Marlene n’avait pas attendu qu’il soit assis à la table des Gryffondor pour se précipiter sur lui, un grand sourire aux lèvres. Autour d’eux, les élèves levèrent la tête et répétèrent cette phrase avec enthousiasme. Sirius écarquilla les yeux, étonné. Comment l’avait-elle su ? L’année précédente, il avait longtemps attendu avant de confier à ses nouveaux amis que c’était son anniversaire. Il ne pensait pas qu’ils s’en souviendraient, et pourtant… Les Maraudeurs n’avaient pas eu besoin de rappel et désormais, tous les Gryffondor lui souhaitaient.
Une fille à sa droite demanda alors à sa voisine si elle savait que c’était son anniversaire. Quand elle lui répondit par la négative, il réprima un rire. Ses camarades avaient peut-être été aidés par les Maraudeurs, tout compte fait. Il les remercia d’un sourire général et laissa les conversations reprendre peu à peu autour de lui.
Le courrier était déjà arrivé. Un hibou, celui de sa cousine Andromeda, lui mordilla le doigt, peu content d’avoir dû patienter. Les Maraudeurs étaient exceptionnellement très en retard ce matin-là. Certains élèves s’échappaient déjà de la Grande Salle pour rejoindre leur classe. Deux paquets l’attendaient, l’un de son oncle Alphard, l’autre d’Andromeda. Une troisième lettre, non signée, était accrochée à une chouette qu’il ne connaissait pas. Le grand Duc de sa famille n’était pas là. Sirius ne soupira pas, mais sa gorge se serra. Il libéra les oiseaux avant qu’ils ne l’attaquent et les regarda s’envoler à tire d’aile. Puis il vida son verre d’une plume noire, souffla pour enlever toute trace et le reposa sur la table.
L’enveloppe inconnue était légère et bien scellée. Son nom était inscrit avec élégance sur le papier blanc et, en l’observant avec curiosité pour deviner l’expéditeur, l’écriture lui sembla familière. Quelque chose dans le B de Black qui… Une idée lui traversa l’esprit. Il se redressa, surpris. De l’autre côté de la Grande Salle, entouré d’autres première année de Serpentard, Regulus lui sourit.
Sirius sentit son cœur battre si fort qu’il se demanda comment il pouvait rester sagement dans sa poitrine. Son frère ne lui avait rien envoyé pour ses douze ans. Etait-ce sa mère qui l’en avait empêché ? Avait-il pensé à lui alors qu’ils étaient séparés par des centaines de kilomètres et une écharpe rouge et or ? Il déchira l’enveloppe avec un tel empressement qu’il manqua d’éborgner Remus d’un coup de coude maladroit. Il s’excusa et oublia tout le reste.
Il n’y avait qu’une simple photographie. Regulus et lui, trempés et souriants, devant une cheminée flamboyante.
C’était l’hiver. Le dernier de Sirius avant son entrée à Poudlard. Il avait neigé toute la nuit et Regulus l’avait sorti du lit pour voir le spectacle de Grimmault Place d’un blanc immaculé. Les garçons avaient supplié pendant de longues minutes pour se voir accorder le droit d’aller chez leurs cousines afin de profiter de leur grand parc et de la neige. Ils avaient joué pendant des heures. La neige était fraîche et avait recouvert le paysage d’une couche de poudreuse épaisse qui crissait sous leurs pas. C’était une invitation à la plus mémorable bataille de boules de neige de la famille Black. L’audace de Sirius, associée au soutien sans faille de Regulus, leur avaient permis de mener une guerre qui avait duré des heures. Quand leur père était arrivé pour les récupérer, le ciel était déjà noir mais les enfants restaient dehors. Orion avait dû les forcer à rentrer, à coups de baguette magique et de boules de neige ensorcelées. Les frères s’étaient précipités devant la chaleur bienfaisante de la cheminée, trempés et grelottant, criant au tricheur et les yeux brillant d’un dernier fou rire.
Leur père avait pris cette photo, gravant sur le papier les souvenirs d’une enfance passée. Là, les frères ne s’étaient pas quittés, toujours recroquevillés l’un contre l’autre près de cette cheminée dont Sirius sentait presque la chaleur. Parfois, le Sirius de la photo bousculait son frère et Regulus rétorquait par une ultime poignée de neige dans le col de sa cape. Les personnages riaient et prenaient la pose pour la photographie, avant de recommencer.
Huit mois plus tard, cette relation si forte, cette amitié qui semblait éternelle avait été brisée par un chapeau hurlant Gryffondor. Alors qu’ils s’étaient juré de s’écrire aussi souvent que possible jusqu’à ce que Regulus le rejoigne à Poudlard, le hibou familial n’envoya jamais de courrier.
Sirius avait la gorge nouée au souvenir de ce qu’il avait perdu. D’un geste discret, il essuya un semblant de larme qui gênait son œil droit. Il retourna la photo. Quelques mots étaient inscrits :
« Je n’oublie pas.
Joyeux Anniversaire Sirius,
R. »
Il releva la tête pour remercier son frère. Il avait disparu.
We made these memories for ourselves
Where our eyes are never closing
Our hearts were never broken
And time’s forever frozen, still