Missing moments tome 6 chap 14
« - Harry a embrassé Cho Chang ! s’écria Ginny qui semblait à présent au bord des larmes. Et Hermione a embrassé Viktor Krum. Il n’y a que toi qui aies l’air de trouver ça dégoûtant, Ron, et c’est parce que tu as à peu près autant d’expérience qu’un garçon de douze ans !
Puis elle les planta là en filant comme un ouragan. Harry lâcha Ron qui avait une expression meurtrière. Ils restèrent tous deux côte à côte, la respiration haletante jusqu’à ce que Miss Teigne, le chat de Rusard, apparaisse à l’angle du couloir… »
Ron était dans un tel état de choc et d’énervement qu’il suivit Harry un peu comme un automate. Comment avait-elle osé ? Ce n’était pas la première fois qu’il se prenait le bec avec sa sœur mais, là, elle avait vraiment dépassé les bornes. Lui balancer tout ça, et devant Harry… Plus ils se dépêchaient de rejoindre leur dortoir et plus la colère montait en lui pour cacher un autre sentiment qu’il s’efforçait de repousser. La honte ? Non, il n’avait pas à avoir honte. C’était Ginny la fautive, cette traîtresse, cette…
« - Ote-toi de mon chemin, toi ! aboya Ron à l’adresse d’une petite fille qui sursauta de frayeur et laissa tomber un flacon d’œufs de crapaud. »
Elle avait beau être sa petite sœur, il n’était pas prêt de lui pardonner. Il n’avait pas encore embrassé de fille, et alors ? Est-ce que c’était sa faute ? Est-ce qu’il y avait de quoi être fier du contraire, franchement ? Il n’était sûrement pas le seul et ça ne faisait pas de lui un raté pour autant, ça… « Harry a embrassé Cho Chang ! » Oui mais pour Harry… c’était normal… c’était Harry, quoi ! Il avait compris depuis longtemps que son meilleur ami aurait toujours une longueur d’avance sur lui, il n’y pouvait rien.
« Et Hermione a embrassé Viktor Krum. »
Pourquoi sa gorge devenait-elle plus sèche tout à coup ?
Hermione a embrassé Viktor Krum.
Hermione a embrassé Krum.
Elle a embrassé Krum.
Elle a embrassé Krum.
Cette phrase ne semblait plus vouloir s’arrêter de tourner dans sa tête. Comme si cette répétition lancinante l’empêchait de vraiment en saisir le sens, de réaliser ou même de visualiser la scè… À cette pensée, le cœur de Ron rata un battement et il sentit ses ongles s’enfoncer dans ses paumes alors que ses poings se serraient.
Hermione et Krum. En train de s’embrasser ? Non ! C’était juste… non ! Il l’aurait su, n’est-ce pas ? Krum était une star internationale et Hermione… c’était Hermione ! Ok, Krum l’avait invitée au bal de Noël mais… Hermione était… Elle… Et puis il l’aurait su, de toute façon ! Harry le lui aurait dit ou… Harry !
« - Tu crois vraiment qu’Hermione a embrassé Krum ? demanda soudain Ron alors qu’ils s’approchaient de la grosse dame.
Harry sursauta. […]
- Quoi ? dit-il, un peu perdu. Oh… heu…
La réponse franche était oui mais il ne voulut pas la donner. Ron, cependant, sembla en tirer les pires conclusions en voyant l’expression de Harry. »
Super ! Alors Harry était au courant. Sa sœur avait dit vrai. Hermione a embrassé Viktor Krum. Etait-il le seul imbécile à être dans l’ignorance ?
« - Potage royal, dit-il d’un air sombre à la grosse dame.
Et ils se glissèrent par le trou du portrait pour entrer dans la salle commune. »
Il se sentait tellement… mal. Il essaya de se changer les idées durant la soirée mais n’y parvint pas. Les paroles de sa sœur tournaient en boucle dans sa tête et quand il essayait de penser à autre chose, c’était pire.
