« Au revoir professeur », dis-je d’une voix franche.
Je referme la porte sur un Dumbledore satisfait ; il a réussi à me convaincre de revenir à Poudlard, après des semaines de négociations.
Ça a commencé par des hiboux envoyés tous les deux jours et puis finalement, il a décidé de se déplacer directement dans mon minuscule studio de Manchester. Celui dans lequel je vis ce mois-ci, certainement pas le mois prochain !
Dumbledore m’a fait flancher, voilà. Je retourne à Poudlard, comme avant. Mais tout est tellement différent depuis la dernière fois.
Quand Albus m’a demandé de revenir à Poudlard pour enseigner aux élèves j’ai refusé. Jamais les parents n’accepteraient de confier leurs enfants à un loup-garou. Comprenant la raison première de mon refus, Dumbledore a ralenti, m’expliquant que mon vécu et ma connaissance étaient parfaits, , que les élèves ne pouvaient pas espérer mieux et finalement, il a trouvé l’argument clé qui changeait tout : je pouvais retrouver la Cabane Hurlante.
Le lieu de mes transformations, qui étaient toujours accompagnées de mes meilleurs amis. Tout va être tellement différent des dernières fois !
Depuis que James, Lily et Peter sont morts, plus rien n’est pareil. Je suis seul, seul pendant mes transformations douloureuses aussi, et plus personne pour m'accompagner. Depuis que ce traître de Black leur a ôté la vie, je n’en ai plus non plus. Il était leur ami, ils avaient placé leur confiance envers lui et il a joué avec ; trahissant ses amis les plus proche. Comment vais-je réagir en revoyant la voie 9 ¾, Poudlard et Harry ?
Tout me semble si loin… quinze années sont vites passées.
Parfois, le cerveau humain, moldu, sorcier ou lycanthrope, dérive à partir d’un simple et minuscule mot.
La voie 9¾ me rappelle Londres… Londres… c’est là que j’ai appris leur mort.
J’étais installé au Chaudron Baveur, devant une Bierraubeurre que je sirotais en profitant d’une nouvelle nuit calme. La Bierraubeurre était la boisson officielle des Maraudeurs quand nous étions encore à Poudlard ; comme ce jour où James avait envoyé un hibou de commande de 4 boissons à Rosmerta… la tête de Rusard quand le hibou en question est revenu, chargé de dizaines de bouteilles était incroyable !
C’était donc à cette histoire que je pensais lorsqu’il est entré.
Il, c’était un vieux sorcier, cheveux blancs, lunettes rectangulaires et moustache taillée.
« Il est mort. Vous-Savez-Qui est mort ! » avait-il dit, d’un ton réjouit.
Il n’en fallut pas plus pour que tout le pub se réjouisse et que Tom offre une tournée générale de Whisky-Pur-Feu.
Je me rappelle avoir pensé à envoyer un hibou aux trois autres Maraudeurs. La Guerre était finie et Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était mort. La vie pouvait reprendre enfin reprendre son cours et je pouvais revoir ceux que j’aime. Notre complicité d’avant pourra de nouveau exister, notre amitié renaître de ces mois de guerres. Enfin, tout est terminé...
" Comment est-il mort ? demanda une voix, tranchant le vacarme ambiant en une coupure nette.
- Les rumeurs parlent d’un bébé qui l’aurait arrêté, répondit-il.
Tout le pub se mécontenta à l’entente de cette phrase.
- Un bébé ?! Dumbledore n’a pas exterminé cette vermine, mais un simple gosse aurait réussi à vaincre le pire Mage Noir de tous les temps ?! s’indigna une femme penchée sur sa table. Si ça se trouve, il n’est pas réellement mort !
- Je vous l’assure, c’est ce que j’ai entendu ! se défendit l’annonciateur.
- Et les parents de ce gamin, ils sont en voyage ? interrogea un homme en levant son verre d’exaspération.
C’est vrai, un bébé ne peut pas vivre sans ses parents, tout comme il ne peut pas arrêter un mage noir Cette histoire devenait louche. J’avalais mon Whisky et en demandait un nouveau quand le messager répliqua d’un ton sec :
- Morts, tous les deux. Le père a tenté d’arrêter Vous-Savez-Qui et la mère a essayé de protéger son fils. Vous-Savez-Qui voulait leur peau plus que n’importe qui.
Mon cœur s’arrêta. Un couple avec un fils, pourchassés par Voldemort. Ça ressemblait bien trop à une famille que je connaissais ; ils ne pouvaient pas être attaqués. Jamais…
- Leurs noms… commençais-je, difficilement. Comment s’appelaient-ils, les parents de ce bébé ?
