James fit tinter son couteau contre la flûte à champagne. Il se racla la gorge avant de se lever sous le regard mi- amusé mi- étonné de Lily et sous les sourires complices de ses amis maraudeurs.

Le repas avait commencé sous les meilleurs auspices. C’était comme si James et Lily avaient réussi à arrêter la peur et la guerre le temps d’une journée. Les jeunes mariés étaient resplendissants, James dans un costume noir et blanc et Lily dans une robe blanche aussi simple qu’élégante. Elle avait attaché ses cheveux en un chignon dont quelques anglaises tombaient délicatement sur ses épaules.

Quelques mois plus tôt, Lily avait une fois de plus été surprise par l’audace de James lorsque ce dernier, alors qu’ils se brossaient les dents, lui avait demandé la bouche pleine de dentifrice si elle voulait bien l’épouser. Lily, pensant à une énième blague avait tout d’abord éclaté de rire avant de devoir admettre que cette demande était on ne peut plus sérieuse. Elle avait essayé de le raisonner, invoquant les risques et la guerre qui s’intensifiaient chaque jour et puis James s’était placé devant elle et avait déclaré en calant une mèche rousse derrière son oreille :

— Justement, c’est le meilleur moment…

Son ton était doux, rassurant, c’était presque un murmure et Lily avait pris en pleine face tout l’amour et tout l’espoir qui se cachaient derrière cet argument. Elle l’avait regardé droit dans les yeux et avait acquiescé d’un signe de tête avec un fin sourire.

La date avait été fixée pour le 22 décembre et les futurs mariés avaient opté pour une petite fête en toute simplicité au Q.G de l’Ordre.

Dehors, des milliers de flocons tombaient silencieusement. En observant les réverbères allumés, on aurait pu croire à une chute lente de paillettes argentées. La rue était déserte et la nuit noire donnait à quiconque regardait à travers la vitre embuée quelque chose de magique.

Au tintement  sur le cristal de la flûte à champagne, tous se tournèrent en direction de James.

Sirius eut à peine le temps de chuchoter quelque chose à l’oreille de Remus et Peter que leur ami se racla la gorge.

— Très chers vous tous, merci d’être là ! s’exclama-t-il en levant son verre. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous en ce jour extraordinaire. Je… Mes trois compères de longue date ici présents ont longtemps bataillé entre eux pour me donner un défi à relever ce soir et – il jeta un œil en direction de Dumbledore qui lui fit un sourire bienveillant – je dois dire que je suis soulagé que Remus ait eu le dernier mot.

Remus inclina légèrement la tête pour l’encourager à continuer.

— Je… J’ai eu énormément de mal à convaincre Lily sur le fait que j’étais sans aucun doute possible l’homme de sa vie. Vous me connaissez tous comme James le rigolo qui ne sait jamais être sérieux quand il faut parler…  Mon ami et témoin m’a mis au défi de faire la plus belle déclaration qui soit à ma très chère épouse, sans quoi je devais manger le contenu d’un bocal que nous avons emprunté au professeur Slughorn lors de notre dernier cours à Poudlard, il y a donc plus ou moins deux ans. Je tiens à préciser que nous n’avons jamais été capables d’identifier les minuscules bêtes noires qui grouillent à l’intérieur !

Beaucoup dans l’assemblée se redressèrent pour mieux suivre ladite déclaration à venir, bien trop certains que James préfèrerait s’ouvrir à Lily plutôt que d’ingurgiter la pitance du bocal.

Le jeune marié se tourna vers Lily avec un grand sourire, puis regarda Remus.

— Je te remercie de ce défi Remus, sans toi j’aurais été incapable de songer, ne serait-ce qu’une minute, à déclarer ma flamme en public.

Il pivota à nouveau vers Lily et se pinça les lèvres.

— To you, always, trinqua-t-il en faisant choquer les deux coupes. Pour le reste, ma douce…

James regarda ses amis et leur fit un clin d’œil.

