« Teddy ! Descends, on mange ! »
Pas de réponse. Je n’ai pas faim. Je l’entends qui m’appelle, encore et encore.
« Tu penses qu’il dort ? murmure une voix.
-Non, je ne crois pas. Je monte voir. »
Je perçois le grincement des escaliers, puis de légers coups à la porte. Je ne veux pas aller ouvrir. Je ne veux même pas lui répondre. Trop de questions se bousculent dans ma tête.
« Teddy ? C’est moi, tu veux bien m’ouvrir ?
-…
-Très bien, j’ai compris. J’entre, d’accord ? »
Un homme de taille moyenne fait interruption dans la pièce qui me sert de chambre lorsque je suis chez lui. Ses cheveux encore et toujours en bataille commencent à se parsemer de mèches grises. Derrière ses lunettes rondes, je le sens inquiet. Mais je m’en fiche. En fait, j’ai besoin de parler avec l’homme que j’ai toujours considéré comme mon père : mon parrain, lui qui m’a pratiquement tout donné. Harry.
« Il y a quelque chose qui ne va pas, Ted ? »
J’hoche légèrement la tête. Je sais, qu’à ce moment, mes cheveux sont devenus gris, tristes, ternes.
« Tu voudrais m’en parler ? »
J’hésite. D’un côté, j’aimerais bien, mais de l’autre… Je suis déçu qu’il ne l’ait pas fait lui-même. Mais j’ai ce besoin, en moi, qui me supplie.
« Tu m’a rarement parlé de mes parents, Harry, lançai-je, soudain.
-Teddy…
-Arrête de me faire ce regard désolé. Je sais très bien que tu sais beaucoup de choses sur eux, mais tu refuses de m’en parler.
-Teddy…
-Je ne suis plus un enfant, Harry. Que sais-je d’eux ? À part que j’ai hérité de ma mère son don de Métamorphomage ? Qu’elle était à Poufsouffle ? Que je suis dans la même maison que mon père ? Qu’il était lycanthrope ? Que sais-je d’eux ? Rien, Harry, rien du tout. Même les élèves de Poudlard semblent en savoir plus que moi. Mais j’ai besoin, tu comprends, j’ai besoin de connaître mes parents, de savoir pourquoi ils sont partis alors que je n’étais qu’un bébé. »
Les larmes ont coulées. Je les sens. Je ne veux pas pleurer devant mon parrain, mais je n’ai pas pu m’en empêcher.
« Teddy… reprend doucement Harry en me prenant l’épaule. Il faut juste que tu saches une chose. Tes parents étaient des gens formidables. Ils étaient des héros, et surtout, ils étaient mes amis.
-Je ne connais rien de leur histoire, je murmure. Dis-moi, s’il te plaît… »
Il soupire et s’assied près de moi, sur mon lit aux couleurs de Gryffondor.
« Je crois savoir que lorsque Nymphadora est rentrée dans l’Ordre et qu’elle a fait la connaissance avec ton père, elle est… Disons qu’elle a été attirée.
-Quel âge avait-elle ?
-Je ne sais pas exactement. Mais ils avaient peut-être, voyons, dix ans, treize ans de différence ? Cela n’a aucune importance. Au début, ton père a repoussé ses avances.
-Il ne l’aimait pas ? je m’étonne.
-Non, non, ce n’est pas ça… Il avait peur pour elle, à cause de sa lycanthropie. Il avait peur d’être trop pauvre, trop vieux, trop dangereux. Il pensait qu’elle avait besoin d’un homme jeune et sain. Mais c’était lui qu’elle voulait. Crois-moi, elle n’a jamais renoncé.
-Et lui ?
-Lui, je suis sûr qu’il l’a aimé dès le premier instant, mais qu’il s’est refusé de l’accepter pour toutes les raisons que je viens de te citer. Au final, ils se sont mariés et ils t’ont eu. Remus est venu me demander si je voulais devenir ton parrain.
-Et tu as…
-Et j’ai accepté. »
Un long silence plane soudain dans la chambre. Je repense à ce qu’il vient de me dire. Je sais que je ne connais pas tous les détails, mais j’ai le principal. Je sais comment ils se sont rencontrés.
« Harry… À quoi ressemblaient-ils ? »
Il me regarde alors étrangement et pars de la pièce. Je fronce les sourcils sans comprendre. Où est-il passé ? Ce n’est que lorsque je me décide à me lever qu’il revient, une photo et une lettre à la main.
