Elle halète fort, tous ses membres sont douloureux. Elle se retourne encore dans le lit, les draps lui collent à la peau tellement ils sont poissés de transpiration. Lily a l’impression que sa tête va exploser d'un instant à l'autre. Elle repousse alors les couvertures du lit en se redressant. Toutes ses camarades de dortoirs sont profondément endormies. Si Lily avait toute sa tête à ce moment-là, elle aurait sans doutes pensé qu'elles faisaient semblant de dormir pour ne pas avoir à lui demander ce qu'il ne va pas. Mais non, Lily n'a pas toute sa tête, alors elle se précipite en-dehors du dortoir, puis sort de la salle commune en réveillant la grosse Dame, qui grogne d'indignation :
— Franchement, quelle malpolie !
Mais Lily se retourne et lui fait face, alors la grosse dame étouffe un cri d'horreur. Elle n'y fait pas attention et reprend sa course, elle traverse les couloirs, puis les étages. Elle ne se demande même pas si le concierge pourrait l'attraper, les douleurs se font lancinantes, elle a du mal à respirer car sa gorge semble s'embraser, comme tout son corps d'ailleurs. Elle court encore et encore dans le froid et l'obscurité du château.
Enfin, elle pousse une porte au deuxième étage, la porte des toilettes des filles plus précisément. Puis elle voit son reflet dans le miroir et se précipite dans une cabine et régurgite son repas. Elle tombe dans les pommes, à cause des douleurs toujours plus fortes.
Ses paupières sont lourdes, elle n'arrive pas à les ouvrir. Elle n'est plus aveuglée par la douleur et son cerveau semble se remettre en route. Le premier souvenir qui lui revient est la peur, alors elle ouvre les yeux, la peur fait toujours ça. Lorsqu’on a peur, notre instinct est d’ouvrir les yeux, c’est dans la nature humaine. Elle voit alors un panneau en bois vert bouteille, puis elle baisse les yeux et se rend compte que sa tête est appuyée sur une cuvette de toilette toute craquelée. Un nouveau haut-le-cœur, et elle crache un filet de bile verdâtre. Finalement, elle arrive à se relever, les jambes en coton et la tête qui tourne, elle sort doucement hors de la cabine. La lumière devient soudain éblouissante et semble lui brûler les yeux. Mais elle continue, un pas après l'autre, vers les lavabos. Elle finit par les atteindre, tourne un robinet et s'asperge le visage d'une eau calcaire. Elle relève la tête pendant que de petites gouttes tombent de son visage, elle croise alors son regard vert dans le miroir.
Elle se détaille doucement. Un hoquet de surprise plus tard, elle remarque enfin. Sur sa joue, elle découvre une blessure sanguinolente. Comme si on lui avait arraché la peau. On dirait que la chaire est en décomposition.Elle voit une, puis deux et enfin trois blessures identiques sur son épaule, dans son cou et son dos. Elle comprend certaines choses, l'odeur nauséabonde ne venait pas des toilettes, mais de ces blessures putrides sur son corps. Elle fond en larmes, elle ne comprend pas. Oui bien sûr, l'odeur a une explication, mais le pourquoi du comment reste lui inexpliqué. L'avait on attaquée ? Avait-elle attrapé une maladie ? Elle n'en savait rien, alors elle s'allonge sur le carrelage froid et pleure pour extérioriser toutes ses émotions. Et finalement épuisée, elle s’endort à même le sol. Alors qu'au même moment, sa meilleure amie Amélia, une Serdaigle, venait de se faire larguer par son petit ami comme une vieille chaussette nauséabonde.
Le tambourinement de pas précipité, des halètements, ainsi que des sanglots se font finalement entendre et c'est cela qui réveilla Lily. Amélia poussa violemment la porte des toilettes, avec rage, le visage inondé de larmes. Elle s'appuie contre le mur et sort un morceau de verre brisé de la poche de sa cape. Elle le regarde quelques instants avant de relever la manche de son bras gauche et de le tendre devant elle. Et c'est avec toute sa rancune, son amertume, sa colère et sa tristesse qu'elle enfonce le tranchant du verre dans son bras. Le sang jaillit de la plaie et goutte sur le sol dans une rythmique régulière.
Lily n'avait pas bougé, mais ses yeux étaient grands ouverts. Quelqu'un était rentré, mais elle ne pouvait voir qui, puis une odeur métallique vint chatouiller ses narines : du sang. Elle se relève alors et se dirige vers la source des sanglots et de l'odeur. Un hoquet de surprise échappe à Amélia.