— Tout cela est bien trop personnel ! s’exclama-t-il à l’assemblée. Ces trois-là me connaissent depuis tout petit et pensaient tout de même que j’oserais, ce soir, vous dire à vous tous ce qui fait que je suis fou amoureux de Lily ? Elle me tuerait si je le faisais !

Il y eut quelques protestations dans la pièce, entremêlées de soupirs déçus des Maraudeurs. James jeta un coup d’œil à Lily qui lui sourit, reconnaissante.

— Pas de négociation possible ! reprit-il. En revanche, pour me faire pardonner, et histoire de faire de la place dans mon estomac avant de devoir avaler ces… bestioles noires, je vous invite tous à rejoindre la piste de danse !

Il sortit sa baguette, lança un sort sur le tourne-disque, puis prit la main de Lily.

— M’accorderiez-vous cette danse, Lily Potter ?

— Avec grand plaisir, dit-elle.

Les jeunes mariés s’avancèrent sur la piste et James enlaça Lily qui se blottit contre lui. Le tourne-disque passait Just the way you are un tube du chanteur Moldu Billy Joel que Lily avait toujours apprécié.

— Je suis un peu déçue quand même, chuchota Lily, taquine, après un petit instant.

Surpris, James la regarda.

— Déçue ?

— Je pensais que tu aurais quand même préparé une petite déclaration rien que pour moi…

James s’approcha plus près de l’oreille de Lily et serra un peu plus fort sa main.

— Oh, fit-il, un sourire en coin. Oui, en effet. J’aurais pu préparer quelque chose… J’aurais pu te dire juste là, avec ta main qui se perd dans ma main, avec ton rêve qui se réveille dans le mien… Toujours et jusqu’à mon dernier jour…

— Tu avais vraiment préparé quelque chose ? rit doucement Lily. Tu arrives encore à me surprendre… 

— Always ! coupa James. Bien sûr que j’avais pensé à te raconter de belles choses, mais devant tout le monde ? Impossible…

— Je ne te connaissais pas poète…

— L’amour, parait-il, fait ressortir de nous-même des choses que nous ignorions, très chère… Ce soir, c’est mon cœur qui demande à vivre l’éternité de nos souvenirs… Et je nous souhaite une immensité de souvenirs à se créer… Je sais que j’ai été nul, au début, je n’ai pas su comment m’y prendre et j’ai été maladroit mais maintenant… Tu m’as fait grandir, Lily, j’ai muri avec toi et avec tous ces combats alentour et les risques que tout cela comporte, je suis le plus heureux des hommes de te savoir à mes côtés. Dieu seul sait combien de temps je pourrai me dire l’amour qui manque à ma vie ou me dire encore je t’aimerai aujourd’hui… Et toujours, bien au-delà de la vie, me dire « always » pour que jamais je n’oublie tout ce que j’ai aimé en toi depuis que je te connais. La fossette qui se creuse dans ta joue droite quand tu souris, tes yeux verts dans lesquels je peux lire ta joie et tes peurs, et je te promets Lily, je te promets que je veillerai sur elles chaque jour et chaque nuit, toujours.

Lily était sans voix. Elle se contenta de resserrer un peu plus son étreinte et déposa un baiser sur l’arrête du menton de James. Le slow touchait à sa fin et l’émotion entre les jeunes mariés était palpable. James lança un rapide coup d’œil en direction de la fenêtre. Dehors, la neige tombait toujours à gros flocons. Il eut une pensée pour cette guerre sans nom qui sévissait depuis de longs mois et eut presque envie de sortir et de crier des remerciements en direction d’il ne savait exactement qui pour leur avoir permis de passer une journée sans combats. Là, Lily dans ses bras, il se dit un instant que la vie, parfois, savait vous réserver des surprises de taille et qu’il suffisait de savoir les capter quand elles se présentaient. Il approcha à nouveau ses lèvres de l’oreille de Lily.

— Et parce que rien, dit-il, et sûrement pas notre histoire, ne finit, juste encore se dire « always » comme on se dit « pour la vie »…

— Always, promit Lily alors que le slow se terminait. Toujours et bien au-delà de la vie.