promit de garder ce petit secret pour lui. Et qui sait, peut être qu’un jour cette histoire finira par aboutir à quelque chose…