Mon souffle se bloqua de peur ; j’avais envie de connaître leur nom… mais si c’étaient eux ? Non… ils étaient protégés par Dumbledore et surtout par Sirius. Patmol ne trahirait jamais son frère et sa meilleure amie.
- James et Lily Potter. Ils vivaient à Godric’s Hallows.
Un bruit sec résonna contre chaque mur du pub, brisant le silence qui pesait en attendant la réponse à ma question. Mon verre avait explosé en milliers de morceaux sur le sol.
Ma main s’est instinctivement accrochée au bar, pour chercher un soutient qui n’existait plus.
- Et Harry, leur fils ? je demandai alors qu’on m’apportait une chaise pour que je puisse m’installer.
Mon cerveau ne comprenait plus ce qu’il se passait. Il n’enregistra pas la réponse de l’annonciateur : « Il va bien, Dumbledore s’en occupe. ».
Il ne me ressassait que des vielles images.
Quand nous nous sommes rencontrés, par exemple.
Son sourire insolent quand il m’a salué et qu’il s’est installé près de Patmol. « Comment tu t’appelles ? » m’avait-il demandé sans une once de peur dans la voix.
Quand il a appris pour ma condition et qu’il m’a simplement dit : « Bah on fait quoi maintenant ? On descend dans la Grande Salle ou on reste plantés-là ? », me rassurant d’un sourire confiant.
Quand on a trouvé ce livre sur les animagus et qu’il m’avait apaisé d’un simple « t’inquiète, on gère ! »
Quand il était revenu de sa demande à Lily en cinquième année avec ce sourire insolent et une vilaine trace de doigts rougie sur la joue.
Quand ils avaient enfin réussi à se transformer et qu’il m’avait nargué d’un : « C’est quand la prochaine pleine lune Lunard ? » qui m’avait fait rire.
Quand on a terminé la carte des Maraudeurs et qu’il nous avait félicité d’un : « Bon bah on commence par quoi ? Il est où Servilo ? »
Quand Lily et lui sont enfin sortis ensemble et que son sourire insolent s’était transformé en sourire amoureux, un brin plus calme.
Quand ils ont décidé de se marier et qu’ils nous l'avaient annoncé avec leur regard pétillant de bonheur.
Quand on a quitté Poudlard et qu’il m’a dit : « Poudlard n’est pas le lieu de notre amitié, c’est l’endroit de sa rencontre. Le lieu de notre amitié est dans notre cœur… ».
Quand elle s’est avancée vers lui dans sa robe de princesse, que son regard étincelait et que son sourire rayonnait.
Quand Voldemort est devenu trop puissant et qu’il nous a calmé par son « C’est pas un méchant qui va nous effrayer ! »
Quand il nous a annoncé qu’il allait devenir papa, avec sa main dans les cheveux, gêné.
Quand il nous a présenté Harry, un sourire fier aux lèvres.
Quand je l’ai vu il y a quelques semaines pour l’anniversaire de son fils et qu’il m’avait rassuré : « La Guerre sera bientôt terminée et tout sera de nouveau comme avant ».
Et maintenant qu’il est parti, je ne verrais plus jamais son sourire insolent, rassurant, amoureux, gêné et fier.
On m’a enlevé mon meilleur ami ; un de ceux qui a le plus compté pour moi.
Un client me faisait de l’air alors que Tom me ramenait de l’eau. Les sons restaient bloqués au fond de ma gorge, mes larmes retenues par je ne sais quoi et la douleur emprisonnée dans mon cœur.
James Potter était mort, et une partie de moi avec…
C’est fou comme une simple pensée peut en ramener à d’autres.
Dans deux semaines je devrais affronter Londres, que j’ai quitté dès l’emprisonnement de Black prononcé, je devrais rencontrer Harry, qui doit tellement ressembler à son père. Dans deux minuscules semaines, je refoulerai le sol des Maraudeurs, où mes problèmes étaient atténués par mes amis. Dans deux semaines, je devrais protéger Poudlard de mon ancien meilleur ami ; Sirius Black s’étant échappé.
Tout tombe la même année…est-ce une chance ou un malheur ?
Dans quelques mois, cela fera treize ans que James et Lily sont morts. En treize ans le monde a changé, mais moi ; est-ce que j’ai évolué depuis le 31 Octobre 1981 ?
Deathly Hollow…