Cela fait des années que je vis à Paris et pourtant je me suis jamais lassée de ses rues, ses immeubles trop gris, ses voitures qui klaxonnent et ses habitants pressés. Ce qu'ils pouvaient m'agacer tous les lundis matin, quand je faisais le trajet hebdomadaire pour me rendre à l'Académie. Aujourd'hui cependant, je les aime et ils vont me manquer. Oui, même le boulanger acariâtre de la rue voisine. Mon père tire ma valise qui grince sur les pavés. Aoife est à ses côtés et les explique le principe de la morphogenèse arithmantique, interrompue parfois par les "Hmm" et "Ah bon" de mon père qui fait semblant de comprendre. Derrière lui, ma mère et mon frère m'entourent et me parlent bruyamment.
« Et là, j'ai dit à Artémis que sa dernière potion de bégaiement avait fait fondre son chaudron, et je serais à sa place, je la ramènerais pas, parce... continue mon frère, sans faire attention au regard surpris d'un passant. Ma mère pose sa main sur mon bras.
- Tu feras bien tes devoirs, hein ? C'est pas parce qu'on est loin et plus là pour te surveiller que
- Oui, oui maman, je la coupe. Ne t'inquiète pas
- qu'en plus elle a des boutons de partout, elle est immonde et avec son nom
- Oui, oui ? Non mais regarde moi dans les yeux quand tu dis ça, dis pas ça en l'air je te connais !
- elle se prend trop pour une déesse et... Mais tu m'écoutes ? Ah ouais je parle dans le vide en fait quoi ! »
Paul me regarde, indigné. Ma mère s'arrête brusquement et lui répond :
«Non, elle t'écoute pas ! Je lui parle là, arrête t'accaparer ta soeur !». De l'autre côté du passage piéton, mon père et ma soeur se retournent et nous attendent, surpris qu'on ait pris tant de retard. Paul marmonne dans son coin, vexé. Je m'apprête à traverser quand un vélo passe juste sous notre nez. Ma mère fulmine.
«Eh, les feux rouges, c'est pour les strangulots ?»
Si le trio quelque peu bruyant que je forme avec Paul et ma mère attire les regards de quelques parisiens et touristes, c'est cependant mon père qui étonne le plus. Aujourd'hui, il a un pantalon vert foncé, un pull mauve et des chaussures bleues. Alors qu'en toute logique, comme c'est lui le moldu de la famille, il devrait être habillé plus ou moins normalement. Mais je crois que la normalité et lui ça fait cinquante. Ma mère en revanche, si elle ne hurlait pas d'insultes sorcières à un pauvre cycliste, ne choquerait personne dans cette rue. Elle est habillée de manière beaucoup plus classique, avec un vieux jean noir et un léger pull marine. Encore une fois, mes parents, c'est tout en contraste.
Une bonne dizaine de minutes plus tard, nous arrivons enfin au point de rendez-vous, qui se situe sur les quais de Seine, non loin de la Rue des Maléfices. Mathilde, ses parents et Arthur sont déjà là et j'interromps ma conversation avec Paul sur la Ligue de Quidditch. Pendant que ma mère explique aux parents de Mathilde, moldus, le fonctionnement d'un Portoloin, Aoife salue Arthur et lui demande :
« Tes parents ne sont pas là ?
- Euh, non. »
Ma soeur et moi haussons les sourcils, attendant une explication qui ne vient pas. Puis elle se racle la gorge, gênée. «Bien, bien... » Heureusement, ma mère intervient.
« On se dirige vers le Portoloin, le départ est dans cinq minutes ! Tous en route ! »
Comme elle travaille au Département des Transports, c'est elle qui a réservé et connaît l'emplacement du Portoloin. Nous la suivons et arrivons à une zone de travaux. Elle pousse un grillage, s'assure que nous sommes à l'abri des regards et soulève une barre métallique rouillée. Nous nous en saisissons, et attendons. Mon père réussit l'exploit de faire la conversation aux parents de Mathilde pendant que ma mère surveille sa montre ("Il fait frisquet ce matin... Vous venez d'où ? Et qu'est-ce que vous faites dans la vie ?). Ceux-ci répondent comme s'il était tout à fait normal d'échanger des banalités autour d'un vieux morceau de métal. Je viens d'apprendre que Mathilde est la fille d'un couple de facteurs quand j'entends :
«Attention, cinq, quatre, trois, deux, un...»
