Je suis le dernier à arriver dans la salle commune, pour cette réunion impromptue qu’a appelée James. Mes amis sont assis autour de la cheminée, dans le petit coin officieusement réservé aux élèves de septième année. Je les rejoins, prenant place sur le fauteuil au haut dossier qu’ils m’ont laissé, et jette un regard à James, assis à ma droite.
— Bon, on est tous là, dit Remus. Tu veux enfin nous dire pourquoi tu nous embêtes ce soir ? J’ai des devoirs à faire.
— Les amis, la situation est grave, très grave, dit James d’une voix sombre. Un gros problème se présente à nous, que nous devons régler au plus vite.
Remus, Peter et moi échangeons un regard perplexe. Un gros problème ? Nous ne sommes au courant de rien, pourtant. Notre dernière blague contre les Serpentard s’est déroulée sans accroc, aucun professeur ne nous menace particulièrement cette semaine, les escapades avec Remus se déroulent sans problème tous les mois, et la Carte du Maraudeur continue à fonctionner à merveille. Je ne vois pas de quoi il peut bien parler.
— Vous voyez, je sors avec Lily depuis le début de l’année.
Comme chaque fois qu’il en parle, James nous regarde avec un air fier, l’air de dire « oui, moi, James Potter, j’ai fini par faire tomber la belle Lily Evans sous mon charme, à force de persévérance et de patience et de juste un peu de harcèlement. »
— Peter, il a Rebecca.
Nous nous tournons vers notre ami, qui rougit. Jusqu’à l’été dernier, nous croyions à moitié que Rebecca – la correspondante tchèque de Peter depuis sa troisième année, avec qui il disait entretenir une relation romantique de longue distance depuis deux ans – n’était qu’un bobard qu’il nous racontait, une copine imaginaire élaborée. Jusqu’à ce que nous la rencontrions enfin et dûmes avouer qu’elle existait bien.
— Et Remus, il sort avec Anita.
— On ne sort pas ensemble, proteste Remus, comme chaque fois qu’on en parle. On est amis, c’est tout !
— Ouais, d’accord, reprend James. Et Remus, il est ami avec Anita, qu’il voit tous les soirs et qu’il amène chez Madame Pieddodu à la Saint-Valentin.
Remus grommelle dans sa barbe.
Je crois voir où veut en venir James avec tout ça, et je n’aime pas ça du tout. J’essaie de faire dévier la conversation.
— Jamesie, tu sais, je crois que –
— Mais Sirius ! m’interrompt-il.
Il se lève et vient s’asseoir sur le bras de mon fauteuil. Il me passe un bras autour du cou et m’ébouriffe les cheveux.
— Sirius, il n’a pas eu de relation qui a duré plus de trois semaines depuis le début de la cinquième année, continue James. Et je commence à sérieusement m’inquiéter de son sort. On va tous avoir de belles grandes familles après Poudlard, et Sirius va rester seul à moisir dans son appartement.
— Même pas !
Je tente de m’extirper de la prise de mon meilleur ami, mais celui-ci ne veut rien savoir, ne me serrant que plus fortement contre lui.
— Si, si, je t’assure ! s’exclame James. Alors je te jure solennellement, en tant que ton meilleur ami, je te trouverai une copine digne de ce nom d’ici la prochaine sortie à Pré-au-Lard et vous pourrez accompagner Remus et Anita chez Pieddodu.
Remus lève les yeux au ciel, et je soupire, peu amusé pour une fois par les bêtises de mon ami.
— Non, vraiment, James, ce n’est pas nécessaire.
— N’importe quoi ! Quel genre d’ami ferais-je si je ne t’empêchais pas de vivre seul avec ta moisissure ? Nous sommes les Maraudeurs, après tout, non ? C’est à ça qu’on sert !
Il me donne une tape sur l’épaule, et se tourne vers Remus et Peter.
— Alors, des idées ?
— Euhm…
Remus me regarde, un air compatissant – mais aussi légèrement amusé – sur le visage.
— Audrey Parker, à Serdaigle, elle est mignonne.
— La préfète ? demande James. Tu vois vraiment Sirius avec une préfète ?
— Mara Lee, en sixième année ?
— Hum, je ne sais pas. Elle ne m’a jamais fait une grande impression.
Et ça continue comme ça pendant près de dix minutes. Remus et Peter suggèrent ce qui me semble toutes les filles de Poudlard, et James les écarte pour des raisons plus ou moins logiques et recevables. « Trop petite. » « Trop jeune. » « Pas assez drôle. » « Pas assez brillante. » « Elle est à Poufsouffle. »
Après un moment, avec un soupir, je fais mine de me lever.
— Bon eh bien puisque vous n’avez pas besoin de moi –
Mais James me pose les deux mains sur les épaules et pousse pour que je reste assis. Puis il se laisse glisser du bras de la chaise jusqu’à être tassé contre moi, nos cuisses collées des hanches aux genoux. Une position qu’on adoptait régulièrement, quand on était plus jeunes et qu’on n’avait pas encore le choix des sièges à occuper dans la salle commune de Gryffondor. Maintenant, à dix-huit ans, celle-ci est plus étroite. Plus intime.
James me passe ensuite un bras autour du cou, le posant nonchalamment sur mes épaules.
— Ah non, tu vas nulle part ! dit-il en riant. Dis-nous ce qui te plairait !
Mon visage reste impassible. Ce qui me plairait, ça serait de pouvoir rester éternellement ici, collé contre James, ma peau semblant trois fois plus chaude que d’habitude à chaque point de contact entre nous deux. Avoir le poids de son bras sur mes épaules, son souffle chaud qui me chatouille l’oreille dès qu’il parle ou rit. Sentir son shampoing à la menthe, à quelques centimètres seulement de mon nez.
Ce qui me plairait, ça serait de pouvoir prendre la main de mon ami, passer les doigts dans ses cheveux désordonnés qui semblent nous inviter à jouer avec, tourner la tête et poser, tout doucement, mes lèvres dans son cou, juste là, sous son oreille.
Mais James ne le saura jamais. Il ne le doit pas. Alors je souris à mes amis.
— Mara Lee, pourquoi pas ? C’est vrai qu’elle est mignonne.
Participation au concours En Images organisé par Weasley16.
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