La lettre quitta les doigts insensibles de Pétunia pour flotter, doucement, jusqu’au tapis et se poser à ses pieds. Lentement, elle baissa la tête pour poser son front dans ses paumes. Ses yeux étaient grands ouverts, choqués, mais secs. La nouvelle ne s’était pas encore frayé un chemin dans son esprit, Pétunia n’avait pas encore tout à fait compris, accepté.
Que sa sœur était morte.
Je suis désolé de devoir vous annoncer que Lily et James Potter sont décédés.C’était bien ce qu’avait dit la lettre. Pétunia ne l’avait lue qu’une fois, et pourtant cette phrase s’était imprimée au fer rouge dans son esprit, tournant en boucle devant ses yeux sans qu’elle ne puisse l’en empêcher.
Quand ses parents étaient morts, à peine huit mois auparavant, elle avait pensé à se réconcilier avec sa sœur, mais elle avait toujours repoussé ses plans. Demain, elle en parlerait à Vernon. La semaine prochaine, elle écrirait une lettre. Le mois prochain, elle irait lui rendre visite.
Et maintenant, elle ne pourrait plus jamais. Parce que Lily était décédée. Lily et James Potter sont décédés. Ses yeux s’embrouillèrent de larmes et les mots qui dansaient dans son esprit semblèrent s’obscurcir, jusqu’à ce que seuls deux d’entre eux apparaissent clairement.
James Potter.
Pétunia se redressa, renifla et s’essuya le nez sur l’arrière de la main. James Potter, le mari de sa sœur. Elle était certaine que c’était de sa faute. La lettre n’avait pas donné de détails, mais elle avait compris, de son unique lecture, que Lily et lui avaient été assassinés, victimes d’une guerre dont Pétunia était à peine au courant. Mais elle connaissait sa sœur ; elle savait que celle-ci ne ferait jamais rien qui lui vaudrait d’être tuée. Même si elle était une sorcière – un monstre –, même si elle avait vécu ces dix dernières années dans un autre monde que le sien, Lily restait sa sœur. Et sa sœur n’avait jamais été dangereuse pour qui que ce soit.
Il était donc logique que tout soit de la faute de James Potter.
Pétunia n’avait jamais aimé ce garçon. Depuis la toute première fois qu’elle l’avait vu, l’été avant la dernière année à cette école de sa sœur, elle lui trouvait l’air arrogant et suffisant. Cette fois-là, elle l’avait seulement vu par la fenêtre de sa chambre, à l’étage. Un bras négligemment passé autour de la taille de Lily, il discutait avec ses parents, faisant des grands gestes de sa main libre, les faisant sourire, rire, s’esclaffer. Elle avait instantanément tout détesté de lui, de ses cheveux mal peignés jusqu’au bout de ses chaussures détachées. Quand Lily était montée l’inviter à descendre prendre le thé avec eux dans le jardin, une dizaine de minutes plus tard, Pétunia avait prétexté une sortie en ville avec des amies. Elle avait ignoré le regard blessé de sa sœur et s’était éclipsée de la maison, ne s’arrêtant même pas pour être présentée à ce nouveau venu dans leur vie.
Elle avait passé l’après-midi au parc, à se balancer doucement en fulminant contre ce Potter. Toute son enfance, son adolescence, elle avait cru, espéré, que Lily leur reviendrait après ces sept ans dans cette école, qu’elle aurait fait le tour de ce monde qui s’était ouvert à elle à ses onze ans, mais reviendrait à la réalité à ses dix-huit.
Mais voilà que ce Potter venait changer la donne. Il allait la garder dans son monde, la garder loin de Pétunia. Elle avait attendu tellement longtemps que sa sœur lui revienne, et ce jour-là, elle avait eu l’impression qu’elle la perdait définitivement.
Puis, chaque fois qu’elle avait entendu le nom de James Potter, elle le détestait encore plus. James et Lily allaient vivre ensemble après l’école. James et Lily allaient se marier. James et Lily allaient avoir un bébé. Pétunia était avec Vernon, elle aurait dû être heureuse, elle était heureuse, mais James Potter restait toujours en périphérie, pour lui rappeler comment il lui avait volé sa sœur. Même de loin, il lui pourrissait la vie.
Et aujourd’hui, par sa faute, Lily était partie à tout jamais.
La tristesse de Pétunia avait été remplacée par de la rage. Ses yeux avaient séché et du rouge était revenu dans ses joues. Elle détendit un des poings qu’elle avait formés et ramassa la lettre qu’elle avait laissée tomber pour la placer sur la table basse. Face contre terre, pour ne pas avoir à la relire.
À ce moment, des clés se firent entendre et la porte d’entrée s’ouvrit, et Pétunia se leva en sursaut. Vernon ! Elle avait complètement oublié de lui préparer son thé !
Elle se précipita dans la cuisine et mit de l’eau à chauffer.
— Je suis désolée, Vernon, ton thé sera un peu en retard. Tu as eu une bonne journée ?
— Pas mal, pas mal. On a reçu un appel très important de la part de –
Vernon était entré dans la cuisine et était en train de retirer son manteau quand il posa les yeux sur le visage de sa femme. Il fronça les sourcils et sa moustache frémit.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Il s’est passé quelque chose ? Dudley ?
Pétunia déglutit.
— James Potter est mort.
— James Potter ?
Vernon laissa échapper un bref éclat de rire.
— Excellent ! Peut-être que ta sœur pourra enfin revenir à la raison maintenant.
Laissant tomber la théière, Pétunia éclata en sanglots.
Écrit pour le projet Deathly Hollow de la Jamesie Team.
J'ai fait une mini-entorse au canon. Ce passage se passe le 1er novembre, avant que les Dursley ne reçoivent Harry. Je ne crois pas que Pétunia savait d'avance ce qui allait se passer, avant de trouver Harry le matin du 2 novembre, mais je voulais pas lui coller un bébé dans les pattes ici.