Pendant deux secondes il ne se passe rien, et je lance un regard de panique à ma mère. Mais je sens alors un chatouillement au creux de mon ventre et le monde se met à tourner, les visages se mélangent jusqu'à ce que tout devienne flou.
Quelques instants plus tard ma vue se stabilise et j'atterris sur l'herbe. Je me relève tant bien que mal et je remarque que je ne suis pas la seule à avoir de la terre sur mes vêtements. Je regarde Arthur et lui souris.
« T'as des feuilles partout.
- Toi aussi » répond-il en riant.
Notre arrivée était relativement discrète mais certains promeneurs regardent bizarrement notre groupe de huit personnes qui vient de sortir des buissons. Nous quittons donc bien vite le parc londonien pour arriver sur Purchese Street, suivant mon père qui nous guide, carte en main. Il n'y a personne et Arthur sort sa baguette, probablement pour nettoyer ses vêtements. Ma mère l'interrompt :
«Pas de magie ici ! Il y a des caméras de surveillance partout. Vous n'avez pas idée à quel point il est difficile de trouver dans Londres un endroit sécurisé pour un Portoloin»
Nous continuons donc à marcher jusqu'à la gare de King’s Cross, en enlevant manuellement feuilles et branches. Sur le chemin Arthur, Mathilde et moi nous racontons nos vacances et j'entends vaguement mon frère essayer de convaincre mes parents d'aller plus tard chez Weasleys' Wizard Wheezes, une boutique de farces et attrapes. La gare est bruyante, remplie d'hommes et de femmes pressés qui parlent dans un brouhaha anglais inintelligible. Personne ne fait attention à notre petit groupe insolite qui s'arrête soudain au milieu des quais neuf et dix. Nous sommes arrivés devant la barrière menant au quai 9 3/4, que seuls les sorciers peuvent franchir. Mathilde fait ses adieux à ses parents et je me dirige vers mon père. Il me prend dans ses bras.
« N'attrape pas l'accent anglais, surtout », dit-il en bon irlandais. Puis il reprend, plus sérieusement : « Et n'oublie pas complètement ta culture moldue. »
*.*.*
« I am an untamed dragon » dit Mathilde d'une voix assurée, sa baguette pointée sur un vieux parchemin, rompant le silence qui s'était installé dans notre wagon du Hogwarts Express.
Arthur et moi levons les yeux de nos livres, surpris. Le train a quitté quitté Londres depuis environ deux heures. Mathilde et Arthur se sont rapidement plongés dans la lecture de grimoires. Pour paraître cultivée face à cette ambiance studieuse, j'ai sorti King Lear, que mon père m'avait recommandé. Bon, pour être honnête je voulais un peu impressionner Arthur en montrant que je lisais du Shakespeare, mais il a l'air de s'en ficher complètement.
Mon esprit était donc loin des landes battues par le vent de cette tragédie familiale. Le paysage que j'apercevais à travers la fenêtre, les sièges en cuir rouge usés, la vielle porte coulissante du compartiment et le bruit étouffé du joyeux chaos des autres élèves m'étaient bien plus intéressants. Il m'était impossible de me concentrer sur les mots sous mes yeux, et mes pensées vagabondaient.
J'aimerais pouvoir dire que la séparation avec ma famille, sur le quai, avait été douloureuse, mais en vérité c'était l'excitation de passer une année à Hogwarts qui prenait le pas sur toute émotion. C'était une euphorie trop grande pour que je puisse rester assise. La distraction que venait d'apporter Mathilde fut donc bienvenue.
« Euh... Pardon ?
- Je cherche à améliorer mon anglais, répond-elle comme si ça expliquait tout.
- En disant "Je suis un dragon non apprivoisé" à un morceau de papier ? »
Mathilde soupire.
« Mais non, c'est Assimage, un parchemin pour apprendre les langues. Regarde, une phrase en français apparaît, et je dois formuler la traduction en anglais à voix haute ! ».
Je regarde le parchemin en question par-dessus son épaule, ma curiosité piquée. En son centre est écrit "Le dangereux médicomage mange du chou-fleur". Les sourcils de Mathilde se froncent.