— Lily, qu'est-ce que tu t'es fait au visage ? demande-t-elle.
Lily ne répondit pas, ne connaissant pas la réponse. Elle se rapprocha de son amie, s'accroupissant, et son regard se planta dans celui de l'autre fille. Elle n'y pouvait rien, l'odeur était tellement forte, enivrante et … délicieuse. Sa gorge s'enflamma, et elle avala sa salive avec difficulté. Ses bras, puis chacun de ses membres se mirent à la picoter, l'adrénaline fit son apparition. Elle n'entendait plus aucun son, seulement celui du sang qui gouttait doucement sur le carrelage. Elle ne voyait plus rien, uniquement le rouge écarlate du sang. Elle ne sentait plus rien, sauf l'odeur métallique. Elle tendit la main, attrapa une goutte et la porta à ses lèvres. L'extase, une petite goutte de sang avait sur son palais le goût d'un mélange parfait entre des épices orientales, des fruits exotiques et de tout ce que cette Terre pouvait abriter comme délices. Elle tourna alors la tête. Amélia eut une vision d'horreur. La plaie sur le visage de son amie venait de s'agrandir, sa peau était pâle , ses yeux cernés et de petits plis s'étaient formés sous ces derniers. Mais le pire était ses iris. Ils étaient rouges comme le sang. Son hurlement se bloqua dans sa gorge, elle était tétanisée à la vue de l'allongement des canines de Lily. Celle-ci se jeta sur Amélia, la faisant rouler sur le sol en se cognant la tête contre une porte de cabine. Le visage de Lily était ravagé par la rage, elle semblait inhumaine. Ses canines s'allongèrent encore et elle colla ses lèvres contre la blessure causée par le morceau de verre, elle but le liquide tout en plaquant sa main sur la bouche de son amie afin de l'empêcher de crier. Quand elle fut repue, elle se jeta en arrière sous le regard fatigué et mourant d'Amélia. Les plaies sur son visage et son corps disparurent, ses yeux reprirent leur couleur émeraude habituelle. Elle renversa sa tête tout en laissant échapper un soupir de satisfaction. Et puis son regard se posa Amélia.
—Oh mon Dieu ! Qui t'a fait ça ? hurla Lily, terrorisée.
L'autre ne répondit pas, ses paupières se fermèrent et dans un gémissement, elle rendit son dernier souffle. Lily se précipita alors sur le corps et la secoua avec force, mais au bout de dix minutes elle comprit qu'hurler dans les oreilles de la défunte ne la réveillerait pas. Elle se précipita alors sur les lavabos et cracha un filet de sang. C'est en se regardant dans le miroir que sa mémoire lui revint brusquement, avec la force d'un ballon qu'on prend dans le ventre et qui coupe la respiration. Tout d'abord, la nuit dernière et ses douleurs, puis les plaies, la chute, l'odeur du sang et enfin l'attaque sur son amie. « Je suis un monstre » murmura-t-elle avec horreur.
—Non, tu es un vampire, dit une voix calme derrière elle.
—Malefoy ! s'écria Lily, découvrant le visage de l'ennemi juré de ses frères.
—Eh oui chérie, et j'en suis le responsable. Ton jus de citrouille, tu devrais le surveiller, c'était tellement facile d'y glisser un petit peu de venin vampirique ! s'exclama-t-il, l'air hilare.
Lily regarda Scorpius, puis le corps inerte de son amie. Le désespoir qu'elle ressentait était immense.
—Mais pourquoi ? Je ne méritais pas ça et Amélia non plus ! murmura-t-elle, au bord des larmes.
—Vois-tu, c'est ma vengeance ! Pour tes enfoirés de frères qui trouvent très drôle de faire disparaître tous mes vêtements au milieu de la grande salle. Et en ce qui concerne le pourquoi toi, et bien ils vont avoir des remords jusqu'à la fin de leurs vies pour ce qui t'es arrivé, expliqua-t-il le plus calmement du monde, comme s'il faisait un exposé de potion.
Puis il sortit, laissant Lily seule et complètement désemparée. Elle rampa, la vision brouillée par les larmes, jusqu'au corps sans vie d' Amélia. Elle la serra dans ses bras, ne cessant de répéter sa litanie de « je suis désolée », tout en la berçant. Mais ce qu'il y a de pire, c'est que malgré son chagrin, ses remords, sa colère et toutes les émotions qui l'avaient traversée, Lily avait encore envie de mordre son amie morte pour en retirer le sang qui restait dans son corps meurtri.