Les paupières d’Harry étaient lourdes, très lourdes. Ses yeux se fermaient de plus en plus longtemps à chaque clignement.
Soudain, des petits pas rapides et énervés résonnèrent et le sortirent de sa rêverie en le faisant sursauter. Cette démarche, il la connaissait bien.
En effet, quelques secondes plus tard, la jeune fille apparut. Fidèle à elle-même, elle portait son sac en bandoulière en cuir usagé à l’épaule, avait noué ses longs cheveux bruns et frisés à l’aide d’un crayon à papier et levait les sourcils d’un air exaspéré, comme si elle avait la désagréable impression d’être entourée d’attardés mentaux.
Hermione posa son énorme sac sur la table dans un bruit sourd et une légère secousse – que diable pouvait-elle mettre là-dedans pour que ça soit aussi lourd ?-.
Ron, qui était aussi actif qu’Harry, grogna. Hermione s’assit à côté de Harry et jeta un coup d’œil à son parchemin presque vierge.
- Mon Dieu ! Mais vous n’avez rien fait ! Chuchota-t-elle, indignée.
- Ça t’étonne toujours, on dirait, dit Ron.
- Ne comptez pas sur moi pour faire votre rédaction de Défense Contre Les Forces Du Mal, j’ai déjà la mienne à écrire. Je ne serais pas toujours derrière vous, pensez-y.
- Penser, c’est fatiguant, baya Ron en s’étirant.
Pour toute réponse, Hermione lança à Ron un de ses regards cinglants de reproches.
Sans savoir pourquoi, Harry aimait ces regards. Ils les accueillaient comme on reçoit un vieil ami, ou une coutume de longue date. Ce regard faisait partie de Poudlard, partie de cette vie.
C’était toujours attendrissant de voir son Hermione, toute petite, toute menue, soulever des bouquins d’une taille colossale, ou bien relever la tête d’un parchemin raturé, les cheveux ébouriffés, les yeux rougis, pour pincer les lèvres de désapprobation.
Hermione, était-ce vraiment une fille, Harry n’en savait rien. Mais elle était un rat de bibliothèque, un cerveau ambulant, une boule de nerf qui aboie. Un vrai dragon dont il se méfiait parfois. Pourtant, il ne voulait pas la blesser, parce qu’il savait bien qu’au delà de son caractère explosif, elle était aussi fragile que de la porcelaine. (Ce que Ron avait parfois du mal à assimiler) Sauf que pour la réparer, un coup de baguette ne suffisait pas.
Il ne savait pas pourquoi, il la comprenait, Hermione. Elle était différente. Beaucoup plus simple que les autres filles, et pourtant bien souvent complexe. Mais ce n’était pas pareil, il pouvait capter ce à quoi elle pensait, il pouvait le deviner d’avance. Comme si elle était un prolongement de lui-même, une partie délocalisée. Pourtant, ils étaient différents, oh oui.
Ç’en était même parfois troublant. Ils pensaient à la même chose en même temps, ils se comprenaient d’un regard. Ils se protégeaient mutuellement, comme les jumeaux Weasley. Pourtant, Hermione était une fille, et Harry un garçon. Oh, mais non. Il n’était absolument pas amoureux, il en était certain. C’était inconcevable, absurde, comme si on lui avait dit qu’il était amoureux de sa sœur. Sa sœur ?
Parfois, l’espace d’un fragment de seconde, il apercevait sa mère Lily dans les yeux d’Hermione. Ça ne durait jamais longtemps, mais il voyait le visage bienveillant et protecteur aperçu dans le miroir du Riséd ou sur les rares photographies qu’il avait de sa mère.
- Harry ?
Le sorcier sursauta. Depuis combien de temps avait-il perdu le fil de la conversation, il n’en savait rien, mais il avait quitté la bibliothèque et le château l’espace d’un instant pour voler bien au-dessus des nuages.
- Quoi ?
- Je disais que si tu veux avoir le temps d’aller à l’entraînement de Quiddich demain, il va falloir te dépêcher…
- … De finir mon devoir de Défenses Contre Les Forces Du Mal. Je sais, Hermione.