« Mince, je ne sais pas comment on dit "Médicomage" en anglais. Ni "chou-fleur".
- C'est "Mediwizard" et...
- Non, non ! Ne me dis pas ! Quand je sais pas je dois jeter un sort sur le parchemin et la traduction s'affiche. Regarde. »
Effectivement, elle lance un sort informulé et la phrase est remplacée par "The dangerous Mediwizard eats cauliflower", à sa grande satisfaction. Je sens qu'il est temps d'intervenir.
« Mais ça sert à rien, je lance diplomatiquement. Quand est-ce que tu aurais besoin d'utiliser ça ?
- Si j'ai besoin d'un médicomage ? Ou si on mange du chou-fleur ?
- Ou si tu croises sur un dragon non apprivoisé ? » ajoute Arthur, légèrement moqueur.
Apparemment insensible à notre scepticisme, Mathilde nous ignore et fait un autre mouvement de baguette. "L'elfe récolte du maïs". Elle sourit, satisfaite.
« Ha je sais, dit-elle avec fierté.
- Mathilde, arrête avec ce parchemin, je l'interromps.
- Non, je dois faire encore dix-sept réponses correctes pour aujourd'hui. Si j'ai pas trente bonnes réponses par jour le parchemin prend feu. »
Je soupire. Je ne vais pas supporter le voyage si Mathilde parle toute seule pendant la moitié du trajet.
« Si tu veux apprendre l'anglais, je suis là. Je suis meilleure prof que ton parchemin pourri. Mathilde fronce les sourcils à ma dernière remarque, probablement vexée.
- Ce "parchemin pourri" m'a coûté trois écus et dix sols !
- Eh bien, je vaux plus que trois écus dix sols ! »
Je m'interromps, attendant une remarque à la Melwyn. Melwyn était un de mes amis de l'Académie toujours à faire des blagues d’un goût douteux. Il aurait pu dire quelque chose comme "Trois écus onze sols ?". Ce à quoi Gwénaëlle aurait ajouté "Hmmm...C'est cher payé", et j'aurais été faussement choquée. Mais Arthur et Mathilde n'ajoutent rien. Je constate tristement que si mes amis me manquent alors que je suis à peine dans le Hogwarts Express, c'est mal parti.
« Enfin tu me comprends » je précise, le silence s'installant. Mathilde me regarde avec sévérité.
« Mon anglais n'est pas assez bon, il faut absolument que je l'améliore.
- Ce train est rempli de gens qui ont une conversation plus intéressante qu'un papier inflammable. Et tu n'as même pas besoin de sortir de ce compartiment.
- Ha, j'espère que tu ne penses pas à toi quand tu parles de conversation intéressante. »
Je soupire. La remarque de Mathilde ne me vexe pas cependant. Elle n'est pas méchante mais elle mord.
« Mathilde, je retente, si on t'a laissée partir pour Hogwarts c'est que tu as le niveau.
- Facile à dire pour toi, tu es anglaise.
- Irlandaise !
- C'est pareil.
- Non. »
Elle me regarde, l'air concentrée, inconsciente du fait qu'elle vient d'aborder un sujet ultrasensible. « Bon, d'accord, qu'est-ce que tu peux m'apprendre ? ». Hourra, le jour où je peux enseigner quelque chose à Mathilde Dauriac est enfin arrivé ! Elle est travailleuse et ultra brillante, donc c'est une occasion que je ne vois pas passer tous les jours. Je mets donc de côté le conflit anglo-irlandais. « Je peux t'aider avec la prononciation, déjà. » Parce que son accent est à couper au couteau.
Le temps file à toute vitesse alors que je lui fais répéter des mots en anglais, et Arthur se joint à nous. Après l'enseignement des banalités, on est rapidement passés aux insultes.
« Bitch, je lance. Mathilde sursaute, pensant que cela lui était destiné.
- Bitch, répète Arthur. Sa voix est toujours teintée d'un accent français mais c'est pas mal.
- Bitch, dit alors Mathilde en m'imitant.
- Oui ! C'est ça ! C'est parfait ! Tu l'as dit sans accent Mathilde ! »
Même s'il s'agit très probablement d'un coup de chance, je me laisse gagner par l'enthousiasme. Je suis la meilleure prof du monde ! Mathilde me rend mon sourire, fière comme si elle venait de réussir un sortilège de patronus. Elle prononce encore « Bitch Bitch Bitch », très vite. Puis sa mine joyeuse se défait.