Le Quidditch ? Il avait été tellement minable à l’entraînement que Harry allait sûrement le virer après le prochain match. Qu’est-ce qu’il avait cru ? Que la chance de l’an dernier continuerait ? Qu’on lui chanterait encore « Weasley est notre roi » ? Qu’il arriverait un jour à la cheville de Harry ? De Krum ? Ah, la bonne blague !
Les cours ? Il pensait automatiquement à Hermione. Et, aussitôt, l’image d’Hermione et Krum s’embrassant s’insinuait sur ses rétines. Il devait lutter pour ne visualiser que Hermione. Hermione. Hermione. Voilà… Hermione et son sac de cours tellement lourd qu’il se demandait comment elle arrivait à le porter sans abîmer ses épaules. Hermione, une plume à la main, penchée avec application au dessus d’un parchemin alors que le feu de cheminée en arrière-plan formait comme un halo doré autour de ses cheveux. Hermione, elle… sans elle, il n’aurait jamais eu d’aussi bonnes notes. Harry non plus. Elle les aidait vraiment. Elle était intelligente, Hermione, plus intelligente que lui. Plus douée. Plus sérieuse. Normal qu’elle ait été repérée par Slughorn pour faire partie de son club idiot. Même sa harpie de sœur l’avait été ! Alors que lui ? Non, évidemment. Et il restait une fois de plus sur le côté. Pas aussi connu que Harry, pas aussi doué que sa cadette, pas aussi érudit qu’Hermione.
Penser à sa famille n’aidait pas non plus. Si ses frères avaient encore été à Poudlard, probablement qu’il serait resté le seul Weasley sur le banc, à les regarder de loin, à envier leur place dans ce club… ce club débile et… il en avait marre ! Marre d’être pris pour un abruti. Il était Préfet après tout lui aussi ! Peut-être que Dumbledore aurait donné le poste à Harry sans tous les problèmes qu’il avait eus à affronter mais, au final, il l’avait choisi lui, Ron. Pas Neville ou Seamus ou Dean. Lui. Alors quoi ? Ça ne voulait rien dire ?
Réussir au Quidditch au point qu’on l’acclame avec une chanson à son nom, être nommé Préfet, sortir vivant d’une rencontre avec des Mangemorts… et d’un nid d’araignées géantes, tiens ! Ça ne voulait rien dire ? Non, bien sûr. Pour sa sœur, il n’était qu’un naze qui n’avait pas encore embrassé de filles. Pour Slughorn, il n’existait même pas. Et pour Hermione… Qu’est-ce qu’il pouvait bien être pour elle alors qu’elle avait embrassé Krum et qu’elle ne le lui avait même pas dit ? Elle pensait quoi ? Qu’il se sentirait comme un moins que rien en comparaison ? C’est pour ça qu’elle l’avait invité à cette fête de Noël stupide ? Parce qu’elle avait pitié de lui ? Sainte-Hermione…
Il grimaça à cette pensée et se renfrogna encore plus. Quelque chose au fond de lui semblait vouloir sonner l’alerte, lui indiquer qu’il s’égarait. Morose, il se leva du fauteuil dans lequel il était assis pour rejoindre son dortoir, sans un mot pour ses amis. Quand il entendit Hermione s’étonner et demander à Harry ce qu’il avait, il eut un sourire amer. Bonne question, Hermione ! Mais tu es intelligente, toi, tu devrais trouver la réponse toute seule…
Accabler Hermione lui procurait une étrange satisfaction bien vite rattrapée par une vague de… de culpabilité, de malaise, de colère ? Contre qui ? Pour quoi ? Ce n’était pas sa faute, c’était celle de Ginny. C’était à cause d’elle qu’il était dans cet état depuis tout à l’heure et, pourtant, il avait l’impression d’en vouloir à Hermione plus qu’à sa sœur.
Il essaya de ne plus penser à rien, enfila son pyjama et enfouit sa tête sous un oreiller. Mais, rapidement, le leitmotiv reprit :
Elle a embrassé Krum.