« Voilà pour toi. Prends le temps de tout voir. Je vais te laisser. »
Il se retourne et fait quelques pas en direction de la sortie.
« Harry ! »
Il s’arrête et attend.
« Une dernière chose… Comment… Comment étaient-ils ? »
Mon parrain met quelques secondes avant de tourner légèrement la tête et de me répondre.
« Remus, ton père, était un homme calme, posé et réfléchi. Je pense qu’après Dumbledore, c’était l’homme le plus sage que j’ai rencontré. Il préférait les livres à l’alcool. Préférait parler que se battre. Il était plutôt silencieux. Nymphadora, ta mère, était tout le contraire. C’était une Auror brillante avec une chevelure rose-bonbon. Elle était assez maladroite et trébuchait tout le temps sur le porte-parapluie à l’entrée. Elle était joyeuse et possédait une énergie folle. Il n’y en avait pas une autre comme elle. Et pourtant, tu vois, ils se sont entendus à merveille. Ils se sont aimés comme personne. Et ils sont morts ensembles. »
Il se tait, le souffle court, avant de reprendre.
« Tes parents, Teddy, étaient des gens formidables. Ne l’oublie jamais. »
Et il part, la tête basse.
~o~
La première chose que je vois est la photo. Et là, les larmes retombent. Je les vois. Je nous vois. Ma mère. Mon père. Moi. Je vois ses yeux pétillants qui sourient à la caméra. Son visage en cœur est légèrement tourné vers mon père. Mon père… Il porte une grosse sur cicatrice sur son visage, et ses cheveux sont parsemés de mèches blanches. Mais son regard est fixé sur celle qu’il aime. Il est heureux. Je le sais. Je souris en me découvrant, tout petit, et rigole en constatant que mes cheveux changent du bleu au vert. Ce sont donc eux, mes parents… Ceux que je ne connaîtrais jamais…
Posant la photo à côté de moi, je déplie lentement la lettre et commence à lire.
Teddy,
Avant tout, il faut que tu saches que nous t’aimons. De toute notre âme. Si tu savais comme j’ai été heureuse lorsque j’ai vu tes cheveux bleus ! Heureuse de savoir que tu étais venu au monde, mais tellement triste que ce soit en temps de guerre… Crois-moi, j’en aurais préféré autrement. Mais je n’ai pas le choix, je dois partir combattre aux côtés de ceux qui veulent sauver ce monde. Je n’ai pas le temps de t’écrire plus, mon cœur, mais j’espère qu’en me lisant, tu sauras.
Je t’aime,
Ta mère, Tonks.
PS : si un jour, tu éprouves le besoin de penser à moi, changes des cheveux en rose, je suis sûre que ça t’ira très bien !
Mon fils,
Il est temps de partir en guerre, mais saches que nous restons près de toi. Nous ne te quitterons jamais. Tu restes le fruit de notre amour. Nous t’aimons plus que tout, n’en doute jamais. Si tu pouvais savoir le soulagement que j’ai ressenti lors de ta naissance, lorsque j’ai su que tu n’avais pas hérité de ma lycanthropie ! Je m’en serais tellement voulu…
J’aurais aimé t’en dire plus, mais le temps presse et nous ne devons pas traîner. J’espère qu’un jour tu comprendras que nous t’avons laissé pour te laisser un monde en paix. Car je sais que nous ne reviendrons pas.
Je t’aime, mon fils,
Ton père, Remus Lupin.
PS : N’écoute pas ta mère, le bleu te va à merveille !
Mes mains tremblent. Les larmes coulent. Je relis une centaine de fois leurs mots écrits à une vitesse folle. Je n’arrive pas à les détacher du regard. Cette lettre et cette photo… Ce sont tout ce qu’il me reste d’eux. Comme… les preuves qu’ils ont bel et bien existé. Alors je jette la lettre à terre, prends mon visage entre les mains, et pleure comme jamais je n’ai pleuré en me balançant d’avant en arrière.
Ils sont morts pour moi. Pour me protéger. Pour que j’aie une vie meilleure. Dans un sanglot, je me dis que leur histoire était merveilleuse. Unique. La plus belle à mes yeux. Oui, mes parents étaient des gens formidables.