« Mais le seul mot que je sais dire sans accent, c'est une insulte. C'est pas avec ça que je vais me lier aux gens » gémit-elle. Je la regarde, surprise. Le concept de "Mathilde se lie aux gens" est étrange. C'est pas le genre de personne qui est passionné par les autres.
Le voyage continue pendant que je leur fais répéter des mots plus inutiles les uns que les autres. J'en suis à "Harry Potter" (toujours un problème, le H aspiré), quand nous sommes brusquement interrompus. La porte du compartiment coulisse et une fille à l'air important entre. Elle est déjà habillée de la tenue de l'école et je remarque sur son blazer un badge coloré que n'ont pas les autres élèves.
« Eh, vous, changez-vous, il est 16 heures ». Son anglais rapide et son accent, celui des britanniques de la haute société, me font grimacer. Nous observons l'intruse, qui pour une raison inconnue fait la police de l'uniforme.
« Qui es-tu ? ». demande Arthur, formulant probablement la question que nous nous posons tous. La duchesse de Pétaouchnok se tourne vers lui et pointe le doigt vers son badge.
« Octavia Rookwood ». Okay, mais cela n'explique pas pourquoi elle est la rafleur du Hogwarts Express. Elle nous regarde tour à tour, voyant qu'on ne comprend pas.
« Head Girl » s'impatiente-t-elle, répétant l'inscription sur son badge. Je fais lentement la connexion avec ce que j'ai lu sur Hogwarts. C’est une préfète qui dirige les autres préfèts. Une sorte... d'élève au-dessus des élèves ? Je n'avais pas très bien compris ce passage, les préfets n'existant pas à Beauxbâtons.
« Excuse-nous, on ne connaît pas bien. On est
- Français, dit-elle en m'interrompant, cassante. Je sais, ça s'entend. »
Nom d'une goule, j'ai un accent français quand je parle anglais ? Ou cela ne s'applique à Arthur ? Si j'en ai un, comment ma famille a-t-elle pu me le cacher ? Alors que je me plonge dans des pensées déprimantes, Mathilde, qui n'avait rien dit jusqu'ici, prend la parole.
« En fait, lance Mathilde en anglais d'une voix mal assurée, je suis belge et...
- Oh, Merlin, c'est pareil. Apprenez les règles de l'école où vous allez, c'est pas compliqué. »
Elle sort alors du compartiment avant qu'on ait pu ajouter quoi que ce soit.
« Oh, Merlin, c'est pareil, je répète à Mathilde avec l'accent snob d'Octavia Rookwood. Tu vois comme ça énerve, hein, quand on confond l'Irlande et l'Angleterre ? »
Elle ne répond pas tout de suite, l'air pensive. « Je retire ce que j'ai dit tout à l'heure. En fait, "bitch" va être très utile à ma vie sociale à Hogwarts. »
*.*.*
« Dis, tu trouves que j'ai un accent français quand je parle ? ». Le première année auquel je m'adresse me regarde d'un air effrayé, serrant plus fort son chat dans les bras. Chat qui doit faire facile le tiers de la taille de son maître. C'est ridicule, je vais pas le mordre.
« Arrête de terrifier les première année, me réprimande Mathilde.
- Il faut que je sache, quand même. Tu te rends pas compte, je m'enflamme, c'est terrible !
- Terrible, répète-t-elle, sarcastique. Je peux pas m'imaginer comment tu pourrais vivre avec. »
Je soupire. Je cherche surtout à me distraire du fait que, seuls adolescents au milieu d'une quarantaine d'élèves de première année, on se tape un peu la honte. Enfin, il y a aussi les élèves de Durmstrang. L'un d'entre eux doit faire dans les un mètre quatre-vingt-dix. Le contraste avec ses voisins d'un mètre dix est assez comique.
Le point positif, c'est que la salle où nous nous trouvons est magnifique. C'est une sorte de salle de banquet avec un plafond étoilé incroyable. L'architecture autour me donne l'impression que je viens de remonter au douzième siècle. Je n'ai encore jamais rien vu de tel.