Elle a embrassé Krum.
Elle a embrassé…
Raaaaah ! Il se redressa dans son lit, énervé que cette phrase tourne et tourne sans cesse dans son esprit. Il essaya de trouver une meilleure position, abaissa les draps puis les remonta sur lui, pivota sur un flanc puis sur l’autre… Mais il n’y avait rien à faire.
Elle a embrassé Krum. Il les revoyait dans leurs tenues de bal.
Elle a embrassé Krum. Hermione souriant, méconnaissable et… radieuse.
Elle a embrassé Krum. Il ressentit à nouveau ce sentiment de trahison qu’il avait éprouvé quand il l’avait reconnue. Quand il avait compris…
La jalousie.
Merlin ! Qu’il détestait ça, être jaloux ! De ses frères, de sa sœur, de Harry… Devait-on toujours lui rappeler à quel point il était inférieur aux autres ? Devrait-il toute sa vie envier les autres ? Ce soir-là, au bal, il avait été jaloux. Jaloux de Hermione, qui ne connaissait même pas Viktor Krum avant la Coupe du monde de Quidditch et qui rigolait désormais à son bras comme s’ils étaient amis depuis toujours. Alors que lui était son plus grand fan. Mais aussi jaloux qu’elle ait été remarquée, invitée, par quelqu’un de célèbre de surcroît, alors qu’elle n’était d’ordinaire pas la plus appréciée de ses camarades. Il s’en était voulu d’avoir pensé ça, il était censé être son ami, non ? Et puis, il avait réalisé plus tard, après leur dispute, qu’elle avait peut-être raison. Peut-être que son vrai problème, c’était qu’il ne s’était pas rendu compte à temps qu’elle était une fille. Peut-être que son vrai problème, c’était qu’il était jaloux de Krum, aussi. Surtout ?
Et voilà que deux ans plus tard, le simple fait d’apprendre qu’ils s’étaient embrassés le mettait dans tous ses états. Qu’est-ce qu’il craignait au juste ? Qu’est-ce que ça pouvait lui faire, qu’elle ait embrassé Krum ? C’était de l’histoire ancienne, rien du tout. Il devait arrêter de ressasser ça…
Elle a embrassé Krum.
Krum était loin, ce n’était plus le problème. Non. Alors, était-il jaloux d’Hermione ? Hermione qui avait embrassé quelqu’un alors que lui… Sa gorge se serra tandis qu’il essayait de se raisonner. Mais il n’arrivait pas à se sortir de cette Bombabouse. Parce qu’il se disait que, si – et il appuyait bien sur le si –, si jamais ils devaient un jour être amenés à sortir ensemble et à s’embrasser, elle allait forcément le comparer à Krum. Et comment pourrait-il jamais rivaliser avec une star internationale ? Krum avait dû embrasser des tonnes de filles avant elle. Lui n’avait aucune expérience et… Pourquoi lui avait-elle caché ça, franchement ? C’était… elle aurait dû le lui dire. Harry leur avait dit pour Cho ! Ils étaient censés tout se dire entre amis, non ? Et si elle avait dissimulé ce baiser, qu’est-ce qu’elle avait occulté encore ? Ginny n’avait-elle parlé de Krum que parce qu’il était le seul ou parce qu’il était le plus connu ? Avait-elle bécoté d’autres garçons, comme sa gourgandine de sœur ? Etaient-ils allés plus loin et… Non ! Stop !
Ron se força à respirer calmement. Il sentait la morsure de ses ongles dans ses paumes tellement il serrait les poings. Il devait arrêter de se prendre la tête avec ça. Hermione avait fait son choix en embrassant Krum et en ne se confiant pas à lui. C’était une sorte de trahison. Pour l’heure, il n’avait vraiment plus envie de s’en faire pour elle. Qu’elle assume. Il avait sa propre vie à vivre après tout. Hermione était loin d’être la seule fille sur terre.