Le point négatif, c'est que les élèves disséminés sur quatre longues tables nous jaugent d'un regard impatient, pendant que nous passons tour à tour notre tête sous un ... truc qui parle.
« C'est quand même beaucoup de décorum pour une simple histoire d'attribution de dortoir, non ? nous chuchote Arthur.
- Ouais, et puis ce chapeau c'est quand même pas très hygiénique, ajoute Mathilde.
- Il paraît qu'il est là depuis la fondation de l'école !
- Oh, et puis ça va bientôt être à moi de le mettre, panique Mathilde, alors que le Prof. Longbottom appelle un dénommé Daniel Creswell.
- Tout ira bien, tant que vous respectez une règle d'or... »
Je m'interromps, pose une main sur leurs avant-bras et les fixe tour à tour avec gravité.
« Quoiqu'il arrive ce soir, ne mangez pas de pudding. »
*.*.*
Après avoir ôté le chapeau bizarre, je me dirige vers la table qui m'applaudit bruyamment. Une jeune fille brune me fait de grands signes de la main, m'indiquant de m'asseoir à ses côtés. Elle semble ordonner au passage à ses voisins de se décaler, voisins qui protestent dans un certain brouhaha. Je la rejoins, un peu gênée de voir une dizaine de personnes forcée de bouger pour me faire de la place.
Je remarque au passage que ma cravate a pris une couleur rouge et or et qu'un blason de lion est apparu sur ma veste. J'adresse un sourire à Mathilde, qui se trouve à une autre table, et à Arthur qui n'a pas encore été réparti.
« Dia Dhuit, me lance la jeune fille qui me faisait de grands gestes, alors que je m'assois à sa gauche. Visiblement avec un prénom et nom comme le mien on se balade avec un panneau "Je suis Irlandaise".
- Dia is Muire Daoibh », je réponds à sa salutation, incertaine. Même si j'ai un oncle professeur de gaélique à Dublin, mes compétences en cette langue se limitent à bonjour, au revoir et merci. Quoique pour merci je ne suis pas sûre de la prononciation. Bon et je sais dire "Bon retour chez toi" aussi mais c'est plus difficile à placer...
« On va arrêter là avec l'irlandais » intervient un jeune homme aux cheveux noirs en face de moi, me sauvant d'un massacre linguistique. Je lui souris, reconnaissante.
« Je m'appelle Eileen O'Haare, reprend en anglais la jeune fille, son accent irlandais légèrement différent de celui de mon père.
- Siobhán, je lui réponds avant de me rappeler qu'ils le savent déjà, puisque le Prof. Longbottom a appelé mon nom il y a quelques minutes.
- Bienvenue à Gryffindor, Siobhán » me dit en souriant un jeune homme à côté d'Eileen. Sa peau est plutôt mate, mais ses cheveux sont roux. Je l'observe un peu surprise. Je n'ai encore jamais vu cette couleur, presque iréelle, virant au rouge profond. Il a bien prononcé mon prénom, un point pour lui.
« Merci, je lui réponds en lui rendant son sourire.
- C'est vraiment la meilleure maison, tu vas voir, intervient à nouveau le garçon brun en face de moi.
- Il te dit ça en toute objectivité, bien sûr, se moque sa voisine de droite.
- Mais oui, Gemma répond-il en passant son bras sur l'épaule de la dite Gemma, la faisant rosir au passage. Par exemple, les filles y sont les plus belles »
Le groupe lève les yeux aux ciel devant le ridicule assumé du compliment. « Beau parleur », lui répond sa victime, sans chercher à dégager son bras de son épaule.
« Eh, j'ai fait une étude détaillée pour arriver à cette conclusion. Ne remettez pas en cause des années de recherche !
- Une étude détaillée ? je relève.
- Une étude de terrain, même ! Corps et âme !
- Qu'est-ce que tu ne ferais pas pour la Science, hein, remarque Eileen.
- Si seulement on pouvait dire la même chose des garçons de Gryffindor, lance alors Gemma.
- Ah, je dois avouer que je n'ai pas fait d'études approfondies dans ce domaine... »
La conversation continue dans la bonne humeur, interrompue par des applaudissements quand quelqu'un rejoint Gryffindor. Je remarque qu'Arthur a été réparti à Slytherin, je lui fais un grand signe de la main, puis lève le pouce avant de m'interrompre. Mon geste était ridicule, non ? Un grand signe de la main, puis un lever de pouce, sérieusement ?
Une autre étrangère de Durmstrang rejoint bientôt notre tablée, mettant fin à mon auto-flagellation mentale. Cette arrivée provoque encore un décalage de places et les personnes autour de nous, des quatrième année apparemment, protestent à nouveau.
« Eh bah, c'est le coin des septième année ici, vous aviez qu'à pas vous mettre là » leur répond Eileen, diplomatique.
Peu de temps après, la cérémonie de Répartition se termine. Il s'ensuit un discours sans intérêt de la directrice de l'école, après quoi le repas peut commencer. Je suis agréablement surprise par la nourriture anglaise, je m'attendais au pire. De plus, j'apprécie le fait de manger, pour une fois, sans le chant de nymphes. Je goûte donc à un peu de tout, participant mollement à la conversation qui traite des différences entre Durmstrang, Beauxbâtons et Hogwarts. Le garçon en face de moi, James, est en train de demander à l'étudiante allemande, Hannah, s'il existe toujours des cours de magie noire dans son école quand il est brusquement interrompu.
« Hé, Potter, tu le fais tourner oui, le plat d'anguilles en gelée ? »
Plus que le choc de savoir que certains mangent de l'anguille en gelée, c'est le nom Potter qui me fait manquer de m'étouffer avec mes pommes de terre. Nom d'un abraxan, James Potter ? Le fils de Harry Potter et Ginny Weasley ? James Potter ? Le dragueur du dimanche de tout à l'heure est le fils du Survivant ?
Ha, il faudrait que je raconte ça à mon frère, lui qui est fan de Harry Potter. Enfin, il faut que je reste cool, surtout. Oh, Merlin, je suis toujours mal à l'aise avec les célébrités. C'est comme la fois où j'ai rencontré le cousin de Gwénaëlle qui est gardien chez les Punchasouaffles, j'ai à peine réussi à prononcer une phrase...
« Ca va ? » me demande le James Potter en question, alors que je tente de reprendre mon souffle et mes esprits.
Je mâche ma pomme de terre, l'avale, inspire puis expire. Il faut que je lui parle comme avant et que je ne réagisse pas de manière pathétique. Comme si le fait qu'il est le fils de, oh, je ne sais pas, le sauveur du monde sorcier, était tout à fait commun.
« Euh, oui oui, je déglutis. C'est juste, euh, tes parents sont connus en France » je termine d'une voix plus aiguë que d'ordinaire.
Quelle. Remarque. Nulle. Et au vu de son regard quelque peu méprisant, il s'en rend compte. Tandis que je revois mes possibilités (me cacher sous la table, rentrer à Beauxbâtons, jeter un sort d'Oubliettes à tout le monde), je sens un quelque chose heurter l'arrière de mon crâne. Il ne manquait plus que ça. Je me saisis du coupable : un parchemin volant près de ma tête. Je le déplie sans enthousiasme.
Hey,
On s'est trompés sur Octavia Rookwood : en fait, elle adore mon accent français. D'ailleurs, elle m'adore, moi aussi. C'est un amour réciproque, on va probablement se fiancer après le repas. Le coup de foudre quoi.
Le gâteau de mariage sera probablement un pudding, comme tu nous l'as prédit c'est délicieux.
Je me retourne vers Arthur, à trois tables de là, qui est probablement l'auteur du message. Entouré d'élèves plus jeunes, il avait l'air de s'ennuyer royalement. Il me sourit et me désigne de la tête Miss Head Girl, qui à deux places de lui l'ignore superbement en discutant avec ses amis de Slytherin. Mince alors, Arthur a un sens de l'humour. C'est plutôt une heureuse surprise.
J'emprunte une plume à Eileen et j'écris aussitôt au dos du parchemin déchiré.
Je m'en doutais. Quand elle est entrée dans le compartiment, j'ai tout de suite senti une augmentation de la tension sexuelle.
P-S : Je suis quand même un peu jalouse, je pensais qu'il y avait un truc, entre elle et moi. Lucky you.
Sans trop réfléchir, je lui renvoie aussitôt ma réponse d'un coup de baguette, sourire aux lèvres. Des fois, on ne peut compter que sur ses compatriotes pour vous remonter le moral.